ARTICLE11
 
 

jeudi 10 septembre 2009

Entretiens

posté à 12h13, par Margot K.
35 commentaires

Miguel Benasayag : « Emmerder tous ceux qui vous emmerdent ! »
JPEG - 21.6 ko

Après la première salve, il y a deux mois, vous tourniez aux anxiolytiques tant l’impatience vous rongeait… Au large le Tranxène : Miguel Benasayag, ancien guérillero guévariste devenu philosophe et psychanalyste, reprend la parole sur Article11. Avec un langage simple et imagé, il évoque un large éventail de préoccupations quotidiennes pour le moins fondamentales… Une belle leçon de choses.

Précision : comme pour le précédent entretien (que vous pouvez retrouver ici), la forme que j’ai privilégiée est une alternance de passages sans questions et de bouts de conversations, auxquels j’ai intriqué des citations de ses bouquins en sauts de coq-à-l’âne.

JPEG - 79.1 ko
*

La plupart des gens écrasent l’intentionnalité et la puissance de l’enfant… Et ils l’écrasent sur des raisons à la con ! Parmi les plus courantes, tout ce qui est prestance, pouvoir et maîtrise. En travaillant depuis des années en pédopsychiatrie, je n’idéalise absolument pas l’enfant. Disons que chez la plupart des enfants, il y a une perception du monde qui peut être très forte. Le problème, c’est que cette perception du monde, de la vie – cette idée que la vie ne peut pas être simplement cette merdouille-là – , les gens passent malheureusement leur temps à la trahir. Ce qui peut les rendre malheureux ou heureux, ça dépend.

L’histoire, avec le bonheur et le malheur, c’est qu’on peut être heureux ou malheureux pour à peu près n’importe quoi. Un salopard fini, un archi-canaille peut être très heureux de sa canaillerie. Il n’y a pas de morale universelle qui punit du malheur les méchants et qui récompense les gentils par le bonheur. Par contre, je pense qu’il y a une sorte de délitement. On se perd, il y a une plénitude qui n’est plus possible. Mais je ne dirais pas que la personne qui trahit tout, qui ensevelit tout est forcément malheureuse. Quelqu’un peut avoir une vie tout à fait vide, une vie dans laquelle il n’était que dans la recherche de pouvoir, dans la recherche de l’instrumentalisation des autres – donc forcément assez vide de substance – et néanmoins ne pas craquer et être très heureux. Il y a une sorte de jouissance de la maîtrise dans le fait de se dire : « J’ai enculé tout le monde toute ma vie et je n’ai jamais été puni ! ».

C’est un problème que la philosophie a toujours posé. Un problème drôle et un drôle de problème d’ailleurs. Cette préoccupation remonte aux Grecs : les présocratiques ne s’occupaient pas de morale mais plutôt des choses (et c’est pour ça que je les aime particulièrement) mais, à partir de Socrate, on s’intéresse à la morale et aux hommes. C’est donc assez logiquement à partir de ce moment-là, que l’on se pose la question de savoir si un salopard peut mourir impuni et heureux. Pour ma part, je pense qu’un salopard est toujours puni, mais d’une manière tout à fait paradoxale. En Argentine, par exemple, il y a un tortionnaire très connu – notamment pour avoir massacré des bonnes sœurs françaises – qui s’appelle Alfredo Astiz. C’est le prototype du mec qui vit dans une véritable jouissance narcissique. Il est plutôt impuni, puisqu’il n’a fait que très peu de tôle comparé à l’horreur de ses crimes, et il est très content : c’est un play-boy de cinquante ans qui baise des jolies nanas et qui roule dans des grosses bagnoles.

Alors : pour un mec comme ça, la punition, ça serait quoi ? Ce n’est pas une punition directe qu’il pourrait ressentir comme telle. La punition, c’est que son être a perdu un tas de dimensions. Ce qu’il a perdu c’est simple : quand on a été un violeur, tortionnaire, assassin, lâche, vivre un amour profond avec une personne est impossible. Pour cet homme-là, regarder ses enfants et leur parler de ce qu’il a construit dans la vie est impossible. Il y a donc un tas de dimensions qui sont impossibles et qu’il a perdues. Et le paradoxe de cette punition est que ces dimensions qu’il ne peut désormais plus atteindre, il s’en fout éperdument !

Force est de constater que l’inverse est également vrai. J’ai une amie qui habite en France maintenant et qui était également engagée dans la résistance en Argentine : elle a été torturée, violée, elle a passé douze ans en tôle. Elle est terriblement malheureuse. À côté de ça, Astiz lui, est profondément heureux. C’est injuste, mais hélas, c’est comme ça. Encore une fois, il n’y a pas de morale universelle !
Pourtant, malgré tout, je crois que très profondément, il y a quelque chose de cette femme qui est bienheureux. Il y a une dignité, une vie très dure, mais une vie, elle n’a à avoir honte de rien et elle est un être humain qui a assumé ce qu’il y avait à assumer. Mais ceci ne va pas obligatoirement de pair avec le bonheur, ni avec la gratification. Ma femme n’est pas morte contente ni dans le bonheur, malgré son engagement pour la liberté et contre le régime dictatorial…

On dit toujours que l’important n’est pas d’offrir de bonnes réponses, mais de trouver les bonnes questions. Et notre époque, sur beaucoup de points, se plante de question. La question n’est pas « Suis-je heureux ? », mais « Est-ce que j’assume ce qui se présente ? », car vivre, c’est ça. Pour un peintre, ça passera par la création. Créer pour lui implique d’assumer un tas de choses : peut-être s’intoxiquer a-t-il avec sa peinture, peut-être sera-t-il un paria et mourra-t-il dans la misère. Mais lui sait que sa vie passe par là, qu’il a quelque chose à chercher de ce côté-là. Il peut avoir de la chance, et être heureux tout en assumant sa voie, c’est possible. Mais l’inverse l’est également.

Notre époque perd de vue que le but de la vie n’est pas le bonheur et qu’il y a cette autre dimension, très concrète : ce qui se présente maintenant, dans l’instant… Et l’instant est toujours très aléatoire ! Par exemple, tu vas dans le métro ; il y a cinq wagon dans le métro parisien, tu aurais pu louper ce métro, mais tu as couru ; tu montes dans le troisième wagon et, dans ce wagon, il y a trois fascistes qui s’attaquent à un Arabe ; tu te dis : « Putain de merde, j’aurais pu ne pas prendre le métro ! J’aurais pu ne pas monter dans ce wagon ! Pourquoi est-ce que je dois assumer ça ?  ». Et la seule réponse est : « Parce que c’est comme ça. » Est-ce que faire le choix d’assumer la situation est un bonheur ? Non, sûrement pas ! Je risque probablement de me prendre un pain dans la gueule ! Mais cette dimension-là, c’est la vie : une succession de situations qui se présentent à nous avec des asymétries. Après, le bonheur et le malheur… C’est vraiment du surcroît ! En plus il y a des gens qui sont naturellement plus doués que d’autres pour le bonheur. Cette sorte d’absolutisme, du point de vue sémantique, dans le bonheur et le malheur trompe un peu.

Si l’on met de côté cet aspect absolu, le bonheur peut être une jouissance de l’instant, ce qui est un bonheur concret. En parallèle de quoi il y a le fait d’être « droit dans ses bottes », dans une vraie cohérence avec soi.

Ce deuxième bonheur est, certes, très profond, mais ne se manifeste pas nécessairement par une sensation de bonheur ou de légèreté. Il y a quelques semaines, au Brésil, il y avait une femme très intelligente, député du parti de Lula. Dans une conférence, elle avait fait une intervention juste après moi et elle a parlé de la chanson brésilienne des années soixante. Dans la samba et la bossa nova, il y a comme une sorte de revendication poétique de la nostalgie, de la tristesse. Non pas comme quelque chose de négatif, mais d’organique, d’ontologique. Le bonheur « concrétique » est un bonheur en plastique, à la con qui, aujourd’hui, apparaît comme un impératif : sois heureux ! Il y a un autre bonheur, beaucoup plus profond, qui peut paradoxalement être accompagné d’une certaine mélancolie, d’un spleen…

Être « droit dans ses bottes », comme vous dites, implique le fait de se dire : « Là j’ai fait ce qu’il fallait faire ». Cette dimension est aujourd’hui assez perdue, dans le sens où on ne lui accorde que très peu d’importance. Récemment, un patient me disait : « Ce que je cherche c’est être heureux, avoir du plaisir…  » Bien entendu, la recherche du bonheur ne produit rien d’autre que le malheur, c’est mathématique ! Donc, nous discutions de ça en consultation, et quand je lui ai dit que les actes des hommes et des femmes n’étaient pas uniquement motivés par le bonheur ou le plaisir, ça a été terrible. Pour lui, c’était impossible à comprendre. Il ne voyait pas comment on pouvait faire les choses autrement, comment on pouvait penser sa vie et motiver ses actions autrement.

À vrai dire, l’être humain est traversé par des tropismes, des motivations, des désirs, qui n’ont rien à voir avec lui en tant que personne. Ils sont liés à l’espèce, à l’époque, l’histoire, la culture, l’art, la politique, les situations… Il est très préoccupant de ne pas se rendre compte que ce qui plaît à ma petite personne, ce n’est que dix pour cent des choses par lesquelles je suis traversé. Les quatre-vingt-dix pour cent restant viennent d’ailleurs. C’est là où il y a un refoulement terrible puisque, si quelqu’un ne veut suivre que son petit chemin d’individu, il est forcément en train de refouler la plupart de son être.

Nous sommes débordés en permanence par des désirs, des tropismes, des tendances, qui ne proviennent pas de nous en tant qu’individu. Nous sommes des sortes de carrefour. Et ces désirs, ces tropismes etc. qui représentent quatre-vingt-dix pour cent de notre constitution – ce qui est énorme – motivent une grande partie de nos actions. Ne pas assumer cette multiplicité, c’est prendre le risque de devenir barjo ! Avoir envie d’étudier Michaux, par exemple, est une chose qui ne regarde pas les dix pour cent de l’identité. On ne va pas se torturer à tenter d’excaver une raison, quelle qu’elle soit. Et « être droit dans ses bottes », c’est assumer ce par quoi nous sommes traversés, même si ça n’a rien à voir avec notre petite personne.

*

(Extrait de « Les Passions tristes, souffrance psychique et crise sociale », La Découverte, 2003, p. 89)

Si les adultes parlent en termes de menaces ou de prévention-prédiction, c’est sans doute parce qu’ils pensent que les temps actuels ne sont pas propices au désir, car il faut s’occuper de la survie. Et puis ils se disent qu’ « on verra plus tard pour ce qui est de la vie et du désir, quand tout ira mieux ». Voilà un piège fatal, car seul un monde de désir, de pensée et de création est capable de développer des liens et de composer la vie afin de produire autre chose que le désastre. Notre société ne fait pas l’apologie du désir, elle fait plutôt l’apologies des envies. Celles-ci sont une sorte d’ombre appauvrie du désir, elles sont tout au plus des désirs formatés, normalisés. Comme le dit Guy Debord dans La Société du spectacle, les gens ne trouvent pas ce qu’ils désirent, ils se contentent de désirer ce qu’ils trouvent.
Le grand défi lancé à notre civilisation est donc de développer des noyaux désirants, des pratiques concrètes à même de l’emporter sur les envies individuelles et les menaces qui en découlent. Éduquer au profit de la culture et de la civilisation, cela signifiait – et signifie encore – créer des liens sociaux et des liens de pensée. La menace, elle, est iatrogène, car elle tend à briser davantage tous les liens qui unissent les personnes.

*

Il y a une façon d’être adulte qui n’est pas dans l’écrasement de l’enfance. Il y a une façon d’être adulte qui est, selon la phrase de Sartre, de se montrer responsable de ce qu’on n’a pas choisi. C’est la façon positive de considérer l’être adulte, ça peut impliquer les problèmes écologiques, sociaux, mais c’est également la conscience des situations et la responsabilité qui en découle. Ça pourrait être un chercheur en biologie qui continue de chercher quand il pourrait arrêter. Si on s’en tient à cette définition-là, il est évident qu’il n’y a pas beaucoup d’adultes !
Ce que notre société appelle adulte, c’est quelqu’un qui a renoncé à tout, qui ne s’occupe que de ces dix pour cent personnels, qui est au service des biens… Ce que l’on entend communément par « adulte  » est quelque chose de très destructeur, de mortifère. Dans ce sens il, y a une vraie perversion des mots. Être adulte, ce n’est pas forcément négatif, si on prend en compte cette idée d’assumer la responsabilité de ce qu’on n’a pas choisi. Pour ne pas donner d’exemples tragiques, un musicien qui continue d’explorer une voie, on pourrait lui dire : « Mais écoute, pourquoi ne restes-tu pas tranquille ? Pourquoi ne te reposes-tu pas un peu sur tes acquis ? ». Mais lui se sent responsable de ce qu’il a à chercher. Et cette responsabilité-là, il ne l’a pas choisie, elle lui est tombée dessus.

D’un point de vue psychanalytique, la plupart de mes collègues considèrent comme « adulte  » l’homme ou la femme qui n’est plus dans un rapport imaginaire avec le monde. Si quelqu’un vient en consultation en disant : « Je ne peux pas dormir parce que dans le collège en bas de chez moi des flics sont venus chercher deux mômes, et que je n’ai rien fait pour l’empêcher », le psychanalyste, s’il fait son métier, va l’aider à se déculpabiliser. Il va l’aider à comprendre que les deux enfants lui font penser à lui et à son petit frère quand ils étaient petits et que sa maman lui tapait sur les fé-fesses. C’est ça, le boulot de faire que les gens deviennent adultes, en psychanalyse. Il faut le dire très concrètement, et pas seulement en psychanalyse mais aussi en pédopsychiatrie, les trois quarts de mes collègues travaillent dans ce sens : le monde c’est ton nombril ! C’est absolument terrible.

Les gens confondent « simple  » et « facile  ». Pendant la dictature en Argentine, on savait grosso-modo qui était dans la chose. Dans la résistance. Il y avait ces trois filles, trois copines, que je connaissais du mouvement hippie-contre culture. Je savais que ces trois filles étaient dans la résistance… et d’ailleurs c’était facile à savoir parce que, du haut de leur minijupes et leurs bottes, elles nous regardaient avec un air méprisant… Je me souviens qu’à l’époque, on me disait : « Alors Miguel, c’est quand que tu te décides ? ». Donc, un jour, j’ai pris un rendez-vous avec elles. C’était comme ça que ça se passait, et je savais que si je le faisais, il y aurait un avant et un après.

Ça, c’était la chose la plus simple à faire. C’est-à-dire que tu es un connard de petit-bourgeois pauvre, fils d’une juive qui s’est sauvée de la chambre à gaz par hasard et d’un mec de la province, tu vois les Indiens maltraités, les militaires, la violence, tu vois toute cette merde et tu as un désir simple. Ce que tu veux, c’est résister à ça. Ce que tu veux, c’est dire : « On y va ! On parie pour la vie. On parie pour la lutte. On va tirer sur les militaires !  ». C’est d’une simplicité incroyable ! La chose la plus simple à faire était de s’engager dans la résistance, mais ce n’était pas la plus facile. Or, si on choisit la facilité, on loupe sa vie et, en plus, ça devient de plus en plus compliqué… Un exemple idiot : c’est plus facile de ne pas faire le ménage aujourd’hui, mais au bout de deux mois que je n’ai pas fait le ménage, ça devient tellement compliqué de vivre chez moi que je suis encore plus dans la merde.

Il y a ce qui est simple et ce qui est facile. Et ce qui est simple n’est pas facile. À chaque carrefour de la vie, il ne faut pas exagérer, on sait très bien ce qu’il faut faire ! C’est de la branlette de dire le contraire ! Bien sûr que la vie est complexe… Mais tout de même, entre être un connard, un lâche et un mec qui assume… Après, on assume ou on n’assume pas, justement ! Mais il ne faut quand même pas exagérer, on sait très bien à quoi correspondent les voies ! Entre passer à côté de quelqu’un qui se fait agresser par des skinheads et regarder à côté, et tenter de faire quelque chose… Encore une fois, on fait ou on fait pas, ce n’est pas le problème, mais entre les deux on sait très bien qu’il y a une asymétrie ! Cette simplicité ontologique nous met dans des trucs très compliqués, c’est évident, mais c’est de la mauvaise fois de dire qu’elle n’existe pas !
Vivre, ce n’est pas autre chose que ça : le plus souvent possible, assumer cette voix de la simplicité dans laquelle il n’y a pas de prises de tête. Par exemple avec les métèques sans papiers, tu te dis : « Je n’ai aucune idée de ce que va devenir la France, de ce que va devenir le monde.  » Très bien. Mais voilà, il y a des connards de flics qui viennent chercher les mômes dans les écoles… Un métèque, fils de métèque, qui va à l’école et qui est venu ici pour survivre… Franchement, c’est si complexe que ça ? Elle n’est pas assez claire, l’asymétrie ? Il ne faut tout de même pas déconner ! Tous ces gens qui moralisent et qui disent à tour de bras « Sois sérieux mon petit, pense au futur ! », sont en fait des petites canailles qui essayent d’estomper ce qui est simple et évident. Pourquoi est-ce qu’ils disent « Pense au futur  », « Pense à tes enfants », « Pense à ton compte en banque » ? Simplement pour dévier le regard de ce qu’il se passe dans le quotidien, dans le présent. Pour camoufler ce qui nécessite du courage et qu’il faut assumer. C’est une manœuvre de diversion.

Qui leur permet aussi de justifier leurs propres choix.

Tout à fait. Et ça, c’est le truc fantastique avec les lâches et les canailles : ils ont besoin de constater que tout le monde est comme eux. C’est une véritable obsession ! Honnêtement, malgré toutes les conneries que j’ai pu faire dans ma vie, je ne me considère ni lâche ni canaille. Bon. Eh bien, je ne passe pas ma vie à vouloir convaincre les gens de quoi que ce soit ! Eux, en revanche, passent leur temps à vouloir convaincre les autres que le courage, l’amour, la solidarité, ne sont pas possibles et qu’il ne faut quand même pas rêver, que tout ça n’est qu’une utopie puérile etc. Il est indispensable pour eux de le montrer parce que sinon, il leur faudrait assumer leur lâcheté. Et dans le cas où, la solidarité, l’amour etc. n’existent pas, ce sont eux qui ont raison. Les lâches sont très casse-couilles parce qu’ils veulent montrer envers et contre tout qu’il n’y a que cette possibilité-là. Ça fait peut-être vieux con de parler de ça, mais si notre époque est une époque de couilles-molles, reste cependant que l’enjeu est celui-là, et que ce sera toujours le cas. Moralité : Il faut emmerder tous ceux qui vous emmerdent !

*

(Extrait de « Le Mythe de l’individu », La Découverte, 1998, pp. 123 et 124)

(…) Le hasard qui crée sans aucune nécessité une situation est à reconnaître comme le « destin » de cette situation dans le sens que les anciens donnaient à ce terme en l’articulant au concept de liberté. Ce n’est pas ce qui nous attend, ce n’est pas, comme le croit l’homme de la modernité, ce rendez-vous fatal vers lequel nous nous dirigeons inexorablement. C’est au contraire quelque chose qui se situe toujours en amont, dans le principe permanent, et qui ne s’identifie en aucun cas à la fatalité.
C’est pour cela que l’interrogation de la modernité : « l’homme est-il libre ? » ne peut trouver de réponse, car la question de la liberté humaine se traite en terme de devenir libre, par l’assomption de la liberté de la situation, et non de par un libre arbitre imaginaire. La liberté n’est pas quelque chose qu’on puisse posséder, pas plus qu’on ne peut être libre de faire ceci ou cela. La liberté n’est pas un « droit », elle est ce défi situationnel auquel l’homme peut participer, dans un « devenir libre », sans que ce devenir n’advienne à un point d’arrivée. Devenir libre dans la mesure où, dans l’ici et maintenant de chaque situation, l’homme participe par sa praxis à la liberté qui ordonne la situation.

*

Dire un truc du genre « Cet après-midi je vais discuter d’Henri Michaux » entraîne les trois quart du temps un : «  Pourquoi faire ?  ». Alors que c’est une finalité en soi. L’époque est une époque de canailles, mais elle ne va pas jusqu’à demander «  Pourquoi faire ?  » si on dit : « Cet après-midi je vais baiser avec une belle fille  ». Idem si on dit : « Cet après-midi je vais gagner dix-mille euros  ». Alors que voilà, si vous dites « Je vais étudier tel sujet de biologie », on ne voit plus la finalité en soi d’une vie riche et multidimensionnelle. La question c’est à quoi les gens ne demanderait pas « Pourquoi faire ? », parce qu’attention, faire l’amour avec quelqu’un, il arrive que l’on demande pourquoi faire. L’utilitarisme arrive même jusque-là… J’ai des patients qui vont dire : « Après tout, faire l’amour avec quelqu’un, s’il n’y a pas de suites, à quoi ça sert ? ». Donc, la seule chose sur laquelle on ne pose pas la question du sens, c’est gagner de l’argent. Toute activité ne trouvera sa justification que si elle est un moyen pour arriver à une fin. Et la seule activité qui serait une fin en soi, c’est gagner de l’argent puisque même les rapports amoureux et amicaux sont rongés par l’utilitarisme.

Et gagner de l’argent, pourquoi faire ?

Absolument ! Cette perception inversée, que nous partageons, me conduit à demander souvent : « Et pourquoi voulez-vous gagner de l’argent ? ». Si quelqu’un me dit « Cet après-midi, je vais parler avec un spécialiste mordu de Henri Michaux, et on va y passer l’après-midi  », je ne demanderai pas pourquoi faire. S’il me dit « Je vais baiser avec une belle fille toute l’après-midi  », ou « Je vais planquer des clandestins » ou encore « Je vais étudier toute la journée », je ne demande pas pourquoi faire ! C’est là-dessus qu’il faut résister. Il faut inverser la chose et ne poser la question du pourquoi faire qu’en cas de : « Je vais gagner du pognon ».
Il ne faut pas tomber dans le piège de la justification parce que dans la vie les choses n’ont pas d’explication linéaire. Il faut refuser de répondre aux « Pourquoi faire ? ». Ne pas commencer à se demander à quoi ça renvoie, et essayer à tout prix de trouver une raison qui explique le pourquoi d’Henri Michaux qui, à tel moment, va exalter quelqu’un. On tombe dedans, on tombe dedans, point ! Mais ça, c’est un mode de résistance ! Un mode joyeux de résistance qui est de trouver la finalité dans ce qu’on fait, et de ne pas être esclave du transitif.

*

(Extrait de « Le Mythe de l’individu », La Découverte, 1998, pp. 165 et 166)

Le capitalisme a construit cette image aberrante d’un homme qui détruit la vie sur la planète en poursuivant ce qu’il croit être ses intérêts particuliers. On essaye ainsi de penser le monde en termes d’utilité et d’intérêts en ne respectant que ce qui nous apparaît comme utile. Mais (…) comme le disent les sages taoïstes : « Tout le monde connaît l’utilité de l’utile, mais personne ne sait l’utilité de l’inutile. » Comme l’écrit aussi Stanislas Breton : « Or, le plus étrange, dans cette étrange histoire, c’est que l’agir qui ne fait rien, loin d’annuler, est ce qui donne au monde sa consistance dans l’être. »
Nous pourrions ainsi, dans la logique utilitariste, nous demander à quoi sert la poésie, à quoi sert la musique, à quoi servent la solidarité et l’amour entre les hommes, ou bien encore à quoi servent le respect de la vie des animaux, le respect de la nature. Des gens bien intentionnés, afin de s’opposer à la folie néolibérale utilitariste, tentent de démontrer l’utilité profonde de ces choses-là. C’est aussi ce qu’on fait un certain nombre de révolutionnaires dans ce siècle en essayant d’opposer à l’utilitarisme capitaliste un utilitarisme socialiste.
Il ne s’agit nullement de regretter l’Histoire, mais, si nous voulons que tant de souffrances et d’efforts révolutionnaires n’aient pas été vains, il faudra bien en tirer la conclusion qu’un utilitarisme « alternatif » ne saurait en aucun cas vaincre l’utilitarisme capitaliste, car le capitalisme est dans son essence même la conception que le monde, la nature et les hommes sont des utilisables. Il ne peut donc pas, par définition, exister d’alternative utilitariste au capitalisme. (…)
(…) Il faut construire ici et maintenant des situations sociales capables d’assumer que le partage, la poésie etc., sont des biens et des fins en soi.

*

Vous avez travaillé sur les médias1, vous en faites une critique assez acerbe et, en parallèle, vous leur accordez du temps. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ?

Je n’ai pas un rapport si particulier que ça avec les médias. Je ne suis pas tout le temps dans les médias officiels. Je circule beaucoup dans le réseau, très existant bien que diffus, des médias parallèles et minoritaires. Ceux-là approfondissent ce qui les intéresse vraiment. Bon, ça ne gène pas de temps en temps, quand on m’invite à des émissions comme celle de Taddeï, de venir faire un passage à la télévision. Pareil pour France inter. Et puis, j’ai quand même travaillé deux ans pour France Culture. Il y a les médias intermédiaires avec lesquels le rapport est très sain et simple, et les grands médias. Ce sont vraiment deux choses différentes. Les grands médias ne doivent jamais être un objectif et il faut être bien conscient qu’on ne peut pas les manipuler. C’est une sorte d’accord de non-dupes. Si on accepte d’aller à la télé, c’est comme pour faire coucou et dire « Voilà, cette position-là existe aussi ».

Ce sur quoi nous avions travaillé avec Florence Aubenas, c’est sur cette vision du monde que représente les macro-médias. On ne peut pas les attaquer sur une prétendue objectivité, ni leur demander de ne pas mentir. Ils sont une vision du monde, avec tout un système référentiel. Il nous semblait important de comprendre que le journalisme n’était pas une question de neutralité, mais qu’il construisait un monde selon des conceptions précises. Il est fondamental de travailler là-dessus, pour essayer de voir ce qu’il y a derrière.

*

(Extrait de « La Fabrication de l’information. Les journalistes de l’idéologie et de la communication », avec Florence Aubenas, La Découverte, 1999, pp. 9 et 10)

La transparence s’est imposée comme la norme centrale de notre société. La figure du bien passe par le fait de pouvoir être montré. Plus généralement, pour qu’une situation puisse être exposée, il faut qu’elle soit avant tout représentable, qu’elle puisse apparaître. La presse s’est fait le gendarme de cette norme. Par là, elle contribue à construire et à reconstruire chaque jour le monde.
Le travail d’un journaliste ne consiste souvent plus à rendre compte de la réalité, mais à faire rentrer celle-ci dans le monde de la représentation. Ce phénomène nous a conduit à vouloir envisager la presse non plus comme une des pièces de notre système, mais comme un univers en soi, autonome, avec ses codes, ses images, son langage, ses vérités. En prenant ce chemin le but n’est pas de désigner en coupable idéal et universel, une presse omnipotente : le monde de la communication est devenu trop complexe pour n’impliquer qu’une catégorie socioprofessionnelle. Nous participons tous aujourd’hui au monde de la communication.
Les journaux se retrouvent en effet dans une étrange posture. Ils n’ont jamais été autant sollicités qu’au moment même où les critiques les plus dures s’accumulent sur leurs têtes. Quelle que soit son opinion des journalistes, la plus microscopique association se donne généralement pour premier objectif de décrocher une « couverture médiatique ». Bref, tout le monde sait aujourd’hui que les journaux reflètent moins la réalité que la représentation qu’ils en ont créée, mais chacun, mais chacun veut pourtant y être présent. « passer à la télé » est devenu une étape acceptée pour qui veut aujourd’hui « exister ». Donner naissance à une autre presse est aujourd’hui l’affaire de tout le monde, ceux qui la font, ceux qui y paraissent et ceux qui la lisent.

*

Le mouvement de la désobéissance civile utilise les médias qui représentent du coup une de leurs armes les plus importantes. Que pensez-vous de ce rapport entre militantisme et médias ?

Je me suis beaucoup bagarré, dans les milieux alternatifs, contre l’idée qu’il faut à chaque fois absolument attirer les journalistes. Il faut avoir une vedette, faire un coup d’éclat ou faire le con… Le problème là-dedans, c’est cette illusion bête de prendre un raccourci. Pour développer un mouvement de base, il faut, je ne sais pas moi, trois ans voire cinq ans, peu importe, mais eux sont persuadés qu’en se servant des médias, ils réduisent le temps de trajet avec un point d’arrivée identique. Le souci c’est qu’une lutte qui existe par les médias, ne fait pas le même boulot que le mouvement qui va vraiment prendre le temps de creuser son terrain. En principe, l’un n’exclut pas l’autre, mais dans la réalité, si. Et puis les gens qui sont obsédés par les médias finissent par délaisser peu à peu le travail de terrain, parce que ça les emmerde ! Il faut quand même se rendre compte que les médias ont une fonction de nouvelle transcendance dans notre époque. Être à la télé ou dans les grands médias, a pour les individus d’aujourd’hui une connotation de transcendance : si on est là, on est presque dans l’au delà, il y a quelque chose de sacré. Les médias ont réellement une fonction, un peu frelatée certes, de sacré. J’ai vu plein de gens très honnêtes dans le milieu alternatif, des gens qui ont vraiment des choses à dire et à défendre, tomber dans une dépendance toxicomaniaque aux grands médias. Après on peut se raconter des histoires et dire « Mais tu comprends, c’est pour donner plus de visibilité à la lutte ! », la vérité – et nous avons tous des noms en tête quand on y pense –c’est qu’il y a de véritables intoxiqués des médias. Quand je travaillais à France Culture, et dieu sait que France Culture c’est tout petit, déjà, à ce niveau là, les gens avaient du mal à lâcher prise. Ils se sentent un peu de l’autre côté, au delà de la vie et du quotidien des mortels. Comme des « sachant  ».

*

Extrait du livre du Comité Invisible, « L’Insurrection qui vient » (La Fabrique, 2007, p. 71) : « Contenir sans fin toutes les affirmations, désactiver pas à pas toutes les certitudes qui viennent fatalement à se faire jour, tel est le long travail de l’intelligence occidentale. La police et la philosophie en sont deux moyens convergents quoique formellement distincts.  » Que vous inspire cette citation ?

C’est un peu décontextualisé, donc je vais peut-être dire une connerie mais, j’ai l’impression que ça a à voir avec la simplicité (Thème abordé plus haut N.D.L.R). C’est-à-dire qu’il y a, dans l’occident, une façon de faire diversion par rapport à ce qui est évident et simple. Elle consiste à faire du faux sérieux, à opposer des doutes, en refusant d’être dupe… et elle tombe souvent dans le ridicule. Par exemple, aujourd’hui tout le monde est « lucide  » par rapport aux années soixante-dix, mais reste que tout le monde est très dupe des années deux mille ! Et l’on parle beaucoup des années soixante-dix histoire de ne pas se pencher sur les années deux mille… Et puis être lucide par rapport aux années soixante-dix, c’est un peu tard !

Dans la pensée occidentale, il y a effectivement une confusion entre lâcheté et intelligence. Il y existe un certain scepticisme qui a bonne presse. Dans les dîners mondains et les salons parisiens, être quelqu’un qui a des certitudes et des convictions, ça fait dîner de cons ! On les aime bien, mais uniquement pour s’en amuser avec un œil condescendant, un peu comme on regarde un gamin qui annonce fièrement qu’il sera cosmonaute ! Il y a des dimensions, dans l’engagement et le désir, que l’on ne peut pas expliquer consciemment avec des doutes. Il faut accepter, comme dirait Freud, que l’on est pas maître chez soi – Je ne sais pas si les mecs faisaient référence à ça ! En tout cas, on ne peut pas être désirant et cartésiennement conscient. C’est impossible. Si on est désirant dans le sens de Deleuze chez qui le désir est un désir situationnel et où on considère que l’époque désire à travers soi… Au lieu d’être dix ans dans la guérilla, j’aurais pu être dans le coma pendant ces dix ans-là et ça n’aurait rien changé ! Bien entendu qu’il y a un non-sens dans ce qu’on fait... Parce que la vie n’a pas de sens, parce que l’Histoire n’a pas de sens… Mais si on va chercher la cinquième patte au chat, à vrai dire, il n’y a aucune raison de faire quoi que ce soit ! Le souci, c’est que nous avons un corps, que nous sommes situés, que nous sommes là et pas à côté et donc que nous nous engageons. Et nous ne nous engageons pas parce que nous avons raison universellement, et c’est ça, qu’en Occident, on a du mal à accepter. Bien entendu qu’on est un peu con quand on s’engage, bien entendu ! Mais l’option ce n’est pas d’être con en s’engageant ou d’être intelligent autrement ! L’option, c’est d’être con en s’engageant, mais aussi vivre une vie digne de ce nom, ou être un lâche, un collabo qui ne vit que partiellement. L’avantage de savoir qu’il y a un côté con dans l’engagement, c’est de pouvoir essayer dans la mesure du possible de ne pas être Pol Pot. Et il y en a plein, des petits Pol Pot, qui n’ont pas tué une mouche et qui sont convaincus de détenir la vérité universelle ! Je ne parle pas du doute, mais savoir que l’on est pas dans une vérité universelle transcendantale, ça sert pour lever le pied à certains moments. Par exemple, mon combat pendant la résistance, c’était la lutte armée. Dans ce contexte, être conscient de ça, permet de ne pas passer du côté des barbares en se permettant n’importe quoi tant on est convaincu d’avoir raison... Et croyez-moi ça arrive plus vite qu’on ne l’imagine. Il faut accepter notre part de connerie et ne pas s’accrocher à l’idée d’être lucide tout le temps, ce qui impliquerait ne pas avoir de corps… Surtout que s’extraire d’une situation est une illusion narcissique. Personne ne s’extrait réellement d’une situation. Ou alors, il ne vit pas.


Références bibliographiques et autres

Sur le net : Malgré tout
Collectif créé au milieu des années 80, quand la démocratie était revenue en Argentine. Le défi était : comment peut penser le monde et dans sa complexité et dans l’agir ? « On l’a appelé ’Malgré tout’ parce que pourquoi on continuait à faire des choses… parce que malgré tout, voilà. Le désir existe malgré tout. On a abordé des questions qui allaient de la crise dans la science à celle de la pensée… C’est un collectif à géométrie variable, tantôt il existe beaucoup, tantôt peu, surtout en Argentine, au Brésil, en Italie… et en France aussi  », résume Miguel Benasayag.

Malgré tout. Contes à voix basse des prisons argentines, La Découverte, 1982.
Le mythe de l’individu, La Découverte, 1998.
Che Guevara : du mythe à l’homme, Bayard, 2003.
Les Passions Tristes, souffrance psychique et crise sociale, La Découverte, 2003.
La Fragilité, La Découverte, 2004.
Abécédaire de l’engagement, Bayard, 2004.

A plusieurs :
Transferts. Argentine, écrits de prison et d’exil, avec Francisco Sorribès Vaca, La Découverte, 1983.
Peut-on penser le monde ? Hasard et incertitude, avec Herman Akdag et Claude Sekroun, Éditions du Félin, 1997.
La Fabrique de l’information. Les journalistes de l’idéologie et de la communication, avec Florence Aubenas, La Découverte, 1999.
Du Contre-pouvoir, avec Diego Sztulwark, La Découverte, 2000.
Résister c’est créer, avec Florence Aubenas, La Découverte, 2002.
Connaître est agir : paysages et situations, avec Angélique del Rey, La Découverte, 2006.
Plus Jamais Seul : le phénomène du portable, avec Angélique del Rey, Bayard, 2006.
Éloge du conflit, avec Angélique del Rey, La Découverte, 2007.

En élargissant :
Bentham, Le panoptique, Mille et une nuits, 2002.
Camus, Le mythe de Sisyphe, Folio essais, Gallimard, 1985.
Camus, L’homme révolté, Folio essais, Gallimard, 1985.
Comité Invisible, L’Insurection qui vient, La Fabrique, 2007.
Debord, La société du spectacle, Folio essais, Gallimard, 1996.
Deleuze et Guattari, Mille Plateaux, Minuit,1998.
Deleuze, Spinoza Philosophie pratique, Minuit, 2003.
Musil, L’homme sans qualités, Points, 1998.
Sartre, L’Existentialisme est un humanisme, Gallimard, Folio essai, 1996.
Spinoza, L’éthique, Folio essais, Gallimard, 1993.



1 Lire notamment La Fabrication de l’information avec Florence Aubenas.


COMMENTAIRES

 


  • jeudi 10 septembre 2009 à 14h31, par pièce détachée

    Ah... On dirait que le café noir de Jeudi-Noir a bien rafraîchi les méninges ! (mais j’ai bien aimé aussi ce billet-là, avec ses photos mal réveillées et pourtant aux aguets)

    Mona Chollet, qui mentionne en note Le Mythe de l’individu, cite entre autres, dans le dernier numéro du Monde diplomatique (« Le ciel nous préserve des optimistes »), un livre de F. Flahault, Le Crépuscule de Prométhée (Mille et une nuits, 2008) :

    « nul ne peut se constituer comme personne, comme individu, en dehors de tout rapport avec les autres. À l’évidence, « la vie en société est une donnée naturelle de la condition humaine », non un choix délibéré. [...] le cerveau [...] est un « organe social », qui « fonctionne en réseau ». Pour développer une activité singulière, il a besoin d’être le plus possible stimulé par d’autres cerveaux. On pense toujours « au sein d’un écosystème social et culturel », et à partir de « ce que les morts ont transmis aux vivants ». [...] Le paradoxe de la condition humaine, résume Flahault, c’est que « l’être-soi vient d’un autre que soi » et que « l’indépendance naît de la dépendance ». »

    .

    Merci pour ce billet. Après l’avoir lu, on se sent à la fois préoccupé et plus léger.



  • jeudi 10 septembre 2009 à 14h54, par damien

    “Merci pour ce billet. Après l’avoir lu, on se sent à la fois préoccupé et plus léger.”

    je me disais ça aussi :-)

    bon, ça me frustre un peu en fait, je préférerais passer un petit moment en sa compagnie à « refaire » le monde, au moins on boirait des coups ;-)

    • jeudi 10 septembre 2009 à 18h35, par Margot K.

      Hélas je crois que c’est plus le genre footing à six heures du matin, buveur d’eau et mangeur de légumes... Pour refaire le monde on peut, mais je crois qu’il faut oublier l’aguardiente sur la table !



  • jeudi 10 septembre 2009 à 17h14, par Guy M.

    Je n’irai pas jusqu’à dire, royalement, que nous avons failli attendre... mais je ne l’attendais plus, cette suite...

    Merci encore. C’est tonique et roboratif, c’est ce qu’il faut en ce moment.

    (J’ai jeté ma boite de Tranxène. Décidé, j’arrête.)

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • jeudi 10 septembre 2009 à 18h41, par Margot K.

      Prescrivons de la philo aux dépressifs, ça coutera moins cher à la sécu et ça relancera un peu l’activité cérébrale...
      honorée de vous servi à quelque chose mon cher !

      • jeudi 10 septembre 2009 à 20h09, par Guy M.

        ... j’ai gardé le Prozac.

        Par gourmandise.

        Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

        • vendredi 11 septembre 2009 à 02h09, par Margot K.

          Voilà bien le plus beau de tous les péchés capitaux !

          • mercredi 7 octobre 2009 à 12h16, par michelle

            ce qui me gène un peu chez MB c’est son opinion (que je ne partage pas du tout) sur Chavez. Voilà quelqu’un pourtant « qui emmerde tous ceux qui l’emmerdent »...notamment en le traitant de "dictateur ! alors qu’avant tout HC oeuvre contre les multinationales.monsanto, total, lafarge etc..etc..et pour son peuple qu’il abien aidé à sortir de sa misère Quant aux radios qu’il cherche à réglementer (il yen a 200) je voudrais voir ici quelle radio critique grossièrement et constamment le président ? Y en a pas. ou alors une critique feutrée et très légère, peoplelisée..parce qu’ici des opposants yen a pas, tout est atone.

            • mercredi 7 octobre 2009 à 16h41, par margot K.

              Bonjour Michelle,
              n’ayant pas discuté du sujet avec lui, et n’en connaissant pas suffisamment sur la question de mon côté, il m’est difficile de pouvoir répondre de façon solide à ton commentaire. Et tu m’en voies bien marrie puisque le sujet est on ne peux plus intéressant. Mais dès que je le recroise, je lui pose la question, promis !



  • jeudi 10 septembre 2009 à 21h37, par iGor

    c’est tout à fait ce que j’avais besoin de, ce que je désirais lire, prendre tout maintenant ce jour d’hui ! déjà la part.1 m’avait fait un puissant effet, mais la deuxième moité est ébouriffante !
    un grand merci ! (au 2)



  • jeudi 10 septembre 2009 à 22h02, par esbaubi

    Juste pour remercier de cette interview qui dit un tas de choses simples et lumineuses dont je suis tout esbaubi.

    C’est juste pour dire quelque chose mais comme il parle de H.Michaux lorsqu’il dit « Les quatre-vingt-dix pour cent restant viennent d’ailleurs. C’est là où il y a un refoulement terrible puisque, si quelqu’un ne veut suivre que son petit chemin d’individu, il est forcément en train de refouler la plupart de son être. »

    ça sonne comme :
    "Que de gênes insatisfaits en tous, en chacun !
    Et toi aussi tu pouvais être autre, tu pouvais même être quelconque et...l’accepter.
    Quel être t’es tu mis à être ?"

    du poète sus nommé.



  • jeudi 10 septembre 2009 à 23h51, par matthieu

    Un article tout simplement formidable.
    Merci.
    Et bravo.

    Une question qui n’a rien a voir, qui est le photographe, auteur de l’image de l’enfant en colère qui sert de bannière à article11 ?
    Et ou puis-je trouver la photo originelle ?



  • vendredi 11 septembre 2009 à 02h08, par ko

    C’est bon, c’est fort, limpide, évident (et pourtant...), ça remplit l’âme et enchante le coeur.
    Ouais, pas moins.
    Merci !

    (Je serai prête à lever tôt (faire du jogging et manger des légumes, je fais déjà), si c’est pour le plaisir de refaire le monde avec un tel interlocuteur ;-)

    • vendredi 11 septembre 2009 à 02h17, par Margot K.

      Ça, c’est de la dévotion ! S’il savait ce qu’on était prêt à faire pour refaire le monde avec lui, ça lui tiendrait chaud l’hiver, à ce grand bonhomme ! En tout cas il serait sûrement content de voir qu’en faisant des entretiens pour Article 11, il change un peu la face du monde ! :)

      • samedi 12 septembre 2009 à 02h33, par pièce détachée

        Et toi aussi tu la changes, Margot, la face de nos mondes — parce qu’on ne peut pas (enfin pas moi) acheter tous les livres qu’on aimerait, et qu’il est difficile de trouver des passeurs pour nous faire voguer sur ceux où on ne pourra pas se plonger de sitôt.

        J’ai pu faire acquérir quatre livres d’Imre Kertész à la médiathèque de la sous-préfecture de Fouillouse, sachant bien que je serais seule à les emprunter d’une année sur l’autre (ouarf ! quel plaisir de délocaliser sa propre bibliothèque aux frais de l’État !). Ça a marché parce que Kertész, dès quatorze ans, a survécu a Hitler, puis à Staline. Bonjour, devoir de mémoire ! — auquel Kertész résiste absolument, en aplatissant sur le devoir sa vie écrasée de mémoire. N’importe : si Fouillouse l’a acquis, c’est grâce à Hitler, à Staline et à Alfred Nobel (le devoir-mémoire + la médaille, ça impressionne sévère. Bon, Kertész a quand même accepté le malentendu en même temps que la médaille...).

        Miguel Benasayag n’est pas un otage du très mal entendu devoir-mémoire. Même s’il rejoint parfois Kertész (je m’épargne à cette heure de continuer à étaler ma confiture), il n’a aucune chance à la médiathèque de Fouillouse.

        C’est pour ça (et pour d’autres raisons, nul doute) que c’est bien que tu sois là.

        • samedi 12 septembre 2009 à 03h58, par margot K.

          C’est bon de lire ça quand on rentre à quatre heure. Ça rembobine le coeur. Servir de passeur, c’est une bien belle trouvaille, et je suis convaincue, qu’en quelques sortes, on en est tous...
          merci et bonne nuit.



  • samedi 12 septembre 2009 à 12h20, par Jean-Pierre Martin

    Rhhhaaaaa ! C’est bon de lire parfois.

    D’une violence presque aussi constructive que de couper du bois ;) et plus efficace que le tranxène.

    C’est ce genre de lecture qui devrait être remboursée par la sécu, si elle était payante bien sûr.

    Tu m’as convaincue, j’attaque aujourd’hui Le mythe de l’individu

    Voir en ligne : Le blog à Jean-Pierre Martin (lien qui n’a absolument rien à voir avec ce message)...



  • vendredi 25 septembre 2009 à 19h40, par Marc-Antoine D.

    Juste pour confirmer qu’on peut beaucoup enculer et très bien s’en porter !

    Je crois que mixé avec 4’33 de Cage, ce billet (dont la valeur se définit pour une fois a posteriori) pourrait devenir un authentique cocktail Molotov du quotidien : dépouiller celui-ci de son utilité pour mieux le parer de sens.

    Le paragraphe au sujet des collègues analystes m’est un peu passé au-dessus, je ne réussis pas à comprendre ce qu’il faut en comprendre… Dis, Margot, tu m’expliques ?



  • vendredi 20 novembre 2009 à 09h35, par un-e anonyme

    Je ne parviens pas à lire votre article. Le manque de poésie m’éblouit.mb



  • vendredi 25 décembre 2009 à 04h41, par bellange mel

    je ne sais pas si je fais expres ou si ca l’ arrange que je sois dans cette situation mais a chaque fois que je fais un pas de travers c’ est la terre qui s’ ecroule moi j’ aime la vie que faire culpabiliser ou continuer

  • Répondre à cet article