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samedi 5 février 2011

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posté à 13h56, par Alèssi DELL’UMBRIA
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Mexique : La paranoïa et la terreur comme paradigmes de gouvernement
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C’est un voyageur, Alèssi Dell’Umbria. Un vrai. Celui qui a mis en pages, en un ouvrage passionnant, l’épopée de sa ville - Marseille - goûte aussi les rivages lointains. Résidant depuis six mois à Oaxaca et arpentant le Mexique, l’auteur de L’Histoire universelle de Marseille en a profité pour se pencher sur la violence effrayante - crimes des narcos et exactions de l’État - qui mine ce pays. Analyse.

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L’année 2010 s’annonçait exceptionnelle, à en croire les panneaux installés par le gouvernement le long des routes : un Mexique moderne allait fêter tout à la fois le bicentenaire de la Guerre d’Indépendance et le centenaire de la Révolution. Exceptionnelle, elle le fut vraiment. Chaque année, le 6 janvier, les enfants qui viennent au pied de l’Angel de la Independencia, à Mexico, déposent des messages aux Rois Mages. « Chers Rois Mages, Nous ne voulons pas la guerre de Calderón  », voilà le message, pour 2011, sur une pancarte brandie par un niño de dix ans. Si le Mexique existe encore en 2110, il se souviendra que 2010 aura été l’une des années les plus sanglantes de toute son histoire. La « guerre au narcotrafic » aura fait à ce jour 34 000 morts, et près de la moitié ont été tués en 2010. Une grande partie de ces morts sont considérés comme dommages collatéraux.

Faut-il dresser l’épouvantable comptabilité ? Le 22 octobre 2010, le journal Reforma recensait 9 598 exécutions dans le pays depuis le 1er janvier. Mais l’addition augmente d’heure en heure ; ce même jour, 14 jeunes étaient tués dans une fête d’anniversaire à Ciudad Juarez, Chihuahua. Le 24, 13 jeunes en désintoxication étaient tués dans un centre de cure à Tijuana, Basse Californie. Le 28, des pistoleros attaquaient trois bus transportant le personnel d’une maquiladora de Ciudad Juarez, tuant cinq ouvriers et en blessant quatorze. Le 30, 15 jeunes, dont onze en cure de désintoxication, étaient tués dans un carwash à Tepic, Nayarit. En janvier 2011 le porte-parole du cabinet de sécurité nationale a admis 13 593 exécutions pour toute cette année 2010. Ce qui ferait donc, en rapprochant ce chiffre de celui de la Reforma, 3 995 pour les seules dix dernières semaines de l’année…

Ceux qui ne font que passer en direction des USA n’échappent pas davantage au danger. Ce sont les Zetas qui, avec la complicité notoire de la police, contrôlent le racket des immigrants et exécutent les récalcitrants. Durant le même mois d’octobre 2010, une fosse était découverte à San Fernando, Tamaulipas, à une centaine de kilomètres de la frontière. Les cadavres de 72 immigrants d’Amérique centrale y avaient été entassés. On peut seulement supputer que cette fosse constituait un message…

C’est que plus la frontière se rapproche, plus le danger se précise. La frontière n’est plus seulement une ligne de démarcation entre le primer mundo et les autres, faite de murs et de barbelés. La frontière est devenue un rapport social, qui implique la violence – quiconque exploite la frontière en trafiquant doit contrôler les voies de passage, éliminer les concurrents et intimider les mauvais payeurs. La drogue, comme l’immigrant clandestin, sont deux marchandises qui démultiplient leur valeur du simple fait de passer la frontière. À un certain point, cependant, la balance commerciale entre les deux côtés tend à se stabiliser : si la drogue latino traverse la frontière dans un sens, les armes de fabrication yankee la traversent en sens inverse.

La paranoïa, inhérente à la nation américaine, contamine le Mexique, non pas malgré la frontière mais grâce à elle. Ces dernières années, plusieurs films ont bien illustré cette essence paranoïde de la frontière, comme No Country for old Men des frères Cohen ou Trois enlèvements de Tommy Lee Jones. La nouveauté, avec la guerre de Calderón qui a débuté il y a quatre ans, tient à ce que la logique de la frontière s’étende bien au-delà de la ligne fortifiée, dans le but de convertir les États du Nord du Mexique en sas de sécurité des USA. Telles furent les consignes que Felipe Calderón reçut de Georges Bush en 2006. Mais, au plus le glacis de sécurité s’étend au-delà de la frontière, au plus les marchandises qui le traversent vont prendre de la valeur (ainsi un pollero qui prenait 600 $ pour conduire un clandestin de Tijuana à Los Angeles voici une quinzaine d’années prendra, aujourd’hui que les contrôles se sont multipliés, pas moins de 2 000 $). Il n’y a donc aucune raison que ce circuit infernal s’épuise. Tout ceci a un prix social : désormais, selon même les très prudents observateurs de l’ONU, le Mexique se trouve au niveau de l’Irak et de l’Afghanistan en matière de violence.

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La « guerre au narcotrafic » aura été le grand œuvre du président Felipe Calderón. Le candidat du PAN (Partido de Acción Nacional), élu au moyen d’une gigantesque fraude électorale en 2006, dirige depuis le pays à l’avenant. La corruption des corps de police fut l’argument qui permit de déployer l’armée dans tout le pays sous prétexte de démanteler les cartels de la drogue. Certes, que la police en croque, nul n’en doute ; en 2009, plus de 2 000 policiers ont été radiés des effectifs voire poursuivis pour collusion avec l’un ou l’autre des groupes criminels… Mais ce n’étaient là que les petites mains : des « repentis » ont fini par confirmer ce qui se chuchotait, à savoir que depuis des années des haut-gradés de la police escortent les convois de drogue vers les USA et assurent la protection des big boss.

L’armée serait-elle exempte de reproches ? Le fait que les narcos disposent d’armements et de munitions provenant directement des arsenaux militaires tend à prouver le contraire, et plus encore, le fait que ce sont quelques dizaines de transfuges du corps d’élite de l’armée, les Grupos Aeromoviles de Fuerzas Especiales (GAFES), qui ont créé en 1999 l’une de plus redoutables organisations criminelles du pays, les Zetas, groupe de tueurs initialement au service du cartel du Golfe. Rappelons aussi que les GAFES dont sont issus les Zetas avaient été créés en 1995 spécialement pour lutter contre l’insurrection au Chiapas. Ils ont suivi des entraînements aux USA et en Israël. L’armée américaine apporte aussi sa contribution, puisque nombre de chicanos ex-marines revenus d’Irak ou d’Afghanistan ont vendu leurs services à l’un ou l’autre des cartels mexicains…

Actuellement, un détenu sur trois parmi ceux arrêtés pour participation au narcotrafic fait partie ou a fait partie d’un service de police ou d’un corps de l’armée – il est tellement plus avantageux pour les cartels d’employer un flic ou un soldat déjà formé que d’entraîner un tueur… Il est en outre notoire que la quasi-totalité des services de renseignements de l’État, policiers ou militaires, vend à l’un ou l’autre des cartels les informations indispensables pour pouvoir localiser et éliminer les concurrents.
L’appareil de la Justice est tout aussi corrompu, avec ses magistrats parfaitement capables de fabriquer des chefs d’inculpations fantaisistes pour faire emprisonner des rebelles mais curieusement incapables de faire emprisonner certains tueurs ayant des dizaines d’homicides sur les bras. Les services fiscaux, bons à emmerder les petites gens pour des sommes dérisoires, sont tout aussi incapables de détecter les millions de dollars du narcotrafic investis au vu et au su de tous en villas de luxe, en écuries automobile, en hôtels et restaurants etc.

Du reste, le mot de corruption est faible quand il s’agit bien plutôt de complicité active dans les services de l’État et dans chacun des trois grands partis politiques. Au niveau fédéral, il n’y a pas eu, depuis longtemps, un président qui n’ait eu des liens privilégiés avec tel ou tel des cartels. Il se dit ainsi que si nul ne réussit à arrêter « El Chapo » Guzmán1, en fuite depuis 2001, c’est qu’il aurait les faveurs du gouvernement – ce que confirme le faible nombre de membres du cartel de Sinaloa arrêtés, en comparaison avec les autres. Du plus petit échelon du pouvoir politique jusqu’au plus haut, c’est par la corruption et l’intimidation que l’on se fait élire, et cela coûte de l’argent. Un argent qui, par nature, ne peut être déclaré.

Tout aurait été pour le mieux dans le pire des mondes, où toute la classe politique recevait des subventions des narcotrafiquants. Mais le grand frère yankee, plutôt que d’assumer la « guerre au narcotrafic » à l’intérieur de ses propres frontières, préfère l’exporter au-delà. Histoire de neutraliser un pays qui constitue depuis 1994 une poudrière. Cela fait donc quatre ans que le Mexique tout entier, et plus spécialement le Nord, vit dans un état d’exception non déclaré. L’article 29 de la Constitution permettrait au pouvoir législatif de déclarer un tel état ; les généraux mexicains, gênés de n’avoir aucun cadre légal précis pour soutenir leur action, y seraient favorables. En réalité, la déclaration ne serait plus qu’une formalité juridique, dont le gouvernement peut aussi bien se dispenser. Le général Guillermo Galván, Secrétaire à la Défense nationale, a déclaré en janvier 2011 que la présence militaire dans les rues du pays va devoir durer encore dix ans. Le général regrette qu’il en soit ainsi, et suggère qu’une coopération plus étroite avec les USA pourrait raccourcir ce délais… Il se dit prêt à accepter toute proposition en ce sens.
Ce petit chantage semble préparer le terrain à une présence militaire US sur le territoire mexicain, selon les dispositions appliquées en Colombie où, depuis 2009, une dizaine de bases américaines ont été installées en accord avec le gouvernement, au nom de la « lutte contre le narcotrafic et le terrorisme », ce dernier étant assimilé aux mouvements de guérilla. Amalgame sur lequel Hillary Clinton insiste lourdement en évoquant le spectre d’une narcoinsurgencia lors de ses déplacements dans la capitale mexicaine. Ajoutons que des milliers de soldats et d’officiers mexicains reçoivent périodiquement un entrainement militaire en Colombie.

Le 14 avril 2010 s’est déroulée une réunion inédite à Washington : l’amiral Michael Mullen, chef d’état-major des USA – il a dirigé l’invasion de l’Afghanistan – réunissait dans son bureau ledit général Guillermo Galván et l’amiral Mariano Francisco Saynez, responsable de la Marine nationale mexicaine, avec le général Freddy Padilla, chef des forces armées colombiennes. Il s’agissait de « fortifier la coopération dans la lutte contre le narcotrafic et le terrorisme ». C’est la première réunion trilatérale du genre. Le même général Mullen a déclaré le 12 janvier 2011 : «  Sous certains aspects, cette guerre contre la drogue et notre façon de la mener sont très similaires à ce que nous avons vu dans d’autres guerres que nous avons menées.  » Le « nous » qu’il emploie est à lui seul parfaitement explicite, et de fait diverses voix évoquent ces derniers temps l’hypothèse d’une prochaine «  invasion américaine du Mexique  ».

Celle-ci a cependant peu de chances de se produire. D’abord parce que la présence de soldats US sur le territoire mexicain serait de nature à provoquer des réactions que le gouvernement mexicain aurait beaucoup de mal à contrôler. Mais surtout, une telle présence serait parfaitement superflue. Parce que les USA ont d’ores et déjà envahi le Mexique.

L’invasion a commencé voici seize ans avec l’accord de libre-échange de l’ALENA. Elle se fit à l’initiative du PRI (Partido Revolucionario Institucional), au pouvoir depuis des décennies. Mais en ouvrant le pays aux capitaux et aux marchandises nord-américaines, le PRI sciait la branche sur laquelle il était assis. Avec l’entrée en vigueur de l’ALENA, il devait fatalement laisser place à un autre type de gouvernance, plus conforme à l’idéologie néo-libérale. La victoire du PAN aux élections présidentielles en 2000 marqua ce changement d’époque. Vicente Fox, avant de devenir président de la République cette année-là, était le PDG de Coca-Cola pour l’Amérique latine… Le PAN n’est que le parti des USA au Mexique. Il a son électorat de prédilection au sein de ces classes moyennes aisées qui voient dans son orthodoxie ultralibérale et son idéologie conservatrice la garantie de leur standard de vie à l’américaine. Le PRI continue cependant de sévir, dans nombre de municipalités et de gouvernements régionaux où sa maîtrise consommée des vieux mécanismes clientélistes lui assure une certaine fidélité électorale.

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La violence actuelle ne met pas aux prises deux camps clairement identifiés, comme le prétend la propagande d’État. Des alliances complexes et transversales entre cartels, partis, secteurs de l’État et de l’armée se font et se défont, et une grande partie des exécutions reste inexplicable à qui donne crédit au discours du président. Des cartels rivaux s’entretuent, des fusillades opposent tel groupe narco à des militaires qui par ailleurs couvriront le groupe concurrent, des élus et des policiers sont assassinés (parce qu’incorruptibles ou au contraire trop compromis, quien sabe ?) et surtout, des milliers de civils sont victimes des deux camps. Des passants prennent des balles perdues lors de tirs croisés, des automobilistes sont abattus pour avoir marqué une seconde d’hésitation à un poste de contrôle, des jeunes qui tentent de fuir lors d’un ratissage militaire sont arrosés à la mitraillette, des ivrognes meurent parce qu’ils n’ont pas entendu les sommations, des chavos en désintox qui ont eu le tort de sortir du circuit du deal sont massacrés, etc. Plus navrant encore, des dizaines d’enfants en bas âge sont morts par balles, et tous n’ont pas été victimes de tirs croisés... Ceux qui passent entre les mains de la Policia Federal3 et des autres forces militaires, en particulier des troupes de la Marine, n’ont aucune chance de s’en sortir : il faut faire du chiffre, avec ce que cela suppose de gens ramassés au hasard et torturés des jours durant, d’aveux extorqués, de pauvres bougres emprisonnés sans le moindre élément pour étayer l’accusation4… Dans certaines villes du Nord, le couvre-feu n’a nul besoin d’être déclaré, il est devenu une évidence pour tout le monde.

Malheur au civil qui tombe dans cette sale guerre. On ne meurt pas parce qu’on est coupable, on est coupable parce qu’on meurt. Le président Calderón, commentant l’assassinat de seize mineurs à Ciudad Juarez lors d’une fête déclara : «  Ils ont probablement été assassinés par un autre groupe avec lequel ils étaient en rivalité.  » Les parents des victimes installèrent des banderoles sur leurs maisons : «  Monsieur le Président, tant qu’aucun coupable n’a été trouvé, vous êtes l’assassin. » Il arrive même que les enfants de la classe moyenne aisée figurent parmi les victimes de cette stratégie d’intimidation globale, comme ces deux étudiants en Sciences économiques froidement abattus par les soldats à Monterrey, Nuevo León, en avril 2010. Et dire que leurs parents avaient sans doute voté pour Calderón en 2006 !

Cette violence évoque irrésistiblement la guerre civile qui a commencé en Algérie à partir de 1992. Elle rappelle ces massacres inexplicables de villages entiers, dont il est impossible d’identifier les auteurs et les mobiles (les djihadistes ? l’armée ? les villageois d’à côté ?). Confrontés à la tragique absurdité de telles tueries, la plupart des Algériens, déjà en proie à d’innombrables difficultés quotidiennes, ont fini par succomber à l’écœurement et à la fatalité : et là se situe précisément la véritable raison de ces massacres. Si le propre d’une action militaire est qu’elle se juge à son seul résultat, cette irruption brutale et inattendue de la mort, dans une indistinction effrayante, a pour résultat que toute rationalité déserte le corps social, en Algérie comme au Mexique. On ne cherche plus à comprendre, mais à survivre. La peur atomise, brisant les capacités de résistances collectives et instillant le venin de la méfiance généralisée. La « guerre de Calderón » fonctionne bien comme une stratégie d’intimidation à grande échelle.

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Ciudad Juárez était déjà mondialement célèbre pour les 400 femmes qui y furent assassinées en une dizaine d’années. Mais ce féminicide méthodique n’était hélas qu’un début, et cette ville-frontière devait encore grimper dans le hit-parade de l’horreur jusqu’à devenir actuellement la ville la plus dangereuse du monde. Pas moins de 2 700 personnes – dont presque la moitié mineures – ont été assassinées à Ciudad Juárez en 2010. « Génocide contre la jeunesse », affirment des ONG qui réclament carrément l’intervention de l’ONU. «  Nous faisons face à un génocide des jeunes qui appelle une réponse différente de celle apportée actuellement. Ciudad Juárez a vu disparaitre toute activité sociale, publique ou commerciale, seule reste la terreur de la population  », a déclaré le 25 novembre 2010 Nashiely Ramírez, membre de Ririki Intervención Social. «  Il faut en finir avec cette situation absurde et abjecte ! Et cela semble davantage relever d’une lutte contre la société actuelle que d’une lutte contre le narcotrafic  », déclare Clara Gabriela Meyra, du CDH Fray Francisco de Victoria. «  Nous vivons dans un narco-état militaro-policier  », ajoute Adrián Ramírez, de la LMDDH. Ajoutons que l’un des magistrats chargés de seconder Calderón dans la gestion de cette guerre a été procureur général à Ciudad Juárez pendant la période des féminicides, et qu’il se fit remarquer pour son inactivité face à ces assassinats.

Le 29 octobre 2010, des soldats ouvrent le feu sur la Kaminata contra la muerte des étudiants de Ciudad Juárez, qui défilaient pour exiger le départ de la Policía Federal et la démilitarisation de la ville ; José Orrontia, connu comme membre de la Otra Campaña, est grièvement blessé dans le dos. Dans un communiqué, la Procudradora General de la República tente de justifier cette attaque en traître du fait que certains manifestants étaient masqués (visage peint ou passe-montagne)…

Que l’armée dégomme des civils à tout va, quoi de plus normal ? Que faisait-elle, quand elle massacrait au Chiapas ou dans le Guerrero, il n’y a pas longtemps ? À présent, c’est dans le Chihuahua qu’elle assassine ceux qui ont le tort d’ouvrir leur gueule. Assassiné, Armando Villareal Martha, leader paysan dans cet État et organisateur de plusieurs refus de paiement contre les tarifs de la Comisión Federal de Electricidad… À Ciudad Juárez même, assassinés, Manuel Arroyo, enquêteur sur la condition ouvrière dans les maquiladoras ainsi que Geminis Ochoa, représentant des commerçants ambulants, après avoir été tous deux menacés par la Policía Federal pour avoir annoncé une marche contre les abus militaires. Assassinée, Josefina Reyes, qui avait été harcelée par l’Armée à cause de ses dénonciations publiques de la militarisation dans la Vallée de Juárez. Assassiné, Benjamin Le Baron, promoteur de mobilisations contre les secuestros. Assassinée, Suzana Chavez, qui dénonçait inlassablement le féminicide de Ciudad Juárez. Certains ont été victimes de cartels, mais beaucoup ont été exécutés par des tueurs de la PF, de la Marine ou des troupes aéroportées. Sans parler de journalistes tués ou embarqués et roués de coups pour avoir relayé les plaintes de civils contre les agissements des soldats – certains ont même dû s’exiler aux USA.

L’armée est l’ultima ratio de l’État. Qui, à part les électeurs les plus convaincus du PAN, pourrait bien faire confiance à l’armée ? En décembre 2010, le Centre International des Droits de l’homme a rendu une sentence contre l’État mexicain, relative à l’arrestation de Rodolfo Montiel et Teodoro Cabrera - arrêtés par l’Armée le 2 mai 1999, détenus et torturés pendant plusieurs jours. Ces deux paysans défendaient la forêt de leur village de Petatlán (Guerrero), concédée par le pouvoir central à une multinationale du bois. Ils furent arrêtés puis condamnés sous l’accusation de… narcotrafic. Ils ne durent qu’au changement présidentiel de 2000 d’être libérés pour « raisons humanitaires » en novembre 2001. Ce n’est qu’un exemple récent, s’ajoutant à des milliers d’autres du même tonneau. Cette affaire-ci a amené le CIDH à exiger de l’État mexicain une réforme du Code de justice militaire… Laquelle réforme, censée prévoir le jugement et la condamnation de militaires coupables de sévices, tortures et meurtres sur des civils innocents, se trouve bloquée au Sénat à cause des pressions des militaires. Les soldats chargés à la cocaïne ou à moitié ivres qui allument n’importe qui ne risquent donc rien, du moins tant qu’ils se contentent d’allumer des civils (deux soldats pris de boisson ont eu eux la mauvaise idée de tuer un policier dans le métro de Mexico le 20 janvier…).

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Une violence vertueuse, celle de l’Etat, prétend mettre fin à la violence mafieuse des narcos. Mais la barbarie des seconds porte la marque de fabrique des premiers. Quand on sait combien il y a d’anciens flics et d’anciens soldats dans les équipes de tueurs au service des cartels, on est moins étonné par l’écœurante atrocité et le sadisme spectaculaire de nombre de ces assassinats. Ils rappellent à s’y méprendre les opérations de répression du temps de la « guerre sale » des années 1960-1980, avec les disparitions d’opposants au régime, les massacres de manifestants désarmés, les villages entiers exterminés… Et certaines innovations macabres, comme celles consistant à pendre des cadavres sur des ponts autoroutiers ou à exposer des têtes coupées en place publique, sont presque signées : où donc apprend-on à tuer et à mutiler ainsi de sang-froid, sinon dans les forces contre-insurrectionnelles et dans les groupes paramilitaires ?

La violence paramilitaire est bien la matrice de toute cette violence dans laquelle baigne à présent le Mexique. C’est le milieu informel où se sont croisés pendant des années soldats professionnels faisant des extras, narcotrafiquants et petites frappes du PRI. À cette différence que les exactions paramilitaires visaient des communautés rebelles, alors que la guerre de Calderón vise à mettre tout le monde en condition. Et d’où vient l’argent qui a servi à recruter, armer et entraîner ces groupes paramilitaires qui continuent de sévir dans les États du Chiapas, de l’Oaxaca, du Guerrero et du Michoacan ? Les fonds secrets de l’État, sans aucun doute ; et pourquoi pas ceux, tout aussi secrets, du narcotrafic ? Et existe-t-il vraiment une différence entre les deux ?

Le 12 août 2009, la Cour suprême de justice de la Nation ordonnait la libération des auteurs du massacre d’Acteal. Rappelons qu’en décembre 1997, ces gens avaient assassinés 45 personnes, principalement des femmes et des enfants, appartenant à la communauté Las Abejas, dans le village d’Acteal, au Chiapas. Cette communauté, pour professer la non-violence n’adhérait pas à l’EZLN, mais se trouvait en sympathie avec ce mouvement. Le message d’Acteal était très clair : quiconque ne refusait pas catégoriquement tout contact avec l’EZLN pourrait mourir de la même manière. Ces meurtres trahissaient l’influence des centres de formation anti-guérilla, par exemple le fait d’éventrer et de démembrer les cadavres, comme cela se faisait au Guatemala ou au Salvador du temps de la lutte contre la guérilla. La libération des exécutants matériels du massacre – les mandataires n’ayant jamais été formellement identifiés… – alors que la guerre de Calderón battait déjà son plein constitua un second message7.

C’est ce type de message que les uns et les autres protagonistes de la « guerre au narcotrafic » s’envoient actuellement à coups de massacres. Car tous ces morts parlent ; ils parlent un langage, celui de cette paranoïa qui caractérise l’exercice d’un pouvoir absolu. À celle des narcotrafiquants fait écho celle de l’État. Par nature, le narcotrafic érige la suspicion et la crainte obsessionnelle de la trahison en règle de comportement. Par nature, l’armée considère tout civil comme un suspect. On sait bien comment les soldats US déployés en Irak ont été formés à se méfier de tout passant – un vieillard, un gamin peuvent porter une bombe, mieux vaut ne prendre aucun risque et tirer le premier, toute la population irakienne ainsi suspecte a payé le prix de cette psychose yankee. C’est exactement cette paranoïa que les dirigeants US ont réussi à imposer à tout le Mexique, via le gouvernement du PAN.

Les narcos développent cette même paranoïa militaire envers tout civil. En décembre 2010, les corps de 22 michoacans qui avaient disparu fin septembre à Acapulco étaient retrouvés, enterrés. Il s’agissait d’ouvriers d’une entreprise qui chaque année s’offraient une petite excursion en groupe à Acapulco. Ils sont morts uniquement parce qu’ils venaient du Michoacán. En effet, on apprendra par un « repenti » que les Zetas les avaient pris pour des hommes de la Familia venus opérer dans la capitale touristique du Guerrero…

C’est que jusque-là les territoires étaient définis. Le cartel du Golfe contrôlait la côte Est, du Guatemala à la frontière texane, ceux du Pacifique (cartel de Sinaloa, cartel de Juárez, Familia etc.) contrôlaient la côte ouest et la frontière de Tijuana jusqu’à Ciudad Juárez. Mais les Zetas, qui se sont séparés du cartel du Golfe depuis la mort de son fondateur, mènent une offensive tous azimuts visant à terme à contrôler toutes les voies vers la frontière. Ce qui n’est pas gagné : à Acapulco, par exemple, le cartel de Sinaloa a revendiqué l’assassinat de 27 Zetas en une seule journée de janvier 2011… On parle à présent d’un « efecto cucaracha »8 : la dispersion des organisations narcos et de leurs activités dans tout le territoire, ce qui promet une diffusion encore plus capillaire de la violence.

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La paix, c’est ce que réclamait la « société civile » face à l’intervention militaire au Chiapas consécutive à l’insurrection zapatiste de janvier 1994. Depuis, des grandes marches sur la capitale n’ont cessé de réaffirmer le caractère pacifique d’un mouvement de désobéissance et de résistance. Mais, maintenant, c’est la guerre. Et l’indignation, les protestations, les dénonciations sont de peu d’effet.

La « société civile » qu’on croyait pouvoir opposer au «  malgobierno  » se révèle impuissante face à cette guerre qu’on lui impose depuis quatre ans. Ainsi exacerbée, cette opposition entre la société civile et l’État révèle que la première n’est rien face à la puissance universelle de la seconde. La « société civile » n’a finalement pu s’opposer à ce que les accords de l’ALENA soient appliqués. Encore moins peut-elle s’opposer à ce que la guerre de Calderón transforme le pays en enfer.

La morale de cette histoire est pourtant simple : ceux qui ont le pouvoir et la richesse ne nous laisseront plus jamais en paix. Il est vain de gémir et de supplier, encore plus d’invoquer le « retour à la légalité », comme s’il existait une légalité capable de transcender les rapports de force bien réels qui constituent la raison d’être de l’État. Car en dernière instance la légalité, c’est un poste de contrôle militaire sur une route déserte où personne ne viendra à votre secours si les soldats vous brutalisent.

Dresser une vertueuse société civile contre un État corrompu est parfaitement idéaliste. La corruption est précisément ce qui lie les deux. Il suffit d’observer les élections pour s’en convaincre… La société civile est ce qui, dans les pays occidentaux, a remplacé les formes de vie communautaires, méthodiquement détruites par l’État et par l’hégémonie bourgeoise – en son temps, Marx, qui put observer cette transformation, définissait déjà la société civile comme la simple somme des intérêts privés. Ce qu’on appelle l’américanisation n’est rien d’autre que cette transformation – il ne faut jamais oublier que les USA sont la vérité de l’Europe occidentale.

La violence actuelle est la conséquence de cette américanisation du Mexique. Pourquoi donc s’entretue-t-on en-deçà de la frontière, sinon pour approvisionner un marché US, en l’occurrence celui du haschich et de l’héroïne ? Le Mexique n’est pas seulement américanisé parce qu’une part non négligeable de sa population a vécu ou vit aux USA, et qu’en retour les USA inondent le Mexique de leur camelote industrielle. Mais aussi et surtout parce que toute la politique des gouvernements mexicains depuis vingt ans a été dirigée contre les formes de vie communautaires qui perduraient, qui étaient même sorties renforcées de la Révolution. Parce que l’exode rural provoqué délibérément par l’ALENA détruit peu à peu les liens de la communauté et pulvérise les indigènes dans l’espace informe des colonias ou sur les voies de l’émigration. Il en fait des individus libres de tout lien, c’est-à-dire sans défense. Le fait que la violence actuelle se concentre dans des États du Nord presque totalement dépourvus de communautés indigènes confirme que l’américanisation gagne le terrain là où, d’ores et déjà, la société civile et l’individu singulier constituent la norme.

Depuis 1994, l’exode rural massif a généralisé la colonia comme troisième modèle, après la ville et la communauté rurale, celui promu à l’avenir. Face à la plèbe des colonias, dépossédée de tout, les classes moyennes s’enferment et suivent l’exemple des riches ainsi que nous le montre le film de Rodrigo Pla, La Zona, tourné dans la capitale mexicaine. Dans les villes du Nord, ces gens-là préfèrent fuir l’actuelle vague de violence dans les États frontaliers des USA, au point où l’on parle à ce propos d’une véritable «  migración dorada  » : celle-ci ne passe pas en cachette la nuit mais au grand jour à bord d’un 4X4. Welcome ! Déjà américanisée avant même de passer la frontière, cette population va peupler les gathed communities… Du moment qu’il reste des pauvres de l’autre côté de la frontière, pour faire tourner les maquiladoras de Ciudad Juárez ou de Monterrey… L’argent aux USA, le travail au Mexique, n’est-ce pas l’aboutissement rêvé des accords de l’ALENA ?

C’est dans les colonias que les narcos recrutent les gamins sans avenir, les nini – ni études ni travail. On a parlé de juvenicidio (génocide des jeunes) à bon droit, vu que les principales victimes de la guerre de Calderón sont ces chavos, recrutés parfois à quatorze ans par les narcos, ou exécutés par les militaires parce qu’ils habitent le mauvais quartier. Mais il est bien déplacé de s’étonner à présent de ce que nombre de « Los Olvidados »9 rêvent de devenir à leur tour un nouveau « Chapo » Guzmán. Après tout, « El Chapo » n’est que le Carlos Slim des pauvres10. Et pourquoi s’étonner de ce que les chavos prennent au mot la propagande néo-libérale : «  Enrichissez-vous.  » Quant aux gens restés dans les campagnes, nombre d’entre eux, ruinés par les conséquences de l’ALENA, sont bien contents d’avoir avec le haschich et l’amapola une culture de substitution. Les gringos leur imposent leur maïs, ils leur envoient leurs récoltes de pavot…

Le narcotrafic est seulement la forme exacerbée du “rêve américain” dans lequel on a plongé le pays. Et peu importe que ce rêve ait pris la forme d’un cauchemar, il continuera d’agiter le mauvais sommeil d’un pays ravagé. Selon un rapport de Stratfor, l’un des principaux consultants US en matière de sécurité, il y aurait 46 millions de pauvres au Mexique, dont 1 % sont susceptibles de passer au crime organisé, ce qui constitue une armée de réserve de 500 000 personnes. En leur temps, Pancho Villa et Emiliano Zapata ont tenu des parties entières du pays des années durant avec moins que ça. Et c’est bien cela qui laisse songeur : est-ce que, après quinze ans de mobilisation civiles, il se trouverait autant de gens prêts à risquer leur vie pour un changement social et politique au Mexique ? C’est pourtant bien la question essentielle.

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Le cas du cartel michoacan de la Familia est extrêmement instructif. Cette organisation envoie un message fin novembre dans lequel elle propose de se replier dans le seul Michoacán, voire de se dissoudre afin «  de ne pas continuer à être l’argument avec lequel les autorités fédérales piétinent les droits humains des Michoacans »… Il s’agit d’une proposition de cesser-le-feu, l’armée se retirant du Michoacán et la Familia ne demandant que de «  retourner à [ses] activités productives  », tout en se disant prête en cas de refus à poursuivre le bras de fer : «  Nous ne tuons jamais d’innocents. S’il est nécessaire de continuer la lutte, alors nous le ferons. » Réponse de la Procuradoría General de la República : «  L’État est le garant de la constitution et de la légalité, et de ce fait, il ne peut se permettre de stopper les poursuites contre un délinquant, quel qu’il soit. [...] L’État mexicain est solide, et il n’est pas question de faire des compromis contre ceux qui n’ont jamais respecté l’État de droit, qui ont transgressé la loi et ont attenté à la paix sociale.  » Toujours la même langue de bois.

Tumbiscatio, Michoacan, comptait 7 000 habitants jusqu’en 2010. Il n’en reste plus que 4 000. Les autres sont partis, à Morelia, la capitale de l’État, durant les derniers mois de l’année. Dans cette partie du Michoacán, la Familia constitue le véritable gouvernement. Elle a mis en place une structure de justice parallèle, à laquelle s’adressent par exemple les femmes battues, lassées de l’indifférence des autorités officielles à leurs plaintes. C’est une femme qui s’occupe de recevoir leur doléances ; et les auteurs de ces violences reçoivent peu après une visite musclée. Les gens de la Familia s’occupent de taxer les ambulants à la place des municipes, fixent les horaires de nuit des bars et comidas ; les taxis paient aussi leur protection tout comme les grandes entreprises agricoles. Un employé licencié s’adresse à la Familia, qui envoie quelqu’un expliquer à l’employeur qu’il vaudrait mieux réintégrer l’employé… Voilà qui n’est pas sans rappeler les façons de faire de la ‘ndrangheta.

Aussi n’est-il pas étonnant qu’à la suite de la vaste opération militaire contre la Familia en décembre 2010, on ait vu des manifs à Morelia, capitale du Michoacán, chaque fois deux ou trois cents personnes brandissant des banderoles «  Nous voulons la paix », «  Nous voulons du travail, pas des policiers  ». Durant les deux dernières semaines de 2010, des habitants de Patzcuaro, Tumbiscatio, Zitacuoro, Apatzingán, étaient recrutés et emmenés gracieusement en taxi dans la capitale pour ces manifestations express d’une heure au maximum.

Les chefs de la Familia ne manquent pas d’aplomb. Le discours qu’ils ont développé pendant tout le mois de décembre se résume ainsi : les Zetas n’ont pas compris que dans le business il y a des règles à respecter. Nous de la Familia faisons du business et protégeons les gens de notre État ; les Zetas eux ne respectent rien et sont de plus couverts par le gouvernement. Le discours est évidemment destiné en priorité aux habitants du Michoacán sur qui s’exercent le contrôle de la Familia12.

Pourtant, c’est bien la Familia qui est derrière la dizaine d’assassinats commis à l’encontre de la communauté nahua de Santa Maria Ostula depuis l’été 2009. Depuis que celle-ci s’est réappropriée les terres communales qui lui avaient été usurpées, et sur lesquelles, au bord du Pacifique, des projets d’investissements touristiques étaient envisagés, projets qui sont, par nature, ceux que privilégient les cartels pour blanchir l’argent de la drogue. En attendant, les gens d’Ostula, organisés en milice communale armée, continuent de tenir tête à la Familia d’un côté et à la Marine de l’autre.

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Au fond, rien de nouveau sous le soleil. Les militaires veulent la guerre et les civils veulent la paix. Il y a encore des voix qui s’élèvent pour réclamer que le corps législatif contrôle l’armée – et qui donc va contrôler les députés du PAN, du PRI et du PRD14 ? Qui va enfin démanteler les rouages de ces machines de pouvoir ? Contrôler une armée qui, depuis 150 ans, n’a tué que des Mexicains ? La guerre est le fondement de l’État, à l’extérieur des frontières comme à l’intérieur. Aucune plainte démocratique et citoyenne n’y changera rien.

Comme le dit Paco Ignacio Taibo II, «  Les Mexicains savent que la police et l’armée ont historiquement été tout sauf une force de l’ordre, mais plutôt une force de répression semi-légale [...]. Mais comment les nettoyer sans affaiblir dans le même temps l’essence répressive de l’État mexicain lui-même ? »15 La réponse, qu’il n’ose suggérer, vient pourtant de ceux-là mêmes qui sont depuis si longtemps exposés à cette violence d’État.

Nous voyons, en effet, une perspective de sortir de cette guerre absurde. Nous la voyons dans l’autodéfense armée des communautés indigènes. Dans cette désintégration inexorable de tout ce qui faisait la société, le seul et unique point de résistance qui tienne bon, malgré les menaces, les intimidations, les assassinats et les disparitions : les communautés indigènes armées, dans la jungle du Chiapas ou sur la côte du Michoacán. Fortifier le système communautaire, tout ce qui le constitue pratiquement, tout ce qui en fait une puissance indéfectible, est la seule réponse concrète à la violence actuelle. De sorte que l’expérience des communautés indigènes puisse servir d’exemple au monde métis lui-même.

À San Luis Acatlán, région Mixtèque et Tlapanèque du Guerrero, le 15 octobre 2010, la Coordinadora Regional de Autoridades Comunitarias (CRAC) fêtait ses 15 ans en faisant défiler ses 600 intégrants. Ce sont 62 communautés et 11 municipes, rassemblant 180 000 habitants, qui sont regroupés dans la CRAC. Pendant que la milice défilait en armes dans les rues, ce 15 octobre, les gens applaudissaient et criaient des slogans à la mémoire de Genaro Vásquez, natif du village…
Cette milice communautaire armée en est à présent à envisager des projets de radio, de centres de soins et à annoncer qu’elle va s’opposer à l’entrée de la junk food dans les communautés. La même Coordinadora organise en ce moment-même la résistance au projet d’une entreprise minière canadienne dans la sierra.

Le Guerrero est l’un des États les plus pauvres du Mexique et ses habitants ont subi des décennies de violence étatique. Au début des années 1970, deux mouvements de guérilla se développèrent en réaction à d’innombrables massacres de paysans commis par l’armée. La répression fut menée selon les enseignements des spécialistes US de la contre-insurrection. Renversant la fameuse formule de Mao Tse Toung, il s’agissait d’assécher l’eau dans laquelle vivait le poisson. En 1972, Genaro Vásquez, puis en 1974 Lucio Cabañas, les deux leaders de ces guérillas, étaient abattus au terme de plusieurs années de traque militaire.

Puis au début des années 1990, les habitants de cette région limitrophe avec l’État d’Oaxaca ont subi une autre vague de violence aveugle : vols de bétail, attaques sur les routes, rackets, viols. Le gouvernement du Guerrero a laissé faire, quand il n’a pas encouragé en sous-main les auteurs de ces agressions commises à l’encontre des paysans : de toute façon, les habitants de ces montagnes sont définitivement suspects. Quelle famille n’a pas eu l’un des siens engagé dans la guérilla, jadis ? Plus la région bascule dans le chaos, et plus les communautés se dépeupleront, asséchant ainsi pour toujours l’eau du poisson.

La milice communautaire s’est employée avec succès, dès la fin des années 1990, à contrer ce processus et à ramener la tranquillité dans cette région. Elle a également réussi à étouffer dans l’œuf toute forme de narcotrafic dans les communautés. Le service dans cette milice est bénévole, s’inscrivant dans la tradition du tequio, et les charges sont rotatives16. Toute personne convaincue d’abus de pouvoir dans le cadre de cette charge est révoquée par l’assemblée communautaire. Depuis dix ans, la CRAC a de plus instauré son propre système de justice, fondé sur la tradition communautaire : plus de tribunal avec ses magistrats formés par l’État et parlant un langage étranger, mais un examen public des faits dans l’assemblée sous la vigilance des Anciens. Plus de prison, destinée à briser l’individu, mais un travail d’intérêt collectif dans le cadre d’un dialogue entre l’accusé et la communauté.

Quand la Familia prétend exercer la justice dans son territoire, il est facile de voir que celle-ci se caractérise par l’arbitraire : tels des capi mafiosi, les chefs décident, sans rendre de compte à personne, qui doit vivre et qui doit mourir. La CRAC se situe exactement à l’opposé : émanation des assemblées communautaires, sa police et sa justice sont l’objet d’un débat public constamment renouvelé. Sa finalité n’est pas de justifier un pouvoir incontrôlé et paranoïaque, qui redistribue tel un souverain magnanime un peu d’argent à la plèbe soumise ; elle est de renforcer les liens à l’intérieur de la communauté et, chose extrêmement importante, entre les différentes communautés. Il est d’ailleurs remarquable que la CRAC, si elle comprend une majorité de communautés mixtèques et tlapanèques et quelques communautés nahuas, comprend aussi sept communautés métis. On a là une preuve que le système communautaire peut aussi gagner le monde non indigène.

Car c’est bien ce monde non indigène, dit métis, qui prête le flanc aux narcos et se trouve sans réponse face à la violence d’État. Aujourd’hui, les narcos ne sont plus seulement des trafiquants de substances illicites. L’accumulation primitive qu’ils ont réalisée en si peu de temps leur permet de contrôler des secteurs entiers de la vie sociale, d’investir où ils veulent et de taxer qui ils veulent. Les narcos sont à présent un pouvoir qui a infiltré une société méthodiquement désarmée. La force capable de les contrer ne viendra pas d’en haut, de l’État, mais d’en-bas, de communautés organisées et armées prêtes à défendre leur territoire. Le monopole de la violence qui caractérise l’État n’a au Mexique plus rien de légitime.

Alèssi DELL’UMBRIA,
Oaxaca janvier 2011.


A lire sur Article11

 × Entretien fleuve avec Alèssi Dell’Umbria / Part 1 : « Le discours idéologique républicain a anesthésié toute culture de la révolte » . Part 2 : « Patience, ils sont tous en train de se tirer une balle dans le pied »
 × Entretien avec George Lapierre : « A Oaxaca, tout continue, malgré la répression et la terreur »
 × Texte des animateurs de la statio Ké Huelga : Le Mexique en sang ; les médias libres contre la tyrannie invisible
 × Entretien avec Yvon Le Bot : « Les zapatistes ont inventé une nouvelle culture politique »



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2 Policiers sur les lieux d’un massacre - 17 victimes - commis dans un centre de désintoxication de Ciudad Juarez, en septembre 2009.

3 Corps de police militarisé et lourdement équipé, de formation assez récente, l’équivalent de la Gendarmerie française et des carabinieri italiens. C’est la PF qui s’occupa de réprimer l’insurrection d’Oaxaca en novembre 2006.

4 Dans le Sonora, un Tarahumara de 22 ans vient d’être libéré, innocenté après deux ans de prison. Cet ouvrier agricole, blessé par des tirs croisés lors d’une fusillade, ne parlait pas castillan et avait été dans l’incapacité de comprendre ce qu’on lui voulait et de s’expliquer devant les flics et les magistrats.

5 Les croix roses de Ciudad Juárez célèbrent la mémoire des innombrables femmes assassinées dans la ville.

6 Dans le village d’Acteal, Chiapas.

7 Un indigène qui a passé quelques années dans la prison de Cintalapa, Chiapas, où étaient aussi incarcérés les tueurs d’Acteal, nous a confié que le chef de leur groupe contrôlait tout le trafic de drogue à l’intérieur de cet établissement…

8 Littéralement : Effet cafard.

9 Soit Les oubliés - du nom d’un film mexicain de Luis Buñuel, sur la sombre trajectoire de jeunes adolescents, vivant dans la misère aux confins de Mexico.

10 Carlos Slim, businesseman mexicain d’origine libanaise, est devenu l’homme le plus riche du monde grâce à ses amitiés avec le président Salinas de Gortari (1988-1994), celui-là même qui signa les accords de l’ALENA et offrit à Slim plusieurs services publics mexicains pour une bouchée de pain. Par ailleurs, le magazine américain Forbes fit scandale en plaçant “El Chapo” Guzman sur sa liste des 400 hommes les plus influents du monde – un peu plus bas que Carlos Slim, toutefois…

11 Matériel de guerre saisi lors d’arrestations de membres du cartel La Familia.

12 On aurait tort de se contenter de hausser les épaules devant cette volonté de se justifier, de se donner le beau rôle. Elle montre une chose inquiétante : les cartels singent ainsi les communiqués de la guérilla parce qu’ils ont un public. Ainsi quand les Zetas publient dans la ville d’Oaxaca un communiqué revendiquant l’exécution de deux paramilitaires liés au PRI, survenue le 2 novembre 2010 en plein centre ville, ils savent ce qu’ils font : les deux victimes avaient participé aux caravanes de la Mort contre les insurgés d’Oaxaca en 2006 et nul ne les a pleurés. Ils justifient l’exécution du fait que ces deux personnages avaient racketté des marchands ambulants en se faisant passer pour des Zetas, alors que précisément, eux, Zetas, ne s’en prennent pas aux travailleurs oaxaqueños (sauf aux immigrants d’Amérique centrale montés sur le train…). Leur communiqué – si tant est qu’ils en soient vraiment les auteurs – prend en outre soin de se démarquer d’autres assassinats commis les jours précédents dans l’État d’Oaxaca contre des leaders de groupes contestataires : «  Nous nous désolidarisons des exécutions de personnalités du mouvement social.  » Le même jour, les Zetas affichent une banderole en grosses lettres d’imprimerie, très bien faite, sur un pont autoroutier à l’entrée de Oaxaca, adressée aux soldats qui passent par là : «  Le groupe d’action « Los Zetas » t’apprécie, militaire ou ex-militaire. Nous t’offrons un bon salaire, de la nourriture et la protection de ta famille. Nous ne souffrons ni de mauvais traitements, ni de la faim. Nous autres, nous ne te proposons pas de manger de la soupe bas de gamme. Les personnes intéressées peuvent appeler ce numéro : 867 16 87 423  »… Les Zetas sont présents dans la ville d’Oaxaca pour sa situation stratégique par rapport à l’Amérique centrale. L’un de leurs chefs y a été arrêté le 18 janvier 2011.

13 Police communautaire dans l’État du Guerrero.

14 Parce que la gauche aussi en croque – l’ex-gouverneur PRD du Michoacán, Godoy Toscano, est à présent sous le coup d’une enquête pour collusion avec la Familia.

15 « Ocho tesis y muchas preguntas », La Jornada, 15 janvier 2011.

16 Le tequio est un travail bénévole fourni au service de la communauté, un ou deux jours par mois, par chacun de ses membres adultes (entretien des routes, construction ou réfection d’édifices communs etc.)


COMMENTAIRES

 


  • samedi 5 février 2011 à 17h54, par un-e anonyme

    « Dresser une vertueuse société civile contre un État corrompu est parfaitement idéaliste. La corruption est précisément ce qui lie les deux. »

    l’idée, c’est d’orienter la complicité active de la droite dans le bon sens, en somme.

    le fameux : « Tourner les têtes dans la bonne direction »

    vraiment excellent.

    • samedi 5 février 2011 à 22h33, par H2

      Impressionnant cet article. Franchement, quel article ! Respect.

      « Si le propre d’une action militaire est qu’elle se juge à son seul résultat, cette irruption brutale et inattendue de la mort, dans une indistinction effrayante, a pour résultat que toute rationalité déserte le corps social, en Algérie comme au Mexique. On ne cherche plus à comprendre, mais à survivre. La peur atomise, brisant les capacités de résistances collectives et instillant le venin de la méfiance généralisée. La « guerre de Calderón » fonctionne bien comme une stratégie d’intimidation à grande échelle. »

      Vive la CRAC !

    • jeudi 10 février 2011 à 12h17, par clovis simard

      Bonjour,

      Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.

      Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.

      La Page No-13 : LIBERTÉ TOTALE !

      C’EST MATHÉMATIQUES ?

      Cordialement

      Clovis Simard

      Voir en ligne : liberté totale



  • dimanche 6 février 2011 à 00h33, par Gédéon

    Le genre d’article vers lesquels on revient, merci et bravo !

    Cette fusion du crime organisé et du capital est aussi à l’oeuvre en Russie, en Italie.

    Le crime organisé s’accorde bien avec le racisme, le nationalisme, les oligarchies...



  • dimanche 6 février 2011 à 14h59, par drex

    La situation du pays du fait froid dans le dos. Un grand merci pour cet article remarquable.



  • lundi 7 février 2011 à 01h03, par Maximus

    C’est impressionnant de quelles façons on est maintenu, ici en France, dans l’ignorance vis à vis de cette situation réellement catastrophique ! Les médias en France sont réellement de la merde en lingot.
    Le peuple Mexicain est vraiment dans la pire position qui soit, tiraillé entre deux formes de capitalismes très peu différente mais ennemi et très dangereuse. Et le monde qui laisse faire, pépère tant que les profits coulent à flot...
    Bravo à l’auteur, article fleuve, mais génial !!!



  • lundi 7 février 2011 à 07h39, par Folavril

    Magnifique article ! Vivant à Mexico depuis 1994, j’ai rarement lu quelque chose d’aussi précis, complet et pertinent sur ce sujet. Bravo ! Comment avez-vous fait pour tout piger en 6 mois de séjour ici ? Après 17 ans, je ne comprends toujours rien, pour ma part !

    Une anecdote amusante : j’ai été l’interprète de Felipe Calderón lors d’une inerview avec un journaliste du Figaro (le correspondant du journal à Washington), peu après son arrivée au pouvoir. Lors de cette interview, Calderón a dit ceci : « le trafic de drogue ne pourrait se faire sans la complicité de la police américaine ». Le journaliste éait sidéré par ce « franc-parler », à tel point que cette phrase (qu’il m’a fait répéter tellement il était stupéfait et dont il m’a reparlé après l’interview) n’a jamais figuré dans l’article - du moins pas dans la version en ligne du journal. Voilà, c’était avant la guerre, avant la rencontre avec Bush. Pour la première fois, un président mexicain ne se contentait pas d’accuser les consommateurs américains, et pointait la complicité de l’appareil d’État. Comme traductrice, je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais je me demande ce qui l’a fait changer d’avis, car c’était assez gonflé de déclarer ça... Et il n’a rien retiré à ses paroles (tandis qu’il a demandé au journaliste de ne pas mettre qu’il avait rencontré Sarkozy je ne sais plus où, parce qu’en fait, il n’en était plus très sûr... - le journaliste avait fait des comparaisons de mauvais goût : sarkozy est le candidat du parti de Chirac qui ne l’aime pas, Calderón candidat du parti de Fox qui ne l’aime pas, sous-entendu vous êtes deux nabots pas sympas qui succèdent à deux grands types joviaux...).

    • lundi 7 février 2011 à 08h16, par Folavril

      PS : ce sera peut-être mal vu de le dire, mais « La Zona » est un très mauvais film qui ne dépeint absolument pas la vie des quartiers dont il est censé parler : on nous montre un lotissement pour classe moyenne carrément basse, pas du tout les quartiers comme Bosques, Santa Fe, etc (où, c’est évident, le cinéaste aurait eu bien du mal à tourner), où il existe effectivement des milices privées, des murs, des barrières, etc (et bourrés de narcos, Santa Fe tout particulièrement). L’enthousiasme des critiques français par rapport à ce genre de films (Temporada de Patos en est un autre, tiens), ne laisse pas de surprendre les Mexicains. Idem pour Paco Ignacio Taibo II, qui est perçu bien souvent comme une espèce de BHL mexicain (au sens médiatique : on l’entend tout le temps, on le voit partout, il remplace Carlos Monsivais (RIP) qui donnait son avis sur tout et à tout bout de champ, très souvent complètement à côté de la plaque d’ailleurs). Vu de l’extérieur, on n’a évidemment pas la même appréciation des choses, par exemple, du Mexique, je n’ai pas du tout l’impression que Houellebecq soit omniprésent dans les médias ! ;).

      • lundi 7 février 2011 à 15h30, par Reveric

        quel film documentaire ou livre relate selon vous le mieux la situation tel que vous la vivez de l’intérieur ?

        • lundi 7 février 2011 à 20h27, par Folavril

          « La ley de Herodes ».

          • lundi 7 février 2011 à 20h45, par Folavril

            Ce n’est pas un documentaire, mais un film de fiction, qui a connu un certain succès lors de sa première au Festival du cinéma français d’Acapulco car le gouverneur du Guerrero a voulu l’interdire. (4 films mexicains au programme de ce festival à l’époque, 1999 si je me souviens bien). Le dernier film du réalisateur (Estrada) parle justement des narcos et s’intitule « El Infierno ».

            Le festival du cinéma français à l’époque (jusqu’en 2000, en gros) était un truc gigantesque : hôtel le plus cher pour tous les acteurs, réalisateurs et autres cadres d’Unifrance... Amusant d’entendre les remarques de certains, comme le réalisateur de « Zonzon » qui était, je cite, « dégoûté par tout ce luxe ». L’ambassadeur était un certain Bruno Delaye, connu pour ses faits d’armes à la cellule africaine de l’Élysée pendant le génocide au Rwanda. Très copain avec les mecs les plus riches du Mexique et fan de corridas, aussi. Et de « gauche », bien entendu.

    • lundi 7 février 2011 à 20h27, par Alèssi

      Merci pour le compliment ! A vrai dire, je m’intéresse de près à ce qui se passe au Mexique depuis, disons, 1994. J’ai eu l’occasion de recevoir dans ma ville nombre de rebelles mexicains, de différents Etats du Centre-Sud, venus témoigner de leurs luttes, et de parler avec eux ; de sorte qu’avant de mettre les pieds dans ce pays pour la première fois en 2009 j’étais déjà un peu familiarisé avec certaines questions.

      Que Calderon ait osé parler ainsi en public, voilà qui m’espante. Enfin, la realpolitik a vite repris ses droits, depuis... A présent, il se fait morigéner en public par Hillary Clinton !

      Le film « La Zona » n’est certes pas une oeuvre qui fera date dans l’histoire du cinéma. Pour moi, son intérêt était de porter à notre connaissance un phénomène effrayant, à savoir la propagation des gathed communities. Celui-ci était pour moi identifié aux USA, mais sa diffusion au Mexique (et dans d’autres pays latinos) fait partie de l’américanisation galopante. Le pire est qu’à présent on voit se multiplier des résidences fermées de ce type destinées aux pauvres -en l’occurrence, à la clientèle des travailleurs garantis, que l’on sépare ainsi méthodiquement des travailleurs précaires des colonias. Evidemment, ils disposent de très peu d’espace, et vu de dehors cela ressemble tout à fait à une prison. J’en ai recensé une bonne vingtaine aux abords immédiats de Oaxaca, et l’un de leurs habitants, qui a bien sur acheté à crédit, m’a avoué qu’il cherchait déjà à revendre pour retourner vivre en ville...
      Ajoutons que les gathed communities se répandent aussi en Europe, dans ma propre ville (un collectif de jeunes géographes a fait une recherche très pointue sur ce phénomène à Marseille même).

      Par ailleurs, je ne suis pas dupe du rôle que joue Paco Ignacio Taibo II comme contestataire de service, et je le trouve moi aussi plutôt agaçant. Ceci dit, dans les deux pages de La Jornada où il s’exprimait, tout ce qu’il disait sonnait juste : seule manquait, et pas par hasard, la mise en perspective (i.e dans quelle direction va-t-on agir une fois dressé le constat accablant ?). C’est en ce sens que je le citais, afin de le placer devant cette perspective. Evidemment, on ne donnerait pas à cet auteur une pareille tribune dans un journal de grande diffusion si l’on n’était pas sur qu’il limiterait de lui-même son propos à de la pure protestation.
      Houellebecq ? je ne sais pas, vu que je n’ai rien lu de lui et que je ne regarde pas les émissions littéraires. Ceci dit, j’imagine mal cet écrivain profiter d’une émission grand public pour dénoncer par exemple la militarisation des cités de banlieue en France...

      Saludos oaxaqueños !

      Alèssi

      • lundi 7 février 2011 à 21h30, par Folavril

        Merci, Alèssi, je comprends mieux à présent !
        Tout à fait exact ce que vous dites sur les cités pour pauvres (j’imagine que vous faites allusion aux lotissements d’Infonavit et aux cités dortoir qui se construisent un peu partout dans le pays)... Je viens de travailler pour l’agence française de développement sur ce sujet, justement (là aussi il y aurait beaucoup à dire sur l’aide au développement...). Le gouvernement du District fédéral semble conscient du problème et parle de « revitaliser les centre-villes »... Cela dit, sachant que le budget d’Infonavit (terrain + construction) est de 150 000 pesos par logement social, pas évident... (c’est ce que disaient les représentants d’Infonavit au Forum universel des cultures de Monterrey).
        Et il y a aussi des quartiers de classe moyenne plutôt désargentée qui se construisent selon le même principe américain, et il suffit de voir l’affluence dans les centres commerciaux le dimanche pour voir à quel point l’américanisation de la classe moyenne est galopante (la légalisation des casinos parachevant cette « oeuvre »).
        Sur Calderón, je vous assure que c’est ce qu’il disait au tout début 2007 (et il ajoutait qu’en plus, il était plus jeune que Sarko et qu’il avait été élu avant lui et même que ouais, dans ta gueule, Sarko).

      • lundi 7 février 2011 à 22h09, par Folavril

        Je crois effectivement que Houellebecq n’en a rien à foutre de la militarisation des banlieues, je ne le citais qu’à titre de comparaison niveau médiatisation. Cela dit, il me semble qu’il n’aurait sans doute aucun mal à le reconnaître (il doit même en être fier) contrairement à une certaine classe intello mexicaine qui compte par ailleurs nombre de clients des narcos et trouve parfaitement normal de s’en foutre plein le nez, de faire dépuceler ses gosses par la bonne (salaire - non déclaré, of course - : 100 dollars/mois), de traîner dans les table-dance, de mettre ses gosses dans des écoles privées généralement américaines, de faire des séjours éclair à Houston/Dallas/Los Angeles pour faire ses courses chez Ikea (et oui, y’a pas Ikea au Mexique), et tutti quanti (idéologie « Moi d’abord ») tout en nous assomant de discours pseudo « alternativos » qui plus est extrêmement datés et superficiels comme vous l’avez bien remarqué au sujet de Taibo II...

        • mardi 8 février 2011 à 11h14, par Alèssi

          Pas d’Ikea au Mexique ?! Bon sang, mais c’est vrai, je n’en ai pas vu un seul. Pauvres gens !
          Bon, blague à part, vous avez parfaitement raison à propos de cette middle class mexicaine. C’est une stratégie globale, dans tous les pays « émergents » (le Mexique, le Brésil, l’Inde et sans doute aussi la Chine) de miser sur la constitution d’une classe moyenne qui fera tourner le circuit marchand de façon intensive, au contraire de la grande masse des pauvres qui se contentent de le faire tourner de façon extensive. Ce sont bien eux les électeurs de Calderon, mais il y en a aussi qui sont obradoristes, je suppose que c’est à ceux-là que vous faites allusion.
          Pour les lotissements Infonavit, 150 000 $ c’est une sacrée somme mais ceux qui achétent se prennent un crédit... à la française. Et peut-être même que l’obtention de ce crédit peut être facilitée par l’intervention d’un élu qui connait du monde dans la banque...



  • lundi 7 février 2011 à 12h07, par guillaume

    Merci Alessi !

    UN peu de pub mais c’est pour la bonne cause :

    Pour son prochain ciné-club l’association J2P (17 rue Petit, Paris 19e) a choisi le thème du Mexique, pour en savoir plus sur ce pays et en particulier sur la région du Chiapas, alors que s’ouvre la saison du Mexique en France. « Los Vigilantes », film de Christophe Cordier, sera projeté le vendredi 11 février à 20h, et sera suivi d’un débat en présence du réalisateur, d’un buffet mexicain, de représentations de danses traditionnelles ainsi que de musique. Cette soirée est préparée en partenariat avec le CSPCL (Comité de soutien pour les Peuples du Chiapas en Lutte) ainsi qu’avec l’association AMAS (Association Mexicaine - Action et Solidarité).

    contact : associationj2p@gmail.com

    Guillaume



  • mardi 8 février 2011 à 00h57, par Subcomandante Narcos

    A propos de : « Pourquoi donc s’entretue-t-on en-deçà de la frontière, sinon pour approvisionner un marché US, en l’occurrence celui du haschich et de l’héroïne ? »

    Si je ne me trompe il s’agit avant tout de Marijuana (herbe et non de la résine de cannabis : haschich) et de cocaïne (produite principalement en dehors du Mexique) qui arrivent surtout aux USA via le Mexique. Le pavot (ampola) et ses dérivés/transformés (Héroïne) commence à s’implanter, mais ce n’est pas le gros du trafic.

    A confirmer ?

    Sinon article fort intéressant

    • mardi 8 février 2011 à 10h50, par Alèssi

      Cher Subcommandante,
      vous avez tout à fait raison de m’épingler sur cette erreur. Je connais pourtant la différence entre le haschisch et la marijuana, entre le shit et l’herbe, et en plus le mot arabe haschisch est ici quasiment inconnu.
      L’héroïne... je ne suis pas dans le secret des narcos mais il se dit que la demande augmente sensiblement pour ce poison, tant du côté yankee que dans le DF même. En tout cas, la culture intensive du pavot est avérée dans certains Etats. Quant à la cocaïne, qui vient évidemment d’Amérique du Sud, elle transite forcément par le Mexique, surtout que les Caraïbes sont trop surveillées à présent. On parle de débarquements nocturnes, sur les côtes du Pacifique, dans l’Oaxaca, le Guerrero et le Michoacan ; on dit aussi que pendant longtemps la Marine assurait le bon déroulement des opérations... Il y a aussi des petits terrains d’aviation, dans des zones isolées ou nul passant ne s’aventure...
      Je ne saurais dire lequel de ces produits l’emporte au niveau des quantités exportées. A Oaxaca même, c’est surtout la cocaïne qui circule, outre la très classique marijuana.

    • lundi 14 février 2011 à 21h05, par folavril

      Le Mexique éait l’un des principaux producteurs d’héroïne avant la guerre en Afghanistan, pays qui est devenu depuis la guerre, fournisseur de 90% de l’héroïne qui circule dans le monde (yeah !). Il a donc perdu des « parts de marché » avec cette guerre. Les récupèrera-t-il grâce à la guerre de Calderón qui se réjouissait récemment du fait que le prix (au détail) des drogues avait augmenté de 80 % ?



  • mardi 8 février 2011 à 10h25, par Christian ROINAT

    On peut, sur le sujet, lire avec profit les deux puissants ouvrages de Sergio González Rodríguez traduits en français, Des os dans le désert (Passage du Nord-Ouest, 2007), vaste enquête sur les disparues de Ciudad Juarez et L’homme sans tête (Passage du Nord Ouest, 2009), sur la violence, en général, au Mexique.

    • mardi 8 février 2011 à 11h00, par Alèssi

      Je ne connaissais pas ces ouvrages, je vais essayer de me les procurer. Le seul livre que j’avais lu sur les féminicides de Ciudad Juarez était un polar, écrit par un français, un certain Fréderic Bard si je me souviens bien. Le titre était, tout simplement, « La frontière ». L’explication finale de ces meurtres me parait peu plausible dans le cas précis de Ciudad Juarez, mais elle n’est pas non plus totalement à côté de la plaque. Je ne peux pas m’empëcher de penser qu’il y avait un lien entre ces assassinats et les conditions d’exploitation dans les maquiladoras de cette ville-frontière. Je ne peux pas non plus m’empêcher de penser que le caractère énigmatique de ces assassinats est bien l’essentiel : l’inexplicable est tellement monstrueux qu’il est de nature à terroriser la population laborieuse, principalement féminine, qui fait tourner ces usines frontalières.



  • mercredi 9 février 2011 à 01h01, par un-e anonyme

    superbe article. Merci !
    En complément, je vous conseille la lecture de « La griffe du chien » de Don Wislow, livre magistral sur la guerre menée contre le narcotrafique.

    • mercredi 9 février 2011 à 02h26, par Cedric7693

      Pour se faire une idée de la violence au Mexique, vous pouvez consulter ce site. Attention cependant, certaines images sont choquantes.
      Ce site est à double tranchant car s’il révèle à la face du monde les horreurs commises au Mexique, le fait même de les montrer peut contribuer à renforcer la peur dont vous parlez. A consulter donc avec précautions.

      Alèssi, vous parliez de techniques « innovantes » pour distiller la peur comme les corps pendus à des ponts. Certains vont jusqu’à filmer des exécutions qu’ils diffusent sur internet.

      Voir en ligne : blogdelnarco



  • mercredi 9 février 2011 à 08h26, par Garnier Jean-Pierre

    Toujours aussi documenté et percutant, Alessi J’ai commencé à diffuser à des ex-collègues ton topo sur le Mexique. Y compris à des enseignants-chercheurs espagnols souvent fourrés dans ce pays, et même à mexicains « degauche » de la même confrérie. Lesquels, comme leurs homologues français, n’en reviennent pas. Ce qui confirme que les uns et les autres ne connaissent, pour la plupart, du monde social autre que le leur, qu’ils prétendent pourtant être les seuls à pouvoir « décrypter », que ce qui est filtré au prisme de leur bulle universitaire.

    Hasta la proxima

    Jean-Pierre Garnier

    • mercredi 9 février 2011 à 13h26, par Karib

      Attention au lien « blogdelnarco »donné par Cédric : virus ! Ne pas ouvrir.
      Pour le reste, bravo à Alessi, qui confirme ce que les gens bien informés nous racontent depuis un certain temps : mieux vaut aller passer ses vacances en Afghanistan ou en Irak qu’au Mexique.

      • mercredi 9 février 2011 à 15h46, par Cedric7693

        Bizarre, rien ne me signale qu’il y a un virus, peut être est-ce dû aux images « chocs » ? je n’ai pas ce soucis.
        Si j’étais parano, je me dirai que ce signalement a pour objectif de me cacher une certaine réalité, mais comme je ne le suis pas je ne me le dis pas :-p

        • mercredi 9 février 2011 à 17h11, par Alèssi

          Je n’ai pas eu le courage d’aller voir narcoblog, virus ou pas virus. Ici même, je suis saturé d’images sanglantes, aux premières pages de certains quotidiens, et c’est déjà assez désagréable... Hier, c’était la photo du corps d’un immigré clandestin coupé en deux, net, par le train... Il y a quelques jours, c’était la photo d’un pauvre bougre qui s’était pendu dans la banlieue de Oaxaca : deux photos du pendu, la langue toute bleue, plus deux autres de la famille éplorée. Outre le manque de respect proprement révoltant pour la mémoire du gars qui s’est suicidé ainsi que pour ses proches, il y a là quelque chose d’extrêmement malsain (le mot est faible). Ce qui m’amène à penser, relativement à ce blog où les narcos diffusent des scènes d’exécution, qu’il y a dans ce pays une part obscure, une fascination pour la violence et le sang qui n’a pas d’équivalent en Europe. Est-ce l’hérédité des meurtres rituels du temps des Aztèques ? Je suis plutôt enclin à penser qu’il s’agit plutôt de l’héritage de la violence dans laquelle le Mexique actuel s’est fondé, violence dirigée d’abord contre les peuples indigènes. Ce leg historique se traduit ensuite dans des comportements « culturels ». Par exemple, ce culte plutôt douteux de la Santa Muerte, auquel sont notoirement liés nombre de narcos, en particulier les Zetas.
          Enfin, je ne voudrais pas avec tout cela donner une image purement négative du pays. S’il y a contre-insurrection préventive avec cette guerre de Calderon, c’est bien qu’il y a une plèbe qui menace, et qui se bouge. En tout cas, dans l’Oaxaca, celle-ci n’a rien perdu de son esprit festif et frondeur...

          • mercredi 9 février 2011 à 23h05, par Cédric7693

            Comme je l’ai dit, je suis partagé à propos de ce site car s’il « dénonce », il est aussi un vecteur de cette terreur puisque certains cartels lui envoient directement « leurs exploits », le message étant « voilà de quoi nous sommes capables, tenez vous tranquilles. »

            En m’inspirant de la théorie développée par Naomie klein dans « La stratégie du choc », j’ai le sentiment que le prétexte de la guerre aux narcotraficants est en fait un moyen de régner par la terreur, le traitement de choc par lequel s’impose le néolibéralisme américain (comme il s’est imposé par la terreur au Chili et en Argentine dans les années 70, mais aussi au Brésil, en Uruguay, au Salvador etc...). Terreur absolument nécessaire sans quoi le peuple aurait depuis longtemps rejeté le néolibéralisme.
            Vous le montrez très bien.
            La guerre à la drogue serait l’évolution de la guerre au communisme, laquelle servait de prétexte aux massacres des paysans refusant de se convertir au libre-échange, massacres perpétrés par des milices d’extrême droite, formées et armées par la CIA, moyennant drogue ou argent de la drogue(le roman de Don Winslow, La griffe du chien est vraiment excellent sur ce sujet).

            La CRAC me fait penser à ce passage de la Bible où le peuple juif, comprenant que Sodome est condamnée, décident de la fuir. Il y a quelque chose de similaire dans leur rejet de l’État et ses institutions, définitivement condamnés. Ils nous montrent qu’une autre solution est possible à l’opposition stérile gauche droite.

            Encore une fois, merci pour cet article, c’est toujours un réel plaisirs de vous lire.

            • jeudi 10 février 2011 à 01h14, par Alèssi

              Oui, c’est exactement cela : la « guerre au narcotrafic » est une évolution, une adaptation, de la vieille « guerre au communisme » des années 50 aux années 80. Elle combine parfois les deux, comme en Colombie. Ceci dit, il se pourrait bien qu’au Mexique le coût de cette guerre dépasse de loin son bénéfice politique... L’année 2011 va être déterminante.

              Une anecdote pas piquée des vers. Je faisais allusion dans une note de bas de page à l’arrestation d’un chef des Zetas aux environs de Oaxaca : un certain Flavio Mendez Santiago, dit « El Amarillo ». Ce personnage fut pendant quelques années chef de la police municipale de Santa Cruz Xoxochotlan, une banlieue de Oaxaca. Le maire sortant, son employeur, est fortement soupçonné d’avoir détourné pas mal d’argent (avec un chef de la police comme celui-là, on imagine qu’il ne devait pas craindre les récriminations de ses administrés...). Au moment de son arrestation, voici deux semaines, « El Amarillo » occupait le numero 27 dans la liste des 40 personnes les plus recherchées du Mexique...

              Attendez, le meilleur est à venir.

              Hier, l’un des meneurs du Consejo Indigena de los Pueblos de Oaxaca, organisation indigène libertaire, vient de faire une déclaration publique au sujet d’un affilié dudit CIPO qui moisit en prison depuis août dernier. Il s’agit d’un indigène zapotéque de San Miguel Aloapan qui s’est opposé physiquement à un groupe de paramilitaires Priistes. Il s’appelle Pablo Lopez Alaves, et défendait les forêts de sa communauté contre les tailles de bois réalisées par une société proche du PRI.

              Quel rapport avec « El Amarillo » ? Eh bien ce valeureux zapotéque a été incarcéré sur la base de déclarations faites par des Priistes locaux, et corroborrées par le témoignage de « El Amarillo » en personne...
              Evidemment, le CIPO exige la libération immediate de Pablo Lopez Aloapan... D’autant qu’il risque de croiser son accusateur en prison !

              Content que l’article vous ai plu. Bien qu’il faille beaucoup plus que des articles pour sortir de ce merdier...

              • jeudi 10 février 2011 à 02h41, par Cédric7693

                Témoigner comme vous le faites est une pierre de plus ajoutée à l’histoire de la contestation. C’est peu et c’est beaucoup.
                Je suis le fruit de l’atomisation des classes populaires d’hier dans la classe moyenne d’aujourd’hui. Classe à laquelle je n’appartient déjà plus, mais d’avantage à la classe « précaire ».
                Mes grands parents maternels ont fui l’Italie de Mussolini. Ils venaient du Friul, bastion de l’anarchisme italien. Du côté de mon père, on compte aussi quelques anarchistes. J’ignore tout de leur histoire...
                A travers vos écrits et vos interviews, qui me parlent d’avantage que n’importe quel discours politique, vous êtes un peu la mémoire oubliée de cette « évolution ». Je vous en suis infiniment reconnaissant.
                Le combat des minorités d’Amérique latine me rappelle que nous aussi, d’une certaine façon, avons été « colonisé, américanisé », de manière plus soft cependant. Nous avons oublié notre histoire, d’où nous venons, bombardé par l’industrie cinématographique et musicale américaine de « culture populaire ».
                Citoyen du monde malgré moi, j’ai plus de compassion pour des minorités éloignées en lutte pour la préservation de leur culture qu’avec mon voisin de pallié qui ne jure que par le dernier I phone... C’est ainsi. D’où je suis je ne peux rien pour eux. Juste de la compassion et me rappeler d’où je viens pour ne pas trahir ce pourquoi mes ancêtres se sont battus.
                Car c’est ça que le néolibéralisme nous demande à nous « les petits », aux 4 coins du monde, renier l’héritage culturel que nous ont légué nos ancêtres. Nous vider de ce que nous sommes pour nous remplir de ce qu’ils sont. Comme l’avait prédit G. Orwell dans 1984. Le processus est déjà bien avancé...

                Une dernière fois merci de mener ce combat dans lequel je me reconnais, et merci aussi à l’équipe d’Article11 sans qui je ne vous aurai pas découvert.

                • « Car c’est ça que le néolibéralisme nous demande à nous »les petits« , aux 4 coins du monde, renier l’héritage culturel que nous ont légué nos ancêtres. Nous vider de ce que nous sommes pour nous remplir de ce qu’ils sont. Comme l’avait prédit G. Orwell dans 1984. Le processus est déjà bien avancé... »

                  « Nous vider de ce que nous sommes pour nous remplir de ce qu’ils sont. »

                  Ô que c’est bien vu et bien dit ! Nous sommes des animaux normalisés même si nous tentons pour certaines et certains de relever la tête. Mais comme vous avez raison. Nous sommes comme ces provinces annexées qu’une puissance douteuse et vengeresse aura préalablement nettoyé de toutes mémoires ; donc de tout repère et connaissance. Je pense en disant ça aux trésors des Mayas et à bien d’autres, ces calendriers solaires si somptueux rongés par les flammes des buchers allumés par des prêtres en transes qui y voyait l’œuvre de Satan tandis que « le diable » les possédait eux. Toute une mémoire historique d’une immense civilisation détruite par une poignée d’ imbéciles profonds fanatiques. Depuis, on peut dire qu’on nous a bien siphonné, bien vidé et bien rempli. Bien culpabilisé aussi. Toujours la même œuvre au travail. La haine et la stupidité alliées à la force brute ou sophistiquée pour un résultat identique : la servilité volontaire pour le bien des maîtres en papier monnaie. Une clameur mondiale court sur l’échine ravagée de la planète : barrez-vous, disparaissez avant qu’on vous oublie définitivement. Dégagez cafards !

          • jeudi 10 février 2011 à 22h46, par H2

            @ Alèssi : « Est-ce l’hérédité des meurtres rituels du temps des Aztèques ? »

            Pauvres Aztèques ! C’est encore de leur faute. Qu’est-ce qu’ils s’en prennent dans la gueule même après leur éradication par les colons Espagnols de l’époque...

            Allez chercher plutôt du côté du fanatisme Catholique, vous serez plus proche de la vérité. Lisez
            « Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours » d’ Howard Zinn et vous comprendrez bien la suite logique qui saigne encore à blanc les Amériques. Méditez les premières pages du fameux livre d’ Howard Zinn sur le génocide des Arawacks par Christophe Collomb et ses sbires et vous saisirez bien ce qui se poursuit dans le Mexique contemporain. Les mots me manquent pour en parler.

            Comme dans toutes les histoires où la barbarie se déchaîne allègrement et sans tabous, il est toujours quelque « Juste » : Las Casas. Je vous passe les détails sur le génocide des Arawacks, les massacres de masse, leur esclavage dans les mines des conquistadors Espagnols, vous irez voir le livre de Zinn que vous ne pourrez plus jamais oublier après l’avoir lu. Juste ce fait évoqué par le témoin Las Casas dans son livre : « Histoire générale des Indes » :

            La Casas raconte comment « deux de ces soi-disant chrétiens, ayant rencontré deux jeunes Indiens avec des perroquets, s’emparèrent des perroquets et par pur caprice décapitèrent les deux garçons ».

            • vendredi 11 février 2011 à 01h06, par Alèssi

              J’avais lu le livre de Howard Zinn à sa sortie, voici une dizaine d’années. J’ai lu aussi d’autres ouvrages qui racontent les atrocités commises par les Espagnols. J’avais même lu, quand j’étais minot, « Le massacre des Indiens » de Lucien Bodard qui montre comment le génocide colonial se poursuit dans les Etats-nations latinoaméricains actuels (en l’occurrence il s’agissait du Brésil). Je discute régulièrement de tout cela avec des gens qui font partie, ici même, de ce qu’on appelle « les peuples originaires », et dont certains, pour parler le nahua sont donc de lointains descendants des Aztèques.

              Ceci dit, la barbarie des uns ne fait pas l’innocence des autres. « Pauvres Aztèques » ? l’Empire aztèque était une théocratie particulièrement détestée des autres peuples occupant le territoire mésoaméricain. Ils imposaient diverses formes de tribut à tous ces peuples, parmi lesquels un particulièrement ignoble, le tribut en êtres humains destinés à alimenter leurs sacrifices rituels. Cela aussi, vous pouvez le trouver dans les livres.

              Les Aztèques sont tombés par où ils avaient péchés. Cortez, dont nul ne doute que c’était une ordure de la pire espèce, a réussi à défaire leur Empire avec 500 soldats et quelques dizaines de chevaux. Il n’y serait certainement pas parvenu sans l’aide de ces peuples indiens opprimés qui voyaient dans l’expédition de Cortez l’occasion de se libérer de l’oppression aztèque. En particulier les Tlaxcalèques qu’il avait rencontré sur son chemin, de Veracruz jusqu’à Tenochtitlan, qui fournirent des milliers de combattants et surtout des guides sans lesquels il aurait eu peu de chance de s’en sortir après sa fameuse fuite nocturne de la capitale aztèque. Que ces peuples-là se soient fourrés le doigt dans l’oeil jusqu’au coude, c’est un fait, qu’ils ne devaient pas tarder à vérifier à leurs dépens. Il n’en demeure pas moins que si les Conquistadores n’avaient pas trouvé un pays régenté par un Empire opprimant les autres peuples, les choses auraient sans doute été différemment. C’est une donnée de l’histoire.

              Pour finir, j’évoquais l’hérédité aztèque à titre d’hypothèse pour la réfuter aussitôt dans la phrase suivante, vu que j’attribue plutôt une certaine culture de la violence à l’hérédité coloniale, qui s’est prolongée dans le Mexique indépendant et métis. Et je suppose qu’il y avait un peu de provocation dans le simple fait d’émettre une telle hypothèse. Je l’assume, car je pense que faire l’histoire en posant d’un côté les bons et de l’autres les gentils ne nous aiderait certainement pas à comprendre. « Welgericht ist Welgesicht ».

              • vendredi 11 février 2011 à 21h12, par H2

                Bonjour,

                A vrai dire quand j’ ai lu « Alèssi » je n’ai pas fait le lien avec M.Alèssi DELL’UMBRIA - C’est bien fait pour moi, j’ai cas être moins sanguin, ça m’apprendra à dire moins de conneries. Oui, il est vrai aussi que j’avais mal lu la fin de votre commentaire qui insistait sur la violence coloniale capitaliste délirante qui aura saigné à blanc tout un continent pendant des siècles. Dès lors je m’incline au vu de votre réponse. En fait j’ai un peu honte d’avoir parlé si vite. Si vous remontez plus haut vous verrez que je vous applaudissais pour votre article qui m’a littéralement scotché. Quelle misère ! me voilà fait comme un rat. Et en plus je ne sais même pas ce que veut dire « welgericht ist welgesicht », houalalà, par pitié n’en jettez plus. Encore merci pour votre fabuleux article sur le Mexique contemporain.

                Cela me fait soudainement penser que Florence Cassez a vu hier rejeter sa demande d’appel pour réviser son procès. J’imagine que les grossières machinations policières médiatiques sont le lot quotidien de pas mal de Mexicains qui croupissent dans les pénitenciers dans l’anonymat général - Espérons qu’un jour le peuple Mexicain se révolte et fasse lui aussi sa grande révolution et prennent toutes les Bastilles à prendre. Je garde à l’esprit qu’on lui a volé l’élection démocratique le 2 juillet 2006. Le futur promet.

                • samedi 12 février 2011 à 11h31, par un-e anonyme

                  Pas de problèmes, de toutes façons un débat avance par contradiction.

                  « Weltgesicht ist Welgericht » est une formule de Hegel dans sa « Philosophie de l’Histoire ». "L’esprit du monde est le jugement du monde’ : autrement dit, il y a une raison dans l’histoire.

                  L’anecdote sur les deux conquistadores qui tuent des gamins pour leur prendre leurs perroquets me fait penser à une autre, plus récente (on en finirait pas de raconter des anecdotes, ici). Elle se passe dans la ville de Torreon, capitale de l’Etat de Coahuila, dans le Nord.

                  Voici donc l’anecdote. Un gars, le soir, dans sa voiture, à un feu rouge ; devant lui, un autre véhicule. Le feu passe au vert, le véhicule devant ne bouge pas. Le gars va pour klaxonner puis se ravise : par les temps qui courent, ce n’est peut-être pas la meilleure chose à faire... Le feu repasse au rouge. Il descend et va demander au chauffeur du véhicule s’il peut l’aider, Lequel, tout sourire, lui montre un colt 45 et lui dit : « Señor, je vois que vous êtes une personne éduquée. Je viens de perdre mon pari avec mon ami. J’avais parié que vous alliez klaxonner au feu vert, et que je vous mettrai une balle dan la tête, » L’ami en question, tout aussi souriant, exhibe un Uzi sur ses genoux... Le chauffeur donne un billet de 200 pesos au gars : « C’est votre jour de chance, amifgo ! »

                  Funny, isn’t it ? Et encore il n’y avait même pas de perroquet à voler ! C’est aussi cela l’américanisation du Mexique. De plus en plus de gens se comportent comme des personnages de Tarantino : c’est « Pulp Fiction » au quotidien.

                  De toutes façons, Aztèques ou pas Aztèques, on retrouve la même violence du Nord au Sud du continent américain. Argentine, Chili, Brésil, Colombie, Pérou, etc, tous les pays, qui ont sont des legs de la colonisation, connaissent ou ont connu jusqu’à une date trés récente un niveau de violence extrême d’abord dirigée contre les pauvres et les indigènes (ce qui revient presque toujours au même) et qui finit ensuite par contaminer toute la société. Il n’y a peut-être que le paisible Costa Rica, seul pays du monde à ne pas avoir d’armée, qui semble faire exception...

                  Quand aux USA, seul pays du monde à s’être fondé sur l’extermination systématique des indigènes, il n’est pas surprenant que ce soit le pays le plus violent du monde. On pourrait presque dire que qu’à ce stade c’est un héritage génétique, si ce n’est que ce sont avant tout les rapports sociaux qui expliquent cela. En l’occurrence, ceux-ci sont fondés sur la concurrence généralisée, i.e guerre de tous contre tous. Quand on exporte ce « modèle » dans ces pays d’Amérique latine qui tiennent eux aussi une héredité pesante, cela ne peut donner que ce que l’on voit actuellement au Mexique ou en Colombie...

                  Un dernier point. Vous évoquiez le fanatisme catholique. Certes. Venant d’un pays dont la civilisation fut totalement détruite au XIII siècle par l’Eglise (c’étaient les rois de France qui exécutaient la besogne), je n’éprouve que de la haine pour cette répugnante instiution. Ceci dit, il faut admettre que celle-ci ne constitue pas toujours un bloc homogène, et qu’à cøté de ces Inquisiteurs il y avait aussi un Bartolomé de Las Casas. Et aujourd’hui on ne peut nier le rôle de la théologie de la libération au Chiapas ;certains catéchistes laïcs formés par Samuel Ruiz sont devenus des cadres de l’EZLN. Et l’enterrement de Sanuel Ruiz, voici deux semaines, a été suivi par des milliers de tzotziles, tojobales et autres en larmes.

                  Personnellement, je suis enclin à émettre des réserves sur l’influence de cette Eglise des pauvres dans les actuels mouvements indigènes, en tout cas au Chiapas. A savoir dans quelle mesure tout un discours pacifiste n’est pas, en finale, démobilisateur face à la violence extriême des groupes paramilitaires. Mais ceci est un autre débat..

                  • samedi 12 février 2011 à 21h50, par H2

                    OK, J’ai bien lu votre réponse. L’anecdote que vous relatez est glaçante et votre formule choc
                    « c’est »Pulp Fiction« au quotidien » est assez folle pour être vraie. Je sens bien que c’est vrai au vu de votre article et d’autres que j’ai aussi lu et je mesure bien l’état global dans lequel le Mexique est plongé. Parallèlement, je suis tombé sur cet article qui parle des USA & du Mexique sur un site qui a des vues particulières bien à lui mais auxquelles j’aime réfléchir en gardant raison. Je ne sais ce que vous en penserez :

                    « Le Mexique et le goût de l’intervention »
                    http://www.dedefensa.org/article-le...

                    La guerre étant devenue un marché comme un autre en régime néolibéral post-moderne, doit-on imaginer que le Mexique est un débouché pour le complexe militaire industriel US comme un autre ? Quitte à attiser la violence et à l’exacerber encore ? Oui, une « pulp fiction » qui semble bien réelle n’est-ce pas ?

                    Tout cela me fait penser aussi au film « Los Batardos » du réalisateur Mexicain Amat Escalante.

                    • dimanche 13 février 2011 à 14h45, par un-e anonyme

                      1) antidote d’anecdote
                      c’est deux belges dans une voiture à un feu de circulation
                      l’un dit : vert !
                      l’autre répond : je crois que c’est une grenouille

                      2) antidote de film
                      Orange mécanique.

                      3) antidote à la palme d’or du festival de Cames
                      le PMT ( palme, masque, tuba).

                  • mardi 15 février 2011 à 02h11, par folavril

                    Humm, 150 000 pesos (13 000 dollars environ) comme budget pour acheter un terrain et construire un logement social, ça fait quand même pas des masses, ce qui explique qu’on construise ces espèces de cités atroces à plusieurs dizaines de km des lieux de travail et, plus grave, des réseaux de transport. (Voir les cités dortoir près de Playa del Carmen, devenu une véritable plaque tournante du narco). L’avantage étant bien, comme vous le soulignez, de séparer les travailleurs « formales » des « informales ».

                    Je rapproche également ce phénomène de l’obession collective au Mexique vis-à-vis de l’accession à la propriété : les gens préfèrent être propriétaires d’un taudis situé à 50 bornes de leur boulot, vivre dans des conditions lamentables pendant 20 ans (le temps d’économiser pour bâtir) plutôt que de louer pour pas cher... Ce phénomène est lié à la précarité de l’emploi et de la protection sociale : il faut absolument se construire un « patrimoine » qu’on pourra revendre ou louer en cas de pépin. Sarko avec sa France de propriétaires avait bien compris tout ça. En plus, si vous achetez, vous êtes moins susceptible de bouger.

                    Sinon, vous avez tout à fait raison sur « pulp fiction Mexico », j’irais même plus loin en parlant d’un Mexique « gore ». La dernière fois, c’était un visage humain cousu sur un ballon de foot (Gol !). Aujourd’hui, encore une tête humaine dans un sac en plastique... Oui, on est saturés par ces images, « Détecive », finalement, était un journal civilisé...

                    Et vous avez encore plus raison sur les Aztèques. Tant que les archéologues français continueront dans la ligne du symbolisme, on n’en sortira pas. On ne peut pas continuer indéfiniment de raconter que les Aztèques croyaient sincèrement que le soleil allait s’éteindre sans sacrifices humains (ça revient à dire que l’Église était convaincue de l’existence des sorcières dont la chasse a fait dans les 500 000 victimes en Europe, ben oui, quand même, et ça ne s’est arrêté que quand des notables ont été à leur tour mis en cause).
                    Il est quand même bien clair que ces sacrifices avaient pour but de semer la terreur (et ça devait être assez efficace), aussi bien chez les autres groupes qu’au sein de la population aztèque elle-même. J’imagine que, de même, quand on arrivait dans un bled français au Moyen-âge et qu’on voyait tout un tas de pendus à l’entrée, on devait se dire : « tiens, je ferais mieux de ne pas trop la ramener ».

                    Les communautés autochtones ne sont pas exemptes de violence, même si les lynchages et autres sanctions (souvent plus sévères que le droit commun) imposées par le droit coutumier sont employés pour montrer à la télé à quel point ces gens sont des sauvages.

                    Vous parlez aussi du tequio dans votre article. Une anthropologue française (Marielle Pépin Lehalleur) avait dénoncé les effets pervers des programmes d’aide sociale (Oportunidades, solidaridad, contigo, bref, ça change de nom tout le temps...) qui consistent à verser en liquide environ 200 pesos par mois aux femmes les plus pauvres (et pas aux hommes, soupçonnés d’aller immédiatement se bourrer la gueule avec ce fric). Ces femmes, disait-elle, sont alors astreintes au tequio, qui ne concerne que les personnes qui ont un « revenu ». Je ne suis pas spécialiste de la question, mais si vous avez des renseignements à ce sujet, ça m’intéresse (par pure curiosité intellectuelle !).
                    Anecdote : cette anthropologue a présenté cette analyse dans un colloque : le lendemain, la Jornada locale titrait « Antropóloga francesa critica programa mexicano »... Il faut faire bien attention quand on est étranger au Mexique, toute critique éveillant immanquablement des réactions nationalistes épidermiques, y compris chez des gens qui sont les premiers à faire les mêmes critiques. Le cas de Florence Cassez illustre bien cette situation : un édito de la Jornada disait en gros que y’a pas de raison que les étrangers échappent à la même injustice qui frappe les Mexicains, non mais sans blague !

                    Ps : Ikea est présent au Mexique, mais uniquement en tant qu’acheteur...

                    • mardi 15 février 2011 à 12h41, par un-e anonyme

                      Bon, et les français du Mexique, que disent-ils ???

                      130 ans d’émigration d’habitants des Alpes françaises, en particulier de la vallée de L’Ubaye, les « Barcelonnettes » vers le Mexique, communauté très active, et toujours en relation avec leurs proches restés en France... on dit que le prochain maire de Mexico pourrait bien être un Ubayen ???

                      Et la petite Flrence Cassez...????

                      Ola...

                      • mardi 15 février 2011 à 23h29, par H2

                        La dictature mexicaine qui s’avance :

                        « Il faudrait demander naïvement à Calderón pourquoi il nourrit une relation apparemment si forte avec García Luna. J’irai plus loin, au risque d’offenser une présidence si sensible aux questionnements publics : pourquoi Calderón est-il sous l’emprise de García Luna ? Il va jusqu’à promouvoir une réforme constitutionnelle qui, en définitive, ferait de ce fonctionnaire le chef de toutes les polices du pays. Depuis le début de son mandat, sous prétexte de mettre au cœur de son action la lutte contre la criminalité organisée, Calderón a dangereusement laissé le champ libre aux forces armées et à la police »

                        http://www.courrierinternational.co...

                        • mercredi 16 février 2011 à 01h06, par un-e anonyme

                          Désolé de ne pas répondre dans le détail aux commentaires, mais aujourd’hui c’est chaud. Visite de Calderon (Fecal, comme on l’appelle ici) à Oaxaca, le Zocalo bouclé militairement. Mais la plèbe oaxaqueña ne se laisse pas impressionner. Ce matin, affrontements autour du Zocalo, la Section 22, les chavos des colonias, tout ces braves gens ont allumés les condés, lesquels en retour ont tué un gars, Marcelino Coache, qui fut jadis le porte-parole de la APPO -une grenade tirée à tir tendu en plein coeur. Cet apres midi, les chavos harcelaient les flics devant la cathedrale, à deux reprises les porcs ont reculés sous une pluie de pierres. Je viens de rentrer et qu’est-ce que je vois depuis le toit de la maison ? une énorme colonne de fumée noire s’elève du Zocalo... On y retourne, avec des citrons (ici, c’est grenades à la poudre de piment...).
                          La lucha sigue, Calderon a moins reçu un message de Oaxaca, qui ne veut pas voir imposer ici sa sale guerre.
                          Repose en paix, Marcelino !

                          J’allais oublier le meilleur : trois flics faits prisonniers ce matin, par la foule. J’ai vu leur gueule de près, ça suintait la peur. Prisonniers de guerre ! Pleins de boucliers et de casques récupérés... Je ne sais où il sont à présent, peut-ietre vont-ils être échangés contre ceux des nôtres arrêtés de matin.

                          Alèssi



  • mercredi 16 février 2011 à 02h50, par Agathe

    Que tal Alèssi,

    Merci pour cet article tout simplement juste, sur lequel je tombe un peu au hasard, au détour d’un article de Rue89.

    Le monde est petit, je crois que c’est Elo40 qui m’avait dit que tu étais au Mexique, mais je savais pas que tu étais sur Oaxaca. J’y étais quelques jours en janvier, je suis arrivée le jour de l’assassinat d’ailleurs...

    Je sais pas combien de temps tu restes dans ce beau et malgré tout doux pays oú je vis á présent, je serai sur Marselha en septembre, on s’y croisera peut-être en ayant l’occasion de discuter de tout ca, tant autour d’un bon pastaga á l’OPM quién sabe !

    Ánimo pa lo que sigue, y cuidate mi buen...

    Un abrazo desde México,

    Agathe, l’ancienne voisine de Ro K. :)

    • mercredi 16 février 2011 à 23h31, par H2

      « Mexique - EZLN : La guerre de Calderón est un business »

      « Le Sous-commandant Marcos a indiqué que le président mexicain, Felipe Calderón, a commencé la guerre contre le trafic de stupéfiants pour »fuir la remise en question massive de sa légitimité".

      http://www.primitivi.org/spip.php?a...

      • jeudi 17 février 2011 à 03h43, par un-e anonyme

        Finalement, la fumée qui s’élevait du Zocalo, ce n’était qu’un camion de la PF qui brûlait... Une bonne nouvelle et une mauvaise. La bonne, le collègue qu’on croyait mort est toujours vivant, dans un état grave il est vrai (une balle en caoutchouc à bout portant dans la poitrine). La mauvaise, les flics qui avaient été faits prisonniers ont été libérés en fin de journée par une intervention éclair des flics : il est vrai qu’ils étaient retenus au siège de la Section 22, ce qui n’était pas le plus malin tactiquement. En plus il y a eu des blessés par balles.

        Enfin, ce jourd’hui la Police Federale a quitté Oaxaca, énorme manif contre la représsion de hier, en tout cas la brève « lune de miel » du nouveau gouverneur Gabino Cué n’aura pas duré plus de deux mois. « Pobre Gabino, le toca gobernar tierras ingobernables » annonçait un bombage sur un mur de Oaxaca en novembre dernier. La preuve...

        J’ai lu des extraits du texte de Marcos sur la guerre de Calderon, lui insiste sur le côté business militaro-industriel de cette affaire, qui est réel. Quand au fait que Fecal ait aussi cherché à assoir une légitimité que son élection, dans les conditions que tout le monde connait, ne peut lui garantir, c’est aussi plus que probable. En tout cas, il a raté son coup.

      • jeudi 17 février 2011 à 03h44, par Alessi

        Finalement, la fumée qui s’élevait du Zocalo, ce n’était qu’un camion de la PF qui brûlait... Une bonne nouvelle et une mauvaise. La bonne, le collègue qu’on croyait mort est toujours vivant, dans un état grave il est vrai (une balle en caoutchouc à bout portant dans la poitrine). La mauvaise, les flics qui avaient été faits prisonniers ont été libérés en fin de journée par une intervention éclair des flics : il est vrai qu’ils étaient retenus au siège de la Section 22, ce qui n’était pas le plus malin tactiquement. En plus il y a eu des blessés par balles.

        Enfin, ce jourd’hui la Police Federale a quitté Oaxaca, énorme manif contre la représsion de hier, en tout cas la brève « lune de miel » du nouveau gouverneur Gabino Cué n’aura pas duré plus de deux mois. « Pobre Gabino, le toca gobernar tierras ingobernables » annonçait un bombage sur un mur de Oaxaca en novembre dernier. La preuve...

        J’ai lu des extraits du texte de Marcos sur la guerre de Calderon, lui insiste sur le côté business militaro-industriel de cette affaire, qui est réel. Quand au fait que Fecal ait aussi cherché à assoir une légitimité que son élection, dans les conditions que tout le monde connait, ne peut lui garantir, c’est aussi plus que probable. En tout cas, il a raté son coup.

        • mercredi 16 mars 2011 à 00h42, par Julien

          « Les cartels mexicains ont franchi la frontière des Etats-Unis pour attaquer et menacer des policiers de la Border Patrol [police des frontières] et des shérifs. »

          Et si c’était plutôt le contraire ? Cela me rappelle un fait historique cette info. La fausse attaque d’un poste douanier par de « faux ennemis » - Alors ? Prétexte à « l’invasion américaine » avec le consentement du gouvernement ’ami-ami’ pour de plus vastes opérations militaires de long terme ? Un petit fait divers perdu dans les marées de l’information productive d’actualités...

          http://www.courrierinternational.co...

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