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vendredi 9 avril 2010

Le Charançon Libéré

posté à 23h20, par JBB
41 commentaires

Aux Glières, « l’homme qui rit dans les cimetières » se la joue preux pèlerin
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Le déplacement se veut symbolique : depuis 2007, Nicolas Sarkozy se rend chaque année sur le plateau des Glières, prétendu hommage aux résistants tombés pendant la Seconde Guerre mondiale. Le président fait au moins preuve de constance dans la récupération… L’occasion pour les médias de transformer ce déplacement opportuniste en « pèlerinage ». Sans déconner ?

Dans les mots des médias, toujours chercher trace des grossiers traquenards qu’on te tend, le vocabulaire comme miroir inversé de la réalité.

Et ne jamais t’étonner que les ficelles lexicales soient si grosses qu’elles feraient passer un câble d’amarrage pour le plus léger des fils de pêche.

Ainsi d’un président, pourtant plongé dans le plus ridicule des scandaillons1 d’État, qui se trouve, par la grâce d’un déplacement sur un haut-lieu de la résistance (c’était hier, aux Glières), transformé en rien de moins qu’un pèlerin.

C’est-à-dire en être plutôt digne et respectable, cÅ“ur pur et intentions louables, homme souhaitant mettre à l’épreuve d’une longue et difficile route son désir d’absolu.

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« Nicolas Sarkozy »en pélerinage« sur le plateau des Glières », titre ainsi RTL, tandis que l’AFP (ici reprise par Le Figaro) explique que « le président effectue chaque année un « pélerinage » sur le plateau des Glières, pour rendre hommage aux Résistants fusillés par les Allemands en mars 1944 ».

Un vocabulaire aussi employé par Le Point - « ce pèlerinage annuel » - , par Le Monde - « C’est son pèlerinage » - ou par La Tribune - « son pèlerinage annuel en Haute-Savoie ».

Et Le Dauphiné Libéré fait mieux encore, s’embarquant dans une pompeuse reprise de la communication de l’Élysée : « Le Président y effectue un pèlerinage lourd de symboles. Là, devant le Memorial il peut endosser l’habit de « père de la Nation ». Renouer, loin des turbulences qui agitent l’Elysée, avec les valeurs fondatrices de la Ve République… »2

Ce n’est pas un déplacement officiel, donc.

Et encore moins une visite politicienne.

C’est un pèlerinage, Monsieur !

Un peu de respect, que diable…

-

Tu trouves sans doute que je pinaille.

Mais la chose me semble importante et je vais t’en lister tout de go les raisons.

Il y a d’abord ce que l’usage du mot « pèlerinage » ne dit pas.
Je ne t’apprends rien, le déplacement de Nicolas Sarkozy aux Glières n’est qu’une récupération politicienne, à la fois récurrente - le président ne manque jamais une occasion de clamer qu’il s’y rend et rendra chaque année - et conjoncturelle - cette année, le déplacement a été une parfaite occasion de couper court à l’emballement de « la rumeur » sur le couple présidentiel.
Pour illustration parfaite, cette dépêche de l’AFP qui rapporte le souhait de Nicolas et Carla de ne pas porter plainte à propos de « la rumeur ». Quel meilleur moment pour en faire part que la visite aux Glières ? La dépêche cite ainsi une mystérieuse « source » élyséenne participant au « pèlerinage » (en fait, il s’agirait du président lui-même, selon le site Arrêt sur Image). Et détaille même : « Cette source accompagnait Nicolas Sarkozy en Haute-Savoie, où le président effectue chaque année un « pélerinage » sur le plateau des Glières, pour rendre hommage aux Résistants fusillés par les Allemands en mars 1944. »

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Pour illustration aussi, cet article du Figaro sur le déplacement aux Glières, joliment titré Nicolas Sarkozy optimiste dans la tourmente. Sous un cliché montrant le président les yeux levés vers les sommets, homme préférant s’intéresser aux affaires des cieux plutôt qu’aux décevantes contingences de l’existence, l’article insiste sur la tentative présidentielle d’ouvrir « un contre-feu » et sur sa volonté de rebondir.
Que veux-tu ?
Pendant le « pèlerinage », les affaires continuent…

Mais il y a aussi ce que ce recours au terme « pèlerinage » met en pleine lumière. Soit le défaut de mémoire et l’absence de mise en perspective. Logique : s’ils ne questionnent pas les mots qu’ils utilisent, les médias vont encore moins se plonger sur les controverses - historiques et politiques - entourant un tel déplacement.
Pas un mot, donc, sur l’opposition manifestée par une partie des anciens résistants à la visite présidentielle : la grande majorité des médias (à l’exception notable de France3 Rhone-Alpes) ne mentionne pas la critique de l’instrumentalisation de la Résistance portée par l’association Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, ni son appel à boycotter la visite d’un président qui « se sert de la résistance pour exister médiatiquement ». Aucun média non plus ne relaye les prises de parole sur le sujet de Walter Bassan ou Henri Bouvier, figures historiques de la résistance et opposants résolus au sarkozysme.

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Il y a - enfin - ce passé très récent que le mot « pèlerinage » camoufle volontairement. Rappelle-toi : une précédente visite aux Glières avait valu au président le surnom d’homme qui rit dans les cimetières. Façon de souligner son comportement indigne lors du « pèlerinage » de mars 2008 : après quelques minutes de recueillement, Sarkozy avait, en présence d’anciens résistants, multiplié les commentaires malvenus et les blagues vaseuses, scandalisant une bonne partie de l’assistance. Permets-moi de copier-coller ici un passage d’un de mes précédents billets sur le sujet :

Surexcité, confit d’autosatisfaction, Nicolas Sarkozy se laisse aller. Regarde à peine les deux républicains espagnols venus risquer leur peau plus de soixante ans plus tôt pour cette France qu’il est censé incarner, tout juste capable de leur dire : « Très heureux. C’est formidable ! Et en plus, moi je défends les Espagnols. » Rictus amusé, il enchaîne : « Mais les Italiens sont pas mal non plus… Maintenant que je suis marié à une Italienne, hein… » Sourire crispé, il observe un jeune militaire : « Il est beau, ce chasseur alpin ! Vous savez que j’ai été jeune, moi aussi ? » Les anciens résistants ne disent mot, un gradé de l’armée française tente de ramener le chef d’État à un peu de dignité. « Nous nous sommes refusés à laisser des résistants qui étaient tombés dans une embuscade enterrés dans une fosse commune. Nous les avons ramenés ici dignement », explique t-il, très vite interrompu par un président qui ne feint même pas de se sentir concerné. Qui tend le doigt pour montrer une cascade sur les hauteurs. Qui rigole sur l’habit rose d’une membre de l’assistance. Et qui tourne les talons en assénant : « Ben oui, faut bien s’amuser un peu… »

Cette scène incroyable, les médias n’en ont à peu près pas parlée. Une seule caméra l’a saisie, celle de Gilles Perret, réalisateur ne s’étant pas contenté de conditions de prise de vue balisées et encadrées par l’Élysée. Lui a enregistré le manque de respect présidentiel, alors que ses « collègues » journalistes avaient déjà regagné la buvette. Le réalisateur de Walter, retour en résistance3 dressait d’ailleurs ce constat,en un entretien donné à A.11 : « Les journalistes télés ne sont plus que des communicants, qui débarquent sur les sujets avec un timing très serré. Comme en sus, on leur mâche le travail et qu’on leur met tout à disposition… Le résultat est là : tous les journaux télés n’ont évoqué que le recueillement de Sarkozy devant le monument. Des images parfaites… » « Images parfaites » ou mots mensongers, mise en scène pour les caméras ou par le vocabulaire, il y a sans doute là les manifestations d’un même phénomène : la paresse médiatique sert la propagande politique.

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En l’avant propos de Les Jours Heureux4, le journaliste Jean-Luc Porquet parvient à trouver un effet positif au « pèlerinage » présidentiel aux Glières : « Il faudrait remercier Nicolas Sarkozy. C’est à cause de son insistance que de simples citoyens, réunis au sein de l’association Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, créée en décembre 2008, sont retournés aux sources. C’est parce que, depuis mai 2007, il est venu trois fois en pèlerinage ostentatoire sur le plateau des Glières, haut lieu de la résistance en Haute-Savoie, accompagné à chaque fois de cameramen et de porteurs de micros convoqués par ses soins, qu’ils se sont mobilisés. Et qu’ils se sont replongés dans lecture des Jours Heureux, le programme du Conseil national de la Résistance publié en mars 1944. »
Un programme, explique ensuite le journaliste du Canard, que Nicolas Sarkozy et ses sbires n’ont de cesse de détricoter, de mettre à bas. L’Å“uvre de destruction est parfaitement résumée par la célèbre formule de Denis Kessler, figure du patronat : « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement [de Sarkozy] peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité Sociale, paritarisme… À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple : prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. »

Au fond, c’est ainsi que l’emploi du mot « pèlerinage » prend tout son sel, pour peu que tu en inverses le sens. Ce n’est pas au combat des résistants de la Seconde Guerre mondiale que Nicolas Sarozy rend hommage, mais au sien propre. Et il ne célèbre pas ce qu’ils ont construit, mais ce que lui-même détruit. En sorte qu’il ne s’agit plus seulement d’opportunisme politique ou de récupération politicienne, mais aussi du plus froid et détestable des cynismes. En sorte aussi que tu ne le vois plus rire dans les cimetières - il ne se fera pas prendre deux fois - , mais tu peux être sûr qu’il continue de ricaner sous cape.


Ps : puisqu’on parle de « pèlerinage », je suis sûr que tu n’as pas manqué de cocher une prochaine date en ton luxueux agenda. Il s’agit de Paroles de Résistance, événement organisé par l’association Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui. En voici une brève annonce : « Ce sera le dimanche 16 mai prochain au Plateau des Glières autour de grandes figures de la Résistance comme Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Odette Nilès et d’acteurs de résistances plus actuelles dans les domaines de la justice, de la presse et de la santé. Cet événement sera placé sous le signe de la plus grande dignité qu’impose ce lieu, sans bannière ni slogan. L’an dernier, ce sont 4 000 personnes qui ont répondu présent à cet appel. »
Je serais toi, je me bougerais les fesses. Mais tu fais comme tu veux, hein…



1 Le scandaillon est le rejeton du scandale.

2 Note que Le Dauphiné Libéré, comme Le Point, Le Monde et La Tribune, sait écrire le mot « pèlerinage » sans faire de faute. RTL et l’AFP ne peuvent en dire autant, qui se trompent dans le sens de l’accent, écrivant tous deux « pélerinage ».

3 Film que je ne saurais que trop te conseiller de voir, si ce n’est déjà fait. Voici l’affiche :

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4 Ouvrage collectif publié aux éditions La Découverte, avec ce sous-titre : Le programme du Conseil national de la Résistance de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en Å“uvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition. Je t’en reparlerai bientôt.

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COMMENTAIRES

 


  • Tiens, pour la peine, moi aussi je copie-colle une vieille histoire des Glières de 2008...

    « Deux jours après sa déculottée aux municipales, le mardi 18, Sarkozy était au plateau des Glières, haut lieu de la Résistance. Il s’agissait de retrouver une vraie »stature« et de »faire président" dans un site dont il entend faire sa Roche de Solutré.

    A 11 h 30, après avoir salué le drapeau, passé les troupes en revue, prononcé une brève allocution et s’être recueilli devant la tombe de Tom Morel, le chef du maquis, il reste quelques minutes dans le cimetière, à deux pas des tombes alignées des 105 maquisards tués au combat, et devise avec une vingtaine d’anciens résistants, pour la plupart réquisitionnés en catastrophe cinq jours avant, par pli présidentiel apporté par deux motards de la gendarmerie. Et là, dans l’enceinte du cimetière, chassez le bling-bling, il revient au galop, le voilà qui se met à plaisanter, à parler de Carla, et de lui, encore de lui...

    A un ancien résisatnt qui lui fait remarquer la présence de deux républicains espagnols : « En plus, je défends les Espagnols, mais les Italiens ne sont pas mal non plus. Maintenant que je suis marié à une Italienne ! » Et de se marrer... Un temps. « Ils sont beaux, tous ces chasseurs alpins... » Le général Bachelet, président de l’Association des Glières, lui montre un point élevé dans la montagne : « Nous nous sommes refusés à laisser des résistants tombés dans une embuscade enterrés dans une fosse commune... Nous les avons ramenés ici dans le cimetière. » Sarkozy, ne faisant même pas semblant d’écouter, le doigt pointé vers une hauteur : « C’est quoi la cascade ? C’est magnifique... Ecoutez, je vous aime beaucoup. » A une dame de l’assistance : « Ce rose vous va très bien. Je n’en tire aucune conclusion politique (hilare). »

    Un des anciens résistants trouve qu’il va trop loin et l’apostrophe : « Président, faut calmer, faut calmer ! » Lui n’entend rien : « Ben oui, faut bien s’amuser un petit peu. » Surtout dans les cimetières.

    Un autre lui offre un livre qu’il a écrit. Sarkozy le remercie puis : « C’est bien, comme ça je pourrai dire que j’ai un copain FTP (rires). Et vous direz j’ai un copain président de la République. »

    Pour endosser le costume de vrai président, y a encore du boulot... Le bling-bling fait de la résistance."

    Jean-Luc Porquet, le Canard Enchaîné n°4561

    ...

    "Lorsque Tom Morel eut été tué, le maquis des Glières exterminé ou dispersé, il se fit un grand silence. Les premiers maquisards français étaient tombés pour avoir combattu face à face les divisions allemandes avec leurs mains presque nues, non plus dans nos combats de la nuit, mais dans la clarté terrible de la neige. Et à travers ce silence, tous ceux qui nous aimaient encore, depuis le Canada jusqu’à l’Amérique latine, depuis la Grèce et l’Iran jusqu’aux îles du Pacifique, reconnurent que la France bâillonnée avait au moins retrouvé l’une de ses voix, puisqu’elle avait retrouvé la voix de la mort.

    L’histoire des Glières est une grande et simple histoire, et je la raconterai simplement. Pourtant, il faut que ceux qui n’étaient pas nés alors — et depuis, combien de millions d’enfants ! — sachent qu’elle n’est pas d’abord une histoire de combats. Le premier écho des Glières ne fut pas celui des explosions. Si tant des nôtres l’entendirent sur les ondes brouillées, c’est qu’ils y retrouvèrent l’un des plus vieux langages des hommes, celui de la volonté, du sacrifice du sang.

    Peu importe ce que fut dans la Grèce antique, militairement, le combat des Thermopyles. Mais dans ses trois cents sacrifiés, la Grèce avait retrouvé son âme, et, pendant des siècles, la phrase la plus célèbre fut l’inscription des montagnes retournées à la solitude, et qui ressemblent à celles-ci : « Passant, va dire à la cité de Sparte que ceux qui sont tombés ici sont morts selon la loi. »

    Passant, va dire à la France que ceux qui sont tombés ici sont morts selon son cœur. Comme tous nos volontaires depuis Bir-Hakeim jusqu’à Colmar, comme tous les combattants de la France en armes et de la France en bâillons, nos camarades vous parlent par leur première défaite comme par leur dernière victoire, parce qu’ils ont été vos témoins.

    On ne sait plus guère, aujourd’hui, que tout commença par un mystère de légende. Le plateau des Glières était peu connu ; presque inaccessible, et c’est pourquoi les maquis l’avaient choisi.

    Mais alors que nous combattions par la guérilla, ce maquis, à tort ou à raison — peu importe : la France ne choisit pas entre ses morts ! — avait affronté directement la Milice, allait affronter directement l’armée hitlérienne. Presque chaque jour, les radios de Londres diffusaient : « Trois pays résistent en Europe : la Grèce, la Yougoslavie, la Haute-Savoie. » La Haute-Savoie, c’était les Glières.

    (...)

    Peu importent nos noms, que nul ne saura jamais. Ici, nous nous appelions la France. Et quand nous étions Espagnols, nous nous appelions l’Ebre, du nom de cette dernière bataille. Je suis la mercière fusillée pour avoir donné asile à l’un des nôtres. La fermière dont le fils n’est pas revenu.

    Nous sommes les femmes, qui ont toujours porté la vie, même lorsqu’elles risquaient la leur. Nous sommes les vieilles qui vous indiquaient la bonne route aux croisées des chemins, et la mauvaise, à l’ennemi. Comme nous le faisons depuis des siècles. Nous sommes celles qui vous apportaient un peu à manger ; nous n’en avions pas beaucoup. Comme depuis des siècles.

    Nous ne pouvions pas faire grand-chose ; mais nous en avons fait assez pour être les Vieilles des camps d’extermination, celles dont on rasait les cheveux blancs. Jeanne d’Arc ou pas, Vierge Marie ou pas, moi, la statue dans l’ombre au fond du monument, je suis la plus vieille des femmes qui ne sont pas revenues de Ravensbrück. Morel, Anjot et tous mes morts du cimetière d’en bas, c’est à moi que viendront ceux qui ne connaîtront pas votre cimetière. Ils sauront mal ce qu’ils veulent dire lorsqu’ils chuchotent seulement qu’ils vous aiment bien.

    Moi, je le sais, parce que la mort connaît le murmure des siècles. Il y a longtemps qu’elle voit ensevelir les tués et les vieilles. Il y a longtemps, Anjot, qu’elle entend les oiseaux sur l’agonie des combattants de la forêt ; ils chantaient sur les corps des soldats de l’an II. Il y a longtemps qu’elle voit les longues files noires comme celle qui a suivi ton corps, Morel, dans la grande indifférence de l’hiver. Depuis la fonte des glaces, vous autres dont les noms sont perdus, elle voit s’effacer les traces des pas dans la neige, celles qui ont fait tuer. Elle sait ce que disent aux morts ceux qui ne leur parlent qu’avec les prières de leur mère, et ceux qui ne disent rien. Elle sait qu’ils entendront le glas que toutes les églises des vallées ont sonné un jour pour vous, et qui sonne maintenant dans l’éternité."

    Discours prononcé par André Malraux le 2 septembre 1973 à l’occasion de l’inauguration du Monument de la Résistance érigé par le sculpteur Émile Gilioli sur le Plateau des Glières.

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  • Les Glières ont été conçues pour figurer un pèlerinage de notre magnifique président identique et comparable à celui de la roche de Solutré par Mitterrand gravie le lundi de Pentecôte*. Mais surtout cela est venu à la fin de la campagne du deuxième tour et il le rappelle. Quand on regarde la campagne du premier tour, elle s’achevait pour Mitterrand en Camargue, mais c’est également le cas. Mitterrand s’est rendu au Panthéon après sa prise de fonction pour déposer trois roses ? Il rend hommage dans la foulée de son élection aux résistants fusillés du bois de Boulogne. Nous avons des images de campagne électorale totalement plaquées, mais ce n’est pas exclusif des images de campagne : il s’agit d’une idéologie de cartes postales qui ne fonctionne pas toujours. C’est de la décalcomanie mitterrandienne sans que lui ou ses spectateurs comprennent le sens de cette agitation iconographique.

    * Chez Mitterrand, c’est par un pur hasard que cette date coïncide plus ou moins avec son élection, la faute en revient à Pompidou mort trop tôt ou bien trop tard.

    Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

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    • Belle analyse. Je n’ai entendu ou vu nulle part développer cette analogie avec Mitterrand. Et je la trouve plutôt très convaincante. Décalcomanie mitterrandienne, mais sans la classe ni que la sauce prenne. C’est très révélateur, en fait.

      (Et puis, aussi, tu m’as permis de revoir la photo du Sarko-media-tour en Camargue. Le cliché est tellement bien que je ne résiste pas au plaisir de le remettre ici :

      Quelle bande de débiles…)

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      • Eh ben dis-donc, les journaleux entassés dans une bétaillère !
        Le canasson n"a pas l’air content avec ce malaise sur le dos.

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      • Le cheval est malade,il a un emplatre sur le dos.

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      • L’image est drôle - regardez-moi ces trois clampins en chemise de sauvetage, suivi par une brouette de journaleux...

        L’analogie avec Mitterrand est plutôt pertinente. Elle va plus loin ; le petit Talonnettes ne s’inspire pas seulement des postures présidentielles de son aîné (Sarko ne peut qu’en adopter la pose, n’ayant ni la profondeur ni l’intelligence du roublard de Solutré), mais surtout il s’inspire de certaines stratégies...

        Mitterrand avait créé un choc en s’acoquinant avec le PCF dans le cadre du Programme Commun. L’entrée des communistes au gouvernement en 81 avait terrorisé une partie de la vieille droite libérale et conservatrice. Ensuite de quoi, Mitterrand s’est toujours appuyé sur le clivage droite parlementaire / droite nationaliste pour rogner les ailes de la première et l’empêcher de constituer une vague bleue.

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        • Mais la droit de cette époque avait un minimum de dignité. Elle voulait mettre le monde en ordre de bataille capitaliste, et était (de tous temps) totalement inféodée aux forces du complexe militaro-industriel, mais au moins se révulsait-elle de dégoût lorsqu’elle se trouvait face à l’immondice d’extrême-droite...

          Sarko a voulu reprendre ce modèle, mais il l’a doublement dévoyé.

          Il n’a pas fait entrer de lepénistes dans son gouvernement, mais a truffé son action de références explicites au FN et à l’extrême-droite (d’ailleurs sans doute plus à la Nouvelle Droite).

          Il a voulu diviser la gauche en donnant corps à un prétendu terrorisme d’ultra-gauche autonome : plus des militants de gauche s’emportent avec violence, plus il est facile à l’Union des Mercantiles et des Pétainistes, relayée par ses sbires médiatiques, de criminaliser la contestation. Sarko voulait ainsi diviser la gauche comme Mitterrand avait divisé la droite.

          ⇒

          • Cela révèle tout à la fois le cynisme et la courteur intellectuelle de Sarko : car il y a un monde entre l’extrême gauche et l’extrême droite, et que le parallélisme des formes n’est qu’apparent.

            Parce que la contestation n’est pas que le fait de dissidents d’ultra-gauche, mais elle est réelle, ancrée, des communistes aux gaullistes.

            Parce que Mitterrand a pris des communistes au gouvernement, sans adopter de projet révolutionnaire. Sarko n’a pas enrôlé Marine Lepen, mais les idées de cette truie ont tellement transpiré au sein de l’Union des Mercantiles et des Pétainistes, que la xénophobie, le nationalisme et le binarisme populiste règnent en maîtres sans que personne ne s’y oppose vraiment à droite.

            Sarko voudrait bien faire comme ses aîné. Avoir leur maîtrise et leur prestance. Mais il n’est qu’un « troisième couteau », un « petit chef », un manager, un gestionnaire.

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  • Ce type est incongru partout où il passe et salit tout ce qu’il touche.

    Qu’il ait été mis à la tête de l’Etat montre bien pourquoi il y avait bien plus de collabos et de pantoufles silencieuses que de résistants pendant la guerre. Et il est heureux que certains de ceux-là soient encore vivants et aient encore bon pied bon Å“il pour rappeler ces moments héroïques de l’histoire et les mesures qui s’en sont suivies.

    Sinon, Chouchou aurait aussi bien pu choisir Eurodisney comme lieu de pèlerinage.

    Voir en ligne : des bassines et du zèle

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  • samedi 10 avril 2010 Ã  04h41, par pièce détachée

    « Ce sera le dimanche 16 mai prochain au Plateau des Glières autour de grandes figures de la Résistance comme Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Odette Nilès et d’acteurs de résistances plus actuelles... »

    Pour le jour de mon anniversaire, j’aimerais qu’on enveloppe aussi dans les papillottes l’héritage des résistantes Germaine Tillion, Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Charlotte Delbo (pas de liens, cherchez, évitez Wikipedia qui les écrase et les aplatit encore). Toutes trois passent le relais vers d’autres, anonymes ou pas.

    @ Ubi :

    Merci pour le discours-monument de Malraux — en a-t-il jamais prononcé d’autre sorte, lui qui débuta sa carrière en découpant à la scie le patrimoine des monuments d’Angkor pour se faire du fric ? Ah... Sa crise de Thermopylite aiguë, ses « mystères de légende » (hein ?), son Éternel Féminin confit dans l’impuissance éplorée (« nous ne pouvions pas faire grand-chose »). Grandiose !

    Quand le péplum écÅ“ure, on peut lire Ruth Klüger, pas résistante du tout (enfance bousillée), mais qui rafraîchit bien le sujet à grands seaux d’eau froide : par exemple, « La mémoire dévoyée : kitsch et camps », dans R. Klüger, Refus de témoigner, éd. Viviane Hamy, 1997 (chaque phrase de ce bouquin me renverse). Imre Kertész, autre gosse rescapé retourné sur les « lieux », a aussi décrit ce kitsch.

    Plusieurs remèdes d’urgence aux enflures valent mieux qu’un : compilation trempée dans l’acide des commentaires des Grandes Personnes dans le « livre d’or d’Auschwitz » (oui, ça existe), par Adrien Le Bihan, Auschwitz Grafitti (Librio, 2000).

    Ma main tendue vers celle d’Ana Novak (l’orthographe de son nom varie), autre gamine d’Auschwitz, qui m’a fait comprendre la première, avant même Kundera (de mémoire : « le kitsch, c’est la négation absolue de la merde »), pourquoi et comment être une victime n’empêche pas d’être un salaud.

    On est bien là, si je ne me trompe, en plein dans le kitsch de Sarkozy, qui chie sa merde sur les résistants et tous autres bousillés en l’enveloppant dans le glamour de sa poupée et dans les corsages roses.

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    • « Germaine Tillion, Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Charlotte Delbo »

      Les deux première femmes que tu cites ne sont pas des inconnues pour moi. Mais la troisième, si ; honte à moi, d’ailleurs (même écrasée et aplatie par Wikipedia (jolie formule, c’est exactement ça), son existence forcerait l’admiration du plus crétin des idiots).

      Et aussi : c’est quand ton anniversaire ? (Je mettrai des papillotes de côté)

      Et encore : la pompe grandiloquente (quoi, une redondance ?) me file aussi des boutons. Mais quand même : je resterai toujours un peu cet ado qui a dévoré L’Espoir et La Condition Humaine, des étoiles (rouges et noires) plein les yeux. J’ai trop aimé ces livres à quinze ans pour ne retenir que les mauvais côtés de Malraux, son gaullisme ridicule, son emphase perpétuelle et ses manières de petit délinquant.

      Et enfin : ton style et belles références me laissent encore une fois pantois. Quel talent, foutredieu !

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  • « Tu trouves sans doute que je pinaille. »

    Jamais de la vie tant la verdeur de l’expression est trop manifeste pour quelqu’un comme toi qui ne manie le verbe qu’avec mesure et circonspection.

    En tout cas ce fut un grand plaisir (c’est toujours le cas, mais là !!!!!) de te lire aujourd’hui. C’est en effet très important de dénoncer et démonter le racolage éhonté d’un homme qui est l’exact opposé par ses actes et ses paroles de celles et ceux qui ont tant fait pour nous. Leur héritage doit rester bien vivant et pour cela, « entrer en résistance » est le devoir le plus sacré pour chaque personne voulant s’impliquer en tant que citoyen (ne).

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  • merci JBB

    vivement la version papier !!!

    Et il ne célèbre pas ce qu’ils ont construit, mais ce que lui-même détruit.

    Comme tu dis souvent « pas mieux ».

    Merci aux autres pour leurs intéressants commentaires.

    Bon, ben au 16 mai alors !

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    • dimanche 11 avril 2010 Ã  12h17, par fred

      Allocution de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, lors de la cérémonie d’hommage aux martyrs du Bois de Boulogne.

      Paris, le mercredi 16 mai 2007

      Mesdames et Messieurs,

      Nous voici donc au Bois de Boulogne, en ce lieu tragique où 35 jeunes résistants furent fusillés par la Gestapo il y a 63 ans.

      Massacre inutile, absurde, à quelques jours seulement de la libération de Paris alors que tout est joué. Ce n’est pas un acte de guerre. C’est un meurtre perpétré de sang-froid, un acte de vengeance.

      Au moment même où ils sont exécutés, les 35 résistants capturés par traîtrise sont déjà des symboles. Ils le sont aux yeux mêmes de leurs bourreaux. Sur les visages des 35 martyrs dont beaucoup ont à peine 20 ans, les bourreaux lisent leur défaite désormais inéluctable et, ce qui leur est plus insupportable encore, la préfiguration d’un avenir où ils n’auront plus leur place.

      Ils ont trop tué. Ils ont trop de sang sur les mains. Ce ne sont plus des soldats, ce sont des assassins qui ne sont plus mus que par le seul instinct de mort et de destruction.

      Ici en ce 16 août 1944, ces 35 jeunes Français qui vont mourir incarnent ce qu’il y a de plus noble dans l’homme face à la barbarie.

      Ici en ce 16 août 1944 ce sont les victimes qui sont libres et les bourreaux qui sont esclaves.

      Les résistants sont jeunes. Ils vont mourir. Mais ce qu’ils incarnent est invincible. Ils ont dit « non », « non » à la fatalité, « non » à la soumission, « non » au déshonneur, « non » à ce qui rabaisse la personne humaine, et ce « non » continuera d’être entendu bien après leur mort parce que ce « non » c’est le cri éternel que la liberté humaine oppose à tout ce qui menace de l’asservir.

      Ce cri nous l’entendons encore.

      Ce cri, je veux que dans les écoles on apprenne à nos enfants à l’écouter et à le comprendre.

      Si nous voulons en faire des hommes et non de grands enfants, nous avons le devoir de leur transmettre à notre tour cette idée de l’homme que les générations passées nous ont léguée et au nom de laquelle tant de sacrifices ont été consentis.

      Si j’ai tenu à faire ici ma première commémoration en tant que Président de la République, dans ce lieu où de jeunes Français furent assassinés parce qu’ils ne pouvaient pas concevoir que la France reniât toute son histoire et toutes ses valeurs,
      si j’ai tenu au premier jour de mon quinquennat à rendre hommage à ces jeunes résistants pour lesquels la France comptait davantage que leur parti ou leur Eglise,
      si j’ai voulu que fût lue la lettre si émouvante que Guy Môquet écrivit à ses parents à la veille d’être fusillé,
      c’est parce que je crois qu’il est essentiel d’expliquer à nos enfants ce qu’est un jeune Français, et de leur montrer à travers le sacrifice de quelques-uns de ces héros anonymes dont les livres d’histoire ne parlent pas, ce qu’est la grandeur d’un homme qui se donne à une cause plus grande que lui.

      Je veux par ce geste que nos enfants mesurent l’horreur de la guerre et à quelle extrémité barbare elle peut conduire les peuples les plus civilisés.

      Souvenez-vous, enfants de France, que des hommes admirables ont conquis par leur sacrifice la liberté dont vous jouissez.

      Mais souvenez-vous aussi que la guerre est terrible et qu’elle est criminelle.

      Puissions-nous faire que dans le monde que nous vous laisserons le risque de voir triompher cette barbarie ait disparu.

      Que le souvenir du grand crime que nous commémorons aujourd’hui vous pousse à Å“uvrer pour la paix entre les hommes.

      Qu’il vous fasse comprendre que pour mettre fin au cycle éternel du ressentiment et de la vengeance il a fallu construire l’Europe.

      Qu’il vous fasse comprendre pourquoi la réconciliation franco-allemande fut une sorte de miracle, et pourquoi rien jamais ne doit conduire à sacrifier l’amitié qui après tant d’épreuves lie désormais le peuple français et le peuple allemand.

      Enfants de France, soyez fiers de vos aînés qui vous ont tant donné, et soyez fiers de la France au nom de laquelle ils sont morts.

      Aimez la France comme ils l’ont aimée, sans haïr les autres.

      Aimez la France parce que c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre.

      Vive la République !
      Vive la France !

      photosici

      Voir en ligne : Il n’y a pas de retraites dans ce combat

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  • « Pèlerinage », en même temps, pourquoi pas ? Il s’agit bien de ce voyage qu’on entreprend en son nom personnel et dont on attend une illumination quand ce n’est pas une guérison miraculeuse. « Pèlerinage », ça convient donc mieux ici que « commémoration » ou « recueillement » et d’ailleurs le président se garde bien de toutes ces formes de repentance qui nous feraient presque oublier les tracas de la milice, bien réels eux aussi.

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  • Le Sarkozysme détricote le Pacte du Conseil National de la Résistance. On l’a dit à maintes reprises, comme Julien Coupat l’avait lui-même expliqué depuis sa cellule : la droite sarkozyste a trahi ce Pacte. Sa volonté est double : réunifier idéologiquement toute la droite, en lui faisant assumer de nouveau ses penchants fascistes et racistes / détruire les réalisations du CNR, qui avaient précisément pour but d’asseoir la cohésion nationale et de définir un véritable projet.

    Il est urgent de mettre un terme au règne de cette droite, mais il est tout aussi urgent de la détruire, et de faire en sorte quela droite extrême, la droite fascisante et xénophobe soit à nouveau plongée dans la honte, l’opprobre et la condamnation universelle.

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    • J’adhère totalement.

      Malheureusement, j’ai bien l’impression qu’ils sont davantage en train de nous détruire que l’inverse. Même : pour l’instant, cette droite haïssable nous met une sacré branlée… Et je finis par ne plus croire à notre sursaut, à force de l’espérer sans qu’il n’advienne.

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      • Tant que le personnel politique sera aussi déplorable à gauche qu’à droite, tant que ces gens ne feront que compter sur un retournement médiatique ou l’apparition magique d’un candidat de gauche encore plus populiste et démagogue que le Nabot Vagal, bref, tant que la gauche française n’aura pas compris qu’elle doit revenir à son fondamental historique et protéger les libertés face à l’arraisonnement tous azimuts de l’Union des Mercantiles et des Pétainistes, rien ne se produira, sinon des escarmouches ponctuelles, violentes, et aussitôt discréditées.

        Et puis que faire d’autre sinon poursuivre des initiatives comme Article 11. Il y a plus d’opposition politique, de dissidence médiatique, en un mot plus de résistance à l’oppression dans les lignes de ces blogs, que dans n’importe quelle salle de réunion de la rue de Solférino ou de la Place du Colonel Fabien, de toutes façons... Le sarkozysme n’étant rien d’autre que la destruction du Pacte du Conseil National de la Résistance, combattons déjà le sarkozysme avec nos mots, puisqu’il essaie de pervertir jusqu’à la langue française.

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