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samedi 11 octobre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 10h11, par JBB
12 commentaires

Au banquet du capital, les mêmes convives éternels festoient. Tout ne va pas si mal…
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Fini, le capitalisme ? Enterré, le système financier ? Allons donc : les bourses peuvent s’effondrer et les cours s’affoler, les éternels profiteurs du système n’en perdent pas pour autant l’appétit. Continuant à s’empiffrer et à se goinfrer comme si de rien n’était, ces convives indécents font mentir les prédicateurs du désastre. Tout va bien, puisqu’ils ont encore faim… Ouf ?

J’en ai un rien marre des Cassandre éternels.

Hommes de peu de foi qui ne cessent d’annoncer la catastrophe et de prédire la chute.

Secrets amateurs du désastre, excités par l’odeur du sang et par l’espoir des ruines, qui font de leurs noirs fantasmes du désastre l’annonce du monde à venir.

Et économistes à la petite semaine, assez naïfs pour penser que le système financier n’est rien d’autre que cette tour de la Baliverna contée par Dino Buzzati, auguste édifice mis à bas par le geste malheureux d’un touriste de passage qui, en tirant sur un maigre bout de bois logé entre deux pierres, en détruisit la parfaite symétrie.

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J’en ai un rien marre, disais-je, de ces prédicateurs du pire.

Qui me fatiguent autant qu’ils m’inquiètent.

Et je n’espère plus qu’entendre sonner le tambour ronflant de l’espoir et chanter les trompettes de la renaissance.

Petite musique bien huilée qui dirait le retour à la normale des bourses et l’optimisme retrouvé des banques.

Je veux un peu de joie.

De couleur.

De bonheur, enfin.

Je ne veux pas la crise, ni les soupes populaires, ni la misère générale, ni l’angoisse de la faim, ni le chômage de masse, ni l’horizon borné d’un monde écroulé, ni le froid, ni le noir soleil de la puissance disparue, ni les cohortes de sans-logis et le grand retour des rutabagas.


Alors : je scrute, je guette, je veille.

Epluchant des indices boursiers auxquels je n’entrave que pouick.

Scrutant des courbes financières qui ne m’évoquent rien.

Et dépiautant les déclarations des experts et des puissants, anxieux d’y trouver le moindre signe que l’avenir n’est pas totalement compromis et perdu

En pure perte ?

Non : dans le concert des lamentations, il est une voix qui m’a redonné espoir, promettant que la tempête allait prendre fin.

Et j’ai sauté sur l’occasion de retrouver un brin d’allant.

Prêt à croire Alain Minc.

Faute de mieux…

Le système capitaliste est un “phénix qui ne s’effondre jamais, renait toujours de ses cendres”, a affirmé l’honorable grand ponte.


De cette maxime bien optimiste, je me suis d’abord un peu méfié.

Soucieux de ne pas accorder trop de foi à une vague généralité, surtout professée par un homme qui a depuis longtemps perdu toute crédibilité.

Mais force a été de me rendre à l’évidence : Alain Minc a raison.

Et le capitalisme financier, s’il s’est fait rosser en beauté, est loin d’avoir subi cette mémorable raclée qui l’aurait laissé à terre pour les dix prochaines années.

Le cadavre remue toujours.

Se redresse déjà.

Et retrouve toute sa morgue.

Suffisamment en forme pour continuer à convier à la fête ses exécuteurs les plus zélés.

Banquiers et financiers qui dansent et festoient beaucoup trop pour que les choses soient définitives.

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Malgré la crise, donc, le banquet se poursuit.

Et autour de la table, tous s’empiffrent et se goinfrent comme si de rien n’était.

Qu’il s’agisse de Daniel Bouton, président de la Société Générale qui « a réalisé une plus-value de 1,3 million d’euros en moins de quatre mois, malgré la chute du titre en Bourse, en revendant des actions de son groupe acquises au titre des stock-options ».

De l’élite des employés du géant américain de l’assurance AIG, conviés il y a quelques jours à un indécent séminaire de travail dans un luxueux hôtel, séjour facturé la bagatelle de 440 000 dollars alors même que le groupe venait d’être sauvé de la faillite par l’argent des contribuables.

Ou des cinquante courtiers que Fortis, entreprise tout juste renflouée à grands frais, s’est piquée d’inviter hier dans un palace de Monaco, réglant sans ciller une addition de 150 000 €.

Bref, les Cassandre en seront pour leurs frais.

Tant Alain Minc a pour une fois raison : le capitalisme « ne s’effondre jamais ».

Phénix à nouveau debout, s’il était jamais tombé, qui chante avec autant d’indécence et de morgue que si rien ne s’était passé.


Vous savez quoi ?

Je crois que je regrette la chute et le désastre.

Et que j’eusse préféré ne pas être ainsi rassuré.

Finalement.


COMMENTAIRES

 


  • JBB,mon frère JBB,ne vois-tu rien venir ?

    Et là frère JBB,lui répondait :

    Je ne vois rien que l’économie qui poudroie,et Minc qui merdoie.



  • samedi 11 octobre 2008 à 17h51, par cultive ton jardin

    Il arrive parfois que les canards, tête coupée, continuent à courir comme si de rien n’était. Mais ils s’abstiennent heureusement de caqueter, Alain Minc devrait... faire canard !

    • samedi 11 octobre 2008 à 19h36, par JBB

      Dans le même style, j’ai une très jolie citation d’Orwell : « L’homme d’aujourd’hui ressemble assez à une guêpe coupée en deux qui continuerait à se gaver de confiture en faisant comme si la perte de son abdomen n’avait aucune espèce d’importance. »



  • C’est étonnant, mais nous avons failli manger au même râtelier bloguistique aujourd’hui puisque j’ai eu l’idée, au réveil, de faire un supplément gastronomie...

    Mais j’ai changé d’idée...

    Quel dommage qu’Alain Minc ne soit que Français. Etatsunien, il serait déjà le maitre du monde économique, avec pouvoirs spéciaux, et la crise serait ju-gu-lée !

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • samedi 11 octobre 2008 à 19h41, par JBB

      Cela ne m’étonne pas tant que ça… :-)

      Pour Minc, il me semble évident qu’un homme de cette stature doit être partagé avec les autres pays. Nous ne devons pas être égoïste. Et puis, cela participerait sans nul doute de l’image éternelle de la France…

    • Vu le nombre considérable d’entreprises qu’il a contribué à ruiner, ce serait une arme très efficace dans la lutte économique contre les States : vendons-le aux Ricains afin qu’ils se servent de ses conseils et qu’ils enregistrent encore plus de déficits. Cela ne redressera pas plus notre marché, mais on pourra rigoler un peu.



  • samedi 11 octobre 2008 à 18h34, par Michel Cornillon

    Dans la crise générale que traverse actuellement le monde (finance mise à mal, capitalisme aux abois, consommation en berne dans les pays prospères, actions terroristes des nations pauvres ou méprisées, planète au bord de l’asphyxie, etc), il me semble improbable qu’un bouleversement ne se produise pas. Ne serait-ce que parce que notre planète est un être vivant.
    Hitler a terminé dans les cendres de Berlin, rien ne nous dit que le cynisme et l’injustice actuels n’ont pas vu s’effondrer leur empire (l’empire du mal) un certain 11 septembre. Et qui pourra nous affirmer que ce n’était pas la main de Dieu (ou un sursaut de l’inconscient de l’humanité) qui réduisit en cendre ce jour-là les tours de l’U.S. Babel ?
    Et si cela s’avère faux, si Alain Minc triomphe, ce ne sera pas pour longtemps. Tsunami, grippe aviaire, armes nucléaires lancées à la volée ? La terre aura cessé de vivre.

    Voir en ligne : http://chroniquevirgule.canalblog.com



  • Un petit extrait d’un excellent article de la République des Lettres, si tu ne l’a pas déjà lu :

    « L’immobilier ayant cessé d’être un eldorado pour orpailleurs de la finance, ceux-ci trouvèrent de nouvelles « valeurs refuges » dans les céréales et les matières premières, assurés qu’ils étaient que ces dernières avaient peu de chances de voir leur demande diminuer à moyen et long terme. Lorsque, en quelques mois, les prix du blé, du riz et du maïs eurent doublé ou triplé, beaucoup de pays d’Afrique et d’Asie furent brutalement plongés dans une crise alimentaire. Fragilisés par l’obligation qui leur avait été faite de renoncer à leurs cultures vivrières pour développer des cultures d’exportation, ils étaient donc à la merci de la flambée des prix. La FAO vient de reconnaître ce que les paysans sans terre, les paysans aliénés au marché mondial et les altermondialistes criaient dans le désert depuis des années.

    Dans sa trajectoire qui le rapproche de son « idéal-type » le plus pur, le capitalisme financier est en train de s’emparer de la gestion climatique de la planète. Les permis d’émission deviennent l’objet de spéculation car la probabilité est grande de voir leur prix s’élever à mesure que les restrictions deviendront plus sévères.
    La boucle est donc refermée. Plus de dividendes pour les actionnaires et les magnats de la finance, c’est moins pour les salaires et la protection sociale, moins pour vaincre la pauvreté dans le monde et moins pour préparer les investissements nécessaires au passage d’un modèle productiviste à un modèle écologiste. L’étape ultime de l’accaparement, c’est la propriété du vivant, de l’air, de l’eau et des connaissances. Avec le rejet dans les marges du système — bidonvilles, ghettos des banlieues — de tous les « gueux », tous les « damnés de la terre ». »

    Crise économique et financière. Toujours plus de... crises ! :
    http://www.republique-des-lettres.f...

    Bonne soirée,et ne perd pas l’espoir...

    Voir en ligne : http://repvblicae.wordpress.com/

    • dimanche 12 octobre 2008 à 10h13, par JBB

      Non, je ne l’avais pas lu : merci beaucoup.

      (Perdre espoir ? Allons donc : j’en suis plein. Le soleil brille et le système s’effondre, que demander de plus ?)

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