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mercredi 14 octobre 2009

Littérature

posté à 10h45, par Lémi
30 commentaires

« Au-dessous du Volcan », la pépite
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Comme ce billet est bordélique, je te situe rapidos le contexte. Un livre, Au-dessous du volcan, le plus grand de tous, peut-être. Un auteur, Malcolm Lowry, le plus maudit de tous, sans doute. Une figure récurrente, le Consul Geoffrey Firmin, « héros » perdu en terre mexicaine et dans la tequila, voguant d’hallucinations en tristesse amoureuse. Et une certitude : on ne résume pas ce livre, on en livre des fragments, au mieux.

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Résumer Au-dessous du volcan ? En extraire platement, laborieusement, le suc littéraire pour tenter de mettre des mots sur ce qui révèle de l’envoûtement le plus abstrait, le plus pur ? Pas question. Plutôt mourir. Je te le dis haut et fort, je hurle presque, on ne m’y prendra pas. Ils sont beaucoup à s’être fracassés sur cette tentation-là, à avoir cherché à retranscrire en mots solidement charpentés, rationnels, un livre si volatile qu’il ne pouvait accepter la moindre tentative de mise à plat. Le Volcan1 est un élixir rebelle à l’autorité, il ne saurait accepter la moindre incursion en territoire ordonné. On ne l’analyse pas, on ne le juge pas. Même avec des pincettes. On peut, à la limite, tenter d’en donner le goût, en transmettre quelques effluves, et déjà là on est en territoire glissant, playing with fire, quelque chose dans ce goût-là, le retour de bâton guette. Lance-toi, estime-toi à même de le faire, et illico le souffle du Consul rôde sur ton épaule, Geoffrey regarde en ricanant, dubitatif, ta dérisoire tentative, une bouteille de Mescal à la main. Déjà, et ce n’est que le début, tu divagues car il s’en fout, Geoffrey Firmin, Consul d’Angleterre à Quauhnahuac, Mexico, il ne t’accorde même pas un regard, il pense à Yvonne, à la prochaine rasade, à la kabbale, au Popocatepetl (ci-dessus, rugissant) qui semble fleurir dans son jardin, à n’importe quoi sauf à sa postérité et à ce que dans ton petit coin tu pourrais manigancer avec ses sombres merveilles. Malgré tout, contre toute logique, tu le sens, quelque chose s’installe dans ton dos, surveille tes divagations, lourd de reproches. Ambiance mentale poisseuse, presque la même que dans le Volcan : « Il releva de nouveau la tête ; non il était où il était, il n’y avait nulle part où voler. Et ce fut comme si un chien noir s’était installé sur son dos, le pressant sur sa chaise. »

« Quelqu’un a jeté un chien mort après lui dans le ravin. » Ça finit comme ça. Chape de plomb et happy-end repoussé aux calendes greco-mexicaines. Pas d’échappatoire, pas de rédemption, le corps du Consul s’enfonce dans la décharge et déjà des vautours tournent autour de lui. Là, si tu ne connais pas le livre, tu vas vitupérer : « Crétin ! Maintenant je connais la fin ! » Si par contre tu t’y est déjà frotté, tu rétorqueras à ce naze qui vient d’intervenir : « Mais on s’en fout, triple buse, du dénouement, tu te crois dans un polar ? Cabron, cette fin était déjà présente dans chaque chapitre, chaque ligne, chaque hoquet désespéré du Consul. D’ailleurs, le premier chapitre se déroule un an après ce sordide dénouement, alors de quoi te plains-tu ? » Et si Deleuze était là (invitation lancée), il te dirait : « Au-dessous du volcan est le prototype du « Roman à plateaux », il s’ouvre n’importe où, se prend par la fin, se tronçonne, s’appréhende par fragments, repentirs, retours en arrières, timides avancées, bonds de géant. Contrairement au « Roman à racines », ce triste sire littéraire si hiérarchisé et si répandu, il n’admet aucune contrainte. Il te veut libre. Ou alors, si tu cherches à l’ordonner, tu passes à côté, passager endormi2. » Et Malcolm Lowry, lui même, en personne, t’encourage en ce sens, dès la préface : «  On peut sauter des pages, si on veut. »

On peut sauter des pages. Puisque c’est lui qui le dit, tu t’enhardis. Pas de repères, pas de chiffres, pas d’explications. Encore moins d’exhaustivité. Tiens, tu ne vas même pas donner la date de parution du livre, ah ah, au diable les conventions. Tu ne t’étendras pas non plus sur cette traduction qui donne tant de prix au livre que tu tiens entre les mains, grâce à Clarisse Francillon et Stephen Spriel (ceux-là méritent d’apparaître, alchimistes grandioses, ils surent reproduire une pépite sans la ternir) qui bataillèrent mot à mot en compagnie de Lowry. Non, tu ne vas rien expliquer du tout, ni la structure du livre, hallucinante de complexité, ni le style de Lowry, qui arracherait des babillements ravis à un tatou sous prozac. Que tes lecteurs se débrouillent, qu’ils piochent, qu’ils retournent au livre. Je ne suis pas un fossoyeur littéraire, je ne retourne pas la terre sacrée. Et pourquoi pas une notice biographique pendant que tu y es ? Non, non, tu n’auras rien de tout cela. J’en ai déjà trop dit, d’ailleurs. Des images, des fragments d’image, des plongées désordonnées dans l’univers du Consul ou de son créateur/double, ok, mais plus, c’est niet, tu m’entends, pas question de faire le coup de la viande froide avec le Consul. Sautiller pour ne pas souiller, seule solution.

Alors donc. Sautons ailleurs, un pas de côté, une gigue vacillante, un grand pas en avant, plusieurs chapitres sautés, au hasard, on tombe… dans l’alcool, évidemment :

Mais ne vois-tu pas espèce d’encorné de cabron qu’elle est en train de se dire que la première chose à laquelle tu penses après son arrivée à la maison comme cela c’est à boire de la strychnine dont la malencontreuse nécessité et les circonstances annulent l’innocence tu vois donc qu’en face d’une telle hostilité tu pourrais aussi bien ne pourrais-tu t’y mettre au whisky maintenant au lieu d’attendre à plus tard pas à la tequila à propos où est-elle bon bon bon bon nous savons où elle est qui serait le commencement de la fin ni au mescal qui lui serait la fin quoique peut-être une sacrée bonne fin mais au whisky la bonne et saine eau-de-feu-au-gosier des ancêtres de ta femme (...) et puis après tu pourrais peut-être prendre de la bière c’est bon pour toi et aussi plein de vitamines car il y aura ton frère et c’est un événement et le cas ou jamais peut-être d’une petite fête bien sûr que c’est le cas et en buvant le whisky et ensuite la bière tu pourrais néanmoins ne faire que te restreindre poco a poco comme tu dois mais tout le monde sait qu’il est dangereux de tenter ça trop vite mais poursuivre l’œuvre de ton redressement par Hugh bien sûr que tu le ferais !

Les bouteilles qui se couchent, celles qui se cachent, celles qu’il cache, Tequila, Mescal surtout, parfois whisky, toujours completamente borracho, voici le drame du Consul, sa déchéance soignée, drastiquement respectée. Du travail d’orfèvre, un abattage stakhanoviste (de la modération en tout sauf dans la modération), pas l’alcoolisme de bas étage, le petit, celui qui se vit du matin au soir comme une narcose empesée, banale, non, l’énorme alcoolisme, qui détruit à chaque instant. Toujours la même scène, jamais la même pourtant, le Consul vacillant au bord du gouffre tandis qu’il divague et soliloque accoudé au comptoir d’une sordide cantina. Et pourtant, Malcolm Lowry, alcoolique lui-même, l’écrivait dans La traversée de Panama : son besoin d’alcool n’équivaut en rien à « la pure et simple gloutonnerie », « La cause véritable en est la laideur, la déroutante stérilité de l’existence telle qu’elle nous est vendue. » Tout est dit. La mesquinerie des uns fait l’ivrognerie des autres, et on voudrait la leur reprocher ? Pouah. Dans l’Abécédaire,limpide entretien filmé avec Claire Parnet, Deleuze a cette formule lumineuse pour décrire l’alcoolique : « Quelqu’un qui a vu quelque chose de trop fort, de trop puissant pour lui. » Or le Consul en voit tous les jours des choses trop puissantes pour lui. Même les souvenirs le dévastent, l’accablent, le font trembler de tous ses membres. Geoffrey Firmin a trop vu, trop souffert, trop vilipendé ses propres actions. Sa tête explose de mémoire torturée. Ainsi de cette lettre, jamais envoyée à Yvonne, dans laquelle il met à nu un de ses cauchemars :

Aussi quand tu partis, Yvonne, j’allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d’une banquette de troisième classe, l’enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m’en allant dans ma chambre en l’hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d’égorgement en bas dans la cuisine me chassa de l’éblouissement de la rue, et plus tard cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? Horreur à la mesure de nerfs de géants !

Et plus tard cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo. Puissance de l’évocation, elle roule sous la cervelle. Emporté hors du texte, on imagine le Consul s’approchant de l’horrible emplumé, il est élégant encore, Geoffrey Firmin, il y tient à cette élégance, il est Consul d’Angleterre que diable !, il veut affronter la vision, il s’interdit de reculer, la bête secoue ses ailes mollement, le bruit crisse, défonce les neurones de Geoffrey, il titube, l’horrible volatile ouvre le bec et pas un bruit n’en sort, le Consul tombe à genoux, roule sur le côté pour ne plus voir, pensant très fort à sa dignité perdue, appelant Yvonne en vain. Il ne l’a pas écrit ce passage, Malcolm Lowry. D’où vient alors qu’il s’impose avec tant de force, te semble réalité littéraire ?

Mais je divague. Pas même de mescal sous la main, pas d’excuse, sautons ailleurs, pas le temps ni le droit de s’appesantir. Une autre page ciselée : « Yvonne brûlait de guérir le roc déchiré… D’un effort au-dessus de sa nature de pierre elle s’approchait de l’autre, s’épanchait en prières, en larmes passionnées, offrait tout son pardon ; l’autre restait impassible. Tout cela est fort bien, disait-il, mais il se trouve que c’est de ta faute, et quant à moi, j’entends me désintégrer à mon aise. » Ils peuvent venir les Shakespeare et leurs Roméo, les Mme de La Fayette et leurs Princesse de Clèves, les bataillons de désespérés d’opérette sauce dramatique ; qui parmi eux pourrait se targuer d’avoir si justement décrit la perdition amoureuse, l’impossibilité de l’oubli, la mesquinerie de l’auto-apitoiement impérieux ? Tout cela est fort bien, disait-il, mais il se trouve que c’est de ta faute, et quant à moi, j’entends me désintégrer à mon aise. Si Yvonne est revenue, cherche leur passé, se repent, à sa façon, il se trouve que c’est elle qui était partie. Elle. Avec un autre. Traitresse. Elle revient, mais c’est trop tard, le souvenir de sa faute vrille les tempes du Consul. Avec dignité, espoir peut-être, ils se parlent, se savent amoureux, s’effleurent presque, cela pourrait, devrait, redevenir réel. Mais toujours cette voix qui répète, silencieuse et digne, dans les vapeurs de mescal : C’est une traîtresse, ne t’y fie pas, retourne à l’alcool, celui-là ne t’a jamais trahi. Le Consul, obéit, y retourne, file en titubant vers une obscure cantina. Oublier.

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Un autre livre3, pour changer, le bond a été trop grand, je suis sorti du Volcan, pas grave, il parle du même Lowry (ci-dessus, volcanisant) : «  A cette époque, il écrivait son ’Ultramarine’, mais il en avait perdu le manuscrit dans un taxi. Alors il a fallu le réécrire. Il lui arrivait toutes sortes de choses effroyables. Sa maison a brûlé, a été entièrement détruite, et ainsi de suite. » Pour qui connaît la vie de Malcolm Lowry, difficile voire impossible de ne pas faire le rapprochement entre lui et le personnage principal du Volcan. Le Consul erre de cantinas en cantinas dans Quauhnahuac, courant maladroitement au devant de sa destruction, et ainsi de suite ; Malcolm Lowry trébuchait dans l’existence à vouloir, enfin, écrire le mot fin en bas d’un roman, y parvenant miraculeusement par deux fois, de son vivant4, au prix de souffrances hallucinantes. Le manuscrit d’Au-dessous du volcan5, perdu, brûlé, égaré, fut réécrit tant de fois qu’il en perdit le compte. Une version disparaissait, il recommençait, accumulait de nouveau des centaines de page, jusqu’au prochain désastre, et ainsi de suite. Pense-y quand tu tiens un exemplaire du Volcan entre tes mains, pense-y avant d’y glisser les yeux, sans cérémonial ni dévotion larmoyante, simplement un tribut neuronal à rendre, la moindre des choses, au premier à avoir, corps et âme, réussi à écrire une « authentique histoire d’ivrognerie »6.

Personnellement, à chaque fois que tu empoignes ce livre si massif, tellement vivant, hurlant de littérature, tu penses à cette lettre écrite par Lowry à un certain Jacques Bazun, en 1944, et évoquant le manuscrit définitif du Volcan : « De plus, vous serez à la fois horrifié et soulagé d’apprendre qu’il ne constituait que le tiers, complet en lui même, d’un bouquin dont la majeure partie avait été détruite par le feu. » Terrible. Acharnement du sort à la mesure de nerfs de géant. Tu songes aussi à Earle Birney, son éditeur anglais, décrivant ainsi le destin de l’auteur anglais : «  Sa vie fut une lente noyade dans d’immenses mers solitaires d’alcool et de culpabilité. » C’est gai.

Repos. Tes paupières tombent, glissent sur ton nez, il est temps d’arrêter de sautiller lourdement autour de Lowry, de profiter de ce répit (la fin autoproclamée de ce billet) pour chasser le vautour de ta baignoire. Voire de t’adosser à la rambarde de la terrasse, completamente borracho, pour vérifier que, non, ce n’est pas pour ce soir, pas encore de Popocatepetl à l’horizon, pas même son petit frère Ixtaccíhuatl. Vue terne. Paris craint vraiment, si tu veux mon avis.



1 Le nom du roman pour les initiés.

2 Résumé un tantinet blasphémateur d’une théorie énoncée dans Mille-Plateaux, deuxième tome de Capitalisme et Schizophrénie, écrit avec Félix Guattari.

3 Trans-Lowry, « ode à plusieurs voix pour Malcolm Lowry ». La phrase citée plus bas est de Julian Trevelyan.

4 Par la suite, sa femme s’échina à remanier ses manuscrits pour en sortir de nouveaux.

5 Comme celui d’Ultramarine, son premier livre.

6 Son but affiché dans la préface.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 14 octobre 2009 à 13h56, par lolo71

    Bel article qui donne furieusement envie de relire ce livre. Je l’ai lu il y a longtemps et il m’avait pour le moins dérouté.

    • mercredi 14 octobre 2009 à 21h08, par lémi

      « Il m’avait pour le moins dérouté. » : c’est un compliment, non ? Les chemins de traverse seront toujours préférables aux autoroutes trop rectilignes...



  • mercredi 14 octobre 2009 à 14h24, par Isatis

    « Pense-y quand tu tiens un exemplaire du Volcan entre tes mains, pense-y avant d’y glisser les yeux, sans cérémonial ni dévotion larmoyante, simplement un tribut neuronal à rendre, la moindre des choses, au premier à avoir, corps et âme, réussi à écrire une « authentique histoire d’ivrognerie » [6]. »

    Exactement ce que je me suis dis en me décidant enfin à ouvrir ce livre et parce qu’il en a tant coûté à son auteur ; à cause de ce que j’ai pensé, j’ai insisté, insisté encore, me suis fait aider par J&B mais pas moyen d’arriver à bout de cet ouvrage :-(

    J’en garde une manière de blessure, j’ai déjà abandonné des bouquins (très peu) mais celui-là ça devrait pas être possible et pourtant j’ai pu. Les pépites ça doit pas être pour moi.

    Tu l’évoques si bien que j’espère qu’il n’arrivera pas la même mésaventure aux futurs lecteurs que tu ne vas pas manquer d’attirer !

    • mercredi 14 octobre 2009 à 21h14, par lémi

      Console-toi, on a tous en nous, outre quelque chose de Tennessee, ces tiraillements à ne pas s’illuminer quand d’autres gigotent en braillant d’aise. Pour moi, c’est Faulkner ou Joyce, pour toi c’est le Volcan, comme pour beaucoup d’autres (la plupart des gens à qui je l’ai prêté ne l’ont jamais terminé). Et puis, pour tout te dire, je n’y suis pas rentré si facilement que ça, il m’a fallu insister, le délaisser, y revenir, en repartir, faire itou appel au J&B...



  • mercredi 14 octobre 2009 à 19h17, par luc b

    « Ce roman peut être lu simplement comme une histoire au cours de laquelle vous pouvez sauter des passages si bon vous semble, mais dont vous retirerez davantage si vous ne sautez rien » Malcon Lowry préface.
    Conseiller de ne pas lire ce livre de façon linéaire (pour une première lecture tout du moins) est une hérésie. Ce livre possède une chronologie, descente aux enfers (la même que les personnages du tableau les borrachones) depuis le départ d’Yonne, chronologie de cette journée où chacun des verres entraine le consul vers son destin, impossibilité d’un retour en arrière. Ne pas respecter cette règle et une incompréhension totale de l’histoire en découlera inéluctablement, où seule la poésie des passages ressortira.
    Deleuze ou pas Deleuze.

    • mercredi 14 octobre 2009 à 21h22, par lémi

      Ca tombe bien, j’aime beaucoup les hérésies. Et je persiste et signe : connaitre la fin du Volcan avant de l’aborder, est-ce perdre beaucoup ? Sauter un passage, est-ce en déformer la magie ? Je ne crois pas. Je suis même sur que non. Au diable les horlogers de la littérature, ça me gave cette approche si scrupuleuse. Sans animosité, hein, juste, je pense que personne n’aura la même approche du livre, qu’elle ne pourra être qu’infiniment personnelle, c’est ce qui fait sa force. Certains y verront la structure lumineuse, bourrée de symboles, mécanique splendide de l’écriture selon Lowry. D’autres s’attacheront à l’ambiance, au style, aux personnages, à des images ou des visions. Et, entre ces deux familles de lecteurs, forcément enchevêtrées, je ne fais aucune hiérarchie. Je propose une lecture, la mienne, c’est tout.

      • jeudi 15 octobre 2009 à 18h05, par luc b

        Chaque fois que le tatou se sauvait, comme monté sur de minuscules roulettes, la petite fille vous le rattrapait par sa longue queue en fouet et le mettait ventre en l’air. Qu’il semblait alors étonnamment mou et sans défense ! Voici qu’elle remettait la créature à l’endroit pour la laisser une fois de plus décamper, engin de destruction peut-être, qui, après des millions d’années en était réduit à cela. « Cuanto ? » demanda Yvonne.
        Rattrapant la bête de nouveau, l’enfant flûta :
        « Cincuenta centavos. »
        « Vous n’en voulez pas réellement, n’est-ce pas ? » Hugh, _ comme le général Winfield Scott à la sortie des ravins du Cerro Gordol pensa-t-il en son for intérieur, _ était assis une jambe en travers du pommeau de la selle.
        Yvonne acquiesça pour rire, de la tête : « J’en serais folle. Il est tout à fait mignon. »
        « Vous ne pourriez pas l’apprivoiser. Pas plus que la gosse : c’est pour ça qu’elle veut le vendre. » Hugh but une petite gorgée. « Je m’y connais en tatous. »
        « Oh moi aussi ! » Yvonne hochait la tête moqueuse aux yeux écarquillés. « Tout et tout ! »
        « Vous savez que si vous lâchez ce machin-là dans votre jardin, il se creusera un tunnel dans la terre pour ne plus jamais reparaître. »
        Yvonne hochait toujours la tête, railleuse à demi, ouvrant de grands yeux. « N’est-ce pas un amour ? »
        Hugh rejeta la jambe en arrière et, assis à présent, la chope sur le pommeau, regarda à terre la créature au gros nez mauvais, à la queue d’iguane et au ventre tacheté sans défense _ jouet pour bébé martien. « No muchas gracias », dit-il fermement à la petite fille qui, indifférente, n’en battit pas davantage en retraite. « Yvonne, non seulement il ne réapparaîtrait pas, mais si vous tentiez de le retenir, il ferait n’importe quoi pour vous traîner au fond du trou, vous aussi. » Il se tourna vers elle, haussant les sourcils et, un instant, ils se regardèrent en silence. « Comme votre ami Hudson, je crois, l’apprit à ses dépends », ajouta Hugh.

        Qu’apporte donc ce passage sorti de son contexte, hormis peut-être pour les aficionados des tatous ??



  • mercredi 14 octobre 2009 à 19h28, par Guy M.

    C’est un vrai plaisir de lire ta lecture fragmentée du Volcan, cette « Divine Comédie ivre »...

    Je vais peut-être m’y remettre, tiens, quand la pile qui s’élève à la tête de mon lit aura atteint un niveau raisonnable.

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • mercredi 14 octobre 2009 à 20h01, par André Chenet

      Sur ce coup-là nous sommes sur la même longueur d’onde... Ce livre continuera de brûler bien après que nous n’y soyons plus. Il se pourrait que, entre les lignes, s’y joue toute la destinée de l’humanité. Si seulement Malcom Lowry avait pu rencontrer les hommes du peyotl ou les ayahuasqueros !!!
      Salutations, André

      Voir en ligne : Au-dessous du volcan

      • mercredi 14 octobre 2009 à 20h32, par vincent

        Nous y voilà M.Chenet,le peyotl et les gri-gri ésotériques.De nouvelles dimensions pour un Homme Nouveau.
        Et où cela mène-t-il en général ? A l’HP ou à la morgue, à moins que l’ambition sociale du quidam « sublime » tout cela et le maintienne sur les rails,comme votre mentor dont le mouvement d’agit-prop pour salons en manque de sensations ne nous a laissé que les oeuvres de ceux qui auraient de toute façons fait leurs oeuvres.Avec Staline ou le fascisme,on sait à qui on a affaire.Avec vous,on se demande.

        • mercredi 14 octobre 2009 à 21h31, par lémi

          @ Guy M :
          Je savais, cher ami, que sur ce coup là, le tenancier de l’escalier m’était tout acquis. Bonjour à ta pile, la mienne t’embrasse (tout en haut trône un certain « Discours préliminaire » que tu devrais voir repasser en ces pages...)

          @ André Chenet :
          Ravi je suis de ne pas subir une autre de vos colères dévastatrices (smiley machine à coudre et parapluie sur table de dissection)...

          @ Vincent :
          Eh bien... Je préfère ne pas m’immiscer mais ça me semble un peu... disproportionné.

          • mercredi 14 octobre 2009 à 22h42, par vincent

            Certes,c’est que l’autre jour j’ai laissé passer..
            (la dictature du prolétariat qui veut régenter les arts,ça me fait toujours sortir de mes gonds !)



  • mercredi 14 octobre 2009 à 22h15, par Ray

    Bonjour
    A lemi et autres auteurs récurrents d’Article 11 :
    Que ce soit pour vos analyses politiques, vos entretiens, vos simulacres de procès ou vos exhumations musicales et littéraires, vous me plaisez. Un moment que je vous lis, et vous tenez bien la route, assez impeccablement... Au dessous du volcan ? tu parles d’un machin. J’avais lu qu’il disait : « vous pouvez sauter des pages ». Comme on ne me dit pas ce que je dois faire, j’ai tenu à le lire dans l’ordre... Mouais. J’en ai sauté des pages, et des chapitres, et laissé tombé le livre, et repris, ah, mais où en étais-je, et ce volcan, et la promenade, comment elle est laborieuse !!
    La bouteille, la bouteille... Claire, transparente... ça existe, une ivresse pareille ? Le pauvre Lowry a du en bavé, ça tu peux me croire, et sué, des vraies perles de sueur. J’ai rien compris au roman mais j’imagine très bien la plaine sous le volcan...

    • mercredi 14 octobre 2009 à 23h25, par Lémi

      C’est gentil, tout ça, merci. Pour le Volcan, ne t’en fais pas, tu en parles très bien pour quelqu’un qui ne l’a pas compris : j’imagine très bien la plaine sous le volcan..., c’est déjà pas mal...



  • mercredi 14 octobre 2009 à 23h13, par jean-fé

    Tout d’abord un grand merci pour ton texte ; on voit que tu aimes et as côtoyé ce livre, qui est m’est également très cher. Ce au nom de quoi je me permettrais deux réflexions : comme luc b, il m’apparaît difficile d’appréhender le mouvement du Consul vers sa chute finale sans respecter la chronologie des douze chapitres du livre. Chacun fait ce qu’il lui plait, après tout ! et tu pourrais tout aussi bien lire « Under the Volcano » à l’envers sans qu’on puisse te reprocher quoi que ce soit.. mais ce serait quand même passer à côté de pas mal de choses (unité de temps, changements de narrateurs) auxquelles Malcolm Lowry a vraisemblablement accordé beaucoup de temps et d’efforts (cf. la lettre à son éditeur) ; la poésie du texte, et ses puissantes trouvailles narratives, ne doivent pas faire oublier la grande rigueur de sa construction.
    Autre remarque, plus importante : il est criminel de conseiller aux lecteurs francophones la traduction de Stephen Priel, à la langue terriblement vieillotte (à noter qu’on a heureusement échappé à une traduction de Max-Pol Fouchet, cf. entretiens Nadeau/Sojcher), et à laquelle Clarisse Francillon a apporté beaucoup de sa propre sensibilité « impressionniste », pourtant absente du texte original. Aux futurs lecteurs : procurez-vous plutôt la traduction de Jacques Darras, « Sous le volcan ». Et aux autres : relisez ce livre dans l’édition Grasset, bien plus proche de la version de l’auteur ; d’aucuns que le lyrisme ampoulé de l’édition du CFL aurait rebuté, y découvriront un texte étonnant de modernité.

    • mercredi 14 octobre 2009 à 23h37, par Lémi

      Hello,
      Pour ta première remarque, je répondrais comme à Luc B que tout ceci est affaire d’affinités personnelles, d’approche singulière, et tant pis si certaines symboliques littéraires s’évaporent au passage. De toute manière, on n’épuisera jamais ce livre. Mais, bémol, je l’avoue, j’ai surement un peu exagéré cette invitation à l’ouvrir au débotté, d’abord parce que j’écrivais mon billet dans cet état d’esprit, et aussi parce qu’à force de l’avoir lu et relu, j’ai l’impression que c’est naturel de l’appréhender ainsi. Reste que, grand fan de ce livre, je pense qu’il y a certains passages que je n’ai jamais lus. Et d’autres que j’ai lu 500 fois...
      Pour la traduction par contre, je ne suis pas tout d’accord. Ampoulée, peut être un peu, mais tellement plus fidèle à l’esprit du texte, tellement plus vivante, voire ... consulaire. On y sent la participation de l’auteur, les luttes pour chaque mot. Lowry, d’ailleurs, déclarait qu’il considérait la cette traduction comme meilleure que l’originale. Et, pour avoir lu celle de Darras, je ne peux que conseiller au lecteur de l’éviter, elle sabre une grande part de la magie. Certes, elle est plus simple à lire, mais quelle tristesse, l’esprit du Volcan s’enfuit en gigotant d’effroi. La préférer, c’est comme préférer une 206 à une 403 parce qu’elle est plus confortable : logique mais triste à mourir. Enfin bon, encore une fois, c’est une affaire d’affinités personnelles.



  • jeudi 15 octobre 2009 à 00h46, par Floréal

    C’est un des livres que j’ai le plus aimé et qui m’a le plus marquée dans ma vie de lectrice, et vous avez écrit un bel article, que j’ai eu beucoup de plaisir à lire, à la hauteur de l’œuvre évoquée (ce qui est rare !), compliments.
    C’est un livre envoûtant. Je l’ai lu il y a longtemps. En italien. Je connais le Mexique, et assez bien la région dans laquelle se déroule le roman, vers Oaxaca. C’est sans doutes aussi une des raisons pour laquelle j’ai pu pénétrer assez facilement dans cet univers. Mais c’est aussi un de ces livres qui vous font plonger dans les profondeurs de l’abysse (de ce point de vue, il relève du même univers que celui d’un Villiers de l’Isle Adam, par exemple) et revenir en surface avec... une pépite ! Votre titre est bien choisi autant qu’évocateur. Une œuvre qui possède une part du futur, et quelque chose de prophétique, sans doutes...

    • jeudi 15 octobre 2009 à 17h50, par lémi

      Merci des compliments, j’en rougis presque... Perso, je ne suis jamais allé au Mexique, mais je me suis promis de le faire et il y a de fortes chances que de ma poche dépasse le Volcan tout au long de mon séjour (deux ou trois ans, quatre à tout casser, histoire d’avoir le temps de se consulariser dans les formes...). Salutations



  • jeudi 15 octobre 2009 à 12h45, par pièce détachée

    En 1985, je lis le Volcan pour la première fois. Alors,

    « j’en garde une manière de blessure » (Isatis, on ne saurait mieux dire).

    Je le relis quinze ans plus tard, et l’image ne change pas : un type poisseux en plastron blanc empesé, transpirant l’alcool au milieu de bougainvillées saignants, de squelettes en sucre et d’un pays aux mœurs, aux couleurs, aux escarpements aveuglants (pour ceux qui aiment musarder dans un atlas faute de pouvoir y aller, Quauhnahuac = Cuernavaca), au pied du Popocatepetl et de l’Ixtaccihuatl, ces génies menaçants — au pied, juste au-dessous, et non pas sous le volcan, titre un peu « aplatissant », il me semble, de la traduction de J. Darras.

    Et puis, en juillet dernier, le bon Guy M. (trop modeste ici) y ayant consacré un billet, j’ai rouvert le livre : bingo ! Lecture linéaire, puis en tous sens, puis en spirale infinie... « Un tribut neuronal à rendre », oui, qui sème la panique dans nos « protons fuligineux » (© Lémi).

    Il y a comme ça des livres et des auteurs qui se dérobent longtemps (Joyce et Duras me tombent des mains, Faulkner me vrille les méninges).

    Mon exemplaire est en anglais (un vieux Penguin pourrave) et ne comporte aucune préface de l’auteur, encore moins le conseil de lire le roman « comme une histoire au cours de laquelle vous pouvez sauter des passages si bon vous semble, mais dont vous retirerez davantage si vous ne sautez rien » (luc b.). Comparer les traductions en français, que je ne connais pas, serait pour moi un non-sens fastidieux, mais je me réjouis d’apprendre qu’on a échappé à celle de Max-Pol Fouchet : le billet de Guy, qui cite Clarisse Francillon, renvoie à plusieurs textes (très mal mis en forme pour le Net), parfois contestables, tous intéressants, sauf celui de Fouchet, atterrant, qui semble voir dans le Volcan une histoire à faire soupirer toutes les Madame Verdurin des salons de Proust.

    À relire l’original, j’ai pourtant cédé souvent à la tentation torturante : tel passage, je le traduirais comment ? Quels que soient les défauts et les mérites des traductions, je n’aimerais pas être à la place de leurs auteurs, confrontés à une prose « qui arracherait des babillements ravis à un tatou sous prozac » (Lémi). C’est exactement ça qu’il s’agit de traduire.Hommage à ceux qui s’y collent.

    « Sautiller pour ne pas souiller, seule solution. »

    Oui, Prophète Lémi. Merci pour ce billet magnifique, à la troisième ligne duquel, lapsus calami ou non, cette expression me ravit : « mettre des mots sur ce qui révèle de l’envoûtement le plus abstrait » (c’est moi qui souligne). Relever en sautillant les jupons abstraits de l’envoûtement qui se révèle, voilà. Nous y sommes.

    • jeudi 15 octobre 2009 à 18h11, par lémi

      Je pioche dans tes remarques, il y en a trop. Et trop pertinentes, en plus. De mauvais poil, Bibi, alors ne te formalise pas de cet arbitraire, ou bien je suis capable de tout, voire de m’excuser, chère Pièce Détachée.

      « Au pied, juste au-dessous, et non pas sous le volcan, titre un peu »aplatissant« , il me semble, de la traduction de J. Darras. » : Je savais que sur cette question je pouvais te faire confiance... Bien sûr, je ne peux m’empêcher de trop sacraliser (satané cerveau de midinette), alors parfois mon jugement se fait subjectif de chez subjectif, mais quand même, un abime sépare ces deux titres, ne parlons pas de l’intérieur, de la traduction Ikea du sieur Darras (fort respectable par ailleurs, notamment pour ses traductions des poésies de Lowry), d’ailleurs personne n’en a voulu, c’est pour dire. Tu pleureras avec compassion (pauvre, pauvre Lémi) en apprenant que chez moi ne reste plus que cette version Grasset (a-t-on idée de porter un nom pareil ? j’entends grassouillet, personnellement. Pas étonnant qu’ils publient des versions « applaties »), des pilleurs de bibliothèque sévissant constamment sous mes contrées, je m’en vais te les recevoir au pistolet à grenaille la prochaine fois, quelqu’un doit payer. Ou alors je pourrais le racheter, mais ça va faire 7 fois...

      Pour Guy, certes il en parle bien de Lowry, le bougre, en plus d’avoir une fort jolie barbiche, mais n’oublie pas que nous sommes concurrents lui & moi (les deux titans du web, qu’on nous surnomme), il faudra un jour que tu fasses un choix à la place de manger à nos deux râteliers. Lui ou moi, Article11 ou l’escalier.

      Ce pauvre Max-Pol, il en prend pour son grade. Huhu, on a la postérité qu’on mérite.

      Last but last, j’allais courir corriger cette coquille obligeamment soulignée, et puis non, tu as raison, ce lapsus est révélateur et correspond bien à l’esprit. Fais-moi penser à te nommer unique exégète de mes bafouilles désordonnées, tu y trouves des choses que je serais bien en peine de dénicher moi-même. D’ailleurs, je m’interroge, « protons fuligineux », est-ce bien de moi ? Je ne sais même pas ce que veut dire « Fuligineux », alors, je m’interroge : ai-je déjà écrit ces mots ?...

      Bises amicales



  • jeudi 15 octobre 2009 à 12h52, par pièce détachée

    P.S. D’où vient la charmante petite vignette tout en haut du billet ? Elle fait penser à certains Goya, et surtout à James Ensor, mais ce n’est pas sa « patte ».

    • jeudi 15 octobre 2009 à 18h05, par karib

      Pour une fois que je ne suis pas d’accord avec Lémi...
      Au contraire de toi, je trouve la traduction de Jacques Darras absolument somptueuse. Moi qui n’avais connu que celle de Clarisse Francillon, j’ai été renversé par cette nouvelle approche. J’ai la chance de pouvoir lire l’anglais, alors j’ai fait l’effort de lire la version originale et celle de Darras en parallèle. Un enchantement. Darras rend compte des sinuosités de l’écriture de Lowry, de sa magnificence hallucinée, aussi. Et puis, par exemple, des personnages ressurgissent, que la première traduction avait aplatis : Yvonne, et le frère du consul.
      Dans une interview, Darras expliquait qu’il avait pratiqué le gueuloir de Flaubert pour mettre au point sa traduction, ce qui ne m’étonne pas. Que ceux qui possèdent les deux versions lisent une ou deux pages et qu’ils nous en disent quelque chose.

      • jeudi 15 octobre 2009 à 18h30, par lémi

        @ Pièce détachée,
        Honte à moi, je ne peux t’éclairer. Je peux juste te dire que je l’ai déniché sur une vieille couverture du livre en langue ibérique. Tu peux la voir ici.

        Edit en temps réel (mazette, ce site est magique). Après réflexion, et d’y voir Frieda Kahlo, j’ai fait quelques recherches en me disant que ce ne pouvait être que Diego Rivera. Et... yahou, I was right. C’est un détail d’une peinture murale qui s’appelle joliment "“Sueño de una tarde dominical en la Alameda Central”. Ici.
        Super Lémi, pour te servir.

        @ Karib : marrant, tout comme pour le « I would prefer not to » de Bartleby, les traductions du Volcan continuent à déchainer les passions. On raconte que certains sont allés jusqu’au meurtre... Perso, d’avoir lu les deux traductions, et d’avoir comparé les textes, je trouve que celle de Darras est sûrement plus fidèle, mais beaucoup moins magique et prenante. Je sais, ce n’est pas très orthodoxe littérairement parlant, préférer la traduction la moins fidèle. Admets cependant que la participation de Lowry à cette traduction, si bien décrite par Clarisse Francillon, change un peu la donne. Il n’est plus question de logique, de fidélité au texte ou de clarté, juste d’un ressenti face au texte. Et, peut-être de l’avoir lu après celle de Francillon-Spriel, la traduction de Darras me laisse froid, voire m’exaspère de platitude. Elle n’a plus cette patte consulaire qu’aborde fièrement la première, malgré ses défauts...

        • jeudi 15 octobre 2009 à 21h12, par pièce détachée

          Merci pour tout, Lémi !

          Par ailleurs je ne veux pas, pas du tout être exégète — ni quoi que ce soit d’autre — « en chef ». Et tu as tort de me faire confiance quant au titre de telle ou telle traduction : l’appréciation est tout de même un rien subjective, et n’engage que moi. D’autant que je n’en ai lu aucune (j’ai vraiment la flemme d’entreprendre un tel travail comparatif), contrairement aux commentateurs de ce billet, d’avis divergents mais tous passionnants.

          Quant à ton lapsus calami, tu fais très bien de le laisser tel quel, puisqu’il fait s’envoler l’imaginaire de tes lecteurs.

          Choisir entre Article XI et l’Escalier ? Tu peux toujours courir...

          Quant au sens de « fuligineux », il a été expliqué en classe tout récemment, où tu l’as toi-même illustré brillamment en invoquant « nos protons fuligineux ».

          Va donc (mais reviens bientôt), tête de léminotte !

          • jeudi 15 octobre 2009 à 21h32, par pièce détachée

            P.S. @ karib :

            Les personnages d’Yvonne et de Hugh, le frère du Consul — dont tu dis que la traduction de Darras les fait ressurgir — m’ont sauté dessus lors de la dernière lecture. Les deux premières fois, je les avais à peine perçus. Bizarre, bizarre... Et Laruelle ?

            J’aime beaucoup l’idée d’appliquer la technique du gueuloir à un travail de traduction. Bon, ça y est, je mords à l’hameçon ; il ne reste plus qu’à dénicher Darras et Francillon à la bibliothèque de Fouillouse et à se mettre au boulot...

            • dimanche 18 octobre 2009 à 09h50, par lémi

              @ Karib, Luc B., Jean Fé...

              En passant, deux citations :

              « La traduction, elle, me semble magnifique, je le sens (...). Et pour autant que je puisse dire, vous avez fait avec Mike non seulement tout votre possible, mais encore réussi brillamment une tâche à s’arracher les cheveux. Selon toute probabilité, elle est souvent bien meilleure que l’originale. » (Lowry, lettre à Clarisse Francillon, 1er mars 1950)

              « Il nous fallut d’abord nous décider soit pour une traduction »collant au texte« (mais quel texte !) soit pour une traduction en »bon français« (laissant ou donnant au lecteur l’illusion qu’il comprend). Eu égard à la qualité et à la texture même de notre matière, la première et difficultueuse méthode nous parut s’imposer, malgré nos craintes et la préférence bien connue de l’édition comme du public pour la seconde. A quoi rimerait une traduction d’Ulysse en »bon français«  ? (Stephen Spriel, »Le cryptogramme Lowry", Lettres Nouvelles n°5)

              Salutations dominicales



  • samedi 17 octobre 2009 à 03h11, par bituur esztreym

    Beh oui.

    Sur le texte, la traduction, le lire dans la traduction de Jacques Darras, mais en gardant le 1er titre bien sûr : En dessous du volcan.

    Lire là-dessus ce qu’en disait le précieux Dominique Autié : Deux volcans, deux lolitas ?

    Lire et relire. et puis un jour, le lire en espagnol. hein ? ça ça eût été quelque chose, mais même en espagnol, ça ne sera siempre qu’une traduction, que flojera le dió al malcolm cabrón, gueÿ, no me la chingas, pero da igual, tal como esta, esta bien padrón !

    • dimanche 18 octobre 2009 à 19h26, par lémi

      Ton lien ne marche pas. Le beau texte de Dominique Autié est ici. C’est vrai qu’il résume parfaitement la subjectivité des réactions en la matière : Non ! Quoi qu’il en soit du texte, ce livre ne peut pas s’intituler Sous le volcan ! Ce n’est pas possible ! Tout pareil...

      Le lire en espagnol ? Madre dio, j’ai bien peur que cela ne complexifie encore plus cette sombre affaire...



  • samedi 31 octobre 2009 à 01h32, par boune

    lemiiii.. je l ai cherche le consul ! et j ai trouve un peu de lui, quelque part au pied du volcan.. une bouteille a demi vide ( mais heureusement a demi pleine) d un bon vieux mezcal qui m a plonge dans une tristesse amoureuse dont tu connais le visage..
    Grace a Lowry, je me suis dit que mon cas n etait pas desespere.

    Ton article est bouleversant et remarquable. merci mille fois l ami.
    un abrazo ebrio del otro lado del mundo.
    boune

    • dimanche 1er novembre 2009 à 13h37, par lémi

      Abrazo bien reçu l’amie, voilà qui apaise ma gueule de bois dominicale, ou presque,

      J’envie tes escapades ébriétiques, même si teintées de tristesse, on n’a pas tous les jours l’occasion de regarder le Consul droit dans les yeux, Mezcal en étendard.

      En passant, si tu ne me ramènes pas une seule bouteille du précieux liquide de tes pérégrinations, j’en concevrais une terrible rancoeur. Ou pas.

      Besitos gargouillants,
      Lémi des fonds marins

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