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lundi 22 septembre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 12h02, par JBB
29 commentaires

Nicolas Sarkozy, la classe américaine…
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La crise financière mondiale ? Je m’en bats le steak. Le débat parlementaire sur la guerre en Afghanistan ? Je m’en balance royalement. Ce sont là broutilles face à l’honneur qui va m’être fait ce soir et demain à New-York, avec la remise d’un « humanitarian award » puis mon sacre comme homme d’Etat de l’année. Preuve que si la France me critique, l’Amérique m’aime. La classe, non ?

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Les entendez-vous, ces applaudissements ?

Les voyez-vous, ces convives élégamment vêtus, tous hommes et femmes de la plus haute importance, debout pour m’acclamer et me féliciter ?

Y assistez-vous, à mon triomphe ?

Non.

Vous n’y êtes pas.

Comme d’habitude, réflexe si prompt aux Français, vous parlez sans savoir.

Vous critiquez.

Vous persiflez.

Et je n’en ai cure.

Mieux : je m’en fiche comme de ma première Rolex série limitée (quoique…).

Tant mon entrée, d’ici peu (je suis en train de me préparer, c’est vous dire si le moment approche) au restaurant Cipriani, sera mon heure de gloire, ma reconnaissance personnelle, mon diplôme d’entrée dans l’élite.

Tandis que vous resterez à la porte de ce lieu illustre.

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Seules quelques images dans les journaux télévisés vous permettront d’entrevoir ce que j’aurai vécu avec la remise de cet « humanitarian Award » des mains d’Elie Wiesel.

Un prix qui récompensera « (mon) action humanitaire dans divers domaines, particulièrement dans les conflits internationaux et dans la mobilisation de millions de dollars pour l’Afghanistan et les pays africains ».

Ça vous la coupe, hein ?

Oui.

A moi aussi, d’ailleurs.

Et il m’arrive même (rarement, je vous rassure) de me dire que cette breloque, qui fera forte impression en mon présidentiel bureau, coincée entre une photo de ma Carlita et mon diplôme d’avocat d’affaire, ne devrait pas me revenir.

Tant mon « action humanitaire » reste vague et plutôt meurtrière, surtout marquée du sceau de l’intensification de l’effort de guerre français en Afghanistan.

Mais…

Qu’importe si ce prix n’est qu’un instrument aux mains des faucons américains et des lobbys israéliens… on m’offre, je prends.

On m’acclame, j’accepte.

On me sourit, je souris.

La vie est simple, non ?

__3__

Tellement simple, même, que je vais remettre ça le lendemain.

Bis repetitae, comme dit mon fidèle Guéant, homme de lettres et de citations qui n’apprécie rien tant que me voir heureux parce que intégré à la très petite société des très grand de ce monde.

Et ami fidèle qui sait combien j’aime me retrouver au centre des regards et des attentions.

Le décor changera, bien sûr : ce ne sera plus le restaurant Cipriani, mais le Waldorf Astoria.

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Mais l’esprit restera le même.

Et je remonterai à nouveau cette longue travée sous les applaudissements pour recevoir le World Statesman Award des mains du rabbin Arthur Schneier, président de la très atlantiste fondation Appel de la conscience.

Une distinction que j’ai réussie à décrocher en faisant « preuve de détermination et persévérance » face aux « défis politiques, sociaux et humanitaires d’aujourd’hui » et en m’affirmant comme le « champion des droits de l’Homme, de la démocratie et de la tolérance, tout comme de la défense de l’environnement ».

« Champion des droits de l’Homme »…

Je sais, ça surprend.

Moi-même…

Je ne veux pas vous la refaire à l’envers : je me suis un peu pincé quand j’ai appris que le rabbin Schneier et ses illustres amis me voyaient ainsi.

Tant il me semblait avoir d’autres qualité, mais pas forcément celle-ci.

Mais…

Qu’importe si ce prix n’est qu’un instrument aux mains des faucons américains et des lobbys israéliens… on m’offre, je prends.

On m’acclame, j’accepte.

On me sourit, je souris.

La vie est simple, non ?

__3__

Comment ?

Un peu trop simple, vous dites ?

Un moment mal choisi, vous persiflez ?

Vous n’êtes pas sérieux, j’espère ?

Si ?

Mince, vous me connaissez mal.

Comprenez-moi bien : peu me chaut que ces remises de breloques atlantistes puissent apparaître comme la récompense de l’intensification de l’effort de guerre français en Afghanistan.

Et je me contrefous aussi que certains mauvais esprits établissent un parallèle entre ces distinctions remises pour services rendus à la cause américaine et ces médailles que j’ai récemment décernées, à titre posthume, à nos soldats morts sur le front afghan.

Mieux : je me fiche comme d’une guigne qu’on me remette ces diplômes de bonne conduite atlantiste alors même que le Parlement français discute de la justesse de notre engagement militaire en ce lointain pays.

Et je m’en bats l’oeil (et même les deux…) si mon attitude apparaît comme un magnifique bras d’honneur aux parlementaires et à l’opinion publique du pays que je suis censé représenter.

Ce sont là broutilles, discussions de bas-étage dont je n’entendrai même pas la lointaine rumeur, confortablement installé aux tables du Cipriani puis du Waldorf Astoria.

Et seul parviendra à mes oreilles le doux murmure des conversations feutrées, des fourchettes qui s’agitent avec retenue et des applaudissements qui s’enchaînent.

Parce que ce soir, demain, je serai le plus beau pour aller au bal.

Le reste…


COMMENTAIRES

 


  • lundi 22 septembre 2008 à 15h23, par totolezheros

    faudrait aussi un petit peu associer Brice à ce magnifique succès, non ?

    Voir en ligne : http://tinyurl.com/6qn3t5

    • lundi 22 septembre 2008 à 16h49, par JBB

      Je suis sûr que Nicolas Sarkozy aura un petit mot à son intention au moment de la remise des distinctions. Façon : « je remercie ma maman, ma petite Carlita, sans qui rien n’aurait été possible, et mon ami Brice Hortefeux, qui a toujours aboyé avec fidélité dans mon sillage »



  • lundi 22 septembre 2008 à 15h26, par Zgur

    « ce soir, demain, je serai le plus beau pour aller au bal. »

    Et qui, ce soir, sera la poubelle pour aller danser ?

    Danser !

    avec lui !

    Je ne suis pas invité et je sors ...
    Vite...
    Sous les coups de sac à main d’Edvige et Cristina.

    Arf !

    Zgur

    Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr/

    • lundi 22 septembre 2008 à 16h50, par JBB

      Non, non, reste.

      Un jeu de mot aussi classe te range direct dans la catégorie des invités d’honneur de ce site. Tu es ici chez toi !



  • lundi 22 septembre 2008 à 15h57, par Lulu

    ...et ainsi qu’ on le constate sur le site de l’innénarable fondation Wiesel, ce magnifique prix ’humanitaire’ a précedemment été remis à Bush, grand humanitaire devant l’éternel comme nul ne l’ignore ...

    • lundi 22 septembre 2008 à 16h52, par JBB

      Oui, il n’y a pas de hasards.

      Il y a quand même des gens qui n’ont pas peur des mots. Il me semblait que Bush et humanitaire, encore plus que Sarkozy et intégrité, étaient des termes inconciliables. Comme quoi…

    • lundi 22 septembre 2008 à 17h52, par Guy M.

      Donc, si je comprends bien, cette récompense ressemble beaucoup aux Ig-Nobel (qui récompensent les plus beaux foutages de gueule scientifiques de l’année) mais dans le domaine de l’humanitaire.

      C’est redoutable l’humour de ces gens-là (mais je leur trouve le second degré trop subtil...)

      Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

      • lundi 22 septembre 2008 à 18h41, par JBB

         :-)

        Sur ce coup, c’est très très très subtil… Ouhlà, comme c’est subtil… Tellement que c’est au moins du 156e degré. Et encore…



  • lundi 22 septembre 2008 à 18h30, par dan

    Ce prix est censé récompenser “des êtres exceptionnels qui ont consacré leur vie à combattre l’indifférence, l’intolérance et l’injustice”...
    Je me suis pincée, j’ai lu et relu votre article : rien à faire je n’arrive pas à accepter que l’on puisse être aussi cynique (lois ADN, expulsions , l’inhumanité envers les migrants et les droits des exiles régulièrement bafoués à Sangatte) Et ce président serait un être exceptionnel ! Décidèment le monde ne tourne plus rond

    • lundi 22 septembre 2008 à 18h45, par JBB

      Ouais, autant d’indécence et de bêtise laisse sur le flanc, le souffle à l’arrêt et la tête vide.

      Mais ça ne trompe pas grand monde : ces deux distinctions ne sont rien d’autre que des leviers mis au service de la politique américaine. Dans le cas du président français, c’est particulièrement efficace : suffit de lui donner un sucre, un hochet ou une grosse montre de luxe pour satisfaire son ego. Et obtenir ensuite ce que l’on veut.



  • lundi 22 septembre 2008 à 18h36, par Pooloxanosasdai

    Mais c’est qui ce Sarkoy ???

    • lundi 22 septembre 2008 à 18h46, par JBB

      Oups, la honte, je n’avais pas vu la faute.

      Je corrige de ce pas, merci de l’avoir signalée.



  • lundi 22 septembre 2008 à 19h13, par André Chenet

    Et dire que c’est Élie Wiesel qui va lui remettre ce prix !!! Cauchemar ou farce ???

    • lundi 22 septembre 2008 à 19h50, par JBB

      On n’est malheureusement pas toujours fidèle à son passé et à sa légende.

      A propos d’Elie Wiesel, je me contente de vous copier-coller la fin de sa notice sur Wikipedia :

      "Le 12 mars 2003, il écrit dans le San Francisco Chronicle[1] : « Bien que je sois opposé à la guerre, je suis favorable à une intervention quand aucune autre option n’est possible, et telle est la situation présente, en raison des louvoiements de Saddam Hussein et de sa constante procrastination ». Élie Wiesel affirme croire Colin Powell, « un grand soldat et un homme qui n’aime pas la guerre », quand il affirme que l’armée irakienne possède des armes de destruction massives. Il a depuis regretté cette prise de position.

      (…)

      En février 2007 il apparaît dans un film court intitulé Soyons ferme avec l’Iran, projeté dans quelques salles de cinéma à Paris, et dans lequel il met en garde sur le danger nucléaire iranien et avertit qu’il est nécessaire d’envisager toutes les options face à cette menace."

      Bref, les récentes prises de position d’Elie Wiesel correspondant bien à une certaine politique bushiste.

      • lundi 22 septembre 2008 à 20h08, par dan

        Elie wiesel explique dans une interview accordée à Daniel Riot que c’est la France qui est honorée à travers son président.

        http://www.dailymotion.com/StrasTv/...

        Peut - être une tentative d’explication de quelqu’un qui se rend compte de l’indécence du geste.

        • lundi 22 septembre 2008 à 21h50, par JBB

          Peut-être. Mais il me semble qu’il est rentré dans un mode de pensée dans lequel il ne se sent guère tenu aux explications. Comme ses compères faucons, je dirais qu’il ne se sent pas obligé de se justifier, seulement de communiquer. Mais je me trompe peut-être du tout au tout.

          • mercredi 24 septembre 2008 à 18h03, par dan

            bonjour

            Voici un petit extrait d’un article du Figaro : Nicolas Sarkozy, accompagné de son épouse, y a été accueilli au son des trompettes de Händel et couvert d’éloges par Elie Wiesel.

            Vous avez entièrement raison. Suis-je sotte d’accorder encore un semblant d’excuse à ces gens - là !

            • mercredi 24 septembre 2008 à 18h17, par JBB

              Sotte, sûrement pas. Un homme avec le passé d’Elie Wiesel mérite le respect, même quand il se fourvoie. Lui chercher un semblant d’excuse paraît des plus naturels.

              • jeudi 2 octobre 2008 à 23h56, par pièce détachée

                ...« des plus naturels » ??

                Paraphrasons donc Ana Novac - qui, comme Elie Wiesel, serait on ne peut plus habilitée à se retrancher derrière ce qu’elle appelle Les beaux jours de ma jeunesse :

                être une victime n’empêche personne de faire trempette de bon coeur dans des mascarades cauchemardesques.



  • lundi 22 septembre 2008 à 20h44, par Françoise

    La médaille... Elle est en forme de fenêtre à barreaux d’où on voit un ciel à rayures ? De fenêtre sans barreaux d’où on saute ? En forme de quota ? En forme de larmes d’enfants expulsés, de veuves, d’orphelins, d’estropiés ? De sans-papiers tabassés ? Couleur rouge-sang ? Avec caméra-vidéo et fichiers et taser et flash-ball incorporés ?

    Voir en ligne : http://repvblicae.wordpress.com/

    • lundi 22 septembre 2008 à 21h52, par JBB

      De tout ça, Françoise. Le résumé est parfait.

       :-)

      Et nul doute que Sarko finira par davantage ployer sous le poids de ses crimes que sous celui de ces médailles décrochées à mauvais titre.



  • lundi 22 septembre 2008 à 21h59, par DJM de Cambrai

    Avec sarko, j’ai le sentiment nauséeux de me trouver dans un train fantoche ; dans un film de Kubrick, ( c’est toi John Wayne ) ; au beau milieu d’un monde qui ne demande qu’à périr, mais avec la TV et autres journaux de mes deux ; dans une société qui trace une ligne précipitant les honnêtes gens dans les filets des gens culottés.
    Mais PUTAIN, pour un peu, j’en appellerais au com-back de l’autre meneur de brebis égarées : dieu, revient, ils sont devenus gnous, ils ont voté sarko. Je déconne.
    N B : C’est Pavlovien, dès que j’entends sarko , sitôt que se pointe une rolex ; je bave, je grogne, je lève la patte. Mon épouse doit me poser la muselière et sortir le martinet.

    • mardi 23 septembre 2008 à 12h11, par JBB

      Pas d’inquiétude, ça me fait tout pareil. A force de lever la patte, ma niche a même choppé une odeur peu ragoutante et mes proches m’ont menacé de me piquer si je ne me montrais pas un peu plus propre. Mais je m’en fiche et j’ai décidé de continuer jusqu’à ce qu’on soit assez nombreux à aboyer et à chasser en meute. Ça viendra.



  • mardi 23 septembre 2008 à 07h44, par skalpa

    La classe américaine ?

    attention créature hybride....

    à plus l’insecte !

    Voir en ligne : Kprodukt, blog actif et militant(?)



  • lundi 29 septembre 2008 à 08h58, par dan

    Bonjour Charençon
    Je viens d’entendre sur France Inter un extrait du
    reportage d’Haydee Saberan dans Libé... « A Calais, les nuits blanches des exilés érythréens »...

    "Un hangard immense aux fenêtres cassées... Il y a quelques jours, ils étaient plus de 200... Cette nuit-là, moins de 100...

    21 heures, mercredi... Ils sont autour du feu... On décapsule les bières avec les dents... On se plaint des CRS : ’Parfois, ils t’aspergent de gaz lacrymogène, et tu tombes’... Ils fredonnent une chanson inventée par Gandji, un garçon assis par terre... ’Nous vivons à Calais... Un jour, nous irons en Angleterre... Policier de Calais, s’il te plaît, ne viens pas le matin : nous voulons dormir’...

    Mais à 7h30, un migrant pousse la grille qui donne sur la rue... Un fourgon de police déboule... Les hommes courent... Les enfants regardent... Des corps minces et rapides filent dans la salle... Les CRS en ont attrapé quelques-uns dans le squat des Soudanais, près de la voie ferrée...

    14 heures, quai de la Moselle... Les bénévoles distribuent les repas... Babak, 23 ans, jeune homme aux allures d’étudiant : ’Savez-vous où je peux m’adresser pour demander l’asile ?... Je suis fatigué’"...

    On n’ose lui suggérer de faire pousser des graines ou de boire du lait de jument..."

    Si vous pouviez faire un papier sur cette honte qui se passe chez nous ! Il faut absolument que l’on en parle.

    • mardi 30 septembre 2008 à 13h05, par JBB

      Bonjour Dan

      Vous avez raison, il faut parler et reparler de cette indignité, véritable injure à toutes les valeurs que la France prétend incarner. Le traitement réservé à ces réfugiés est le meilleur indice de ce que notre pays est devenu : une forteresse sans coeur et sans pitié qui n’a de cure de ceux qu’elle serait censée accueillir avec les honneurs.

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