ARTICLE11
 
 

vendredi 24 juillet 2009

Le Cri du Gonze

posté à 14h11, par Lémi
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Exclusif : Michael Jackson poussé au suicide par une conspiration situationniste !
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Mort, pas mort ? Suicidé, pas suicidé ? Zigouillé, pas zigouillé ? Les interrogations s’accumulaient et on devinait qu’on avait pas fini d’en bouffer, du Jackson posthume. Alors, le jour où on a reçu une étrange lettre post-mortem du zig en question, on a lancé des investigations à grande échelle, mobilisé toutes nos ressources. Histoire de mettre un point final à cette histoire qui risquait de s’éterniser.

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C’est une des rubriques à l’origine de la réputation mondiale d’Article 11, une de celles qui en ont fait l’égal d’un Nouveau Détective ou d’un Entrevue – modèles journalistiques s’il en est – en matière de révélations fracassantes. D’ailleurs, on nous demande souvent notre secret, nos entrées, on nous accuse même d’être prêts à toutes les complaisances pour garder nos contacts, au mépris de la plus élémentaire déontologie journalistiques. Rien de plus faux. Et pourtant, la rubrique « Courrier de l’au-delà », le seul courrier des lecteurs de l’hexagone (du monde ?) réservé à la gente post-mortem, continue de marcher du tonnerre de Dieu. Il nous arrive même souvent de recaler des postulants, trop nombreux qu’ils sont à se presser au portillon. Pas plus tard qu’il y a deux semaine, Georges Marchais souhaitait ainsi s’exprimer en ces pages pour requinquer ses troupes PC moribondes, on a refusé, pas question d’enfoncer encore plus bas la bande à Buffet. Idem pour cette missive de Nixon félicitant Obama pour sa gestion des affaires en Afghanistan, ça n’aurait pas été rendre service au président ricain que de la rendre publique. Enfin bon, tout ça pour dire que nous maintenons plus que jamais de solides relations avec le Walhalla et qu’on a pas fini de vous abreuver de scoops.

La preuve : on vient de recevoir un message direct from the sky qui va faire couler beaucoup d’encre. Autant vous le dire tout de suite, les envieux vont se déchaîner tant la déflagration sera puissante. L’auteur du message ? Un certain Michael Jackson, tout frais émoulu de l’académie des zombies. Le but de ce courrier ? Faire la vérité sur sa mort, dissiper les doutes et stopper le concert des rumeurs. Et c’est là, dans l’exposé des motifs de la mort volontaire du mutant de l’industrie du disque, que se situe « l’incroyable vérité » (ça vous a un petit côté Zone Interdite des familles, nope ? La marque des grands…) : si Michael Jackson s’est suicidé, ce n’est pas parce qu’il était physiquement et mentalement au bout du rouleau, c’est parce qu’il ne pouvait plus supporter son rôle de «  produit d’appel numéro une d’une société spectaculaire marchande viciée. » (ses propres termes) En clair, c’est par conviction politique fortement teintée de gauchisme radical que la star du moonwalk s’est glissée une peau de banane médicamenteuse sous ses gambettes magiques. Dur à croire, et pourtant. Il suffit de lire ce message, court et étonnamment argumenté (on ne se doutait même pas qu’il savait lire & écrire, alors théoriser situationnistiquement...) pour comprendre qu’il y a anguille sous roche, que le Jackson qu’on nous a vendu, même après sa mort, n’avait rien à voir avec le Jackson de la réalité (par contre, son horripilante tendance à parler de lui à la troisième personne indique bien une mégalomanie galopante qui n’étonnera personne) :


Peuple du monde,

Bambi sait que vous le pleurez et que votre détresse prend des allures d’ouragan de larmes. Il ne faut pas. Il est parti car c’était mieux ainsi, il ne pouvait plus assumer ce rôle de leader mondial de l’industrie du disque, de produit d’appel numéro un d’une société spectaculaire marchande viciée qu’on lui avait assigné de force. Bambi ne lisait pas Debord à ses débuts, il ne savait pas, il jouait avec tout ça. Il croyait distribuer du bonheur, fée clochette du peuple des danseurs. Bambi ne savait pas ce que ça cachait, l’industrie publicitaire & le racket des cerveaux. Plus tard, trop tard, il s’est plongé dans d’autres univers intellectuels, a délaissé NeverLand pour DebordLand. C’était inutile, il l’a vite compris. Devenu image à fragmentation, puissance spectaculaire, il ne pouvait plus échapper à son statut. Il l’a trop bien compris : « La culture (donc lui), devenue intégralement marchandise, doit aussi devenir la marchandise vedette de la société spectaculaire ». Il a bien essayé de se transformer en monstre, de détruire son image, il en a fait des tonnes, est devenu Frankenstein en pire, rien à faire, le mal était fait. Même ses tentatives pour se faire passer pour pédophile, le repoussoir ultime de nos sociétés malades, n’ont pas rassasié les requins avides de paillettes. Alors, comme son nouveau maître à penser, Guy D., il a préféré se donner la mort. Il faudrait que les gens comprennent.

Je me suis suicidé pour ne plus porter les valeurs de cette société. Pour enfin reprendre mon destin en main. Dites leur bien : je suis plus humain qu’ils ne le croyaient…

M.J.

05 juillet 2009, outre-tombe n°32,
Caveau des pop stars implosées avant péremption, allée Kurt Cobain


Bam. La déflagration n’aurait pas été plus fracassante si l’on avait mis la main sur l’album perdu des Beatles ou la vidéo égarée de l’homme Roswell. Et les locaux déjà bourdonnants d’Article 11 se sont transformés en ruche survitaminée. La suite ? Vous vous en doutez, la stupeur passée (Mickael Jackson citant Debord ? Bloody hell, ce monde est bien bizarre), on a enquêté. Vérifié nos infos et contacté nos taupes ectoplasmiques1. Et ce qu’on a découvert confirmait largement nos intuitions (élémentaires mon cher Jackson (five)).

D’abord, comme l’avaient annoncé certains journaux bas de gamme, c’est bien dans ses toilettes que Bambi a trouvé la mort, singeant Elvis dans les grandes largeurs. Deux boîtes de Tranxène vides à ses côtés, du vomi partout, il n’a pas fait les choses à moitié. Par contre, contrairement à ce qu’a annoncé Le Sun, ce n’est pas « Young Thaî XXX boys » que Bambi parcourait sur son trône, mais un ouvrage de Debord : « Commentaires sur la société du spectacle », raturé et couvert d’annotations. Gosh ! Ca se précisait…

Ensuite, on a retrouvé dans ses affaires, entre deux manuscrits inachevés (« Peter Pan en son royaume mental : psycho géographie de Never Land » & « De l’art de brouiller les pistes pour mieux s’emmêler soi même : l’auto-dérive ») le brouillon d’une lettre à Britney Spears laissant peu de doute sur ses intentions mortifères et leurs causes :


Chère Britney,

Bambi voulait te le dire depuis longtemps, il sait par quoi tu passes. Il t’a vu devenir trop tôt l’incarnation d’un Spectacle devenu fou. Il t’as vu t’enfoncer dans ce désert solitaire que ce monde réserve à ceux qu’il adule. Il t’a vu te raser la tête dans un geste désespéré & dérisoire pour cocufier cette image qui te colle à la peau, pour t’échapper. Bambi sait ce qu’ils veulent pour toi : que tu meures en plein vol pour que tu restes toujours la même. Bambi, lui, n’en peut plus. Il sait, de toute manière, qu’il te reverra bientôt. Courage.

M.J.


A ce point là de nos investigations, on n’en menait pas large. D’accord, on tenait un gros scoop. Mais, bordel, on ne parvenait pas à comprendre comment tout ça était possible, comment la mue de la star ultime de la pop en partisan éclairé du situationnisme, avait pu nous échapper. Comme si, du jour au lendemain, Hortefeux devenait rappeur hardcore sans que l’on s’en rende compte. Ou si, sans prévenir, les têtes d’affiche du Parti Socialiste devenaient des alliés des pouvoirs en place, comme ça, en douce. Risible. Ce genre de chose ne saurait échapper à notre sagacité légendaire, nope ? Du coup, on s’est replongé avec encore plus d’ardeur dans nos recherches. On a réécouté pour la centième fois l’album Thriller en quête de la clé du mystère. On s’est cogné au ralenti tous les clips du mutant en chef. On a passé à l’envers l’intégralité de la discographie du Jackson one, cherchant des messages subliminaux (on aurait aimé y trouver quelque chose comme « Le Spectacle de ma vie est le degré d’accumulation du capital à un point tel qu’il en devient image… », en pure perte) au cas où le bougre aurait fait comme Marilyn Manson.

Et, le croiras-tu ?, c’est un stagiaire à la con qui a fini par trouver la solution, par hasard. Parcourant les archives d’un certain Enrico Baj, situationniste italien et agitateur patenté du monde de l’art de la seconde moitié du XXe siècle. Ledit stagiaire, fouinant dans des documents d’archives oubliés, a exhumé une vieille lettre de Baj à son ami Asger Jorn. Le passage qui nous intéresse est celui-ci :

Et c’est là que soudain, j’ai eu cette idée folle : pourquoi ne pas enfin passer à l’action en s’attaquant à ceux qui représentent le summum des avanies mortifères de notre civilisation : les pop stars ? Il ne serait même pas nécessaire de les tuer, tout le monde sait que ce sont les gens les plus influençables du monde. Il suffirait de les gouroutiser, de les acquérir à nos idées, par la bande. Ensuite, ils imploseraient d’eux-mêmes. On ne peut être situationniste convaincu et, dans le même temps, tête d’affiche du Spectacle Propagande, c’est intenable. Ils ne feraient pas long feu. Quelques suicides de personnalités spectaculaires constitueraient une propagande anti-système efficace.

La réponse télégraphique d’Asger Jorn, immense peintre danois et compagnon de route des situationnistes de la première heure, était sans équivoque :

Très bonne idée. Guy Enthousiaste. Nommons ce mouvement activiste BADS (Boutons les Artistes hors du Détritus Spectaculaire). Suggérons de se focaliser sur une vedette particulièrement vulnérable pour envoi documentation et première approche. Des idées ?

La suite est facile à décrypter, le BADS n’ayant pas eu à chercher bien loin pour trouver l’homme adéquat...



1 John Lennon, old chap, sur ce coup là, on te doit une fière chandelle…


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