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mardi 29 juin 2010

Le Charançon Libéré

posté à 20h27, par JBB
17 commentaires

A Villiers-le-Bel, « un policier à l’instinct prémonitoire » (® F. Louvrier)
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Que tu prêtes ou non une quelconque réalité à la fiction judiciaire, tu le reconnaîtras : le déroulement du procès des cinq habitants de Villiers-le-Bel accusés d’avoir tiré sur la police en 2007 repousse toutes les limites du dit État de droit. Charges réduites à néant, témoins fallacieux et douteux coups de théâtre mettent à nu ce qui se joue là. La police a fait main basse sur la cour d’assises.

À un billet daté du 23 avril, Franck Louvrier1, conseiller en communication de l’Élysée qui revenait sur l’affaire de cette automobiliste voilée verbalisée à Nantes, avait trouvé ce titre magnifique : Un policier à l’instinct prémonitoire.

Façon de rendre grâce au prétendu flair d’un uniforme soupçonnant que le voile de la conductrice pouvait dissimuler de plus importants délits - en l’occurrence, une très médiatique fraude aux aides sociales.

Et manière de souligner que ce représentant de l’ordre était à la pointe d’un débat national2.

La prose de Franck Louvrier n’a (bien entendu) aucun intérêt - son blog n’a d’autre but que d’accueillir, avec une régularité variable, des billets ineptes censés habiller les clichés de sa pomme que le conseiller publie avec gourmandise.

Mais il convient d’en conserver cette jolie expression - policier à l’instinct prémonitoire.

Et de constater combien, en notre joli pays, la police et sa hiérarchie plus ou moins directe3 savent parer de mots ronflants ses très nombreux errements.

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Retiens cela : les membres des forces de l’ordre ont toujours - c’est presque subséquent à leur fonction - un instinct remarquable, voire divinatoire.

Et il ne saurait être question de le remettre en cause, non plus que de douter de la parole policière.

Tu accueilleras donc sans ricanements le témoignage de ce lieutenant qui, aujourd’hui au procès des inculpés de Villiers-le-Bel, a miraculeusement identifié l’un des accusés pour tireur, quand il avait été incapable de le faire depuis novembre 2007.

Un souvenir tardif mais ô combien bienvenu, alors que les témoins font faux-bond en une débandade d’anthologie et que les charges s’envolent comme fétu de paille.

«  Je le reconnais formellement. Je l’ai vu une fraction de secondes sortir la tête d’un bosquet. Il avait une capuche claire… », explique ainsi le policier.

Lequel met sa relative lenteur au démarrage - deux ans et demi , quand même… - sur le compte du traumatisme subi pendant les affrontements de Villiers-le-Bel : « Lors de ma déposition, je n’étais pas dans un état normal. »

C’est logique : la physionomie est affaire de patience.

Et le lieutenant a d’abord dû « sublimer » - si, si, c’est le terme qu’il emploie … - les événements de novembre 2007 avant de retrouver l’exacte mémoire de ce « visage émacié, en triangle », surgissant selon la (célèbre) « technique du dindon »4.

Chose faite, donc : le policier a « formellement » reconnu pour tireur (sans doute entre deux bonds et gloussements de dindon) ce « diable qui sortait de sa boîte de pandore ».

Il était temps…

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« Diable sortant de sa boîte de pandore. »
(On a des lettres, dans la police, mais on ne sait pas trop s’en servir…)
.

L’ensemble - langage fleuri et maladroit pour un témoignage policier tombant à point tellement nommé que c’en relèverait presque de l’intervention divine - pourrait prêter à rire si la liberté d’hommes ayant déjà passé un an et demi en taule n’était en jeu.

Et si ce témoignage évidemment mensonger ne venait s’ajouter à une si longue liste de flagrantes et éhontées manipulations qu’elles devraient suffire à pulvériser toute croyance en l’existence d’un État de droit chez le plus naïf des républicains.

Il n’y a finalement rien de drôle, donc, à ces témoignages dénonçant les prétendus tireurs, obtenus contre promesse de monnaies sonnantes et trébuchantes - « On a voulu créer un électrochoc dans cette cité », explique Jean Espitalier, l’ancien patron de la police judiciaire de Versailles, à propos de ces incitations financières à balancer.

Non plus qu’à cette justice se rendant sous X, l’essentiel des charges reposant sur la parole de gens qui n’en ont plus puisqu’ils peuvent avancer n’importe quelle accusation sous le couvert de l’anonymat.

Il n’y a rien de drôle, non plus, à ce procès mené par une présidente à l’évidence partiale - « La juge (…) m’interrogeait avec agressivité, et alors que je refusais de dire des choses que j’ignore ou que j’ai découvertes dans la presse, elle m’a rappelé que je parlais sous serment, ce qui signifiait que je mentais », raconte ainsi l’élu PS Ali Soumaré, cité comme témoin.

Et encore moins au verdict qui se profile, apparence de justice rendue alors même que toutes les apparences - justement - ont fondu comme neige au soleil (quatre des cinq témoins sous X se sont désistés et le cinquième s’est révélé être un informateur de la brigade des stupéfiants de Sarcelles).

Il n’y a rien de drôle, enfin, dans ces témoignages venus, de nulle part et au dernier moment, renforcer une thèse policière sinon largement mise à mal - qu’il s’agisse de ce lieutenant prétendant reconnaître, deux ans après, l’un des tireurs ou de cet ancien prisonnier qui, apprenant la tenue du procès dans Le Parisien, se serait laissé guidé par le « sentiment de culpabilité » pour venir rapporter de vieilles confidences de cellule5.

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Le procès de Villiers-le-Bel n’est qu’un évident simulacre, si bidonné que ses instigateurs et exécutants ne parviennent même plus à préserver cette fiction de justice qu’ils s’entendent d’ordinaire à conserver.

Et la charge policière s’y substitue au droit : l’audience est aussi policière que l’enquête qui l’a précédée et les forces de l’ordre ont fait main basse sur la cour d’assises - les plaignants sont des policiers blessés dans les émeutes de novembre 2007, une partie des témoins aussi, et le verdict (rendu devant une assistance largement policière) sera lui-même éminemment policier.

Certains se féliciteront de l’évidente mise à nu de la machine judiciaire s’opérant en cette occasion - chère payée pour ceux qui vont en faire les frais.

Mais ce qu’elle dit de la dégradation du dit État de droit - qu’on croie ou non à cette fiction, il est d’évidents paliers dans la protection accordée aux individus devant la machine judiciaire - devrait inquiéter quiconque, habitant de Villiers-le-Bel ou d’ailleurs.

Bref : Police partout (et surtout au tribunal), justice nulle part (et surtout pas au tribunal).



1 Oui, oui : il a un blog…

2 «  Son action soulève surtout un vrai problème de société, écrivait ainsi Franck Louvrier : se vêtir ainsi d’un niqab est-il conforme à l’idée que nous nous faisons en France de la dignité de la femme ? »

3 Ne mégotons pas… Le conseiller en communication Franck Louvrier, parce qu’il est au plus près de l’exécutif et qu’il l’influence, n’est pas si éloigné de la hiérarchie policière. Indirectement, mais certainement - le président n’est-il pas d’abord celui des policiers depuis son passage à l’Intérieur ? - , il en fait partie.

4 Comprendre, d’après le lieutenant en question, qu’il sortait « sa tête à hauteur différente pour éviter les tirs ».

5 Lequel témoin a en sus menti à l’audience, expliquant avoir été condamné pour une gifle sur son épouse alors qu’il s’était rendu coupable d’agression sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans…


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 30 juin 2010 à 00h31, par Guy-Yves Ganier d’Émilion

    Le « cerveau » de nos automates en bleu n’obéit qu’aux Trois Lois de la Robocoptique :

    1. La police ne peut pas avoir tort

    2. La fin justifie les moyens

    3. Il n’y a pas d’innocents

    Ils sont en guerre contre le Désordre. Il es fort possible que la notion même de justice leur paraisse contre-productive, voire suspecte.



  • « Ne pouvant fortifier la Justice, ils ont justifié la Force. »

    Le bon Blaise Pascal, toujours aussi facile et évident que bienvenu...



  • Je ne sais plus quoi dire. Sinon peut-être que je pense à Mohsin, à Laramy, à Lamine, à tout ce que leur prénom colporte désormais de silence.
    Leur silence contre l’autre, sourd, qui couvre le bruit des mascarades et puis le cliquetis, tic-tac, tactique de gendarme, qu’il suffit de tendre l’oreille pour percevoir dans le vacarme métallique et glacial des rouages trop bien huilés.

    La mécanique de l’orange, sans doute.



  • bel exemple, dans cette « affaire », de manipulation, de propagande et, surtout, de ce qu’est la justice, pour eux... Une fusillade entre bandes la semaine dernière et voilà tous les méRdias qui se pâment, reprenant en choeur le couplet des émeuttes de Villiers là où nous n’avons affaire qu’à un nouveau fait divers... Avez vous remarqué, d’ailleurs, comme les infauxRmations entourant le procès sont systématiquement centrées sur des « violences urbaines » (pour reprendre la sémantique officielle) ?

    Présentation tronquée, histoire manipulée, et voilà notre bon peuple quémandant, à genoux, la bave aux lèvres, qu’on lui renforce la sécurité, qu’on la lui mette bien profond, et si possible à coup de tonfa (sans lubrifiant, bien entendu) ! Et ces types sont jugés, déjà, par le pouvoir, par la police, par le populo lui-même réclamant une justice sanglante contre un type qui, faute de preuve du contraire, n’a eu que le tord de naitre au mauvais endroit et de la mauvaise couleur...

    Tout cela semble incroyable, si on y réflechit seulement deux secondes, mais ce n’est qu’une continuité de ce qui se fait depuis bien longtemps ! Le peuple doit être monté contre le peuple ! Le clivage doit être puissant ! Il est tolérable (pour l’instant) que certains ouvrent les yeux, mais à l’unique condition que ceux là soient peu nombreux et que le discours réactionnaire soit la norme chez les autres !

    Le plus hallucinant, à mon avis, est quand même le manque total de mémoire chez ceux, nombreux, qui dénoncent les « méchants voyous » enfermés arbitrairement depuis 1 an 1/2 ! Tous ont oublié l’histoire de ces jeunes, de cité eux aussi, qui sont morts électrocutés et poursuivit par la police, alors que eux aussi n’avaient eu que le tord de vivre dans un de ces ghettos d’où ils n’ont le droit de sortir que pour servir de faire valoir au sécuritarisme propagandiste... Dès leur mort connue, un ministre de l’intérieur, un certain Nicolas S., avait fait tous les plateaux télé pour annoncer, avec le soutien moralisateur des Pernod et autres vendus, que ces voyous n’avaient eu que ce qu’ils cherchaient et qu’ils étaient agresseurs de gentils policiers, jusqu’à ce que, deux ans après et grâce à la tenacité de types un peu moins salops qu’eux, et surtout pas assez endoctrinnés, il ressorte que ces jeunes n’avaient strictement rien à se repprocher... Mais ça, les méRdias ont, tout simplement, oublié d’en parler...

    Aujourd’hui, avec cette histoire, on laisse totalement de côté les raison de ces émeuttes, mattraquant continuellement qu’elles ne seraient que le fait de trafiquants voulant préserver leur cité, zone de non-droit selon nos méRdias, de l’intrusion policière afin de continuer leur traffic... et vous avez tout un tas de gras du cerveau, dont la gélatine des sucreries vantée par les pubs qu’ils avalent a remplacé depuis bien longtemps les neurones, qui vous parlent de l’insécurité du fond de leur village du terroir où, pourtant, le dernier fait divers remontant à l’année passée ne faisait que parler d’un excès de vitesse... Ben oui, quoi, la télé le dit depuis un bout de temps, c’est que les cités sont hyper-violentes !!! Mais c’est sûr que jamais, ces mêmes cons, ne parlent de l’hyper violence réelle d’un monde où le seul avenir qu’on offre aux jeunes, c’est le chômage non rémunéré, c’est l’exemple de familles où on danse devant un buffet vide parce que ce chômage touche même parfois près de 50 % de la population, c’est la police qui « contrôle » toujours les mêmes, à la gueule et pas à cause d’antécédents. Cette violence là, pourtant bien plus présente que celle qu’on leur mattraque à longueur de temps, est bien réelle ! Mais mieux vaut la taire ! Elle n’est pas utile au pouvoir pour contrôler les esprits...

    Quand à savoir si les 5 jeunes en question sont oui où non coupable, personnellement, je m’en fout ! L’état et le système sont bien plus coupables ! Coupables, réellement, de monter ces ghettos et d’y entretenir un manque de perspective et d’avenir ! Et si ces jeunes sont révoltés contre ça, comment les en blâmer, comment ne pas comprendre que, s’il y a réellement de la violence dans ces cités, elle n’est que la conséquence d’un abandon total, et qu’elle n’est que la réaction totalement justifiée face à cet abandon et aux mesures poussant encore plus des personnes, humaines comme nous, vers une exclusion ?

    Voir en ligne : http://nosotros.incontrolados.over-...

    • « Dans Paris, il y a deux cavernes, l’une de voleurs, l’autre de meurtriers ; celle de voleurs c’est la Bourse, celle de meurtriers c’est le Palais de Justice. »

      Pétrus Borel - Champavert, contes immoraux - 1833

      • @ joshuadu34 : « Une fusillade entre bandes la semaine dernière et voilà tous les méRdias qui se pâment, »

        Et la question a même été soulevée à l’audience, ainsi que le raconteun article du Nouvel Obs :

        « Les témoins ont pu avoir légitimement peur », a reconnu Jean Espitalier, l’ancien patron de la police judiciaire de Versailles (Yvelines), faisant référence à des « flingages » intervenus à Villiers-le-Bel depuis quelque temps. « Ce genre d’information a pu les impressionner ». A sa suite, le commissaire Yann Sourisseau, patron de la brigade criminelle de la PJ de Versailles, a précisé que quatre tentatives de meurtre par arme à feu avaient eu lieu entre avril et juin dernier à Villiers-le-Bel.

        En outre, un jeune homme de 21 ans a été abattu samedi après-midi dans un véhicule alors qu’il se trouvait au bas d’un immeuble dans le quartier sensible des Carreaux. « Nous ne connaissons pas le mobile de ces agressions, il est trop tôt pour le dire », a-t-il reconnu devant la cour, refusant de faire tout lien entre ces affaires et le procès.

        « mattraquant continuellement qu’elles ne seraient que le fait de trafiquants voulant préserver leur cité, zone de non-droit selon nos méRdias, »

        Oui. Sarkozy promettait ainsi, le 29 novembre 2007 : « Je veux dire de la façon la plus solennelle que j’ai fixé un objectif de résultat : nous retrouverons les tireurs (...) un par un et pour eux ce sera la cour d’assises ». Avant de soutenir que les émeutiers étaient des « voyous déstructurés, prêts à tout », des « trafiquants ».
        Il avait déjà fait le même coup en 2005.

        @ Remugle : je ne connaissais pas, j’aime bien.



  • mercredi 30 juin 2010 à 13h32, par emeline becuwe

    La racaille aïe ! aïe ! aïe !
    En verlan : caillera… joli nom pour stigmatiser toute une génération.
    Ne vous précipitez pas sur le dictionnaire des préjugés, parce qu’on ne l’a pas encore édité.
    Pour vous la racaille est apparentée aux jeunes issus de l’immigration, qui refusent de s’assimiler et qui préfèrent leurs figures libres à nos figures imposées. Ils sifflent la Marseillaise, se mouchent avec le drapeau, prennent le bus sans payer, pratiquent le vol à l’arrachée et les viols dans les beaux quartiers. Partout des voyous… des voyous partout… qui sont prêts à tout pour faire leur trou. Ils nous rendent la vie difficile… peut-être parce que pour nous elle est un peu trop facile.
    La génération caillera est passée par nous. Elle ne passera pas sans nous.
    Blacks, blancs, beurs… et ta sœur !
    Non, la racaille c’est nous… c’est nous qui distribuons les médailles… c’est nous qui avons fait de l’argent la seule valeur qui vaille… ricane la racaille : hé hé hé hé
    Alors ne nous étonnons pas de voir le fossé se creuser entre ceux qui ont peur et ceux qui font peur.
    Que peut-on leur reprocher ?
    D’insulter la beauté ou de lui ôter son bonnet ?
    http://www.tueursnet.com/index.php?...

    Voir en ligne : balle de caillera

    • mercredi 30 juin 2010 à 15h26, par un-e anonyme

      cet article n’est pas sérieux.

      JBB est ivre.

      • mercredi 30 juin 2010 à 15h37, par un-e anonyme

        en effet, ici on en parle mieux :

        « Le même jour où l’on apprenait le renvoi de ces jeunes aux assises, le parquet rendait une ordonnance de non-lieu à l’égard des policiers impliqués dans la mort de Mushin et de Lakany, les deux adolescents tués le 25 novembre 2007 »

        ( source facile à retrouver)

        • mercredi 30 juin 2010 à 15h53, par JBB

          @ emeline becuwe : j’aime bien :-)

          @ anonyme : justement, je suis toujours sérieux quand je suis ivre.

          @ anonyme 2 :ici-même.

          • mercredi 30 juin 2010 à 16h09, par un-e anonyme

            comme fichier, c’est sympa pour ceux qui croient qu’on est toujours plus en sécurité entre les mains des gendarmes
            et d’un autre côté, on pourra pas dire que le policier de Nantes, il a pas été courtois avec la dame.



  • Du point de vue d’un état policier, et des intérêts qu’il sert, quelqu’un comme Eric W. ne risque rien, à part d’avoir la légion d’honneur. Dans la réalité, ça risque d’être plus compliqué pour lui et son association politique dont il est le seul adhérent et qui reçoit les généreuses donations des milliardaires.

    Il arrive que ce genre d’état ait des contradictions et se prenne des gamelles puisque la cour de cassation a annulé aujourd’hui dans toutes ses conclusions un autre procès qui s’était déroulé dans la même veine que celui-ci : celui d’Yvan Colonna.

    Est ce que le vent ne serait pas en train de tourner, et que c’est pour ça qu’ils durcissent le jeu ?



  • « Je veux dire de la façon la plus solennelle que j’ai fixé un objectif de résultat : nous retrouverons les tireurs (...) un par un et pour eux ce sera la cour d’assises »

    Bientôt la « justice » va produire cette photo, pièce déterminante du procès à charge, où l’on voit un des lascars exhiber son arme et un exemplaire des Fossoyeurs du vieux monde.

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