ARTICLE11
 
 

vendredi 25 septembre 2009

Sur le terrain

posté à 16h27, par Lémi
12 commentaires

Au Honduras, malgré la répression, la « Résistencia » continue
JPEG - 21 ko

Le peuple hondurien est dans la rue. Se bat et ne lâche rien. Alors que Zelaya, réfugié dans l’ambassade du Brésil, est assiégé depuis le 22 septembre, les manifestations se multiplient. Décidés à ne pas se laisser impressionner par la répression des putschistes et par la violence de l’armée, les contestataires se regroupent derrière un mot d’ordre, Resistencia. Photos et (bref) témoignage.

JPEG - 50.6 ko

Comme un air de poudre dans les rues de Tegucigalpa, capitale du Honduras. Un président destitué et exilé par la manière (très) forte, Manuel Zelaya (« Mel » pour ses partisans) de retour au cœur du pays dont il a légitimement la charge. Un pouvoir putschiste qui oscille entre répression brutale des partisans de la légalité et tentative de calmer le jeu. Et cette rue hondurienne qui ne cessait de hurler depuis la destitution illégitime de son président le 28 juin et qui trouve dans le retour rocambolesque de Zelaya un nouveau souffle.

Le 22 et 23 septembre, le pays semble ne pas être passé loin de l’implosion quand le pouvoir putschiste de Roberto Micheletti a décrété le couvre feu suite à de violentes manifestations. Si l’heure est à l’apaisement (timide), le couvre-feu ayant été partiellement suspendu, la situation reste explosive.

Difficile de se faire une idée de ce qui se passe depuis le retour de Zelaya, le 21 septembre. Cloitré à l’ambassade du Brésil, il semble réduit à l’impuissance. Dans les médias, pas grand-chose, des supputations, très peu de témoignages. Quelques vidéos qui ne montrent pas grand-chose (notamment sur Global Voices). De courts résumés des manifestations du jour.

Certains font mine de découvrir la violence du pouvoir en place (on les a connus plus réactifs concernant l’Iran…) alors que manifestations et répression s’enchaînent quasi quotidiennement depuis le 28 juin. C’est pourtant indiscutable : le très autoritaire gouvernement Micheletti ne s’embarrasse pas de scrupules pour se maintenir au pouvoir. Maurice Lemoine le rappelle dans La Valise diplomatique datée du 23 septembre :

Depuis ce jour (le 28 juin), et alors que le Front national de résistance mène de puissantes mobilisations populaires, jamais la répression contre la population n’a cessé, au vu et au su de tous – mais n’émouvant guère les médias. Le 6 août – seize jours avant le retour de M. Zelaya –, le Comité des familles de détenus disparus au Honduras (Cofadeh), comptabilisait deux mille sept cent deux arrestations illégales et neuf meurtres, certains commis par des militaires habillés en civil. Le bilan s’est alourdi depuis. Mis en sommeil à la fin des années 1980, des escadrons de la mort ont diffusé une liste de cent vingt syndicalistes à abattre.

C’est aussi ce que décrit Francesca, résidente au Honduras et jointe par mail. Le peuple est en lutte, se bat contre l’injustice, depuis le coup d’État :

Depuis ce jour, le peuple s’est organisé et a commencé à marcher dans les rues. Ça a fini par s’appeler « la resistencia », car on résiste au gouvernement qui s’est mis en place avec Micheletti. La résistance s´organise dans tout le pays et chaque jour on marche pour exiger la restitution du président Zelaya et de « La Constituyente », ce symbole de la voix du peuple qu’on a voulu encore une fois réduire au silence.

Francesca souligne notamment l’ambiance très tendue des manifestations des 22 et 23 septembre :

Tous les jours, les policiers s’attaquent aux gens de la résistance. Ils frappent avec des tubes d’acier et des bâtons avec des clous, utilisent des bombes lacrymogènes et des fusil. En ce moment, il y a 400 personnes de la résistance en prison et 30 morts qui ne figureront que dans les listes de ONG…

Des chiffres impossibles à vérifier et qui ne cadrent pas - ô surprise - avec les déclarations de la police (qui évoque deux morts, du bout des lèvres). En passant, Francesca évoque la levée du couvre feu1, « un grand soulagement » et aussi la preuve des hésitations d’un pouvoir qui ne dispose que d’un soutien limité, tant dans le pays qu’en dehors, ne peut se permettre durablement un tel manque à gagner financier et craint l’embrasement généralisé.

Un pouvoir isolé, un peuple qui lève la tête et le dit haut et fort, la situation est plus que jamais explosive. Si l’issue est incertaine (Micheletti et ses sbires vont-ils surenchérir dans la répression ?), le peuple hondurien a prouvé qu’il ne resterait pas sans réaction face à un pouvoir illégitime et autoritaire. Comme le déclarait en juillet la journaliste Hélène Roux, en un entretien donné le 11 juillet à ce site :

Pour finir, ce qui vient de se passer - le coup d’État, la répression et les arrestations - a sans doute cristallisé un réveil des mouvements sociaux au Honduras. Quelle que soit l’issue de la crise, rien ne sera plus pareil.


Les photos qui suivent (et celle qui précède) sont de Blanca Kat2 et n’ont pas été diffusées par d’autres médias. Elle ont été prises au petit matin du 22 septembre 2009, lendemain de l’arrivée du président Zelaya, à quelques mètres de l’ambassade où il s’est réfugié.

JPEG - 58.8 ko
JPEG - 50.5 ko
JPEG - 57.7 ko
JPEG - 49.9 ko
JPEG - 44.2 ko
JPEG - 52.5 ko


1 Une levée temporaire, puisque Micheletti vient de réinstaurer un couvre-feu nocturne.

2 Un grand merci à elle pour nous avoir autorisé à les diffuser ; ainsi qu’à Francesca pour nous les avoir envoyées.


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 25 septembre 2009 à 17h35, par Francesca Randazzo

    Merci beaucoup de parler en détail de ce qui se passe au Honduras et de rendre visible la Resistencia. L´action et solidarité des différents pays du monde est indispensable en ce moment.

    • samedi 26 septembre 2009 à 19h40, par Lémi

      Merci à toi, surtout, pour ton témoignage. En ce qui concerne cette « solidarité » que tu appelles de tes voeux, j’ai bien peur qu’elle ne reste lettre morte, en France en tout cas. Hors de l’Iran, les peuples opprimés n’intéressent pas grand monde (ok, j’exagère un peu)... Reste à espérer que la réaction des honduriens suffira à emporter le morceau à elle seule. Ou que l’ONU sera un pare-feu suffisant à la violence du régime (je suis sceptique).



  • vendredi 25 septembre 2009 à 19h41, par wuwei

    Et pendant ce temps là, messieurs Guetta et Adler les duettistes de « radio rance » et de l’indignation à géométrie variable, semblent trop préoccupés par l’Iran pour nous causer du Honduras. Mais il est vrai que Zelaya est de gauche et ça c’est une tare irrémédiable pour que nos atlantistes patentés daignent faire la moindre remarque désobligeante sur un putsch militaire qui nous ramène au meilleur temps de la fripouille de Kissinger.

    • samedi 26 septembre 2009 à 02h34, par daniel rené villermet

      vr 1 grand mouvement monde en attendant souti1 ox résistants du honduras

      • samedi 26 septembre 2009 à 19h47, par Lémi

        @ Wuwei
        Ouaip, la différence de traitement avec l’Iran est assez effarante. Et clair que ce qui se passe au Honduras n’intéresse pas grand monde. Ceci dit, ce n’est pas vraiment nouveau avec l’Amérique Latine. Suffit de voir comment Uribe est traité (le sauveur d’un pays qui sinon serait livré au terrorisme le plus sanguinaire) pour savoir que nos médias de masse préfèrent des dirigeants autoritaires voire dictatoriaux. Il faut bien rétablir l’équilibre, Chavez & consorts ouvrent un peu trop leur gueule...



  • dimanche 27 septembre 2009 à 09h06, par tgb

    merci pour ces infos et ces images que nous ne verrons nulle part ailleurs
    petite info supplémentaire - DSK et son FMI a accordé cet été 163 millions de dollars au honduras
    maniere de remercier les salopards du golpe de estado

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/



  • dimanche 27 septembre 2009 à 13h42, par Le Joker

    C’est bien de parler un peu du Honduras. Dans les merdias traditionnaux on ne parle que de la chasse au Mahmoud. A quand une petite ingérence humanitaire des renégats de l’ALBA dns le cul de Micheletti ?

    • dimanche 27 septembre 2009 à 14h54, par Lémi

      Tout d’accord, ce silence commence à devenir assourdissant. Si tu cherches un lieu plutôt exhaustif sur la question, il y a Info Sud Télé, lancé il y a peu et dédié exclusivement à l’Amérique Latine. Beaucoup de traductions de journalistes du coin et de l’info honnête et exhaustive. A lire.



  • dimanche 27 septembre 2009 à 21h24, par cyril

    Salut,

    quelques rapides traductions à propos de l’attaque contre l’ambassade du Brésil

    http://nantes.indymedia.org/article...

    beaucoup d’infos sur le site du CMI Honduras

    http://chiapas.indymedia.org/honduras/



  • lundi 28 septembre 2009 à 11h47, par Primitivi

    Merci bien pour un article récapitulatif de la situation.
    Ces informations manquent largement dans nos médias, facilement sourds à ce qui ne correspond pas à la vision manichéenne occidentale.

    J’ajouterais que depuis le mois d’août notre petit site primitivi tente de relayer les informations issuent des flux d’info sud américains, beaucoup moins conciliants avec Micheletti que l’AFP ou Reuters.

    Je me permet de mettre ton article en autre référence sur le sujet à la fin de notre synthèse.
    Le dernier mis en ligne, date d’hier soir, voir le lien ci-dessous :

    Voir en ligne : Honduras : grande agitation autour de l’ambassade du Brésil

  • Répondre à cet article