mercredi 17 septembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 10h24, par
15 commentaires
Epaule contre épaule, pour mieux avancer. Main dans la main, pour mieux se réconforter. Bras dessus, bras dessous, pour mieux se protéger. Rachida Dati et Nathalie Kosciusko-Morizet viennent de découvrir les vertus de l’amitié. Les nouvelles converties poussent le sens de la camaraderie jusqu’à signer une tribune dans Libé. Ensemble, tout devient possible…
« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et se confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
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Elles sont ministres.
Femmes à poigne et à ambitions.
Familières des affrontements politiques sans pitié et de la tension perpétuelle d’un milieu qui ne fait pas de cadeaux.
Et habituées à exercer les plus hautes responsabilités.
Mais elles n’en restent pas moins humaines.
Sensibles.
Fragiles.
Et c’est magnifique !
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Le cri d’amour poussé conjointement par Rachida Dati, ministre de la Justice, et Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de l’Écologie, en une tribune parue hier dans les pages Rebonds de Libération et joliment titrée « Parler avec tout le monde ! », ce cri d’amour, donc, m’a ému jusqu’aux larmes.
Tant il est rare de voir des ministres prendre le temps de souffler.
Stoppant pour un temps la marche d’un monde frénétique et sans pitié.
Pour dire, crier presque : nous sommes peut-être de fières chevilles du gouvernement, mais nous avons aussi du coeur.
Et nous aimons le petit peuple.
Et nous sommes amies.
Et c’est génial !
Et youplali-youplaboum…
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Certains (je connais les plus malintentionnés d’entre vous, toujours capables de déceler de basses intentions dans les plus nobles manifestations de l’esprit humain et prompts à jeter le fiel sur les feux de l’amour…) ne manqueront pas de se gausser et de se moquer.
Soulignant à juste titre combien cette tribune, censée annoncer des rencontres participatives organisées par les deux péronnelles dans toute la France, est vide de sens, inintéressante et débile, à tel point qu’elle enfonce toutes les précédentes tribunes vides de sens, inintéressantes et débiles parues dans une rubrique qui en a certes compté beaucoup.
S’étonnant qu’un tel recueil de platitudes et de réflexions inertes ait pu être jugé digne d’être publié, même signé de l’auguste main de deux ministres.
Et cherchant la petite bête derrière les deux grosses bêtes, curieux de savoir pourquoi Nathalie et Rachida se sont ainsi piquées d’écriture commune.
Erreur !
Ne doutez pas, mes amis.
Mais laissez-vous porter par cette prose digne d’un Marc Levy en petite forme.
« Il faut refaire de la politique. Et en finir avec cet entre-nous qui fait croire aux responsables des partis que la seule consultation de ses propres amis vaut dialogue avec les Français, attaquent d’emblée force rose et force verte. La politique se partage. La politique se donne. La politique, c’est aller vers tous ceux qui sont exclus du jeu. »
Certes…
« La politique c’est aussi cela : (…) dire ce que l’on va faire et le décider avec tous les autres acteurs qui construisent au quotidien cette France nouvelle, » poursuivent ces Quick et Flupke au féminin. « Et surtout, maintenant, (…) leur expliquer ce qui déjà est fait, (…) ce qui peut les mettre en péril, le terrorisme, la délinquance, l’irresponsabilité envers la planète, et tout le reste. »
Oui, les méchants terroristes, les méchants voleurs et les méchants pollueurs… toussa-toussa…
« C’est pourquoi nous avons choisi d’écrire autrement ce qui se passe, à quatre mains. Deux femmes. Différentes », remarquent les Maurice Ravel et Georges Bizet de la politique. « Avec nos parcours parallèles, notre conviction que l’on doit changer le monde au risque qu’il change sans nous et contre nous… »
Montaigne peut aller se rhabiller : nul n’évoquera mieux cette douce amitié naissante que la plume idéaliste et fiévreuse de la ministre et de la secrétaire d’Etat, toutes deux aussi enflammées qu’une lycéenne lisant son premier roman d’Anna Gavalda.
« Cette métamorphose, nous la ferons tous ensemble. Avec la force nouvelle d’être cette nation métissée, annoncent fièrement nos Bataille et Fontaine nouvelle vague (…) C’est pourquoi nous allons bouger, ici et là, à la rencontre de cette France, la nôtre, terriblement concrète, séculaire et si nouvelle, inattendue. »
C’est beau comme du de Gaulle un soir de cuite à Colombey-les-deux-Eglises, petit cénacle d’amoureux de la France séculaire - oui, la France, Monsieur - réunis autour d’une bouteille tandis qu’au loin résonne le bruit de ces chênes qu’on abat.
« C’est pourquoi nous voulons susciter de nouveaux lieux de dialogue parce qu’Argenteuil, La Courneuve, Vaulx-en-Velin ou les quartiers Nord de Marseille, c’est cette France plurielle, terminent les membres du club des deux. (…) »Là où nous devons proposer la construction d’un monde plus juste, plus généreux, plus solide. Là où naissent des idées nouvelles."
Deux ministres aussi idéaliste qu’un rassemblement altermondialiste sur le plateau du Larzac, alors que s’emballent les djembés et que Manu Chao entonne Clandestino pour la troisième fois… Si c’est pas mignon…
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Je suis sûr que vous êtes comme moi : émus, tout simplement.
Aussi touchés par cet intérêt soudain de deux grandes responsables politiques pour les petits, Français de basse extraction et autres « oubliés », que remués aux tripes par cette idylle naissante entre une ministre et une secrétaire d’Etat partageant une même signature dans un quotidien de référence.
Je suis sûr, aussi, qu’aucun d’entre vous ne dérapera, versant dans le mauvais goût peoplisant pour interroger benoîtement : Nathalie Kosciusko-Morizet ne serait-elle pas le père de l’enfant de Rachida Dati ?
Que personne ne suggérera que cette amitié soudaine, née lors de l’Université d’été de l’UMP à Royan, n’est que de pure façade, seulement motivée par la déception de ne plus être du cercle proche de Nicolas Sarkozy et par l’envie de se faire bien voir des médias.
Ni, enfin, que pas un d’entre vous n’osera sous-entendre que cette jolie opération de communication, deux membres du gouvernement bras dessus bras dessous, aussi proches et complices que le furent à une époque les deux « soeurs » Cécilia et Rachida, n’aurait d’autre but que celui de rester dans la course politique.
Vous ne feriez pas cela, dites ?
Parce qu’enfin… deux ministres qui écrivent si bien et si justement ne peuvent être tout à fait mauvaises.
Youplali-youplaboum…