ARTICLE11
 
 

mardi 10 novembre 2009

Sur le terrain

posté à 08h10, par Ubifaciunt & Antimollusques
24 commentaires

A Paris, on ne fait pas les manifs à Poitiers !
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A l’appel de l’ARPPI (Association pour le respect des proches de personnes incarcérées), on a battu le pavé parisien, dimanche, sous l’œil concupiscent des journaleux et des flics, tous très déçus d’avoir raté la manif anticarcérale de Poitiers quelques semaines plus tôt. Du coup, ils étaient là en force, prêts à intervenir à la moindre incartade. Et Article 11 aussi…

(Pour accompagner ta lecture, Antimollusques a confectionné un très classe reportage audio sur la manif. Savoure !)

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De 200 personnes présentes selon la police à un bon millier selon les organisateurs, ça dépend en fait si l’on compte le nombre de flics en civil qui encadraient littéralement le cortège et ceux à l’intérieur même de la dite manifestation. Ce qui nous fait, en appliquant une toute bête soustraction, un nombre proche de 800 civils, ce qui semble tout à fait probable vu les moyens répressifs mis en œuvre ce dimanche 8 novembre.

Ne pas se voiler la face, première « grosse » manif parisienne depuis… Depuis ?

Depuis Poitiers en fait, présente dans tous les esprits. Ceux de la meute RTL-France 2-BFM. Pas vu TF1, qui devait pourtant bien être dans le coin mais qui a dû sans doute préférer ne pas arborer trop haut l’étendard tricolore. Toujours ça de pris… Ceux des flics, évidemment, qui ont cerné le parcours : Bastille, Gare de Lyon, Place d’Italie ; même pas la peine d’espérer approcher la prison de la Santé, objectif initial du parcours. Les flics qui, consciencieusement depuis trois jours, ont épluché tous les halls d’immeuble, toutes les plaques d’égout, toutes les planques potentielles du trajet - sans doute des fois que la menace anarcho-autonome ne sorte des AK-47 maquillés en sapins de Noël de chez Truffaut. Ceux des organisateurs de la manif, rappelant le contexte et appelant à a responsabilité de chacun. Ceux des manifestants, pour beaucoup en pleine période de réflexions, sinon de polémiques internes, quant à l’intérêt stratégique de l’action poitevine.

Du coup, l’ambiance est pesante. Ça se regarde beaucoup, ça regarde de partout, premières rumeurs sur des gens qui se seraient faits interpeller avant même de rejoindre Bastille ou à la sortie du métro1. Les familles de détenus prennent à tour de rôle la parole. Dignes, émues, résolues. Contentes de voir ce monde pour les soutenir. Ce monde qui pourtant, n’écoute pas trop les discours2 et continue à jauger l’ambiance et les possibilités éventuelles d’action.

On commence à s’ébrouer. Vu le froid et le nombre de civils, il y a bien plus de bonnets que de capuches de sortie. Dès lors, il ne faut pas trop de temps pour se rendre compte qu’il ne va strictement rien se passer. Dix civils fondent sur quelques colleurs d’affiches, histoire de bien montrer que ce sont bien des flics au cas où on aurait été assez stupide pour pas remarquer, certains, comme toujours, viennent prêter main forte à leurs collègues depuis le cœur du cortège. La bonne vieille éternelle tactique policière : mettre des civils gros comme des maisons sur les bords, comme ça t’es bien content de les griller tellement ils sont visibles et du coup tu fais moins gaffe aux autres, beaucoup plus insidieux dans la manif elle-même.

Et puis plus rien, sinon le vent, le froid, et toujours ces regards méfiants, en tension, de tous les côtés. Petite pause devant l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où une taule médicalisée est aménagée à l’intérieur, et toujours les discours de Catherine Charles, présidente de l’ARPPI et mère de Christophe Khider3.

Arrivée à Place d’Italie, terme de la petite ballade dominicale. Catherine étale ses états de service, les endroits où il est possible de l’entendre et de la lire. Dont le Monde Libertaire. Une voix derrière : « De toute façon, en ce moment, si on veut apprendre des trucs sur ce qui se passe, vaut mieux lire le Monde tout court que le Libertaire… » Allusion même pas voilée à l’interview de Coupat, à la revendication des Coucous de Potiers ainsi qu’à l’enquête sur l’archipel des autonomes parue dans la semaine avec la complicité active de témoins dont prénom a été changé4. Ça rigole un peu. Catherine continue. En guise de bilan de la manif, elle remercie les gens qui ont bien su se tenir et qui ont été « assez intelligents pour pas casser ». Quelques rires et une petite bronca saluent son propos. Elle se justifie. « Ben oui, intelligents, adultes, vous mettez le mot que vous voulez… » Une voix hurle « Ou simplement stratégiques ! »

Le temps d’une version plus qu’engagée et néanmoins apocalyptique de la Semaine Sanglante5 et tout le monde rentre.

Moralité : flics payés à rien foutre et mobilisés en masse pendant une journée, ce qui a peut-être permis qu’ils ne renversent pas un gamin quelque part ailleurs, journaleux dépités de ne rien avoir eu à se mettre sous la caméra, TF1 qui se planque, familles de détenus qui se sont senties, de leurs propres mots, soutenues et touchées, aucune arrestation durant la manif, allez, on se motive et on se dit qu’on a passé un super chouette dimanche et que les mauvais jours finiront !



1 Dix personnes interpellées et libérées vers 17 heures, alors que la manif venait de se disperser. Comme quoi, à la Préfecture de police aussi, on a des Rolex qui marchent bien…

2 Ce que la glorieuse Antimollusques te propose d’écouter bien au chaud…

3 Pour rappel de l’histoire du fameux évadé, on peut consulter avec intérêt son blog.

4 Pas la force, pas le courage, pas envie de taper tous les liens… T’as qu’à googliser. En revanche, voici une hilarante et salutaire déconstruction journalistique pour me faire pardonner.

5 In extenso sur le glorieux reportage sonore, à bien écouter jusqu’au bout, donc !


COMMENTAIRES

 


  • mardi 10 novembre 2009 à 11h07, par De Guello

    C’est un 33 tour passé en 45 tour.Reportage sonore du tonnerre,on sent le froid et la tension avec la poulaille.

    S’ils avaient fait cela hier sur France inter,france culture,france etc... pour les 20 piges de la chute du mur,au moins ils ne nous auraient pas fait chier.

    Rien de nouveau pour les embastillés,Rouillan toujours malade et enfermé(alors qu’il y a peut être une solution à l’hopital PURPAN)les fous en prison,les gamins en tôle,la surpopulation en cellule,des prisons pour délinquants sexuel(rien pour les soigner).
    Les prisons sont notre miroir,nous avons une sale gueule les Français.

    • mardi 10 novembre 2009 à 19h05, par ubifaciunt

      Clair que la version chantée était plutôt ralentie... On va mettre ça sur le coup de l’alanguissement général et du froid...

      (Pour le reportage en tant que tel, je laisserai la parole à Antimollusques...)



  • mardi 10 novembre 2009 à 11h28, par Le Sot

    Finiront finiront mais sûrement pas un dimanche !!

    Impeccable pour nous autres ruraux, merci à tous les deux.



  • mardi 10 novembre 2009 à 11h44, par nterr

    « aucune arrestation durant la manif »
    Durant la manifestation, je sais pas, mais on a eu droit a une dizaine d’interpellations quand même, en tous cas c’est ce qu’on peut lire ici et là. Moi j’étais pas là (Paris, qu’est ce que j’irais foutre à Paris, hein ?)

    Voir en ligne : http://www.hns-info.net/spip.php?ar...

    • mardi 10 novembre 2009 à 19h13, par ubifaciunt

      Avant en fait, tous libérés... C’est ce que je disais je sais plus où dans le billet...

      Sinon, ben t’irais ptêt’ pour les mêmes raisons qu’on va à Vesoul et à Vierzon ???

      • mercredi 11 novembre 2009 à 00h35, par nterr

        Ah. J’avais pas noté. Au temps pour moi.
        (J’aime mieux écrire « autant », je trouve ça plus joli, mais l’académie française dit que « rien ne le justifie », et j’ai une foi inébranlable en l’académie).
        Sinon pour Paris, bah ... bon. Je déconnais.
        En vrai ça m’arrive d’y mettre les pieds, quand je dois aller de la gare Montparnasse à la gare de Lyon.
        Et en vraiment vrai, je serais sûrement ravi d’y mettre pour de vrai les pieds (Je veux dire, ailleurs que dans le métro) ; un jour, quand j’en aurai l’occasion.

        Voir en ligne : Au temps pour eux

        • mercredi 11 novembre 2009 à 11h13, par ubifaciunt

          OTAN pour moi me semble plus approprié en ce 11 novembre...

        • mercredi 11 novembre 2009 à 16h26, par un-e anonyme

          « au temps pour moi » vient du vocabulaire militaire. Ils en ont un aussi, aussi réduit soit-il. Il faut comprendre « au temps du rythme de la marche ». « au temps pour moi ! » est dit par le sous-officier qui fait marcher la troupe lorsque lui-même se trompe de temps au moment où il donne son ordre ou démarre ce doux chant collectif enrégimenté en décalage avec le rythme initié par la fanfare. Il veut dire : « je me suis trompé on recommence ». C’est le cas exceptionnel où le gradé s’excuse. Autant savoir comment, à défaut de penser, se synchronisent ceux d’en face.

          (c’était la chronique de l’autre 11-Novembre, celui que l’Etat commémore en plantant un drapeau sur la tombe de celui qu’il avait envoyé à l’abattoir)



  • mardi 10 novembre 2009 à 12h38, par Quadru

    Je suis sûr que dans les fertiles cervelles des autonomes-qui n’existent pas et de tous mes camarades, copains, frères et amis de tous les sexes, on n’a pas attendu cette manif piégée pour réfléchir à d’autres moyens de (se) manifester en échappant aux pièges de la répression aussi bien que de la clandestinité où la répression voudrait nous pousser.

    • mardi 10 novembre 2009 à 19h15, par ubifaciunt

      Ouaip’, mais là, c’était quand même important de manifester le soutien à la cause... Et puis ça aussi servi à revoir les camarades, copains, frères et amis de tous les sexes !!!! (Ce qui n’empêchera pas la suite et les autres z’okkazes).

      (Et faut dire qu’on y allait aussi un peu pour voir la nature du dispositif flicard, par curiosité touristique, quoi...)



  • mardi 10 novembre 2009 à 18h22, par un-e anonyme

    Effectivement hilarante, la lecture de L’Immonde accessible par la note 4. Et elle soulage des moralines sur le Mur de Berlimpinpin !

    • mardi 10 novembre 2009 à 19h18, par ubifaciunt

      Je trouve aussi (merci au Jura Lib’ qui l’a relayée)...

      D’ailleurs, c’est rigolo, les commentaires -d’habitude très rares- sur le site du JL, ne me semblent avoir rien compris au bazar, à savoir que ce ne sont les « autonomes » qui sont remis en cause mais bien le procédé journalistique...

      Mais bon...

      • mercredi 11 novembre 2009 à 05h49, par JLG

        OK c’est drôle, mais n’importe quel lecteur attentif voit que l’Arsène se fout autant de la gueule des « autonomes » que des pisseurs(euses) alimentaires de copie... et avec un humour parfois reulou : le prof de philo, la théorie du chaos... ouais bof... Y a du rire qui fait du bien sur l’moment, mais dans l’après-coup qui laisse un sale goût...

        • mercredi 11 novembre 2009 à 11h06, par ubifaciunt

          J’avais pas trouvé a priori (mais c’est aussi la première fois que je lis l’Arsène...)

          Et à la première lecture, ça m’a fait vachement bouffée d’air frais par rapport à ce qui s’écrit en ce moment !

          • mercredi 11 novembre 2009 à 15h42, par Quadru

            J’ai pas trouvé ça follement marrant mais j’ai rien contre qu’on se foute la gueule des totos ou pas totos. On peut se foutre de la gueule de tout le monde, non ? Y compris de nous-mêmes.

            • mercredi 11 novembre 2009 à 15h50, par JBB

              Oh que oui.

              Pour être honnête, c’est même ce qui me dérange le plus, ce manque d’humour et de recul des apparentés-autonomes dès qu’il est question d’eux. L’esprit de sérieux, ça lourde…



  • mercredi 11 novembre 2009 à 15h46, par un-e anonyme

    Pas mal la relecture de l’article du Monde, ce qui est plus dérangeant, c’est la bulle sur la photo de Yildune, j’trouve ça plus que crado.

    • mercredi 11 novembre 2009 à 16h32, par un-e anonyme

      D’accord avec ton avis sur le choix de la photo. Cela dit j’ai trouvé l’humour de l’Arsène non seulement hilarant, mais aussi lucide quant au dispositif mental qu’organise le spectacle. En ce moment d’énorme disproportion des forces en présence, il s’agit pour lui d’exciter et d’amener la violence, ou même son fantasme, sur le terrain où il l’attend.

      • mercredi 11 novembre 2009 à 16h34, par un-e anonyme

        Je précise mon accord : non seulement sur la bulle, mais même sur « le choix de la photo ».

        • mercredi 11 novembre 2009 à 20h25, par JLG

          Bien vu de recauser de cette tof, elle est tellement nulle que je l’avais zappée... Mais elle est emblématique d’une des dimensions du billet qu’elle chapote...

          @JBB
          Je suis le premier à rire de ma gueule et sans humour pas de vie, OK. Et nous n’allons pas refaire le débat : « peut-on rire de tt et n’importe comment ? ».
          Mais l’humour n’a pas à être érigé en dieu païen, il revêt trop souvent le costume du Spectacle.

          Quand humour et esprit de sérieux marchent ensemble, ça commence à devenir bien, non ? :–)

          • mercredi 11 novembre 2009 à 20h41, par JBB

            Tout d’accord, camarade.

            Te rejoins au fond. C’est pas prendre les choses avec sérieux qui me dérange, mais de ne plus savoir les prendre autrement. Et ça ne te concernait évidemment pas.

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