ARTICLE11
 
 

jeudi 14 juillet 2011

Sur le terrain

posté à 12h47, par Lémi
6 commentaires

Notre-Dame-des-Landes : sous le bocage, la rage
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On a beaucoup entendu parler de Notre-Dame-des-Landes ces derniers jours. Mais pas pour les bonnes raisons. Alors qu’une opposition frontale et constructive se développe sur les lieux du crime (bétonné), le grand rassemblement verdâtre du week-end dernier avait pour vocation de brasser large : Bové, Hulot, Duflot... les tartufes étaient de sortie. Passage éclair. D’autres restent.

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Manif-occupation du 7 mai 20111

Oui, oui, il y avait un rassemblement ce week-end à Notre-Dame-des-Landes, le tout-gros machin, 7 500 personnes le samedi, des stands à perte de vue – crêpes, saucisses, vinasse bio, PC de Vendée –, des militants barbichus en pagaille, des débats en veux-tu en voilà... bref, un genre de Fête de l’Huma verte, en moins oppressant. Vaguement chiant, très consensuel.

Si le but du raout était de médiatiser les enjeux de la lutte, alors c’est râpé : un joyeux seau d’épluchures sur la tête de la Hulotte, des embrassades entre ledit épluché et Evajoly, voilà tout ce que les journaleux ont retenu de ce week-end. De la lutte elle-même, des arguments (imparables) des opposants au nouvel aéroport, on aura peu entendu parler, voire pas du tout. Les épluchures d’Hulot ont logiquement vampirisé le débat2. S’il s’agissait de compter les troupes, de faire le point sur la mobilisation, de faire entendre quelques autres voix3 : pourquoi pas. Mais s’il faut compter sur le soutien des Verts – pressentis girouettes – pour emporter la bataille, c’est mal barré.

Raout mis à part, donc, il se passe beaucoup de choses autour de Notre-Dame-des-Landes. Des occupations, des actions, des gens qui se bougent pour empêcher l’envahisseur de poser ses jalons bétonnés. Sans caméras, sans paillettes, mais avec une gniaque réjouissante. Il y a par exemple eu les oppositions aux premiers forages. Le 7 mai dernier, les techniciens de la DGAC4 et leurs copains ingénieurs ont dû piteusement rebrousser chemin, malgré leur escorte de gendarmes. Le 12 juin, il a fallu plusieurs centaines de garde mobiles et un hélicoptère pour réussir à creuser quatre petits trous. Pluie de lacrymos, guérilla champêtre, et tout le toutim. Sous les pâturages, la plage. Même les vaches étaient de la partie, un troupeau ayant pour charge de semer la zizanie chez les bleus. Joli5.

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Ceci dit, tout n’est pas affaire de refus frontal, de posture défensive. Certes, les agents de Biotope (chargés par Vinci de la mascarade « recensons les petites bêtes des sous-bois pour donner une teinte verte à notre aéroport  ») sont régulièrement harcelés par les militants, jusque dans leur QG. Et les fouilles archéologiques à venir en fin d’année seront l’occasion de nouvelles joutes annoncées mouvementées. Reste qu’il ne s’agit pas uniquement de défendre un territoire (soit les 2 000 hectares de la ZAD – Zone d’Aménagement Différé – délimitant l’emplacement du futur Ayrault-porc), mais également de le faire vivre, de l’occuper. Le 7 mai dernier, une armée de huit cents faucheurs défrichait ainsi un demi-hectare de terre agricole pour y installer une « ferme » militante, le Sabot ; aujourd’hui, les fermiers sont une dizaine et bossent comme des damnés pour cultiver leurs premiers légumes. À côté du Sabot, un certain Damien, motivé entre les motivés, a construit sa propre maison avant d’y installer des fours à pain : a boulangerie is born. Elle tourne à plein régime et fournit même l’épicerie de Notre-Dame-des-Landes. Plus loin en arrière, en mai 2009, après la destruction d’une maison par des barbouzes vandales de la DGAC – porte et fenêtres défoncées, toiture enfoncée, etc. - , une joyeuse troupe était venue illico la remettre en état ; la maison est désormais habitée. On pourrait enchaîner les exemples de ce type, citer le journal réalisé autour de la lutte anti-aéroport, Lèse-béton, l’ouvrage sorti récemment aux éditions No Pasaran, C’est quoi ce Tarmac ?6, ou bien le camp auto-géré qui se tient actuellement sur la ZAD. Avancées.

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En discutant avec les paysans du coin, les « historiques » de la lutte, on comprend que c’est dans cette posture « constructive » que tout se joue. Quand les premiers « squatteurs » sont venus s’installer dans le coin, notamment après le camp action-climat d’août 2009, une certaine méfiance était de mise. Logique : après quarante ans de lutte, se réjouir de voir débarquer des petits jeunes aux méthodes plutôt radicales ne va pas forcément de soi. Fossé culturel. Mais les choses changent, peu à peu. Sylvain, par exemple, paysan du coin, n’en revient toujours pas du boulot abattu au Sabot : «  Ils ont fait leurs preuves, les jeunes, faut voir le boulot qu’ils ont abattu. Et puis, on se bat pour la même chose, non ?  » Discours récurrent, signe que de réelles convergences se font jour. Et puis, les océans de lacrymos du 12 juin ont fait pleurer aussi bien les militants de longue date de l’ACIPA que les nouveaux venus. Ça rapproche, forcément.

Alors que l’échéance de la construction se rapproche (les travaux proprement dits sont censés commencer en 2013), que les institutionnels ne s’engagent que frileusement (nombre de maires et d’élus de la région appartiennent ainsi au «  Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes » ... Ils ne disent pas « non », ou « dégage », ils doutent, fantastique), qu’Ayrault verrouille toute contestation au sein du PS et de ses futurs alliés, que Vinci a déjà modélisé le futur aéroport (vidéo à voir ici, magnifique : aérogares en pelouses et bosquets dans le parking, greenwashing à son degré le plus pur), ce sont ceux qui se battent sur le terrain, pouce à pouce, qui pourraient emporter le morceau. Comme à Plogoff. Comme au Carnet ou au Pellerin. Sans paillettes ni envoyé de TF1. Mais avec tritons crêtés.



1 Photographie piquée sur le très bon site Zone à défendre, consacré à la lutte contre l’aéroport.

2 S’il n’y avait eu cette anecdote, les médias auraient trouvé autre chose, par exemple la blague phallique de Duflot sur le «  gros aéroport  » d’Ayrault, rires gras dans la salle.

3 Dont celle de John Stewart - venu évoquer la victoire des militants contre l’extension de l’aéroport d’Heathrow - et celle d’Evguenia Tchirikova - là pour dénoncer le projet d’autoroute Moscou-St-Pétersbourg conduit par Vinci.

4 Direction Générale de l’Aviation Civile.

5 Une lutte qui enrôle les quadrupèdes mérite forcément d’être soutenue (heil to the Kanellos)

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Par les enragés de Sudav, Éditions No Pasaran. À commander ici. Très conseillé (malgré une couverture plutôt laide). Tout comme le numéro 4 des aminches de la revue Z, consacré en partie à la lutte des opposants à l’aéroport. A commander ici.


COMMENTAIRES

 


  • jeudi 14 juillet 2011 à 14h33, par un-e anonyme

    ça fait penser à la Corée du Nord :
    à ces gens qui sont nés dans ce régime et qui vont mourir dedans.



  • jeudi 14 juillet 2011 à 14h53, par wuwei

    « Bové, Hulot, Duflot... les tartufes étaient de sortie. »

    et si tu veux mon avis ce n’est malheureusement pas fini !

    • jeudi 14 juillet 2011 à 16h39, par un-e anonyme

      Occupée à gérer sa ville-tremplin en vue d’un « retour au premier plan, sur la scène nationale », façon double discours permanent.
      Larmes de crocodile durables sur la misère du monde et pour le progrès social et, dans le même temps, nettoyage urbain, contre les Rroms, les pauvres, restructuration foncière qui doit transformer les murs à pêches en zone de profitabilité écologique.
      Ce grand écart finit par se voir. C’est ce qui arrive lorsque la mairie pousse les spéculateurs à déloger des habitants en allant jusqu’à sommer une SARL immobilière (Proudreed properties) au capital de 2040 millions d’€ de faire déguerpir des « sans domicile » installés à Montreuil... en menaçant de se substituer au probloc pour lancer une procédure et faire expulser.
      Le cabinet de la mairie adopte une étrange défense du style « tirons nous donc une balle dans le pied que l’on fait mine de garder du côté de la population ». Selon eux, rien d’exceptionnel : la lettre qui a été adressée à cette grosse boite est une « circulaire ». Elle est envoyée à tous les propriétaires par la mairie en cas d’occupation de locaux.



  • dimanche 17 juillet 2011 à 18h59, par Isatis

    Sont pas bien optimistes chez Vinci ; les parking sont au trois-quart vides sur la vidéo bourre-crâne, je serais eux, j’laisse tomber, pas rentable :-)

    Trêve de blague, ça me réjouit ce mélange anciens du terroir et p’tits nouveaux dans la lutte !



  • vendredi 22 juillet 2011 à 09h54, par un-e anonyme

    merci pour le lien sur le « triton crêté », je me demandais d’où venaient toutes ces visites.



  • jeudi 4 août 2011 à 00h54, par triton

    A noter que les tritons crétés ont également un site, qu’il est bon de visiter de temps en temps pour se tenir au courant, surtout par ces temps d’agitation !

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