ARTICLE11
 
 

lundi 30 avril 2012

Littérature

posté à 19h38, par Lémi
6 commentaires

Du pain, des jeux, des élections

Plus qu’une semaine avant le verdict final. La France entière s’excite, frôle l’ébullition : l’actuel champion va-t-il s’évaporer dans les urnes ? Le challenger va-t-il s’imposer ? Vaines ritournelles. Dans « Les Ficelles du pantin », tout juste sorti aux éditions Attila, Yak Rivais aborde la question sous un angle plus explosif : que se passe-t-il quand le sortant refuse de laisser sa place ?

«  Ah monstre ! Ordure de l’ordure !
Pourriture à remplir d’horreur la pourriture...
Et tous acceptent ça !
 »
Bertold Brecht, Arturo Ui

Soir d’élection, dans un pays imaginaire qui ressemble fort à la France de mai 2012. Le président sortant, le gras et vulgaire Vitellius, ne veut pas sortir. Pas question de lâcher ce pouvoir qu’il aime tant, dans lequel il trempe comme l’ours dans la mer de miel. Les urnes le désavouent ? Qu’importe ! Son adversaire triomphe ? Cette andouille légaliste ne va pas tarder à déchanter ! Il est ainsi, Vitellius ; les scrupules c’est pas son truc. Calfeutré dans son palais avec quelques fidèles, l’armée à sa botte, il mitonne la suite de son règne, trafique la donne électorale pour mieux rempiler. Pas de scrupules. Le peuple n’a pas compris pour qui il devait voter, c’est tout ; lui va y remédier. « Tu vas voir ce que j’en fais de ta république !  », crache-t-il au vainqueur de la joute électorale, Vespasien. Et d’enclencher la machination, sans vergogne.

Vitellius, c’est Ubu et Néron dans le même corps. Le pouvoir nu, obèse et grotesque, camé d’arrogance. Tellement imbu de lui-même, de son image couronnée, qu’il ne lâcherait sa fonction pour rien au monde. Quitte à magouiller, à tromper ce peuple qui n’a pas le bon goût de le réélire. Pourquoi devrait-il partir, lâcher son trône ? Après tout, il n’est qu’une marionnette, et il connaît son rôle mieux que quiconque. À une prostituée qui l’aide courageusement à décharger la tension de ces foutues élections, le roi désavoué livre ainsi la clé : « C’est quoi ton boulot de Président, au juste ?  », piaille l’ingénue ; «  Gagner beaucoup de fric pour arroser ceux qui m’aident à garder ma place », rétorque le boursouflé qui ne déparerait point au Fouquet’s. Le roi est nu, et c’est pas beau à voir. «  Je suis immortel, je boucle mes bretelles ! », parade-t-il peu avant sa chute, triste pantin aux grosses ficelles.

«  Je suis immortel, je boucle mes bretelles ! »

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Libre au lecteur de traquer les résonances contemporaines dans Les Ficelles du pantin, petit récit diabolique de Yak Rivais. De scruter chez le personnage de Vitellius ce qui rappelle l’actuel résident de l’Élysée. De s’imaginer que peut-être, s’il est battu, si son ego déraille et que la folie l’emporte, il pourrait faire de même, se camper sur ses talonnettes présidentielles au soir du 6 mai 2012 en trépignant comme un gosse capricieux – « j’y suis j’y reste ! »... Délire absurde ? Bien sûr. Sauf que ce ne serait pas le premier à s’accrocher au pouvoir comme un forcené. A se démener comme un beau diable pour rester sur le trône1. Ce n’est pas George W. Bush qui dira le contraire, lui qui parvint à rempiler en 2 000 aux commandes de la belle démocratie ricaine grâce aux talents de prestidigitation de son équipe électorale. Ni notre Jean Tiberi national, lui qui ne lésina pas sur les moyens déloyaux pour rempiler dans son cher 5e arrondissement parisien. As said cette vieille baderne criminelle d’Henry Kissinger, qui s’y connaissait en fraudes diverses et (a)variées : « Le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême.  » Et puisque ces Messieurs qui nous gouvernent dépérissent privés de leur viagra autoritaire, ce serait salaud de leur reprocher d’abuser un tantinet de leur position. Il faut bien que vieillesse se passe.

Bref, c’est un drame vieux comme le monde qui se rejoue dans Les Ficelles du pantin, un drame calqué sur l’Histoire. Ou plutôt : une farce millénaire. Yak Rivais ne s’en cache pas, lui qui a choisi de piocher dans l’histoire romaine le nom des deux principaux protagonistes de son récit. Le vrai Vitellius a régné quelques mois en 69, après Néron, avant Vespasien. Il était si mauvais empereur, si corrompu, qu’il a fini de la pire des manières, lapidé par la foule en colère, son corps jeté dans le Tibre. Tacite, dans ses Histoires, lui grava une épitaphe aussi lapidaire que parlante : « La populace l’outrageait mort avec la même bassesse qu’elle l’avait adoré vivant. » Au suivant !

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1 D’ailleurs, soyons réalistes : il drague la Marine avec une telle insistance criminelle que l’armée ne devrait pas hésiter à se ranger à ses côtés si la situation l’exige...


COMMENTAIRES

 


  • lundi 30 avril 2012 à 20h07, par wuwei

    Je pense que Mister Talonnette du haut de toute son omnipotence est tout à fait capable de ne pas vouloir partir. Sauf que ceux qui l’ont fait élire hier et qui vont faire élire L.P.F. (L’autre Pays du Fromage) demain ne l’accepteront pas cette fois ci car la populace pourrait se révolter et c’est toujours mauvais pour le business. Par contre en 2017 lorsque L.P.F. aura mis toute sa verve de « socialiste réaliste » à faire appliquer le programme du FMI- Medef, ce qui amènera 90% de la population au même niveau de vie que les Grecs, je vois très bien la Le Pen nous jouer çà à la Napolé-conne et faire son petit XVIII Brumaire sous les vivats de la majeure partie du pays et surtout de la bourgeoisie qui se place toujours du côté de la matraque qui est celui du fric.



  • mardi 1er mai 2012 à 11h02, par Omsk

    Quitte à faire mon chieur, je ne pense pas que l’exemple de Bush soit le plus pertinent. Bien que les élections de 2000 aient tourné à la magouille (surtout en Floride tenue par le frangin), il n’était pas président auparavant



  • mercredi 2 mai 2012 à 16h03, par pièce détachée

    Bah ! Ce ne sont pas les subterfuges qui manquent, par exemple les entrechats Président / Premier ministre de Poutine et Medvedev (« quand c’est pas moi c’est toi »), ou des jumeaux polonais indiscernables dont j’ai oublié le nom (« quand c’est pas toi c’est moi »). Ça n’irait pas à Sarkozy, qui exige tout le devant de la scène pour soi seul, mais il a sûrement des idées (président des États-Unis ?).



  • mercredi 2 mai 2012 à 19h03, par ZeroS

    Question de forme : les photos n’apparaissent pas.



  • samedi 5 mai 2012 à 19h36, par Zgur_

    Alors les aminches ...

    Toujours pas décidés à dégager dès demain le plus malfaisant des deux et prêts à attendre (?) encore cinq ans ?

    Toujours véxés par le tour de cochon de Chirac ?

    Toujours mains propres car le vote c’est caca ! Toujours !

    Mais garder les mains propres sans mains, c’est plus simple.

    Tellement simple.

    Bon, je vous taquine mais je vous aime bien.

    Vous le savez même si je viens moins souvent sur vos terres virtuelles.

    Alors on en reparle bientôt ;0)

    Arf !

    Zgur_



  • lundi 7 mai 2012 à 14h45, par Télémax

     × La fraude électorale touche tous les partis démocratiques, non seulement celui de Georges Bush.
     × Si Sarkozy ou un autre cède le pouvoir si facilement, c’est parce que le pouvoir n’est pas dans l’élection du président au suffrage universel, qui n’est que de la poudre aux yeux, comme vous le soulignez dans votre journal par ailleurs. Le pouvoir ne cède jamais volontairement.
     × On a un exemple fameux de l’argument de la démocratie au service de l’arbitraire, détaillé par Marx mais qui reste valable : Louis-Napoléon Bonaparte, qui invente le suffrage universel (de Gaulle ne l’a élargi aux femmes que parce qu’il les croyait plus conservatrices que les hommes) pour s’imposer sur les « corps intermédiaires », avant de faire son coup d’Etat pour, cette fois, s’affranchir d’une opinion publique dont il s’était payé la tête trop visiblement.
    Qui dit que, si Sarkozy parvenait à la direction d’un grand groupe de presse, par exemple, il n’aurait pas plus de pouvoir qu’un président de la République, si ce n’est autant de prestige ? Les médias contribuent largement aujourd’hui « à faire » le candidat idéal, parmi le panel des volontaires.

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