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jeudi 19 février 2009

Le Charançon Libéré

posté à 15h04, par JBB
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La « justice » à toutes les sauces : Sarkozy a découvert un nouveau mot…
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Il s’est trouvé un nouveau hochet et a pris garde de l’agiter à de nombreuses reprises, hier, au cours de son allocution télévisée. Avec l’usage récurrent du mot « justice », Sarkozy pense faire illusion et laisse croire qu’il a pris la mesure de la contestation sociale. Un attrape-gogo repris comme un seul homme par des ministres soucieux de dire à leur tour leur amour de la « justice ». Sans déconner…

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La radio libre FPP m’a gentiment proposé de faire une petite chronique hebdomadaire, le jeudi à 12 h 30. Comme je ne recule devant rien, je vous la copie-colle ici et j’espère que vous me pardonnerez la relative indigence de ce billet (il y a des jours comme ça…). Hop !

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J’aurais voulu vous dire simplement bonjour

Mais l’heure est trop grave pour ça

Et il convient, en ces temps troublés, de prendre un ton de circonstance et des accents de responsabilité

De se montrer conscient des lourds enjeux économiques et sociaux que doit relever la République.

Et de se la jouer solennel.

Je vais donc prendre un ton de circonstance.

Et vous saluer comme il se doit : mes chers compatriotes, bonjour !

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L’heure n’est pas à la rigolade.

Et je suis certain que vous claquez comme moi des talons, que vous redressez les épaules et que vous gonflez les pectoraux à la pensée de ce qui attend notre fier pays, ces mois qui s’annoncent si mouvementés et agités.

C’est en tout cas ce que j’ai ressenti, hier soir, en regardant l’allocution présidentielle.

A tel point que je me suis plusieurs fois levé de mon fauteuil pour bomber le torse.

Que j’ai renversé ma bière dans mon empressement enthousiaste à applaudir les annonces de Nicolas Sarkozy.

Et que j’ai même entonné à deux reprises la Marseillaise, tout seul, devant mon écran, levant l’étendard sanglant contre la tyrannie à tue-tête et vachement convaincu que le jour de gloire était arrivé.

Je ne vous la chante pas ici, mais le cœur y est…

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Dans ce qui restera comme un des grands moments historiques de re’motivation populaire par le guide suprême de la nation, il y a un passage qui m’a particulièrement enthousiasmé.

Et qui m’a encore plus ému que tout le reste du baratin.

Soit celui où le président a su donner à son allocution des accents churchilliens.

En énonçant un très efficace remake du « Je n’ai à vous offrir que du sang, de la sueur et des larmes » prononcé par le premier ministre anglais en mai 1940 devant la Chambre des Communes.

Phrase historique devenue, à la sauce sarkozyste : « Je vous propose le seul chemin qui vaille, celui de l’effort, celui de la justice, celui du refus de la facilité. »

Faut être honnête, ça claque sa mère.

Et ça donne vachement envie de retrousser ses manches pour voir se lever cette aube radieuse que nous annonce le président.

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La référence à l’effort n’est pas vraiment nouvelle dans la mythologie sarkozyste.

Tant Nicolas n’a cessé de chanter les vertus du travail et du labeur depuis qu’il s’est donné pour thème, avant les élections, la défense d’une France qui se lèverait aux aurores.

Quant au refus de la facilité, il est lui aussi un axe récurrent des discours du bouffi à talonnettes.

L’expression servant de paravent démagogique pour justifier les mesures les plus inégalitaires et pour cautionner une pseudo politique de l’audace, celle qui consiste par exemple à ne servir que les intérêts des puissants en se fichant comme d’une guigne des plus faibles.

Mais la référence à la justice - par contre - est une vraie nouveauté.

Et il faut évidemment y voir la prise en compte de cette crise sociale qui, des manifestations parisiennes aux émeutes des Dom-ton, prend sans cesse de l’ampleur.

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Ce n’est donc pas un hasard si le terme « justice » est celui qui est revenu le plus souvent, hier, dans la bouche du président.

Même s’il le prononçait comme un gros mot, pressé de l’expulser et de s’en débarrasser

Ce n’est pas non plus un hasard si les principaux soutiers du régime n’avaient, eux-aussi, que ce mot-là à la bouche.

Depuis Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP se félicitant que « la justice soit, encore une fois, au cœur des décisions » - « encore une fois », on croit rêver…

Jusqu’à Brice Hortefeux, ministre des Affaires sociales martelant dans le Parisien son « souci absolu de justice », avant d’insister : « Notre seul objectif, c’est la justice. »

En passant par François Fillon, rappelant benoîtement : « On a voulu des mesures de justice pour ceux au fond qui n’ont jamais droit à rien, c’est-à-dire les classes moyennes, les revenus modestes. »

On y croirait presque…

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Si la justice est sur toutes les lèvres ministérielles.

Il faut noter que Nicolas et le chœur de pleureuses lui faisant écho se gardent bien d’y accoler le seul mot qui pourrait lui donner du sens, l’adverbe « social »

Un oubli plus que révélateur.

Signifiant combien rien ne va changer, sinon l’enrobage du discours.

Et combien il n’est pas question pour un président qui a redit sa volonté de poursuivre martialement les réformes engagées de pratiquer une politique de correction des inégalités

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La chose ne devrait pas me surprendre.

Mais elle a pourtant un peu douché mon enthousiasme.

Et je ne suis plus sûr, chers compatriotes, de continuer longtemps à bomber le torse et à claquer des talons en écoutant le baratin présidentiel.

Tant Nicolas Sarkozy est aussi crédible quand il évoque la justice que moi quand je me revendique patriote et ému par la Marseillaise.

C’est dire…


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