ARTICLE11
 
 

lundi 29 juin 2009

Le Charançon Libéré

posté à 11h28, par JBB
28 commentaires

Qu’ils sieg-heil(ent) en paix ! Eux ne sont pas des salopards d’utopistes, de fieffés parents d’élèves ou des satanés danseurs…
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Qu’il s’agisse de mettre Calais en état de siège, de faire cesser une free-partie improvisée au Bois de Boulogne ou d’intervenir dans une kermesse scolaire à Corbeil-Essonnes, les policiers s’escriment - matraque en avant - pour que force reste à la loi. Logique, donc, qu’ils ne puissent être partout. Et qu’ils aient raté, il y a une semaine, ce rassemblement de nazis européens…

La violence est partout.

La société sombre dans l’anarchie.

Et partout, en notre joli pays, les forces du désordre tentent de mettre bas notre bel idéal républicain, fomentant des troubles, excitant les populations et coup-d’étaillant pis qu’un jour de grande kermesse à Téhéran.

En clair : c’est la chienlit.

Et nous n’avons guère trop de tous nos uniformes en alerte, porteurs de matraque sur les dents et gazeurs d’élite, pour maintenir les foules en colère.

Histoire que force reste à la loi.

*

A Calais, ces salopards de rêveurs, utopistes anar et autres fieffés activistes de lendemains qui chanteraient un tantinet plus que notre monde sordide ont passé toute une semaine à se montrer plus malins que le pouvoir, qui avait envoyé 3 000 de ses factionnaires de police dans l’espoir de voir cette bande de joyeux drilles céder à l’appel du doux bruit de la canette de bière s’écrasant sur un bouclier de CRS1

Les No Border se sont montrés les plus intelligents, donc.

N’ont pas répondu aux provocations policières.

Ne se sont pas énervés quand les forces de l’ordre ont, samedi matin et avant la grande manifestation, exigé de fouiller chacun des résidents du camp, confisquant même les hampes de drapeau.

Ne se sont pas énervés quand, samedi encore, les policiers leur ont imposé des trajets de manifestation différents que ceux prévus et autorisés.

Ne se sont pas énervés quand, samedi toujours, les CRS, barrant chaque rue, chaque ruelle, chaque encoignure de porte, ont pris la liberté d’arrêter le cortège sur un pont, lui stoppant le passage sans raison.

Et - de façon générale - ne se sont pas énervés de toute la semaine, pas plus devant l’assaut de leur camp que face aux contrôles incessants et aux chicaneries perpétuelles que leur ont imposés ceux-là même - préfecture, police, presse locale, pouvoir - qui avaient prédit un abominable déferlement de violence, n’attendant que ça et n’espérant rien d’autre.

Oui : un coup pour rien2.

*

Heureusement, il est des rassemblements moins décevants pour des forces de l’ordre.

Dont la fin de cette manifestation des sound-systems, lesquels défilaient à Paris le samedi 20 juin pour protester contre la vague de saisies et de répression qui les a frappés début mai3.

Un cortège qui a réuni, en musique et dans la bonne humeur, pas loin de 2 000 personnes.

Certaines d’entre elles décidant, en fin de soirée, de terminer l’action au Bois de Boulogne, pour une fiesta improvisée au son de la tekno tout ce qu’il y a de plus gentillette et pacifique.

Inadmissible pour les policiers, qui ont alors dégainé lacrymos, flash-balls et matraques.

Tirant et tapant dans le tas pendant plus d’une heure, avec une violence impressionnante4, empêchant les pompiers de secourir ceusses des danseurs qui étaient blessés et dégommant tout ce qui bougeait au flash-ball.

Une jolie nuit de brutalités gratuites qui a dû laisser les fiers membres des forces de l’ordre sur le très satisfaisant sentiment du devoir accompli.

Ouf…

*

At last but not least, avouons qu’il est doux - pour tout homme de bonne volonté et citoyen un tant soit peu respectueux de la loi - de savoir que les policiers ne s’arrêtent pas à l’identité de ceux qui leur font face et se montrent tout à fait prêt à user de la même barbarie contre des activistes No Border, de joyeux teufeurs ou… des mères de famille et leur progéniture.

Comme il est doux de constater que cette jolie règle républicaine voulant que tous les Français soient égaux devant les coups de matraque, quels que soit leur âge ou leur sexe, est toujours impeccablement respectée.

Bravo, donc, aux policiers de Corbeil-Essonnes, qui ont su, à la poursuite d’un jeune les ayant injuriés, ne pas s’arrêter aux apparences quand ils ont débarqué en plein cœur d’une kermesse scolaire

Ont préféré ne rien lâcher plutôt que tourner casaque.

Ont sorti la grosse artillerie.

Ont balancé des lacrymos et des grenades assourdissantes sur les enfants et les participants à la kermesse.

Et se se sont comportés d’une manière si honteuse qu’ils ont même réussi à susciter l’indignation (entre les lignes, hein) du journaliste du Parisien, lequel raconte :

Des animations et des stands ont été montés un peu partout. Sur la scène, les associations dansent et chantent à tour de rôle. Les policiers, qui ont effectué des patrouilles toute la journée, arrivent alors avec trois voitures pour emmener un jeune suspecté d’avoir insulté les forces de l’ordre un peu plus tôt. Une soixantaine de garçons tentent de s’interposer et caillassent les policiers.
Pour se dégager, ces derniers lancent alors une dizaine de grenades lacrymogènes au beau milieu de la foule. Certains enfants sont touchés, des mères de familles également. C’est la panique. Partout des cris, des pleurs. Les responsables d’associations locales tentent de protéger les plus jeunes. Tous se réfugient dans la halle couverte du marché. Autour, de la fumée. Irrespirable. Dans les stands aussi c’est la panique. Après quelques minutes, la peur fait place à la colère dans le quartier.

A l’évidence, un bel acte d’intelligence gratuite de la part de la police nationale, ainsi que la preuve d’un réel sens tactique.

Et il est rassurant de savoir qu’il n’y a pas que des abrutis dans les rangs des forces de l’ordre.

Il y a aussi des crétins…

*

L’observateur attentif et le lecteur concerné pourraient croire, à la lecture de ces quelques lignes, que la police est partout.

Et que les flics ne manquent jamais de se montrer au moindre soulèvement de début d’un éventuel problème de sécurité publique.

L’observateur attentif et le lecteur concerné seront heureux de savoir qu’il n’en est rien.

Et qu’il est encore quelques lieux et rassemblements pour échapper à la vigilance de nos vaillantes forces de l’ordre.

Ainsi de la grande fête organisée, le 20 juin dernier en Meurthe-et-Moselle, par une triste cohorte de crânes rasés, suprémacistes de la race blanche et autres partisan de la solution finale.

Tous infâmes skinheads venus des quatre coins de l’Europe participer à un soirée musicale mettant à l’honneur des groupes chantant la pureté aryenne, les vertus du génocide et la nécessité de tuer les juifs jusqu’au dernier.

Selon un témoin, le public a commencé à arriver dans la salle vers 19h30. Le concert a débuté avec les death-métalleux slovaques de « Before the War » et leur vindicte anti-chrétienne : dans leur album « Les Flammes de la haine », leur chanson, « Barbare », s’adresse à Jésus en lui disant : « Ma vie, c’est ta mort », raconte, sur Rue89, le politologue Jean-Yves Camus.

Les allemands de « Rotte Charlotte » ont pris la suite, jouant des morceaux de leur album « Vol 1488 », un chiffre qui fait référence aux quatorze mots de la devise des nazis américains (« Nous devons garantir l’existence de notre peuple et un futur pour (les) enfants blancs »), le nombre 88 signifiant « Heil Hitler » (deux fois la huitième lettre de l’alphabet).

Ont joué ensuite les allemands de Ü Band et de Gigi, les hollandais de Carpe Diem qui ont assuré la partie musicale de la manifestation du 1er mai organisée à Dortmund par le NPD et enfin, vedettes de la soirée les américains Bully Boys dont les « hits » ont des titres aussi explicites que « Six millions more » (référence au nombre des victimes juives au génocide nazi)ou « Sieg Heil », et dont un des CD porte en jaquette la photo d’un four crématoire avec la mention « Over six millions served » (« Déjà six millions de servis »).

Effarant, n’est-ce pas ?

Oui.

Maintenant, une petite question, ami.

Crois-tu que les policiers - forcément au courant de l’événement, la Direction centrale du renseignement intérieur marquant les mouvements fascistes à la culotte - se sont montrés lors de cette soirée réunissant certains des activistes nazis les plus dangereux et crétins de toute l’Europe ?

Penses-tu que les forces de l’ordre ont tenté d’interdire la réunion, fouillé les participants ou joyeusement flash-ballé certains d’entre eux ?

Imagines-tu que les autorités ont décidé de s’opposer à ce rassemblement, au motif très valable et légal qu’il y avait là incitation à la haine raciale et négation de crimes contre l’Humanité ?

Songes-tu que les uniformes ont pointé le bout de leur nez, se comportant en cow-boys ?

Non, ami.

Oh que non.

Quatre fois non.

Les nazis ont pu tenir leur petite assemblée.

Tranquilles.

À la fraiche.

Décontractés du gland.

Et c’est normal, au fond : la police était (bien) occupée ailleurs.



1 Le doux bruit du caillou jeté sur des têtes dénudés est, lui, copyrighté, réservé aux membres des forces de l’ordre.In Strasbourg memoriam.

2 Tu trouveras d’ailleurs ICI, ami, un compte-rendu de la semaine écoulée, regrettant « l’apathie » des participants et critiquant la façon dont ils se sont pliés aux exigences abusives des autorités. Je n’y étais pas et me garderai donc de prendre part au débat.

3 Tu liras ICI, camarade, un billet revenant sur cette vague de saisie et les raisons de la colère des sound-systems.

4 Des témoignages de teufeurs sur l’intervention policière sont visibles ICI, sur le site de la Freeparade. Le moins qu’on puisse dire est que les flics n’ont pas fait dans la dentelle…


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