mercredi 1er octobre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 12h28, par
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Que Georges Pébereau, ancien grand patron d’Alcatel, prenne la plume pour expliquer que « nous sommes dans une période pré-révolutionnaire » est un signe qui ne trompe pas : la révolution, qui n’est toujours pas un dîner de gala, est pour demain. Ou tout comme… Entre l’exaspération croissante de la population et la crise économique, une certitude s’impose : tous les voyants sont au rouge.
Les voyez-vous, ces drapeaux noirs et rouge agités au vent mauvais de la révolte ?
Les entendez-vous, les clameurs de cette foule déchaînée, décidée à prendre l’Elysée et le pouvoir ?
Les sentez-vous, ces battements réguliers, signe que partout dans Paris se montent des barricades et se dépavent des rues ?
Non ?
Vous ne voyez rien ?
Vous n’entendez rien ?
Vous ne sentez rien ?
Ce n’est pas grave.
D’autres, moins sourds et aveugles que vous, commencent à sentir souffler le vent de la révolte.
Et à avoir grave les chocottes, limite transis de peur à la pensée que mutatis plus tellement mutandis, le grand bouleversement est pour demain.
Ainsi de Gerges Pébereau, ancien grand patron d’Alacatel, qui annonçait rien de moins que des lendemains rouges et noirs dans un Point de vue publié dans Le Monde du 16 septembre.
« L’écart ne cesse de se creuser entre les salariés et la petite classe de privilégiés, protégés par le pouvoir, dont le nombre et la fortune croissent rapidement. Nous sommes, à n’en pas douter, dans une période prérévolutionnaire, au sens de 1789. Les cadres et, d’une façon plus générale, les classes moyennes, seront demain, comme les bourgeois naguère, les catalyseurs de la révolution », écrivait ce nouveau Cassandre du Grand Soir.
Poursuivant d’une même plume prophétique : « La France est obligée de faire des réformes et donc de créer des mécontentements dans un contexte économique mondial incertain et avec une situation financière nationale catastrophique. Il y aura de plus en plus de revendications et de moins en moins de moyens capitalistes pour les satisfaire et de moyens policiers pour les endiguer. Une étincelle suffira pour déclencher des mouvements irréparables. »
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Ce brave vieux Georges, qu’on ne savait pas si clairvoyant, n’est pas le seul à sentir combien, sous les coups de boutoir de la crise, de l’exaspération sociale grandissante et des comportements toujours plus outranciers des nantis, le système se délite et se désagrège, n’attendant plus que cette « étincelle » pour tomber bas et mourir.
Et le rameur en chef, l’auguste Sarkozy, y a fait une brève référence dans son effarant discours de Toulon, grand écart dialectique où il chantait les louanges du capitalisme tout en condamnant ses excès : "La crise financière, que nous connaissons aujourd’hui, mes chers compatriotes, n’est pas la crise du capitalisme. C’est la crise d’un système qui s’est éloigné des valeurs les plus fondamentales du capitalisme, qui, en quelque sorte, a trahi l’esprit du capitalisme. Je veux le dire aux Français : l’anticapitalisme n’offre aucune solution à la crise actuelle. Renouer avec le collectivisme qui a provoqué dans le passé tant de désastres serait une erreur historique".
Une allusion à « l’anticapitalisme » révélatrice.
Tant Sarkozy avoue en filigrane sa peur de voir fleurir une vraie contestation sur les ruines du système.
Et dit à demi-mot sa conviction que l’écroulement et la crise profiteront à ceux qui les prédisaient depuis si longtemps qu’ils faisaient figure d’ennuyeux radoteurs, jamais fatigués d’agiter les mêmes hochets de la lutte finale.
Un retour en grâce, par la force des choses, de la contestation radicale aux multiples illustrations, depuis le succès croissant du NPA jusqu’à l’éclairage médiatique dont bénéficient en ce moment les anciens acteurs des mouvements d’extrême-gauches italiens, allemands et français.
Avec pour dernier avatar cette surprenante interview accordée par Jean-Marc Rouillan à l’Express, qui voit l’ancien meneur d’Action Directe dire sa foi préservée en la lutte armée.
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Autant de signes annonciateurs, donc.
Et de sujets d’inquiétudes pour les ceux qui auraient tout à perdre d’un mouvement contestataire de grande ampleur.
Peur de voir la France renouer avec les fiers emballements d’un passé révolutionnaire qu’ils tentent de circonvenir.
En chassant sur les terres de l’extrême-gauche et en plagiant son discours - à Toulon, le présidentiel meneur de revue a prononcé davantage de fois le mot « spéculation » que ne l’a jamais fait Arlette lors de ses plus enflammées diatribes.
Et en tentant d’étendre la chape de plomb de « l’unité nationale » sur le paysage politique, mot d’ordre bidon qui n’a d’autre but que de disqualifier tous ceux qui pourraient faire entendre une voix discordante.
Postures inutiles et cautères sur une jambe de bois qui n’empêcheront pas la Commune de refleurir.
C’est Georges Pébereau qui l’a dit…