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samedi 15 mai 2010

Entretiens

posté à 13h55, par Ben, Lémi et JBB
78 commentaires

François Ruffin : « Je crois que le cours de la bataille des idées est en train de s’inverser »
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Promis, c’est la dernière fois qu’on en parle… Après Gilles Perret et Jean-Luc Porquet, c’est François Ruffin qui vient évoquer, en ces pages, l’héritage du programme du Conseil national de la résistance. Lui a longuement mûri la question, dans l’ouvrage collectif Les Jours Heureux comme dans le journal Fakir. Et axe sa réflexion sur le combat idéologique qui se joue depuis 60 ans.

Encore le CNR ? Encore la mise en application de son programme dans la France de l’après-guerre ? Et encore la façon dont ce programme a peu à peu été grignoté par les politiciens et milieux d’affaire ? Certains vont trouver que ça commence à bien faire… Difficile - pour être honnête - de leur donner tout à fait tort. En commentaire de l’entretien accordé sur le sujet par Jean-Luc Porquet, Défendre le rêve porté par les résistants, Karib pointait ainsi l’inutile fantasme d’un modèle social ne correspondant pas à nos aspirations. Pourquoi magnifier cette « phase du capitalisme où l’État avait su imposer un minimum de protection sociale pour parer à toute velléité de contestation sociale, et diriger l’investissement vers le capital dit « productif » » ? Bonne question. En commentaires toujours, Juliette rappelait que « ce ne sont pas des idéaux, des grands sentiments, des héros, qu’il nous faut, et ce retour plus qu’insistant, en ce moment, aux symboles (encore un truc dont on se passe) de la Résistance, est davantage le signe qu’on n’arrive pas à penser le présent et à agir sur lui ». Bien vu, derechef.

Pourtant… on y revient. Parce que le sujet continue à nous passionner. Qu’on pense qu’il s’agit davantage d’une étude historique distanciée et d’une participation au débat public que d’une adhésion au programme du CNR. Qu’on est à la veille du rassemblement organisé aux Glières par l’association Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui. Et - surtout - que François Ruffin (après Gilles Perret1 et Jean-Luc Porquet) porte une analyse passionnante des forces qui se sont mises en branle après 1945, de ce combat idéologique d’ampleur qui se joue depuis soixante ans. Entre eux et nous, tout est question de rapports de force, dit-il. Et depuis la fin des années 70, leur victoire, dans les têtes comme dans les faits, est presque totale. Le libéralisme mène le jeu.

Son analyse, François Ruffin - auteur des Petits Soldats du journalisme, de Quartier Nord et de La Guerre des Classes - a eu le temps de la maturer. Parce qu’il a participé à l’ouvrage collectif Les Jours Heureux, dirigé par Jean-Luc Porquet2 et sous-titré « Le programme du Conseil national de la résistance de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en oeuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition » : il en a écrit le chapitre qui porte sur la presse. Et parce qu’il est revenu sur le sujet dans Fakir, journal d’enquête sociale qu’il dirige et fait vivre, avec une petite équipe, depuis dix ans3. Le dernier numéro - actuellement en kiosques - revient ainsi longuement sur « ce que nos papis ont construit » et « ce que notre élite démolit ». Et dresse notamment le portrait des bâtisseurs - ceux qui ont mis en œuvre et défendu le programme du CNR - et de ses liquidateurs.

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Bref, l’analyse est fouillée, percutante, convaincante. Même si - tu pourras le deviner en fin d’entretien - nous sommes loin de partager toutes les conclusions de François Ruffin : lui est par exemple profondément convaincu qu’il ne saurait y avoir de réelle remise en cause du libéralisme sans reconstruction préalable des syndicats et partis de gauche. Pas d’accord, donc. Reste - et c’est l’essentiel - que le tableau qu’il dresse de la bataille idéologique passée et en cours est passionnant.

*
Comment t’es-tu spécialement intéressé au programme du Conseil National de la Résistance ?

D’abord pour Les Jours Heureux, le livre collectif dirigé par Jean-Luc Porquet, qui m’a demandé un papier sur la presse et les ordonnances de 1945. Ensuite, pour le dernier numéro de Fakir : là, je me suis plongé dans des centaine d’articles portant sur l’évolution des retraites, des banques publiques, de la Sécurité Sociale, des nationalisations. Je me suis rendu compte que, au fond, pour toutes ces conquêtes aujourd’hui grignotées, on racontait la même histoire. Et que celle-ci pouvait aisément se découper en quatre grandes étapes

1945-1947 : la mise en place du programme du CNR

La première phase démarre en 1944, c’est ça ?

Oui, au printemps 1944, quand le programme du CNR est rédigé par sept organisations de résistance. A l’automne 1944 et au début de l’année 1945, on assiste au début de la mise en place de ce programme. Il ne faut pas croire que ça s’est passé comme dans du beurre, que ça s’est fait tout seul : il y avait encore des forces d’opposition qui ne voulaient pas de la Sécurité sociale ou des retraites.

Mais ils ont dû accepter ?

Oui. Mais pas d’eux-mêmes. Parce qu’à la Libération de la France, les résistants ne lâchent pas prise. Le mouvement continue : des cahiers de doléances circulent et des manifestations sont organisées par les grands noms de la résistance. Eux battent le rappel, font pression pour – justement – que la pression ne retombe pas. Leur modèle, c’est la Révolution française : leur campagne passe d’ailleurs par un grand meeting final qui se tient le 14 juillet 1945. Et ils appellent ça les États généraux de la renaissance française.

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Défilé organisé dans le cadre des États généraux de la renaissance française ; photo MINDEF/SGA/DMPA.

Si les réformes passent, en 1945, ce n’est pas parce que De Gaulle et les partis politiques l’avaient inscrit à leur agenda. Mais parce qu’il y a eu une poussée militante pour soutenir les ministres – notamment communistes – du gouvernement qui se battent pour mettre en place une sécurité sociale, un système de retraite, contre d’autres ministres qui traînent des pieds. Les ministres communistes menacent éventuellement de démissionner. Et conduisent une vraie bataille pour lancer la Sécurité sociale en six mois : ils savaient que le soufflé allait retomber, ils voyaient bien que ceux d’en face jouaient la montre.

C’est une parenthèse, mais j’interrogeais hier4 l’économiste Frédéric Lordon, dans le cadre de l’assemblée générale des actionnaires de Casino. Et le gérant d’un petit Casino est intervenu en disant : « Ce qui est dégueulasse, c’est qu’on ne peut s’en prendre aux Casino que devant les tribunaux. Mais quand on gagne, ils font appel ; quand on gagne en appel, ils vont en Cassation : ça nous prend cinq ans, on n’a pas les moyens de les affronter sur le terrain juridique. » Et Lordon de répondre : «  C’est l’éternel combat entre le travail et le capital. Le travail n’a pas le temps, tandis que le capital en a à foison. »
En 1945, c’est la même chose : au gouvernement, par exemple, René Pleven, ministre des Finances et représentant du MRP, joue la montre, notamment sur les nationalisations des sociétés d’électricité. Et il a bien sûr des soutiens dans la bourgeoisie : les médecins libéraux montent au créneau contre la Sécurité sociale, les assureurs affichent leur hostilité à la retraite par répartition. Ils protestent que c’est techniquement impossible, que ça va coûter trop cher… De 1945 à 1947, ces protestations sont constantes, beaucoup de gens font leur maximum pour que les réformes du CNR n’adviennent pas.

Et pourtant…

Et pourtant, elles adviennent. Parce que le travail militant se poursuit. Et aussi parce qu’il y a le poids du Parti communiste, qui fait d’autant plus peur à la bourgeoisie qu’il est armé : on sort de la guerre, il y a des armes partout et les bourgeois craignent réellement la révolution. D’où la formule de L’Aube, le journal du MRP, qui revendique «  la révolution par la loi ». Une façon, justement, de repousser toute idée d’insurrection par les armes. Tout en accordant des concessions.

Mais en deux ans – jusqu’en 1947 et jusqu’au départ des ministres communistes du gouvernement – un travail est mené. En matière de sécurité sociale ou de retraite, les bases sont largement jetées. Pour la presse, c’est beaucoup plus nuancé : les réformes commencent déjà à être rognées. Et en matière de crédits publics - il s’agit de la nationalisation des banques - le programme n’a été qu’à moitié réalisé : René Pleven et les milieux d’affaire ont pesé pour limiter la réforme aux banques de dépôts - les banques d’affaire ne sont pas nationalisées. Enfin, la nationalisation d’EDF est lancée, mais dans la douleur : une campagne attaque très durement Marcel Paul, le ministre communiste qui l’effectue.

Qui n’est pas resté dans l’histoire, d’ailleurs : on ne le connaît pas...

Pas plus que vous ne connaissez Ambroise Croizat, j’imagine ? C’est pourtant lui qui a bâti la Sécurité sociale ! Je crois que ça veut dire beaucoup, pour la mémoire collective, quand on ne connaît plus le nom de celui qui a porté la Sécurité sociale. Il était surnommé « le ministre des travailleurs » et quand il est mort, en 1951, le cimetière du Père-Lachaise débordait de gens venus lui rendre hommage. C’est frappant de constater combien, une fois que le système du PC s’est écroulé, on a perdu la mémoire de ces gens, qui ont pourtant réalisé un travail considérable. La mémoire a disparu avec l’institution.

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Ambroise Croizat

Je dis « travail considérable » parce qu’ils ont aussi su profiter de la faiblesse momentanée de l’adversaire. De son discrédit, notamment : parce qu’elle s’était grandement commis avec l’occupant ou avec Vichy, la bourgeoisie était en ruine. Il lui a fallu un peu de temps pour reconstituer ses forces et une idéologie.
Quand la bourgeoisie est faible, il faut que l’histoire avance vite. Ça a été en partie le cas.

1947-1981 : grignotage dans les faits, maintien dans les têtes

En partie, seulement ?

Cela dépend des secteurs, en fait. Dans la presse, par exemple, le grignotage du programme du CNR par les capitalistes est allé beaucoup plus vite qu’ailleurs.
En 1947, Albert Camus quitte le journal Combat parce qu’il est racheté par un homme d’affaire. Lui écrit alors : « Nous étions désarmés, puisque nous étions honnêtes. Cette presse, que nous voulions digne et fière, elle est aujourd’hui la honte de ce malheureux pays. » Cette même année, Hachette se paye 50 % de France-Soir, d’Elle, de France-Dimanche, alors même que la toute nouvelle loi sur la concentration l’interdit - une ordonnance de 1945 prévoit qu’un individu n’a pas le droit de posséder plus d’un titre de presse. C’est déjà un premier grignotage.
Par contre, en matière de sécurité sociale, cette offensive vient largement plus tard : la première contre-réforme arrive en 1967.

De façon générale et à l’exception de la presse, on peut avoir l’impression qu’il y a une longue parenthèse enchantée - disons, de 1945 à la fin des années 60 - au cours de laquelle les réformes issues du CNR ne sont pas attaquées. C’est faux, il y a des tentatives pour les remettre partiellement en cause, mais chacune d’entre elles soulève une vague de protestations. En 1967, par exemple, se déroulent de grosses manifestations pour contester la décision d’évincer les représentants d’usagers des comités de caisses de sécurité sociale.

Une même vague de protestation éclate quand, en 1972, Robert Hersant - alors sur le devant de la scène - décide de racheter Paris-Normandie. Des tracts très durs sont imprimés, qui rappellent son passé de collaborateur – Hersant a été frappé de dix ans d’indignité nationale pour avoir apporté son aide à l’Allemagne. Les syndicats écrivent ainsi : « D’où sort le chef de bande Robert Hersant ? De la tanière des fauves qui pullulèrent de 1940 à 1944 sur les cadavres des persécutés raciaux et des résistants. » Une pétition circule aussi, signée par des grands intellectuels de l’époque – René Char, Jankélévitch, Roland Dorgelès, Vercors… Tout ça pour le « petit » Paris-Normandie… Ça devient une affaire nationale, le ministre de la Culture de Valéry Giscard d’Estaing dénonce «  la violation des principes proclamés à la Libération » et une plainte est même instruite contre Robert Hersant. Quant au Monde, il titre sur La presse comme marchandise, propose la mise sous séquestre du titre et publie un éditorial pointant « la constitution d’un énorme groupe de presse quotidienne, l’ensemble possédé par un seul homme. C’est un monopole. Du monopole de l’argent, le pas est vite franchi – il l’est déjà – au monopole d’opinion ». Ce qu’on appelle « un énorme groupe de presse quotidienne », c’est juste quelques journaux de province : Centre-Presse, Le Berry Républicain et La Nouvelle République des Pyrénées... On est très loin de Lagardère, Bouygues, Dassault… C’est même microscopique, comparé aux actuels groupes médiatiques.
Aujourd’hui, le journal Le Monde – qui a failli entrer en Bourse – est en train d’être racheté par Lagardère : on ne voit pas de pétitions circuler parmi les intellectuels pour protester et réclamer la mise sous séquestre du Monde.

Le tollé pour Paris-Normandie, le silence aujourd’hui : c’est révélateur…

Bien sûr, ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que même s’il y a un grignotage dans les faits, dans les années 70, le programme du CNR demeure intact dans les têtes. Ainsi, que propose Mitterrand pour la presse en 1981 ? Tout simplement le rétablissement des ordonnances sur la presse de 1945.

Il y a d’ailleurs d’énormes similitudes entre le programme du CNR et le programme commun de la gauche, ou les 110 propositions de Mitterrand en 1981. Au fond, à cette époque, la gauche considère qu’en 1945, le programme du CNR n’a pas été mené à son terme et que si elle parvient au pouvoir elle achèvera cet ouvrage. Il ne s’agit pas seulement préserver ses acquis, mais de le mettre réellement en œuvre. En 1981, ils est donc prévu la reprise des nationalisations, dont la nationalisation du crédit.

Les années 80 : le programme du CNR devient « archaïque »

Ce sont là des mots. Dans la pratique, la présidence Mitterrand sera très éloignée de ces ambitions…

On en vient justement au point de bascule. Le moment-clé, c’est évidemment 1983, soit le tournant de la rigueur, décidé par les socialistes dans un mouvement mondial d’expansion des idées libérales. Partout dans le monde - et aussi dans les médias français - le socialisme apparaît comme ringard, dépassé. Se multiplient ainsi les incitations à devenir moderne, à miser sur l’entreprise, à ne plus avoir peur du profit.

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Célèbre supplément de Libération, sorti en 1984 pour présenter l’émission Vive La Crise présentée sur Antenne 2 par Yves Montand.

C’est frappant pour ce qui concerne les médias. Dans ses premiers mois d’exercice du pouvoir, Mitterrand a hésité à faire éclater le groupe Hersant - et donc Lagardère dans le même élan. Interrogations, atermoiements : le temps passe. Et quand le temps passe, comme le disait Lordon, c’est le capital qui gagne à la fin. Finalement, le projet de liquidation du groupe Hersant arrive trop tard, quand la vague rose est déjà en reflux : le projet est lourdement combattu à l’Assemblée, au cours de ce qui sera la plus longue séance de l’histoire parlementaire. Les députés – dont Séguin, Toubon, Madelin… - posent des milliers de questions, ça n’en finit plus. Quand le projet arrive enfin devant le Conseil constitutionnel, celui-ci s’oppose à la loi anti-concentration pour des raisons de droit. Dans les faits, on le sait, le droit s’adapte aux rapports de force.

Dans le même temps, Mitterrand décide la libéralisation des ondes FM, qui vont devenir des déversoirs à pub, confie Canal + à André Rousselet, son directeur de cabinet, et décide de créer la Cinq, censée être confiée à Sylvio Berlusconi (auquel viendra s’ajouter ensuite Robert Hersant). Y a t-il indépendance à l’égard du pouvoir ? Pas du tout. Àl’égard des puissances étrangères et de l’argent ? Non plus.

En même temps, c’est Mitterrand : il n’est pas à une traîtrise près…

On peut dire que Mitterrand est un sale traître, sans doute. Mais ça ne fait pas beaucoup avancer la compréhension. Qu’importe les causes, pour aujourd’hui, revenons au basculement.
En 1981 ne se pose par exemple pas la question de repousser l’âge de départ en retraite : au contraire même, celui-ci passe de 65 à 60 ans. La vraie question est donc celle-ci : pourquoi, dès 1984, le discours opposé, sur le déficit des retraites, la capitalisation nécessaire, pourquoi ce discours émerge-t-il dans les années suivantes ? Est-ce que la démographie a considérablement changé en trois ans ? Je ne le crois pas. Est-ce que les données économiques ont considérablement changé en trois ans ? Je ne le crois pas non plus. Le seul changement d’ampleur est en fait idéologique. Jusqu’en 1981, toucher au programme du CNR - les retraites en font partie - n’est pas possible, pas permis. En 1984, alors que le libéralisme est en train de triompher dans le monde, dans les médias, chez les artistes et les politiques, dans la gauche elle-même, la conjoncture idéologique permet de s’attaquer aux retraites.

Cela va aussi vite que ça ?

Bien sûr. Pour le montrer, je vais continuer sur l’exemple des retraites. En 1983, le démographe Alfred Sauvy se désole dans Le Figaro que « l’opinion reste assez indifférente » à la question des déficits. Le même explique que pour faire entrer les retraites dans l’ère libérale, «  il faut informer les hommes au lieu de les faire rêver. C’est simple, c’est tout simple, mais quelle bataille ». Il le dit clairement : il y a une bataille idéologique à mener pour que les Français cessent de considérer que tout va bien sur le sujet. Deux ans plus tard, en 1985, les lobbys patronaux – en l’occurrence, il s’agit de l’Institut de l’entreprise – recommandent « une retraite à la carte plutôt qu’une retraite couperet ». La même année, l’universitaire André Babeau publie un livre intitulé La fin des retraites ? - cet homme est depuis devenu administrateur de deux sociétés d’assurance…

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Les sondeurs sortent alors du bois. En 1986, un sondage Ipsos affirme que « 87 % des salariés jugent très ou assez préoccupants pour l’avenir l’équilibre des caisses de retraite ». Au printemps 1987, un sondage BVA pose que 58 % des Français auraient une opinion négative sur la question de l’avenir des retraites. Et à l’automne 1987, nouveau sondage : 62 % des personnes interrogées estiment que les retraites qu’elles toucheront seront insuffisantes pour vivre. En 1988, enfin, un sondage CSA-Le Parisien-AGF (là, c’est carrément une société d’assurances qui finance le sondage publié par Le Parisien…) révèle que les Français n’ont plus confiance dans le seul régime de retraite par répartition et commencent à capitaliser.
C’est là le rêve des assureurs depuis 1945 : qu’on en revienne à la capitalisation, c’est-à-dire que tout l’argent passe par les banques et eux. Ils en rêvent depuis 1945, mais pendant 35 ans, ils n’ont pas osé le dire ou ils n’ont pas été écoutés. A partir des années 1980, la conjoncture idéologique leur redonne espoir. Et en 1989, la une du Parisien affirme : «  Retraites : les Français ne comptent plus que sur eux-mêmes. En un an, les contrats d’assurance ont fait un bond de 32 % ». Là, on peut dire que l’investissement réalisé par AGF en 1988 pour le sondage a été rentable…

Tout cela n’est pas anecdotique : les argumentaires, les idées qui se forgent alors ont toujours cours. Il a juste fallu le temps que les gens intègrent ce discours. Depuis lors, le programme du CNR apparaît comme un joli bibelot, mais qui appartient au passé.

2004-2010 : la parenthèse libérale se referme

C’est encore le cas aujourd’hui…

Justement : j’en viens à ce que je trouve intéressant dans la republication du programme du CNR. En fait, il me semble que la parenthèse libérale de la gauche, ouverte en 1983, est en train de se refermer. Je pense même que c’est déjà le cas dans les têtes : sur le plan idéologique, le triomphe de l’ère libérale est terminé. La preuve la plus éclatante, c’est le rejet du Traité constitutionnel européen par 55 % des Français en 2005 – et plus exactement par 80 % des ouvriers, 71 % des chômeurs et 67 % des employés, soit un vrai vote de classe. Là, il y a eu un discrédit dans les urnes du modèle libéral. Celui-ci reste sans aucun doute le schéma de pensée et de fonctionnement des élites, mais à la base, c’est fini.

Si on s’intéresse aux dates… En 2004, est fêté, à l’initiative d’ATTAC, le soixantième anniversaire du CNR, et à cette occasion, des grands noms de la Résistance, les Aubrac, Hessel, Kriegel-Valrimont, etc. signent un appel pour un nouveau programme du CNR. Pour moi, ça signifie que la parenthèse commence déjà à se refermer : en 1994, pour le cinquantième anniversaire, on n’avait assisté à aucune revendication de cet héritage. En 2005, c’est le vote sur le TCE, puis en 2006, le CPE est rejeté dans la rue. Enfin, en 2007 se tient le premier rassemblement au plateau des Glières.

2007, c’est aussi l’élection de Sarkozy…

Nicolas Sarkozy était là pour mener – et Denis Kessler l’a énoncé – « une entreprise de liquidation du programme du CNR ». Il est arrivé en pavoisant, en promettant l’Amérique, en jurant de tout bouleverser au bulldozer. Mais la conjoncture a complètement changé et lui n’a eu d’autre choix que d’en rabattre, de faire comme ceux qui l’avaient précédé : du grignotage. Il venait pour mener une entreprise de liquidation, mais n’a pas effectué le badaboum promis. Et celui qui se présentait comme « décomplexé » est désormais complexé : nous ne sommes plus dans un mouvement de libéralisme triomphant. Je ne suis pas vraiment un optimiste de nature, mais je crois que le cours de la bataille des idées est en train de s’inverser. Ça va mettre du temps, mais c’est en marche. Et notre responsabilité est de faire que le paquebot tourne plus vite.
Il y a là pour moi un problème majeur – et c’est là que vous allez me traiter d’abominable « organisé » : je considère que si on veut que ce renversement intellectuel s’opère, il faut des forces organisées à gauche.

On ne peut pas publier ça… (rires) Ou alors, propose plutôt de saboter la salle des machines du paquebot…

L’un des problèmes, pour accélérer le mouvement, c’est que la bataille des idées se conduit aujourd’hui en-dehors des lieux où elle devrait centralement se mener. C’est-à-dire – je sais que vous n’êtes pas d’accord, mais c’est ma conviction – dans les partis et dans les syndicats. Il faut des forces pour porter auprès des masses la bataille des idées. Parce qu’en face, ils ont ces forces organisées : quand ils repèrent un universitaire qui peut glisser dans leur sens, ils le rémunèrent considérablement. Ils ont les médias à leur botte. Ils ont tout… Si nous, de notre côté, nous n’avons pas de forces organisées pour peser dans le débat, le paquebot ne peut pas virer de bord.

(Le débat devient chaotique, fin de l’entretien)


1 Note, d’ailleurs, que la vignette de cet entretien est tiré de l’affiche du (très bon) film de Gilles Perret, Walter, retour en résistance.

2 Aux éditions La Découverte :

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3 Disclaimer JBB : j’ai participé à Fakir, et j’en reste proche ; par ailleurs, François Ruffin est un ami.

4 Il y a une dizaine de jours, donc.


COMMENTAIRES

 


  • S’organiser ? Faite allégeance à tous ses salopards de patrons de syndicats, de patrons de mouvements à la noix, de patrons de nos rêves ? François, mon cher, j’aime beaucoup vos propos, vos travaux, votre Fakir que j’attends toujours avec impatience puis que je dévore mais là franchement.............. allez vous faire foutre avec la cohorte des fossoyeurs de nos idéaux................ je vous aime , continuez ; je vous lis, continuez ; je vous entends et vous écoute, continuez ! Mais faut pas pousser mémé dans les orties non plus, hein !!

    Je veux bien qu’on s’agglomère provisoirement dans le plus foutraque bordel qui ne se soit vu mais, de grâce, pas de syndicats et autres machins dont seule une poignée d’opportunistes se dore la pilule aux ors républicains. On verra bien ce qu’il en ressortira de l’agglomérat !

    Dès qu’il y a once de d’organisation, il y a cheffaillerie pour canaliser les ardeurs.

    Sans la moindre rancune :-)

    • Dès qu’il y a once de d’organisation, il y a cheffaillerie pour canaliser les ardeurs.

      Et quand il n’y a pas once d’organisation, il n’y a effectivement pas de risque de cheffaillerie vu qu’il n’y a rien qui se produit ou se construit.

      Lui est par exemple profondément convaincu qu’il ne saurait y avoir de réelle remise en cause du libéralisme sans reconstruction préalable des syndicats et partis de gauche.

      Moi aussi j’ai du mal à voir comment la domination du capitalisme ( je suppose que tu parlais de capitalisme ?) pourra être remise en cause sans cela, parce que pour lutter contre les pouvoirs, il faut des contre-pouvoirs.

      Dans le monde du travail ça s’appelle syndicat, et honnêtement, je ne vois pas de problème avec ça, et d’ailleurs de mes courtes 2 décennies de témoin de l’histoire, c’est à peu près les seuls qui ont pu contenir pendant un temps la marée du libéralisme.

      Dans le domaine politique, ça s’appelle en général partis, j’ai bien une très vague idée de ce qui pourrait les remplacer, mais la politique progresse généralement de manière progressive, et même si cette vague idée se révèle fructueuse, les mécanismes qui en permettront sa généralisation, reconstruirons les partis de gauche préalablement.

      • Désolé, j’ai mixé 2 réponses sans préciser à qui elles s’adressaient : la première à isatis et la seconde aux auteurs de l’article (que je tutoie collectivement).

        • @ Isatis : on est tout d’accord, nous naviguerons de concert, loin de toute organisation. Ce me semble parfaite compagnie.

          « je vous entends et vous écoute, continuez ! Mais faut pas pousser mémé dans les orties non plus, hein ! »

           :-)

          @ CaptainObvious : pas de quoi être désolé, les réponses s’agencent logiquement.

          Je fais vite (une bouteille de rosé m’attend…), ma réponse va se révéler beaucoup trop succinte. Mais il ne me semble pas que, sur les deux dernières décennies (ni même avant), les syndicats ou les partis aient, en quoi que ce soit, contenu la vague libérale. Au contraire, je suis persuadé qu’ils l’ont facilitée, en ne jouant pas leur rôle, en tenant le langage de la défaite et en jouant le rôle de mensongère caution à toutes les réformes lancées.

          De façon plus générale, je crois - comme Isatis - que les organisations sont délétères, qu’elles ne font qu’encourager les compromissions et trahisons. Sans doute n’y a t-il guère d’espoir de changer réellement les choses, de mettre bas le capitalisme ; mais notre seule chance, j’en suis persuadé, réside dans les peuples et les individus, dans la colère de chacun mise bout à bout sans que des intermédiaires ou des représentants ne prennent les choses en main pour en limiter la portée.
          Hop, je me sauve....

          • Pour la france, je pensais par exemple à 95 et à toutes les petits combats qu’il y avait eu depuis. rien de révolutionnaire en soi, mais il me semble bien que c’est les seuls moments où il a été possible de voir le pouvoir, sinon reculer, du moins devoir ralentir son offensive. Je suis le dernier à nier les trahisons syndicales, et j’enrage de les voir impunies, mais je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain surtout quand je n’ai rien pour le remplacer.

            réside dans les peuples et les individus, dans la colère de chacun mise bout à bout sans que des intermédiaires ou des représentants ne prennent les choses en main pour en limiter la portée.

            J’ai du mal à voir clairement ce concept de peuple en tant que force motrice directe du changement politique. Je ne suis pas sur qu’il soit complètement pertinent dans ce cas la, càd au delà d’un républicanisme progressiste comme le conçoit Ruffin. A mon avis à cause d’un certain nombre de contradictions et paradoxes internes : par exemple le concept de peuple français peut englober à la fois le prolétariat et la bourgeoisie nationale, et le concept de peuple corse ou breton (ou algérien à l’époque tiens) brise ce concept de peuple français.

            Je ne nie pas l’intérêt du concept (au contraire de beaucoup d’anars), notamment dans le cas du républicanisme dont le CNR dont on cause en est une version progressiste et socialisante, mais je ne vois ça comme un outil capable de briser le capitalisme.

            Pour essayer d’être un peu plus clair (j’ai du mal désolé) c’est quelque chose qui a mes yeux à un intérêt d’un certain mais qui est plutôt, disons, « philosophique », et qui n’est pas assez concret comme peut l’être un syndicat, un parti, une organisation anarchiste (etc, etc) pour jouer un rôle direct dans la lutte (des classes ou autre).

            Et en ce qui concerne les individus, mettre bout à bout les impuissances de chacun ne me semble pas une stratégie à fort potentiel. Ce c’est que mon humble avis, mais il faut forcément à un moment donné organiser tout ça pour pouvoir en retirer quelques chose. D’autant que l’organisation n’implique pas la hiérarchie (même si je vois mal comment celle-ci peut disparaitre complètement, entre autre à cause des différences d’aptitudes naturelles).

            • Pour le peuple, je te l’accorde : c’est vague et large. Je ne prétendais d’ailleurs pas être trop précis, sur ce point.
              Mais je crois qu’il ne faut pas hésiter, quelquefois, à se référer à une notion si globalisante. Quand je dis « peuple », je ne pense pas aux seuls prolétaires, mais à tout ceux qui peuvent - à la base - oeuvrer au changement que nous espérons : prolétaires, précaires, révoltés, militants (sans leurs petits chefs et leur raisonnement de parti), gens investis dans les luttes et ceux qui ne le sont pas. Pour moi, cette notion de peuple renvoie, par exemple, à quelques moments privilégiés des manifs grecs, quand une population en colère et des anarchistes marchent main dans la main.

              « plutôt, disons, »philosophique« , et qui n’est pas assez concret comme peut l’être un syndicat, un parti, une organisation anarchiste (etc, etc) pour jouer un rôle direct dans la lutte (des classes ou autre). »

              Justement, ce que nous attendons tous est que ce qui est aujourd’hui surtout un concept redevienne une force dans la rue. Il n’y a sans doute rien de plus concret qu’une colère populaire ; maintenant, c’est évident qu’elle ne se manifeste pas toutes les quatre semaines.

          • Mais bon dieu de merde !

            les partis les syndicats, les associations....Putain, mais c’est qui derrière ???

            C’est vous, c’est nous, c’est moi !

            le tour de force véritable du néo libéralisme est d’avoir su, par l’individualisme que je peux aussi lire dans ces commentaires qui se croient pourtant résistants et éclairés, nous DE-RESPONSABILISER des enjeux collectifs, en nous faisant croire que « tous pourris » (c’est qui, au fond « tous »...c’est nous et notre lâcheté, notre sale résignation !) et « on n’y peut rien » (ce qui équivaut a aller a marche forcée vers plus d’individualisme et d’égoïsme, de déstructuration de l’État-outil neutre en soi, selon le degré d’investissement de ceux qui y vivent, ensembles- en tant que régulateur et moyen du collectif), « y’avait personne en face » et autres conneries du même accabi...

            la vérité est plus tragique : nous sommes globalement un pays de lâches, de petits bras, de défaitistes et à la mentalité de consommateurs de tout : politique, syndicats...etc...

            Nous ne sommes pas , loin s’en faut, des entrepreneurs de nos rêves et aspirations, de notre désir de changement (quand il y en a, parce qu’au fond, on se complait peut-être dans notre merde, après tout, pour écrire ce que je lis ici...).

            JUSTE QUELQUES MAUVAIS RÂLEURS ;

            TRISTE ET PATHÉTIQUE.

    • mardi 18 mai 2010 à 14h40, par Adrien Du Katanga

      Presque tout est téléguidé d’on ne sait où. À gauche de la gauche, en réalité, très souvent, on ne fait que reproduire les schémas organisationnels de la gauche de pouvoir, avec un soupçon d’autoritarité en plus ou en moins. La gauche de la gauche est même souvent infiltrée, manipulée par la gauche de pouvoir. Pas un mouvement dit spontané qui ne se fait phagocyter par un groupuscule autoproclamé qui récupère son point de vue, pas une manif dont il y aurait moyen de débattre à l’avance des objectifs, sinon des slogans. Que faire de tous les héraults, et héros, des chefs, des politicards, des gauchistes, et des anarchistes autoproclamés, qui tout en prétendant lancer le débat, cherchent surtout à interdire la discussion, voire à manipuler l’opinion en jouant des coudes. Lorsque des esprits libres pointent le bout de leur nez, de la gauche à la droite, c’est le branle-bas le combat pour bloquer toute la société. C’est cela le problème d’organisation qui se pose selon moi. Il y a une phobie de l’organisation.

      La seule alternative à cette frénésie de leadership, au rappel à l’ordre par les structures pyramidales des appareils, c’est pourtant l’organisation. L’organisation transversale, horizontale, bref, l’auto-organisation non autoritaire : que faire, pourquoi, comment, qui, en se respectant les uns les autres ? C’est le décider ensemble. Mais tout ceci se heurte toujours à des « organisations », à UNE organisation préexistante ? Je pense qu’il s’agit d’une idéologie. C’est une idéologie qui bloque tout. Le langage lui-même fait problème. De sorte qu’auto-organisation est presque synonyme de non-organisation.

      Il faut selon moi avancer sur deux fronts en même temps : sur le front de la non-organisation et de l’organisation, sur celui de la remise en cause de l’ordre moral, institutionnel, et, surtout, idéologique, ET SUR CELUI DE L’ORGANISATION. Même si c’est difficile. C’est une pratique qu’il s’agit d’acquérir. Vérifier toujours qu’aucun leadership ne s’immisce. ORGANISER, c’est bien cela, c’est tenir compte des aptitudes de chacun, des objectifs de tous. Dans les faits, pas uniquement sur un plan formel.

      Avec les chômeurs avec lesquels je discute, je ne parle même plus que de communication. Les possibilités sont innombrables. En même temps, elles sont inexistantes. Le désaccord est permanent, sur les principes, sur les objectifs. Je pense qu’on est comme des abeilles dans une ruche à laquelle on est train de faire mine de mettre le feu. On est comme paralysés. On s’accroche à ce qu’on connaît. Pour communiquer, il faut nier toute possibilité d’auto-organisation, faire référence à une organisation existante. Dès alors, cependant, on s’empêche de communiquer. On ne pratique guère que l’organisation dans le mauvais sens. J’ai du mal à discuter d’organisation pour cette raison. Beaucoup de laissés pour compte se raccrochent à n’importe quoi, même à la gauche, et à une stratégie de gauche, ou critiquent toute idée d’organisation. Dans tous les cas, bonjour le débat, la discussion. On se fait dire des choses comme : « Est-ce que tu connais le bouddhisme ? Tu devrais participer à ces groupes qui et que... » ou alors : « c’est du blabla, ça ne change rien ». Les gens sont dans la mouise, mais ne sont jamais à court d’idées pour échapper à certains modes d’organisation. Des structures toutes faites, oui, du moment que ça n’empiète pas sur l’existence. Des groupes où ils se sentent à l’abri. À l’abri de quoi, je me le demande. De l’organisation ! Tous délèguent leur libre-arbitre à quelqu’un d’autre ou se réclament d’une autorité, d’un maître, d’un exemple, d’un parti, d’un courant, pour ne pas avoir à répondre, à s’organiser. « Pourquoi ne profites-tu pas de ton temps libre pour t’éduquer, apprendre des langues ? » Ceux qui apprennent des langues eux ne jurent souvent que par l’organisation, le marché, sont les managers de leur existence. Au niveau organisationnel, cependant, la non-communication est la règle. Elle sert à imposer un leadership, une idéologie.

      Il n’y a pas un seul groupe de chômeurs qui ne décidât de s’auto-organiser pour travailler, pour s’éduquer, pour apprendre (en autogestion), sans leader, sans patron, sans prof, sans l’intervention d’un pouvoir public. Les anarchistes ont beau dire, eux non plus. Chez les anarchistes, il y a des leaders. Ce sont eux qui donnent les ordres. Même s’ils mettent des gants pour le faire. Tous se raccrochent à des structures autoritaires, ou antiautoritaires, mais qui fonctionnent de manière hiérarchique. AUCUN N’ORGANISE les choses soi-même. Tout ce qui fait mine d’organiser les choses sans les imposer se disqualifie. Ceux qui critiquent les ordres donnés sont traités en paria.

      Je me demande comment des partis, des syndicats pourraient porter un courant d’idées, de revendications, celui dont parle F. R. ou un autre à moins que tout d’un coup, tous se raccrochent à la gauche par nécessité, par exemple parce que la droite, le libéralisme auraient perdu la face, et ne chercheraient pas à se servir de la force. Il faudrait aussi que la gauche de pouvoir bascule du côté de la gauche de la gauche, de ces groupes organisés qui n’ont pas de programme, pour lesquels seul compte le leadership. Drôle de casse-tête chinois.

      Dans un autre domaine, celui de l’enseignement, un auteur critiquait dans un livre récent le fait qu’on n’apprend pas à réfléchir, qu’à l’école, en français, lorsqu’un professeur demande à un élève de rédiger un texte, lorsqu’on apprend à composer, on part du point de vue que les idées représentent un donné, qu’il n’y a pas à réfléchir à ce sujet, que la réflexion que l’on se fait n’influe pas sur la composition.



  • samedi 15 mai 2010 à 15h20, par Remugle

    « Il faut des forces pour porter auprès des masses la bataille des idées. »

    Tiens, il me semble avoir déja entendu ce genre de propos...

    Ca venait pas de camarades...

    • samedi 15 mai 2010 à 19h14, par JBB

      Ben non, c’est clair qu’il n’a pas du tout la même conception de la façon de mener la lutte que nous.

      Mais - pour moi - ça n’enlève rien à la justesse d’une bonne partie de ses analyses.

    • dimanche 16 mai 2010 à 11h16, par CaptainObvious

      Euh, c’est quoi le problème avec cette phrase ? tu veux laisser le monopole de la bataille des idées à la droite, l’extrême droite et la gauche qui trahie ?

      • dimanche 16 mai 2010 à 13h40, par JBB

        Je pense qu’il faisait plutôt allusion à ceux qui, dans l’histoire, ont prétendu jouer le rôle de « courroie de transmission » avec le peuple et lui montrer la voie. Généralement, il n’en est rien sorti de bon.

      • dimanche 16 mai 2010 à 13h41, par Remugle

        Et bien cette phrase, c’est tout simplement une phrase léniniste...

        Et moi, je n’en suis pas... et mes camarades non plus !...

        J’aimerais que tous ceux qui ont envie de porter les « idées » aux « masses », bonne parole évangélique, programmes divers, parallèles ou perpendiculaires, servent au moins de ration protéique, et finissent à la casserole !

        Y a des missionaires qui ont servi à ça...!

        • dimanche 16 mai 2010 à 13h52, par Remugle

          ...et c’est une réponse à CaptainObvious, of course...

        • lundi 17 mai 2010 à 13h42, par CaptainObvious

          Ça aurait pu venir d’adolf hitler que ça n’aurait rien changé.

          « « Il faut des forces pour porter auprès des masses la bataille des idées. » » c’est à mon avis un truisme de la lutte des classes. Si tu ne peux pas convaincre les masses de la justesse de ton combat, autant rester à la maison.

          • lundi 17 mai 2010 à 13h57, par Remugle

            Déja le terme « masses »... mais enfin bon... et ces idées qui seraient produites en dehors des « masses », qui attendraient, assoifées, qu’on leur revèle leur vérité, d’où proviennent-elles donc ??? d’une avant-garde éclairée qui détiendrait la conscience ??? les clés du coffre ???

            s’cuse moi, partenaire.... j’en suis pas...

            • lundi 17 mai 2010 à 14h17, par CaptainObvious

              Déja le terme « masses ».

              remplace masse par peuple ou prolétariat si ça te fait plaisir

              ces idées qui seraient produites en dehors des « masses », qui attendraient, assoifées, qu’on leur revèle leur vérité, d’où proviennent-elles donc ??? d’une avant-garde éclairée qui détiendrait la conscience ??? les clés du coffre ???

              Déjà personne ne parle de masse qui attendent assoiffées, ensuite les idées elles viennent de qui les ont. si les anarchistes (pour donner un exemple) veulent que l’anarchisme se répande, il va bien falloir convaincre les gens. Attendre que tout se règle par l’opération du saint esprit, ça permet peut être de garder sa pureté idéologique mais ça n’est pas des masses efficace.

              • lundi 17 mai 2010 à 14h30, par Remugle

                remplace masse par peuple ou prolétariat si ça te fait plaisir

                les mots ont un sens....

                alors disons, tout simplement, et cela implique une pratique : l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes !

                Get the point ?

                Amicalement

                • lundi 17 mai 2010 à 15h38, par CaptainObvious

                  Je ne vois pas la contradiction.

                  • lundi 17 mai 2010 à 15h57, par Remugle

                    et bien il y en a une : et c’est la réponse à la question : toi qui parle, d’ parles-tu ?

                    • lundi 17 mai 2010 à 16h16, par CaptainObvious

                      toi qui parle, d’où parles-tu

                      Arf, de derrière mon PC bien sur.

                      • lundi 17 mai 2010 à 16h28, par Remugle

                        meuh non, j’parlais pas de toi, Cap’tain... mais bien de ceux qui prétendent apporter des idées aux "masses, mais tu l’avais bien compris, de derrière ton PC... à propos, Poste de Commandement, Parti Communiste ??? Point Comme ???? Arf...

                        Amicalement

                        • jeudi 20 mai 2010 à 09h41, par J.Gorban

                          quel terrible échange entre vous deux !

                          je me souviens d’une soirée organisée par un groupe anarchiste ; un trotskiste intervient et débite un discours ( pas toujours inintéressant d’ailleurs ) ; aucun anar présent n’intervient derrière .
                          étonné par une telle attitude, je m’en ouvre auprès de l’un d’eux : la réponse fut que chacun s’exprime et que les personnes présentes se font leur opinion ! En vérité, belle « démocratie »

                          sous prétexte de l’aventurisme bolchevick, nous n’aurions plus la nécessité de parler au peuple/proletariat/masse ........ ; de faire de la propagande et de recruter.

                          faut arrêter de se masturber l’esprit ! Oui nous avons besoin de nous organiser ; la seule chose qui devrait être en débat c’est la forme d’organisation ( pérenne, limité dans le temps, quelles procédures pour minimiser l’autoritarisme .......... )
                          Nous avons besoin de nous organiser pour échanger, confronter nos expériences et agir ensemble.

                          ensuite pour répondre à certains commentaires, les idées ne sortent ex-nihilo de vos magnifiques cerveaux ; vous avez été formé , vous vous êtes formé ; vous avez rencontré des organisations …….

                          J’aimerai que les anti-organisations m’explique comment ils comptent propager l’anarchisme qui pour moi, n’est pas une posture de dilettante devant son clavier mais un outil et un but pour renverser cette société mortifère.

                          Coup de sang face à cette haine de l’organisation qui ne fait que le lit des réactionnaire.

                          • jeudi 20 mai 2010 à 10h29, par Remugle

                            Cool it down, brother !...

                            Où as-tu lu dans nos échanges qu’il ne fallait pas s’organiser ?

                            La question, c’est quoi, avec qui, dans quel but...

                            Si c’est pour réunir des gens qui ont les memes opinions ... et faire de la militance, ouais, on peut... y a des derviches tourneurs pour ça...

                            si c’est dans les luttes de classes, les differentes formes d’auto-organisation des luttes se heurtent toujours aux organisations instituées, partis, syndicats, groupuscules idéologiques...

                            J’ai été acteur d’une des plus grande coordination de lutte de ces, allez, 40 dernieres années...

                            alors s’organiser, je suis pour !

                            Mais ce n’est pas une affaire de « Propaganda Staffel », de quelque nature que ce soit !



  • Les syndicats comme les partis politiques ont failli et trahi depuis bien longtemps, par contre depuis 1984 c’est devenu patent. Je ne crois pas une seule seconde que c’est d’eux que viendra le ferment qui détruira le capitalisme car ils sont bien trop inscrits dedans, sinon avec. Il n’est qu’à voir d’ailleurs la danse du ventre que leurs leaders effectuent devant les différents « pouvoirs » afin d’obtenir des subsides, des passages médiatiques et autres reclassements pantouflards d’après mandats.

    • Ruffin ne fait que poser la question de savoir comment on peut, sans déjà commencer à mentir, se dire de gauche quand on vit dans un pays de droite.

      c’est pour ça d’ailleurs, que quand je vais à une manif, j’évite à tout prix les drapeaux noirs.
      Les anar m’emmerdent.

      cordialement.

      • @ wuwei : « Je ne crois pas une seule seconde que c’est d’eux que viendra le ferment qui détruira le capitalisme »

        On est tout d’accord :-)

        @ Big Brother : « quand je vais à une manif, j’évite à tout prix les drapeaux noirs. »

        C’est marrant, moi c’est tout l’inverse.

        • à JBB
          voilà ce que c’est le réflexe archaïque

          on a trouvé !

          • alors, ce serait archaïque de penser qu’on pourrait enfin sortir d’une société muselée, tenue et dirigée, de penser que l’Homme a suffisament évolué pour dépasser le « nécessaire » encadrement paternaliste qu’on lui impose ? Marrant, quand même... Ta vision des choses semble, quand même, pour le coup, assez réductrice, Brother ! Peut-être devrais tu t’interesser au mouvement anar et chercher à comprendre plutôt que de reprendre les idées préconçues, suivant, en ça, la doctrine... Tu constaterais que les drapeaux noirs couvrent, souvent, des personnes qui, puisqu’elles refusent tout argument comme étant l’ultime véritée, cherchent souvent bien plus profondément que tu ne le pense les raisons et les rouages du monde qui les entoure !

            Les présupposé que tu nous sers, ici, ne sont, en fait, que ceux dénoncés plus haut par d’autres, servant le système en assimilant contestation et violence... sans aucun regard sociologique ni idéologique.

            Mais il est, bien entendu, plus facile de s’approprier le fait que Julien Coupat est un terroriste où, pour passer de l’autre côté de la corde systémale, que les marins du Potemkine sont d’horrible contre-révolutionnaires Blancs, non ?

            Voir en ligne : http://nosotros.incontrolados.over-...



  • Ruffin fait sa pub.

    Et tente de donner des leçons.

    Heureusement, on n’a pas attendu Ruffin.

    Il ferait mieux, ce Ruffin, de « faire » réellement les métiers qu’il prétend « faire ».

    Ruffin nous gonfle, nous broute, nous goinfre. Et attaque la crédibilité de ce qu’il touche.

    Il faut commencer par avoir de la rigueur et par accepter les remises en cause.

    Et ça, ne lui en parlez pas.

    Alors, que Ruffin NOUS FOUTE LA PAIX.

    • Alors là, j’ai rien compris.

      • @ Alfred : oh, quelle brillante intervention, quel sens de la dialectique, quel critique mesurée et passionnante ! Je suis vachement impressionné, hein. Reviens quand tu veux, surtout…

        @ Captain Obvious : rien à comprendre ; à mon avis il n’a même pas lu l’entretien.

        • Ben, si, justement, je sais lire et j’ai lu (tout de suite jugement et préjugé : s’il ose critiquer, c’est qu’il n’a pas lu. Nos icônes ne sont pas critiquables, etc.).
          Comme je tente parfois de lire Fakir (mais, si, vous savez, la gastro-entérite jusqu’au plafond !).
          Et je n’ai donc pas une virgule à retrancher à mon propos.
          Désolé si le personnage fait partie de vos dogmes et croyances diverses.
          Moi, je ne supporte pas les gens qui avancent en se regardant le nombril (dangereux, boum) tout en faisant mine de prendre à bras-le-corps les Grandes Causes Toujours.
          Je sais lire et j’ai lu, et j’ai bossé avec Lucie Aubrac, qui, elle, qui pourtant aurait pu, ne s’y croyait pas.
          M. Ruffin est suffisant et ça suffit.

          • Ben voilà, c’est déjà mieux sur la forme (le fond te regarde, je ne le partage pas une seconde).

            Ce qui me fout les nerfs, c’est les gens qui débarquent pour dégommer sans justifier leur propos. Du style : « lui, c’est un connard, je n’ai même pas à argumenter, je le traite juste de connard et je me sauve parce que je sais bien que vous n’allez pas supprimer mon commentaire ».
            Je trouve aussi que c’est foutrement impoli de se contenter de laisser ça en commentaire, ne serait-ce que par respect pour le travail qui a été fourni (les entretiens, c’est du boulot, ça ne tombe pas du ciel ; et c’est du travail pour les deux côtés, celui à qui on pose les questions et ceux qui en font la retranscription).

            Pour le reste, non, François Ruffin ne fait pas partie de mes dogmes (j’ai même de réelles divergences politiques avec lui). Par contre, c’est un ami, qui ne correspond pour moi en rien au portrait que tu dresses. Et - toutes sympathie-antipathie de personnes mises à part - je trouve son analyse réellement riche et passionnante, une fois que tu mets de côté ces mêmes divergences politiques. Voilà.

            • « lui, c’est un connard, je n’ai même pas à argumenter, je le traite juste de connard et je me sauve parce que je sais bien que vous n’allez pas supprimer mon commentaire ».
              Encore du préjugé.
              J’écrivais bien :
              Il ferait mieux, ce Ruffin, de « faire » réellement les métiers qu’il prétend « faire ».
              &
              « Il faut commencer par avoir de la rigueur et par accepter les remises en cause. »
              Et ça, justement, c’est rédibitoire.
              A part ça, Article XI est de plus en plus indispensable dans ce paysage de merdRe, alors faites gaffe à la RIGUEUR de ceux qui empruntent ce précieux medium.
              Les gens qui n’acceptent aucune remise en cause ne peuvent, au fond, être de vrais démocrates.



  • Est ce que le CNR n’est pas une date arbitraire ?
    Il y a en France, depuis la révolution une lutte des classes qui est en cours, avec des épisodes : la commune, la libération et le CNR, mai 68, l’ensemble des conflits sociaux- sous estimés - depuis 1982 et la trahison de la gauche par la gauche au pouvoir etc...

    Le CNR n’est à ce moment là le début de rien, mais un épisode qui correspond à un moment où la droite-à la libération- est effondrée. C’est une situation qui a été mal exploitée, à cause d’une Organisation, justement, qui avait des ordres (PCF).

    Dans cette lutte, d’accord sur le fait qu’on entre dans une période où ça s’inverse.

    • C’est une situation qui a été mal exploitée, à cause d’une Organisation, justement, qui avait des ordres (PCF).

      Mal exploité dans quel sens ? Qu’est-ce qui aurait pu être mieux ?

      • Pour le pcf, la liste est tellement longue que pour faire mieux il lui aurait suffi d’être moins stalinien (exemples : ne pas prendre le pouvoir par respect des accords de yalta, épuration de nombreux vrais résistants dans ses rangs(Guingouin), « travailler et produire c’est le devoir de l’ouvrier français » (Thorez, au moment des grèves de 1947) etc...). C’est aussi ce qui a permis de remettre en selle la droite qui n’existait plus à ce moment là.

        Pour faire mieux il aurait déjà fallu vouloir prendre vraiment le pouvoir, ce qui n’était pas possible avec des communistes qui avaient pour ordre de respecter les accords de Yalta.

        Une bonne partie de ce qui est obtenu à la libération s’explique comme ça : obtenir des acquis sociaux pour garder une crédibilité et une influence maximums, tout en ne prenant pas le pouvoir.

        • Pour faire mieux il aurait déjà fallu vouloir prendre vraiment le pouvoir, ce qui n’était pas possible avec des communistes qui avaient pour ordre de respecter les accords de Yalta.

          C’est quelque chose que je lis de temps en temps et qui me laisse toujours un peu pantois : tu oublie juste les ’légers’ détails que sont 4 ans de guerre et d’occupation, et la présence de l’armée américaine sur le sol français (sans compter que je ne regrette pas forcément qu’un PCF complètement inféodé à Moscou n’ai pas pu prendre le pouvoir).

          • Sans refaire l’histoire : la question est de savoir ce qui aurait pu être mieux, ça ne ne veut pas dire que c’était possible. Ils ne voulaient de toute façon pas prendre le pouvoir, parce que ça avait été arrangé comme ça à Yalta.

            Ensuite est ce que c’était possible ? Qui le sait : la plupart des résistants-côté gauche- ont toujours dit qu’ils avaient été freinés à la libération. Et c’est clair qu’ils l’ont été (tant mieux pour certains, d’ailleurs...). Il aurait fallu faire avec l’occupation américaine et un pcf inféodé à moscou, mais est ce que ça obligeait de redonner les clés à la droite, et de se retrouver un peu plus tard avec le retour aux affaires des Papon et autres ? Cela reste à prouver.

            • @ TueCydide : « Est ce que le CNR n’est pas une date arbitraire ? »

              Bien entendu, elle l’est. Elle est ici liée à la parution du livre Les Jours Heureux et à la remise en avant (relative) des valeurs portées par le CNR. D’ailleurs, ce n’est pas resté dans l’entretien, mais François Ruffin expliquait que, pour lui, 1944 n’était que la continuation de 1936.

              @ CaptainObvious : « sans compter que je ne regrette pas forcément qu’un PCF complètement inféodé à Moscou n’ai pas pu prendre le pouvoir »

              Oh que oui. :-)

              • @JBB,

                désolé de répondre mais par date arbitraire, j’ai voulu dire que si on prend globalement l’histoire de la lutte des classes en France, est ce que l’importance accordée à la période du CNR n’est pas un peu surfaite ou surestimée ?

                et la phrase « sans compter que je ne regrette pas forcément qu’un PCF complètement inféodé à Moscou n’ai pas pu prendre le pouvoir » n’a pas de sens logique, puisque soit le PCF est inféodé à Moscou et il ne prendra pas le pouvoir. Soit il prend le pouvoir et il n’est pas inféodé à Moscou.

                De toutes façons le PCf n’a pas besoin d’être inféodé à Moscou pour être bureaucratique et contre révolutionnaire.

                D’ailleurs le premier reproche aux organisations c’est qu’elles ne peuvent conduire qu’à un régime bureaucratique.

                • « est ce que l’importance accordée à la période du CNR n’est pas un peu surfaite ou surestimée ? »

                  C’est une bonne question. C’est d’ailleurs ce qui est aussi à lire - en filigrane - dans les deux commentaires, de Karib et Juliette, cités juste en début du billet. Et l’idée qu’on célèbre (ou qu’ils célèbrent) d’autant les valeurs du CNR que nous ne parvenons à avancer les nôtres me semble plutôt bien vue. Ce que disait d’ailleurs aussi Jean-Luc Porquet, dans cet entretien :

                  Il n’y a plus de grands penseurs, d’intellectuels contemporains apportant réellement de la vie et de l’espoir – à moins de croire que le maoïsme à la Badiou ou L’Insurrection qui vient en sont porteurs ! Face à ce désert, on cherche quelque chose de lumineux dans l’histoire, une pensée pour se ressourcer.

                  Mais - à propos de cet entretien - je trouve que le plus intéressant n’est pas dans le rapport au CNR. Mais davantage dans le tableau que dresse François Ruffin de la bataille idéologique en cours depuis la fin de la guerre (et notamment le paragraphe sur les retraites). Ça, ça nous concerne tous - réformistes ou révolutionnaires - parce que ça aide à comprendre le monde dans lequel on vit.

                  • « Ça, ça nous concerne tous - réformistes ou révolutionnaires - parce que ça aide à comprendre le monde dans lequel on vit. »
                    Oui, mais c’est la compréhension du monde dans lequel on vit qui fait que l’on devient réformiste ou révolutionnaire ;-)

                    • Le programme du CNR n’est pas un commencement mais bien plutôt une fin.

                      Il s’inscrit dans les constructions des welfare states. L’Etat nous accompagne du « berceau à la tombe ». Comme de l’autre côté de la Manche, où les travaillistes comme Attlee ont suivi les orientations du rapport Beveridge (sécu, nationalisations, etc...) qui s’est lui-même inspiré de Keynes. Mais on retrouve les ferments de cet Etat interventionniste chez Bismarck... On en retrouve aussi chez les Anglais, avec la loi sur l’éducation de 1870.

                      En ce sens, il devient difficile d’inscrire pleinement le programme du CNR dans l’histoire de la lutte des classes. Il répond tout autant à la reconstruction d’un Etat considérablement affaibli. C’est bien ce qu’a compris Bismarck : avant lui il n’y avait pas d’« Allemagne », après lui, l’Allemagne était un Etat très puissant, les mesures sociales le légitimant. Un peu comme pour le régime français d’après 45.

                      Ceci étant dit, le programme du CNR est très particulier et diffère du programme des travaillistes britanniques pour un aspect : il porte l’idéal de la république sociale et égalitaire issu tout droit des fronts populaires de 1936. Et là, on se dit souvent : Blum, 36, congés, etc... mais en réalité, même si ce front a une grande importance, c’est surtout le front populaire espagnol qui a marqué les esprits. C’est le front espagnol qui a marqué la jeunesse d’Europe. C’est le front espagnol qui a permis de former toute une partie de la jeunesse d’Europe à l’antifascisme. Le front espagnol, puis la guerre qui s’ensuit, c’est 40 000 jeunes venus d’une cinquantaine de pays qui entrent en Espagne pour combattre aux côtés des anarchistes ou des républicains (en face, du côté des généraux, ils seront une poignée d’étrangers à venir en aide à la réaction militaire). Sans le front espagnol, la résistance française aurait probablement mis beaucoup plus de temps à s’enclencher... Le front espagnol a marqué les esprits de l’époque, il réveille un vieux rêve né en 1848... celui de la république égalitaire et sociale.

                      c’est pour ça que j’ai envie de dire, après tout ce discours bien pompeux -désolé -, que le programme du CNR est l’aboutissement d’un cheminement qui démarre en 1848, durant les tout premiers jours de la 2e république. Un cheminement d’un siècle, donc, qui se termine après la seconde guerre mondiale. Un siècle pendant lequel la majorité des forces progressistes ont cru que les solutions se trouvaient dans l’Etat. Depuis la seconde guerre mondiale, l’Etat est apparu comme une machine ignoble, une concentration de pouvoirs incapables, il n’y a plus d’espoirs dans l’Etat. Pire, il n’y a plus de « rêve » en commun. 40 000 étrangers entrent en Espagne pour combattre les généraux : combien aujourd’hui en Grèce ?

                      Si on veut faire renaître le CNR aujourd’hui, on doit d’abord réfléchir à 1848. A février 1848, d’abord, puis aux Journées de Juin. C’est 5 mois qui en disent long sur les cent ans qui vont s’écouler après. C’est primordial.

            • Serge Halimi a écrit un bon bouquin qui s’appelle « quand la gauche essayait ». Dans ce livre, il analyse à mon avis de manière très claire et très objective les actions de la gauche lorsqu’elle à été au pouvoir. Il en montre les circonstances externe et internes, les limites objectives, les limites arbitraires et les trahisons. Clairement la gauche n’a jamais fait tout ce qu’elle pouvait mais tout n’a jamais été possible non plus. Dans le cas de l’après guerre il était certe possible de faire mieux (surtout en ce qui concerne les colonies) mais il n’était pas possible de faire plus révolutionnaire : la france à reconstruire, les français sorta de 4 ans de guerre et d’occupation, l’armée américaine occupait le pays et l’économie, à plat et sous perfusion américaine l’empêchait.



  • Excusez moi si j’ai raté un épisode, mais je n’ai pas compris ceci : « nous sommes loin de partager toutes les conclusions de François Ruffin : lui est par exemple profondément convaincu qu’il ne saurait y avoir de réelle remise en cause du libéralisme sans reconstruction préalable des syndicats et partis de gauche. Pas d’accord, donc. »
    Et vous préconisez quoi ?
    Pour savoir, pas pour troller.

    • Tirez au sort parmi nous un représentant pour aller négocier la reddition (sans condition, pour faire simple) des ministres félons, et lui botter sévèrement le cul dès qu’il se met à raconter, aussitôt qu’on lui tend un micro, des conneries du genre « il y a un problème avec les retraites ». ;-)

      • @ szut : pour faire basique, nous pensons (enfin, au moins Lémi et moi) qu’il faut jeter les partis et les organisations avec l’eau du bain tiédasse dans lequel ils nous font marner depuis des décennies. En ce qui me concerne, je suis convaincu que toute organisation verticale est délétère et dangereuse, qu’elle n’amène qu’au dévoiement et à la trahison de ceux qui en sont à la base.

        Je te citerais bien Benjamin Péret (Les syndicats contre la révolution), ici :

        « Le syndicat, dès qu’il a quelque importance, extrait ses dirigeants de l’usine, les soustrayant ainsi au contrôle nécessaire des travailleurs. Et, en général, une fois sorti de l’usine, le dirigeant syndical n’y retourne plus. Ces innombrables dirigeants syndicaux qui ont quitté l’usine se créent peu à peu des intérêts d’abord étrangers, puis opposés à ceux des ouvriers qui les ont élus. Ils aspirent avant tout à la stabilité de leur nouvelle situation, que toute action des travailleurs risque de mettre en péril. On les voit donc intervenir auprès des patrons dès qu’une grève menace d’éclater. »

        Je schématise encore, mais il nous apparaît qu’il ne peut y avoir que les individus décidant de s’associer pour lutter, que les conseils, que les communes et que les petites associations pour porter des revendications politiques et un combat de même.

        @ Patrick : pas mieux.

         :-)

        • Je schématise encore, mais il nous apparaît qu’il ne peut y avoir que les individus décidant de s’associer pour lutter, que les conseils, que les communes et que les petites associations pour porter des revendications politiques et un combat de même.

          Les associations, les conseils et les communes c’est déjà de l’organisation hein :)

          A titre perso, je pense que rester petit ne permet de changer que des petites choses.



  • Salut à tous,

    D’abord, merci, entretien très instructif. Quelques réflexions, en vrac :

    assez d’accord - hélas - avec Captain Obvious : on va avoir du mal, en l’état et dans l’immédiat, je pense, à se passer totalement du système politique, aussi mal branlé soit-il (notamment à cause de tout le fric qu’il draine et qui encourage un pantouflage certain chez nombre de nos « représentants »). Ce n’est malheureusement pas pas en l’ignorant qu’il cessera d’exister et d’avoir de l’influence sur nos petites existences. Alors, pour ma part, je suis toujours partisan du moindre mal - sans jamais toutefois être dupe de ce qu’on me propose et sans jamais placer tous mes œufs dans le même panier. Mais il y a quand même, dans le spectre politique, une gradation du moins pire au catastrophique, et ça me semble sensé d’en tenir compte un minimum. L’union fait la force, comme on dit et on ne peut faire l’économie d’un tant soit peu d’organisation si l’on prétend à une action efficace. C’est également vrai pour les comités de quartier, les rédactions, et tout projet humain collectif. Qu’il faille réinventer pas mal de choses, et notamment notre façon de nous connaître les uns les autres, je suis entièrement d’accord. Mais vu la situation, un rééquilibrage me paraît plus judicieux qu’un renversement, lesquels finissent assez souvent mal. Il peut être intéressant de commencer à se servir un peu des partis et autres syndicats plutôt que de les voir se servir. Comme disait Reiser : « sont pas plus forts que nous ! »

    Quant au drapeau noir, bordel de merde, convenez-en, ça reste quand même un putain de drapeau, non ?

    Un point de repère, allez, d’accord.

    Je vous livre tout ça entre Gitanes et bourbon, il y a pire, et transmets mon salut fraternel à tous ceux qui trainent sur Article 11 à cette heure ambiguë.

    • Salut à toi

      Dans l’absolu, je pourrais être d’accord avec toi. Dans la pratique, je dois dire que je n’y crois pas du tout. Par exemple, sur ce point :

      « Il peut être intéressant de commencer à se servir un peu des partis et autres syndicats plutôt que de les voir se servir. »

      Je ne vois pas trop comment c’est possible. Il y a toujours eu des gens sincères pour porter ce discours et pour tenter le coup, ça na jamais donné que des échecs : la machine finit toujours par bouffer les bonnes volontés, au nom d’un prétendu « principe de réalité ». Il y a ainsi des gens qui croient encore pouvoir changer la CGT ou le PC de l’intérieur ; sans vouloir se rendre compte qu’il n’y aucune force assez puissante pour s’opposer à la force d’inertie, à la bureaucratie, aux petits pouvoirs et à l’habitude de trahison de ces organisations. C’est la même chose depuis un siècle, et je ne crois pas une seconde qu’il puisse en aller autrement.

      « Ce n’est malheureusement pas pas en l’ignorant qu’il cessera d’exister et d’avoir de l’influence sur nos petites existences. »

      En partie si, il me semble. Ce sont les électeurs, les militants et les adhérents qui donnent leur légitimité au système représentatif, à ses partis et à ses syndicats. Si ceux-ci délaissent toute participation, ils mettent en lumière la véritable nature de ces organisations : des coquilles vides.

      Pour le drapeau noir : oui. Il est le seul que je puisse avoir envie de « suivre ». Surtout s’il y a du whisky (pas du bourbon, malheureux !)… :-)



  • Bonjour,

    Tout ça est très intéressant, mais on oublie toujours un point essentiel, fondamental, majeur du programme du CNR, qui n’a pas été réalisé mais qui est toujours parfaitement d’actualité : l’éducation populaire.
    C’est en effet par là que tout commence : il ne suffit pas que les gens en aient ras-le-bol, il faut impérativement aussi qu’ils aient une conscience politique suffisante non seulement pour agir, mais surtout pour agir jute, en vue d’objectifs justes (juste au sens viser juste, évidemment).

    Pour avoir un idée de ce que c’est, l’éducation populaire, et passer un bon moment, par la même occasion : http://www.scoplepave.org/conf_incu...

    Ensuite l’Histoire. C’est terrible comme elle est encore peu connue. Pourtant les bouquins existent. Ceux d’Annie Lacroix-Riz, par exemple :
    Le choix de la défaite, Armand Colin, 2006
    où elle détaille, d’innombrables sources à l’appui, le comportement des élites dans les années 30 et leurs suites, l’étrange défaite comme disait déjà Marc Bloch à l’époque.

    C’est infiniment pire que tout ce qu’on imagine... Et c’est dans cet abominable panier de crabes que tombent les quelques types intègres qui forment le CNR. Mais l’objectif de base des élites est d’assurer la continuité et de fermer la parenthèse de la guerre le plus vite possible. Et surtout que personne ne sache qui a fait quoi...

    Il existe des choses là-dessus sur le net (un débat avec Annie Lacroix-Riz) : http://www.dailymotion.com/video/x5...

    Ça donne à méditer... et je le conseille vivement !

    • à NaOH
      merci pour cette vidéo sur Annie Lacroix-Riz

      faut-il en déduire que Odette Hardy est complétement rentrée dans la clandestinité ?

      • @ NaOH : tout pareil, merci pour la vidéo.

        Tu as raison pour l’éducation populaire : c’est laissé de côté, alors que c’est indispensable - sans doute même le plus indispensable de tous.
        De la même façon, Ubifaciunt (qui participe brillamment à ce site) faisait remarquer à Jean-Luc Porquet que le bouquin Les Jours Heureux laissait de côté l’héritage de l’ordonnance des mineurs de 1945. S’il y a bien des protections outrageusement battues en brèche ces dernières années, ce sont celles-ci.

        • Le 8 mai 1945, en plein triomphe du CNR, notre glorieuse armée de l’air, qui a si bien résisté à la Luftwaffe, cinq ans plus tôt, trouve enfin un ennemi à sa mesure : les populations civiles de Sétif, en Algérie. Avec les massacres de Guelma, ces bombardements restent une des plus belles réalisations de nos militaires.
          Les ministres « communistes » (sic) ne s’y trompent pas, qui approuvent chaudement (forcément, ils ont participé collectivement à la décision.) Et l’Humanité, qui, neuf mois plus tôt, titrait :« Chacun son Boche, » rajoute sa petite note tendre en traitant les Algériens de nazis.
          On vivait une époque passionnante.

          Oui, l’économie mixte (gérée à la fois par le privé et par l’Etat) reste un moment onirique, une période propre à nous enthousiasmer, un idéal capable de soulever ce « peuple » apathique ("quand j’entends le mot peuple, disait Marx, je me demande quel mauvais coup on mijote contre le prolétariat.)

          Merdre !

          Que le « libéralisme » passe de mode, c’est bien possible, au moins pour quelques intellectuels qui ont largement prouvé leur capacité à changer fréquemment d’employeur. Que les ci-devant staliniens reconvertis dans l’apologie du marché infaillible reviennent à leurs amours anciennes, cela peut se concevoir.
          Faut-il pour autant se pâmer d’aise ?

          Encore une fois, libéralisme et keynésianisme (le programme du CNR n’est pas autre chose) ne sont que deux faces de la même médaille, deux moments dans les cycles de la valorisation du capital, dans les cycles de la lutte des classes.
          La France des « trente glorieuses » (comme ils disent sans rire) était aussi abjecte et vomitive que l’actuelle.
          Cela dit, je ne méconnais pas les avantages que peut présenter telle ou telle forme de gestion du capitalisme, telle ou telle époque : je préfère avoir la sécurité sociale que mourir malade sans avoir de quoi me soigner, je préfère toucher les Assedic qu’emprunter à mes amis pour acheter des spaghettis.
          Mais tout cela ne me détournera pas des seules tâches qui m’importent : la destruction du capitalisme (et pas seulement du libéralisme).
          C’est là qu’on en vient aux histoires d’organisation ou de pas d’organisation, mais ce sera pour une autre fois.....

          • « Merdre ! »

             :-)

            Comme d’hab, j’aime bien.

            Mais je voudrais juste apporter deux nuances. Il me semble (et je gage que tu seras d’accord) qu’il ne saurait être inutile de se plonger dans des analyses variées (y compris marquées du sceau réformiste) pour se rapprocher d’un but, la mise à bas du système. Dit autrement : que la phase libérale s’achève n’accélérera peut-être pas notre victoire, mais de le savoir n’est pas contre-productif non plus. C’est une donnée historique utile, quoi.

            Sinon, moi aussi :

            « je préfère toucher les Assedic qu’emprunter à mes amis pour acheter des spaghettis »

            c’est d’ailleurs mon cas en ce moment.

          • en somme, la seule question qui devrait nous préoccuper c’est :

            POURQUOI LA BOURGEOISIE EXISTE ENCORE ?

            (puisqu’ils nous font chier avec ces gros riches)

          • De par ma chandelle verte ...

            merci Karib pour toutes ces précisions.

            Existe-t-il une photo-repro de cet article de l’Huma quelque part ?

            Dans ton nouveau post, tu décris, sans y avoir été, ce qu’il est ressortit de la projection du film « Les réquisition de Marseille » à Thorens les Glières ...

            • A JBB : tu as raison, bien sûr, il n’est jamais inutile de se plonger dans des analyses. Et on peut faire son miel un peu partout, y compris chez les réformistes, voire chez nos ennemis déclarés, car chez eux, aussi, il y a des gens qui réfléchissent et ne disent pas forcément que des conneries. Donc, nous sommes d’accord, et j’ai déjà dit ici combien m’agaçait la propension à ne pas répondre à des arguments mais à se contenter de dénoncer celui qui les avance. Si Le Pen affirme qu’il fait plus chaud en Afrique qu’au Pôle Nord, je ne vais pas lui chercher noise sur ce terrain....
              Alors, bien sûr, François Ruffin a raison de dénoncer la casse des acquis sociaux gagnés en 1936 et en 1945, et il le fait avec brio. Mais il ne pousse pas l’analyse assez loin, il se contente de soupirer, de regretter le bon vieux temps où le salariat avait su négocier une part plus importante de la production de richesses. Or, maintenant (mais c’est vrai depuis le XIXè siècle) la question n’est pas d’assurer une meilleure part au salariat, elle est d’abolir le salariat.

              Evidemment, dit comme ça, de façon lapidaire, cela peut prêter à sourire. Et hop, on abolit le salariat et le patronat ! Excusez du peu. Mais abandonner cette perspective d’abolition du capitalisme, c’est se condamner à l’utopie, au sens de chimère irréalisable. Car contrairement à cette gracieuseté qu’on nous oppose systématiquement, c’est bien l’idée d’un capitalisme tempéré, souriant, d’un capitalisme à visage humain qui reste une utopie. En rêvant à un partage des richesses plus favorable au salariat, on oublie deux choses : premièrement que ces richesses sont quand même le fruit d’une extraction de plus-value, d’une dépossession des moyens de production (et parallèlement de tout l’univers symbolique) et deuxièmement que ces mêmes richesses dans les pays dits « développés » ne peuvent être à ce point abondantes que parce que les pays dits « sous-développés » sont réduits à la misère. Ca, c’est le volet impérialiste de la domination du capital. Pour aller vite, retraites et sécurité sociale marchent de pair avec l’Algérie et l’Union française.

              A Fred : je n’ai pas sous la main les numéros de l’Humanité, journal pornographique édité par l’une des organisations les plus obscènes de l’histoire, le parti stalinien international, mais je les ai autrefois consultés et la citation est authentique. Une autre me revient en mémoire, datant des mêmes journées : « Plus fort les coups sur le Boche chancelant. » Quant au film « Les réquisitions de Marseille », je ne le connais pas. Peux-tu nous en dire plus ?

              • J’avoue, pour le coup (mais c’est quand même assez fréquent), que je suis assez en accord avec Karib... L’étude porte sur la casse du système tel qu’il est, et cette étude est interessante et vraie, mais rien sur le système défendu, consistant non pas, comme on nous le prétend, en un état-social, mais en un état-compassion plus interessé par le fait de calmer que de soigner. Aucunement, dans ce qui a découlé du CNR (et de bien d’autres organismes), il n’a été question de revenir sur la répartition des richesses, sur la casse sociale d’un monde capitaliste, mais juste d’en corriger les effets les plus dévastateurs... Et même sans remettre en cause le système, juste par des concessions compassionnelles à la limite de la dame patronesse laissant son obole à la sortie de l’église, au 19e siècle, on voit ces concessions n’aboutir qu’à une constante remise en cause du nécessaire vital, du renouvellement des forces de travail, et concentrer les forces nécessaires de la révolte sur de faux amis... La concession n’a montré que la volonté de destruction du monde capitaliste, et l’aspirine, qu’on nous le donne où pas, ne soignera pas un monde malade de la gangrène ! Il est peut-être temps de dépasser la lutte pour la survie et l’obole, et d’enclencher la lutte pour la vie ?

                Voir en ligne : http://nosotros.incontrolados.over-...

              • « retraites et sécurité sociale marchent de pair avec l’Algérie et l’Union française. »

                dans la tête des patrons

                l’ouvrier n’a jamais voulu tout pour l’ouvrier
                mais le patron dans sa tête, c’est toujours le patron d’abord
                faut toujours s’attendre au retour de bâton

                l’ouvrier, il est pas responsable si les élites algériennes ont collaboré avec la France et volé la révolution algérienne aux Algériens au moment de l’indépendance.

                par contre quand les syndicats ont enlevé de leurs statuts l’abolition du salariat, ils ont trahi.

                je fais cette précision car ce raccourci me fait penser à certaines conneries que peuvent sortir les régionalistes, parfois.

              • @ fred :

                Existe-t-il une photo-repro de cet article de l’Huma quelque part ?

                Sur Gallica :

                A chaque parisien son boche : ici

                Vive la France immortelle. Plus forts les coups sur le boche chancelant ! : ici

                La Gauche Communiste publiait ce tract dans la même periode : ici

                Evidemment, la pureté doctrinale vous met à l’abri de l’Histoire ... on peut le percevoir sans doute dans ce tract, mais c’est un autre débat !...

                Salud y pesetas

                • Le commentateur anonyme de 9h51 a écrit ceci : (...) là, on se dit souvent : Blum, 36, congés, etc... mais en réalité, même si ce front a une grande importance, c’est surtout le front populaire espagnol qui a marqué les esprits. C’est le front espagnol qui a marqué la jeunesse d’Europe. C’est le front espagnol qui a permis de former toute une partie de la jeunesse d’Europe à l’antifascisme. Le front espagnol, puis la guerre qui s’ensuit, c’est 40 000 jeunes venus d’une cinquantaine de pays qui entrent en Espagne pour combattre aux côtés des anarchistes ou des républicains (en face, du côté des généraux, ils seront une poignée d’étrangers à venir en aide à la réaction militaire). Sans le front espagnol, la résistance française aurait probablement mis beaucoup plus de temps à s’enclencher... Le front espagnol a marqué les esprits de l’époque, il réveille un vieux rêve né en 1848... celui de la république égalitaire et sociale."

                  Oui et non. Oui, parce qu’il est vrai que l’engagement en faveur de l’Espagne a marqué une génération du sceau de l’antifascisme (mais probablement moins, hélas, que l’engagement d’une immense partie de la jeunesse européenne aux côtés du nazisme), et non, parce que cet engagement était double, comme était double la situation espagnole : à la fois guerre civile entre deux fractions de la bourgeoisie (fascisme et république) et révolution prolétarienne (appropriation des terres et des usines, autogestion, milices ouvrières, etc.)
                  Ceux qui sont à l’origine du programme du CNR et auxquels François Ruffin voue, semble-t-il, une certaine admiration, sont les mêmes qui ont étranglé la révolution espagnole, n’ont eu de cesse de remettre en selle une bourgeoisie républicaine déstabilisée par l’offensive ouvrière et discréditée par son peu d’empressement à combattre le soulèvement des militaires factieux. Ce sont les mêmes qui ont liquidé militairement les collectivités d’Aragon, saboté l’industrie socialisée, rétabli les municipalités réactionnaires, assassiné les militants ouvriers chaque fois qu’ils le pouvaient. Un même programme était à l’oeuvre en Espagne et en France dix ans plus tard : épouser les méandres de la politique étrangère de l’URSS.
                  La différence, c’est qu’en France, le parti dit communiste s’est contenté de promouvoir l’Etat (y compris dans sa dimension coloniale) et de favoriser le salariat dans la répartition du profit, tandis qu’en Espagne, malgré sa taille minuscule mais avec l’aide de l’URSS, il fallait pour parvenir au même but briser une révolution ouvrière et paysanne qui allait infiniment plus loin que la seule résistance au fascisme et amorçait l’abolition du capitalisme.

                  • OK
                    alors c’est l’Etat qui est à considérer comme une vieille institution.

                    le problème est que le pouvoir d’Etat est utilisé pour permettre à la bourgeoisie de continuer à faire des profits énormes

                    car alors

                    le rapport de force maintenu est celui imposé par les bourreaux

                    on devient par conséquent un peuple de bourreaux.

              • à Karib

                Quant au film « Les réquisitions de Marseille », je ne le connais pas. Peux-tu nous en dire plus ?

                Voici mon second article sur les Glières, avec mon point de vue sur le film « Les réquisitions de Marseille »

                merci à Remugle pour le lien vers l’huma mais rien pour 1945, dommage ...

                Voir en ligne : PROBE

                • @ fred : merci à Remugle pour le lien vers l’huma mais rien pour 1945, dommage ...

                  Que veux tu dire par là ?

                  Amicalement

                  • à Remugle

                    Sur ce site, au demeurant fort bien achalandé, on ne peut accéder que jusqu’à l’année 1944 concernant les n° de l’Huma.

                    « Chacun son boche », article paru en août 44, plus d’un an après le débarquement des américains en Sicile (juillet 43) et que von Paulus ait capitulé à Stalingrad (février 43) ...

                    Karib parlait d’un article paru autour du 8 mai 1945 :

                    Et l’Humanité, qui, neuf mois plus tôt, titrait :"Chacun son Boche, rajoute sa petite note tendre en traitant les Algériens de nazis. On vivait une époque passionnante.

                    C’est cet article que je cherchais à voir, je me suis mal exprimé.

                    merci !

                    • C’est cet article que je cherchais à voir, je me suis mal exprimé.

                      J’ai pas de référence pour l’article, mais j’ai souvenir d’accusations du PC (donc peut être bien de l’huma) accusant les collabos et les hitlériens d’être derrière les émeutes d’algérie en 45 (et puis de toute façon c’était la grande époque de l’hitléro-trotskisme).



  • Merci : vous redonnez le moral !!

    je viens d’écouter quelques « socialistes » sur les retraites.

    j’ai eu du mal à tout comprendre tellement c’était alambiqué....
    j’ai eu l’impression qu’il fallait encore gagner du temps....

    L’idée de retraite « à la carte » me semblait un trompe pauvres....

    votre article m’éclaire :

    « plus tard, en 1985, les lobbys patronaux – en l’occurrence, il s’agit de l’Institut de l’entreprise – recommandent « une retraite à la carte plutôt qu’une retraite couperet ». »

    • Je ne crois pas que j’arriverai à mettre d’accord JBB et Ruffin, mais je me disais qu’on peut peut-être concilier un peu les points de vue.
      1) Développer l’idée du syndicalisme.
      2) Faudrait des syndicats puissants, mais sans bureaucrates. Virer les permanents à vie qui n’ont rien à défendre sinon leur plaçou. Mais surtout, surtout, il faut absolument les déborder, les syndicats, pour remettre en cause ce paritarisme bidon où il suffit d’un syndicat jaune, comme la CFDT, pour que le MEDEF gagne.
      Enfin, faut en finir avec cette vieille lune selon laquelle les syndicats doivent pas faire de politique.

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