mardi 21 octobre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 10h07, par
17 commentaires
La crise ? Certains y ont vu une chance pour la gauche, celle-ci n’ayant plus qu’à se baisser pour ramasser les fruits de l’échec du capitalisme. D’autres, bien naïfs, ont cru que l’heure était au changement et que l’effondrement du système en offrait la plus jolie des opportunités. Manuel Valls, lui, n’en tire aucune leçon et s’empresse de proposer ses services pour sauver la finance. Quel talent !
L’entendez-vous ?
Hein…
Entendez-vous cet appel du socialiste blessé qui, seul le soir au fond des bois, hurle à la Lune pour soutenir un capitalisme aux abois ?
Entendez-vous ce cri d’effroi du réformiste paniqué hululant au rythme du Cac 40 son désarroi de traître abandonné ?
Entendez-vous cette clameur inquiète du blairiste éternel, si soucieux devant la débâcle des cours de dire son soutien à la veuve financière et à l’orphelin boursier ?
Non.
Vous ne l’entendez pas.
Et c’est tant mieux…
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En Libération, quotidien dont le nom même sonne comme la plus éclatante des défaites de la gauche.
En ces pages Rebonds, rubrique où tant de héraults socialistes se sont empressés de renier leur doctrine et d’abdiquer leurs convictions.
En ces lieux malodorants, donc, Manuel Valls, homme se prétendant le portefeuille à gauche quand son coeur bat à droite (ou l’inverse…), pousse un véritable appel à sauver le capitalisme, l’un de ces feulements passionnés qui font dire à un Alain Duhamel admiratif : « Quand même, qu’est-ce qu’ils ont changé, ces socialistes ! »
Hein…
« L’onde de choc de la crise financière bouleverse déjà profondément le paysage idéologique international », constate en accroche le tartuffe d’Evry.
Et c’est bien le seul point de cette tribune avec lequel on ne saurait être en désaccord.
Parce que pour le reste…
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Pour le reste, c’est à un époustouflant numéro d’équilibriste que se livre celui qui prétend « réconcilier la gauche avec la pensée libérale », voguant au gré des mots de cette tribune entre amour du capital et… amour du capital.
Logique : Manuel Valls est un digne héritier de Thatcher.
Et l’auteur de Pour en finir avec le vieux socialisme... et être enfin de gauche n’a qu’une crainte, celle que la crise puisse être vue comme un déni de toutes ses prises de position passées et à venir.
Défaite de cette responsabilité individuelle et de ce « refus de l’assistanat » qu’il n’a cessé de chanter sur tous les tons.
Et recul de cette refondation du socialisme qu’il met en oeuvre depuis dix ans, évolution lamentable qui consiste à débarrasser le PS de ses derniers oripeaux combatifs pour le revêtir d’un joli costume d’homme d’affaire.
En Valls dans le texte, cela donne : « Depuis les origines, ce qui nous distingue des incantations d’une certaine gauche, c’est le devoir de responsabilité. Il s’accompagne d’un devoir de vérité que nous assumons avec lucidité : nous sommes favorables à l’économie de marché, il n’y a pas d’autre alternative. »
Gggnnnniiiiiiihhhh…
Le monde craque de toutes parts.
Les puissants se gobergent sans retenue, pressé de se goinfrer avant l’extinction des feux.
Les pauvres se sont fait blouser comme jamais, certains de payer les pots cassés d’une crise provoquée par l’immonde indécence de ceux qui les ont mis dans les fers.
Les Etats viennent de régler la plus scandaleuse des additions, quand ils disaient auparavant n’avoir plus un kopeck pour soutenir ceux qui n’ont rien.
Et Manuel Valls écrit : « Nous sommes favorables à l’économie de marché, il n’y a pas d’autre alternative. »
Pathétique…
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Une fois ce mensonge érigé en vérité première, sur le ton de tous ces hommes de prétendue gauche qui n’ont de cesse de déshabiller Marx pour habiller Lagardère et Dassault, Manuel Valls y va de ses petites propositions.
Modestes contributions au sauvetage du système.
Et audacieuses prises de position, si ce n’est qu’elles ont déjà été formulées, quelques jours avant, par François Fillon ou Laurence Parisot.
Il faut « rétablir la confiance » et « réformer le système financier international », développe donc Manuel Valls sur de longs paragraphes.
Avant d’asséner le coup de grâce, ultime reniement camouflé au détour d’une phrase : « Il est nécessaire de comprendre les contraintes des entreprises qui sont le moteur de la création de richesses. »
Et donc de baisser les impôts pesant sur ces entreprise.
Hop, ni vu ni connu je t’embrouille, le patronat m’en saura gré…
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Je suis comme vous : je n’attache plus depuis longtemps une quelconque valeur à ce que peut bien dire ou écrire Manuel Valls.
Mais il est frappant de constater combien son texte aurait pu être signé par n’importe quel membre de l’UMP ou du Medef.
Enième symbole, s’il en fallait encore un, de l’abdication des hommes de gauche de ce pays.
Incapables, en ces temps troublés, de proposer autre chose que des creuses formules libérales et des vagues généralités droitières.
Au motif incroyable qu’il « n’y a pas d’autre alternative »…
Bouffon, va !