ARTICLE11
 
 

lundi 20 octobre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 10h39, par JBB
8 commentaires

Extension du domaine de la détresse : derrière ou devant les barreaux, du pareil au même
JPEG - 25.4 ko

Il n’est guère de plus triste chronique que celle de ces morts volontaires, prisonniers toujours plus nombreux à choisir de s’évader définitivement ou désespérée amoureuse tentant de sauver celui qu’elle aime par un effroyable incendie. Il n’est guère, aussi, de révélateur plus aigu de ce manteau de froide indifférence et d’inhumanité qui sans cesse étend son emprise.

De ces morts toujours plus nombreux derrière les barreaux.

Décompte macabre suivi pas à pas avec en ligne de mire le record de l’an passé.

Contagion de la pendaison, strangulation devenue presque quotidienne sans plus faire les gros titres des journaux, comme si à chaque jour suffisait sa peine de mort.

Front de la misère pénitentiaire dont on apprend, au détour d’un article, au recoin d’une brève, au saut d’une ligne, qu’il a fait une nouvelle victime, qu’il en failli en faire d’autres.

Enumération sans fin, si ce n’est la mort : « Cette fois, les faits se sont déroulés à Ensisheim (Haut-Rhin), où un homme de 45 ans s’est pendu vendredi dans sa cellule »… « Une tentative de suicide a également eu lieu samedi soir à la maison d’arrêt de Mulhouse, la quatrième en moins d’une semaine dans cet établissement pénitentiaire ! »… « Lundi dernier, deux hommes et une femme avaient tenté de se suicider par pendaison dans le même établissement. »…

Chronique devenue banale de suicides si multiples et effrayants qu’ils finissent même par paniquer les organisations syndicales de surveillants, toutes unies pour dénoncer une « incohérence de la politique pénale » dont l’initiatrice n’a cure, tant il est connu que les établissements pénitentiaires ne sont pas de ces endroits où il faut être vus pour faire la Une des magazines peoples, froide indifférence et basses ambitions pour une femme de tête qui déshonore le genre ministériel plus encore qu’il n’est coutume.

De ces morts toujours plus nombreux derrière les barreaux, donc, on rapprochera à bon escient le sort de Josiane, sexagénaire amoureuse qui vient tristement de prouver que le désespoir ne se limite pas au strict périmètre des prisons.

En craquant sa dernière allumette, devant la maison d’arrêt du Mans et à quelques centaines de mètres de la cellule de celui dont elle voulait empêcher l’expulsion, choisissant le plus effroyable des modes de suicide - si tant est qu’un palmarès puisse être édicté -, Josiane n’aura même pas réussi à retenir son aimé.

Non plus que sa combustion n’aura incité à plus d’humanité des responsables qui n’en ont pas.

Pour le souvenir de ce triste feu follet, sitôt allumé sitôt oublié, on n’osera même allumer une bougie.

Flamme vacillante dans cette nuit d’indifférence qui partout s’étend.

Pathétique lumière destinée à mourir, de toute façon.

JPEG - 48.6 ko

__3__

S’ils tombent comme des mouches dans et devant les barreaux, on n’oubliera non plus qu’il est d’autres prisonniers à faire les frais de ces politiques d’exclusion.

Ni embastillés ni enfermés, et pourtant emprisonnés aussi sûrement que des longues peines à trente ans condamnés.

Horizons autant contraints et limités que s’ils résidaient en cellule, si ce n’est qu’ils sont un peu plus vastes, sur quelques grises tours et sur quelques tristes rues.

Quartiers comme des prisons où les policiers sont autant de matons impunis, homme de prétendue loi qui ont tous les droits et aucuns devoirs face à ces proscrits sans statut.

Habitants de ces cités dont il n’est pas anodin qu’il suffise d’y rajouter un mot - pénitentiaire - pour les changer en appellation moderne des prisons et maisons d’arrêts.

Tant, des quartiers où il n’existe nul respect ni avenir aux cités pénitentiaires où il n’existe nul avenir ni respect, les choses sont du pareil au même.

Froid manteau de la nuit qui tombe sur des existences si flétries.

Que même cette allumette craquée par Josiane ne suffira à réchauffer.

__3__

Ceux qui meurent et ceux qui vivent.

Le sort des premiers étant réglé.

Le sort des seconds pas toujours plus enviable.


COMMENTAIRES