ARTICLE11
 
 

vendredi 12 septembre 2008

Entretiens

posté à 00h38, par JBB
29 commentaires

Pierre Jourde : « Il y a en France une bonne vieille tradition de la terreur intellectuelle. »
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Hop, c’est la rentrée ! Littéraire, s’entend. Mais… à force de voir les mêmes en tête de gondole, l’importance de l’événement vous a peut-être un brin échappé. Un désintérêt dont l’écrivain Pierre Jourde ne vous tiendra pas grief, lui qui dans « La Littérature sans estomac » dénonçait les compromissions et la vacuité du monde littéraire. Six ans après, le constat n’a pas changé.

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On ne va pas écrire qu’il est « le boxeur de la littérature ». Il déteste la formule. On dira juste que Pierre Jourde maîtrise à la perfection l’uppercut littéraire, sait taper là où ça fait mal et a envoyé pas mal d’auteurs dans les cordes (Ok, on l’a écrit. Désolé…). En 2002, avec La Littérature sans estomac, pamphlet jubilatoire soulignant l’importance vitale de la littérature et l’exigence qui devrait l’accompagner, l’écrivain alignait pour le compte Marie Darrieussecq, Frédéric Beigbeder, Camille Laurens ou Christine Angot. Tous knock-out, comptés par l’arbitre pour leur prose insignifiante et leurs récits sans intérêt.
D’un même élan, l’auteur s’en prenait au manque d’exigence d’une partie de la critique, si préoccupée de copinages et de renvois d’ascenseur qu’elle en avait oublié son métier. Pour illustration, Pierre Jourde expédiait le cas du Monde des Livres, publication phagocytée par un couple infernal et tout puissant, Philippe Sollers et Josyane Savigneau. Et montrait combien leurs amitiés ou inimitiés pouvaient faire ou défaire le succès d’un ouvrage, en dehors de toute considération artistique.

Des écrivains ramenés à leur médiocrité et une critique moquée pour sa vacuité : avec La Littérature sans estomac, Pierre Jourde ne s’était pas fait que des amis. Ce fut pire après Petit Déjeuner chez tyrannie, ouvrage publié en 2003 et co-écrit avec l’éditeur Eric Naulleau. Tous deux y revenaient sur Le Monde des Livres, démontrant la vulgarité et l’absence de déontologie de Sollers et Savigneau, et se mettaient définitivement à dos le milieu littéraire. A tel point qu’il fallut une pétition de soutien pour ramener à la raison les victimes de leur prose.
L’ensemble, La Littérature sans estomac et Petit Déjeuner chez Tyrannie, restera comme un des plus beaux KO littéraire de l’histoire. Œuvre d’un puncheur qui sait aussi se faire tendre cisailleur des mots et romancier de talent ; à preuve Le Pays perdu, Festins secrets ou La cantatrice avariée, trois des huit romans publiés par Pierre Jourde.

Pour Article 11, l’écrivain a accepté de revenir sur le sombre tableau dressé dans ses essais, toujours d’actualité. Et de re-détailler la collusion du milieu, le pouvoir du marketing littéraire et la médiocrité des têtes de gondole. Interview1.

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Quand j’ai évoqué le sujet de l’interview, vous avez répondu : « J’ai l’impression d’avoir répondu cent fois à ces questions à chaque rentrée littéraire. » Est-ce une façon de dire que le retentissement de La Littérature sans estomac vous a enfermé dans un rôle ?

Tout retentissement médiatique nous enferme dans un rôle. Pire, dans une caricature. La complexité est étrangère aux journalistes. Je suis donc désormais le démolisseur de service, même si la satire représente 10 % de ma production littéraire et de mes préoccupations intellectuelles. C’est ce qu’on me demande de faire. Dès que je publie un roman, même si cela n’a rien à voir, l’article qui en rend compte commence toujours par quelque chose comme « le boxeur de la littérature a encore frappé ». Après quoi on me reproche de me cantonner dans ce rôle. Les médias décident une fois pour toutes qui vous êtes. A partir de là, tout élément qui n’entre pas dans ce schéma est rejeté, n’existe pas.
Par ailleurs, au-delà de mon cas personnel, la corruption des prix devient un « marronnier ». C’est le rite de la rentrée. On parle prix trafiqués comme on parle pinard ou fromage : c’est français, c’est rituel, et on finit par trouver ça pas bien grave, amusant, et finalement normal. Ça ne l’est pas. Je ne sais donc plus comment évoquer ces questions, sans tomber dans le folklore de l’agitation littéraire. Et puis, ce qui m’intéresse, c’est le texte, pas la sociologie de la littérature.

Vous poursuiviez votre réponse en notant qu’il « y a des banalités qu’il n’est peut-être pas inutile de redire, puisque rien ne change ». Aujourd’hui, le constat dressé dans La Littérature sans estomac et dans Petit-déjeuner chez tyrannie serait le même ? Pire ?

Le même. Ces livres ont six ans, les choses ne changent pas en six ans. Et, de toutes façons, je doute qu’elles changent vraiment. Mais on peut toujours essayer. Il y avait deux ou trois idées qu’il me semblait indispensable d’exprimer. Notamment en ce qui concerne l’écart entre le discours critique et la réalité des textes. Dans ce domaine, on n’a guère avancé. Lorsque je lis certaines critiques dans les journaux qui comptent, je reste assez ahuri. J’hésite toujours entre les effets du copinage et la pure et simple incapacité à lire et évaluer un texte.
Quoi qu’il en soit, ça continue joyeusement. Grands prix littéraires à des journalistes, à des gens influents, allons-y. Le prix Décembre décerné à Yannick Haenel, alors qu’il est publié dans la collection de Sollers qui est aussi membre du jury du prix Décembre. Et Haenel publie à la gloire de Sollers un livre dans une collection dirigée par Sollers. Membre du jury du prix Décembre également, Pierre Bergé, ami de Sollers et Savigneau, qui a fait interdire dans Têtu, journal dont il est propriétaire, un article qui s’interrogeait sur certains propos de cette dame sur les homosexuels. Et allez donc. Tout cela ne scandalise même plus. Et bien entendu, dithyrambes sur Haenel dans Le Monde. Mais aussi dans le Figaro. On lit Haenel, on tombe sur du lyrisme de comices agricoles, une emphase insupportable, des conceptions littéraires adolescentes.

Mais en dehors de la corruption qui lui fait attribuer un prix, il reste que la littérature à l’épate fonctionne. Le constat de Gracq il y a 60 ans demeure valable. Tout est à l’avenant. Naulleau et moi continuons à nous faire traiter de réactionnaires dans Télérama, comme il y a six ans, comme Domecq il y a quinze ans. Tous nos arguments, et ceux de quelques autres, contre ce terrorisme intellectuel ne pèsent guère face au pouvoir de matraquage et de répétition. Même si l’on n’est pas du tout réactionnaire et qu’on l’a prouvé, il suffit que cela soit répété cent fois pour qu’on le devienne aux yeux de tous. Il n’existe pas, ou très peu, d’argumentation et de jugement proprement littéraire dans ce pays. Il y a quelques personnes qui disposent de tribunes, qui s’estiment pour cela détentrices de la légitimité et garantes de la modernité littéraire. Elles défendent leurs positions par des condamnations d’allure politique. D’autre part, lorsque vous évoquez ces problèmes, comme cela m’arrive, certains rétorquent que tout cela, ce sont des intrigues parisiennes, que cela n’intéresse personne. En quelque sorte, je ne veux pas le savoir. Je ne veux pas savoir comment la littérature est confisquée au profit de quelques médiocrités.
Bref, la critique est de plus en plus difficile. Le critique doit désormais s’attendre à se voir traité d’aigri, de fasciste ou de parisianiste, au choix. Mais, d’un autre côté, j’ai été entendu. Je crois qu’il y a beaucoup de gens qui sont prêts à entendre un discours critique un peu étayé, parce qu’ils attendent autre chose de la littérature que ce qu’on leur propose aujourd’hui. Il ne faut pas renoncer.

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Angot, Sollers, Beigbeder, Camille Laurens… tous sont encore là, en tête de gondole. Seule Josyane Savigneau, pierre d’achoppement du Monde des Livres, n’a plus son rôle. Cela change quelque chose ?

L’individualité Savigneau ne pèse pas si lourd. Elle n’est qu’un symptôme, même si elle a fait beaucoup, avec quelques autres, pour détruire la crédibilité du Monde dans les milieux intellectuels. Disons qu’elle est intéressante parce que particulièrement caricaturale de l’état de la critique littéraire. On constate que quelqu’un d’aussi absolument dépourvu de talent, qui ne parvient à penser la littérature qu’en fonction de sa propre sexualité, de son sexe et de ses amitiés, peut occuper très longtemps un poste aussi stratégique que la direction du Monde des livres.
De toutes manières, il ne s’agissait pas de faire disparaître quelques écrivains médiocres du champ littéraire, mais de montrer que d’autres évaluations sur eux étaient possibles. Cela peut jouer un rôle de rassemblement des esprits, hors de la sphère purement médiatique. Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui se croyaient idiots ne pas aimer les auteurs encensés par la critique, et qui m’ont dit s’être sentis libérés d’entendre un autre discours.

Gardez-vous espoir que cette lourde machine à produire des mauvais livres puisse un jour être vaincue ?

N’exagérons pas. L’objectif est un peu trop ambitieux. Ce qu’il faut viser, modestement, c’est dégager un peu plus d’espace pour les écrivains intéressants, ne pas laisser les mêmes accaparer la parole et le jugement, ne pas abandonner le terrain aux industriels de la bêtise. Et puis surtout, s’amuser, rire des pompeux, des marchands de clichés. ça fait beaucoup de bien.

Ces mêmes têtes d’affiche médiocres toujours à l’affiche, ce n’est pas le signe d’une France un brin moisie et rance, en littérature comme en toutes choses ?

Je n’emploierais pas ces termes un peu trop chargés de connotations. D’ailleurs la création littéraire est en France, aujourd’hui, très vivante et très riche. Méfions-nous de ne pas tomber dans le « il n’y a plus rien », qui est une autre forme du renoncement.
Cela dit, il existe sans doute un problème français : faible déontologie journalistique, prééminence des a priori idéologiques et esthétiques par rapport au jugement libre et pragmatique. Il y a en France une bonne vieille tradition de la terreur intellectuelle. Elle ne repose plus sur aucun soubassement idéologique sérieux, mais elle sert de caution et d’alibi à une caste jalouse de ses privilèges. Donc, surtout pas d’attaque contre certains artistes ou certains intellectuels, sinon vous êtes fasciste. Nous en sommes encore là.
Enfin, Gracq le disait déjà en 1950, le monde culturel fonctionne à la valeur acquise. Vous pouvez entasser les cochonneries, dès lors que vous êtes célèbre, ça n’a plus d’importance, on ne regardera pas à ça, il faut en parler. La lecture, quand il y a lecture, n’est pas faite en fonction du texte, mais de l’image qui le précède et vient s’interposer entre le regard et les mots.

De Christine Angot, vous écriviez en 2002 : elle fait « glisser la littérature vers la presse à scandale ou la variété télévisée ». Ce que la dame illustre parfaitement avec Le Marché des amants, mettant en scène sa relation avec Doc Gyneco. Vous l’avez lu ?

Je l’ai lu, en effet, et sans a priori, prêt à le trouver bon. Je me suis ennuyé atrocement. C’est ce qui me frappe dans les livres de Christine Angot, le fait que c’est mal fichu, ennuyeux, quasiment illisible. J’admets le succès de Marc Lévy, c’est fabriqué, ça se lit. Angot, c’est du vrac, du tas. Du tas de quoi ? On ne sait pas trop, conversations téléphoniques sans fin et sans sujet, détails dépourvus de sens, confidences sexuelles, etc. C’est un peu l’esthétique du Loft. Et ça obtient le prix France Culture (il y a quelques années) ce qui en dit long sur la haine de certains intellectuels envers l’esprit. En réalité, ça n’intéresse plus personne, elle est soutenue à bout de bras par quelques journalistes influents, dont Savigneau, qui ne rate pas une occasion de soutenir un mauvais écrivain, Sollers, Libération, Les Inrockuptibles. Elle n’est pas lue, mais elle confisque les rentrées littéraires de manière scandaleuse, quand il y a tant de vrais écrivains dont on ne dit presque rien. Tout cela parce qu’elle serait un « phénomène de société ». Phénomène de rien : comme d’habitude, les journalistes parlent de ce qu’ils ont décrété être un phénomène. Cela n’apporte rien à personne, ni joie, ni plaisir esthétique, ni réflexion sur le monde ou sur soi. Un peu de voyeurisme, c’est tout. Mais je n’ai encore rencontré personne qui m’avoue aimer ça. François Bégaudeau aime, ce qui peut surprendre de la part d’un théoricien de l’engagement littéraire. Angot est en effet représentative de la pollution des esprits par le people, qui gagne la littérature, pour des raisons purement commerciales. Le romancier est désormais tenu de faire comme à la télé, de l’exhibition.

Vous êtes un critique littéraire acide, peu amène envers la médiocrité. Une exception dans le paysage. Vous vous sentez isolé ? De façon plus large, vous avez le sentiment que la société ne tolère plus une saine méchanceté ?

Tout le monde a droit à la médiocrité. Moi aussi, je suis médiocre. Mais dès qu’on s’expose, il faut admettre la critique. Si la mienne a été un peu violente, c’est qu’il y avait un écart surréaliste entre le lyrisme critique et la pauvreté des textes loués. La situation recelait quelques ressources comiques que j’ai exploitées. Et j’ai vu, en effet, que se moquer un peu des écrivains et des journalistes était devenu intolérable. La satire, cette tradition si française, et si vivante encore en politique, n’a plus le droit d’exister dans le domaine culturel. Sans doute, en effet, vivons-nous dans une société qui tend à tout rendre respectable. Respecte ma religion, respecte mes coutumes, respecte tout. Moyennant quoi, le droit de critique est de plus en plus réduit, on le constate chaque jour.
Le paradoxe assez comique, là encore, c’est que les écrivains et les artistes qui supportent mal la critique sont les mêmes qui jouent au rebelle et au « dérangeant ». Ils se rattrapent en prétendant qu’on les critique parce qu’ils « dérangent ». L’idée qu’on en ait le droit, et qu’on le fasse juste pour exercer ce droit, leur est intolérable. Etrangement, dans les conversations, les écrivains et les journalistes sont d’une cruauté invraisemblable sur leurs petits camarades. Mais ils n’oseraient pas écrire ce qu’ils disent. Moi non plus, d’ailleurs. La couardise ne date pas d’aujourd’hui. Reste qu’il y a, ici et là, de petits pôles de résistance. Les développer, les maintenir constitue la véritable tâche. C’est par ces regroupements d’esprits indépendants que se transmettent les valeurs littéraires, ce sont eux qui font vraiment l’histoire littéraire.

Dans LQR, la propagande du quotidien, l’écrivain Eric Hazan dénonçait cette langue qui efface les résistances et travaille à la domestication des esprits. Elle a aussi cours dans la critique littéraire ?

Il est frappant de constater à quel point le style des critiques dans les grands suppléments littéraires est terne, gris, ennuyeux, émaillé des mêmes vieux clichés (« dérangeant », notamment). C’est une sorte d’intermédiaire entre la messe et le congrès du parti. Tout cela agrémenté de termes burlesques comme « chef d’œuvre » pour qualifier des produits sans intérêt. Il y a des chefs d’œuvre chaque semaine. Dans l’ensemble, la médiocrité du discours culturel est représentative de la médiocrité journalistique dans son ensemble. La profession recrute de plus en plus de gens sans envergure, sans culture, sans humour et sans maîtrise de la langue. Ils s’expriment comme des machines. Je songe souvent, en lisant Le Monde, Le Figaro ou Libération, à des copies d’anciens étudiants médiocres. Ils ont dû faire carrière dans le journalisme.

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Vos essais ont soulevé de vives réactions ; Pays Perdu aussi, roman qui mettait en partie en scène le village du Cantal dont vous êtes originaire et qui a été très mal pris par ses habitants. Est-ce le destin d’un écrivain que de se retrouver seul contre tous ? De prendre des risques ?

Non, pas nécessairement. D’ailleurs, les écrivains sont aujourd’hui très entourés, très bichonnés. L’affaire que vous évoquez est un malentendu profond. Certains ont pris un livre d’éloge pour une dénonciation. Il faut d’abord lire, ça n’a guère été le cas en l’occurrence, et savoir lire : ce texte a engendré d’énormes contre-sens. Savoir lire devient de moins en moins répandu.

La saison des prix approche, la première sélection du Goncourt a été rendue publique mardi. Vous vous y intéressez ? Vous pensez que les arrangements et compromissions qui ont cours pour les prix sont une fatalité ?

Cela n’a plus d’intérêt, sinon financier. D’ailleurs ces jurys se sont depuis longtemps déconsidérés. Je ne crois pas que cela vaille la peine d’en parler. C’est une farce. La littérature n’est pas là. Dommage : les prix pourraient servir à soutenir de petites maisons et de jeunes auteurs sans moyens.

Votre prochain livre Littérature monstre3 paraîtra en novembre. Vous y serez plus indulgent que dans La Littérature sans estomac ?

Cet ouvrage recueille diverses réflexions sur certains auteurs, sur la littérature en général, notamment celle de la fin du XIXe siècle. A partir de la notion de singularité, j’étudie ce que nous devons à cette période, et ce que certains ont mal digéré. Il y a donc une partie très critique, mais qui représente seulement 20% du volume.



1 Cette interview a été réalisée par mail.

2 Crédit photo : Baltel/Sipa.

3 Ouvrage qui paraîtra le 6 novembre à L’Esprit des Péninsules.


COMMENTAIRES

 


  • La lecture des deux livres La Littérature sans estomac et Petit Déjeuner chez tyrannie réserve de grands moments d’hilarité suivie d’effarement. Très, très bien. Même si la situation a (si peu) changé.

    Comme dit Pierre Jourde, la littérature, c’est d’abord le texte.
    Pas la tronche des écrivains qu’on affiche dans les pub et les articles.

    Alors, merci pour cette interview de salubrité publique en ces temps de rentrée « littéraire ».

    Mais il manque une question à Pierre Jourde : Que pense t il du rôle de « boxeur de la littérature » endossé par son ex acolyte Erci Naulleau dans diverses émissions de télé ?

    Arf !

    Zgur

    Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr

    • vendredi 12 septembre 2008 à 11h33, par JBB

      Il est vrai que c’est une question qui méritait d’être posée.

      Le pire de tout, c’est que l’un des rédacteurs de ce site, Lémi aka je-te-dégaine-des-questions-comme-à-la-parade, m’avait suggéré d’aborder le médiatique cas Naulleau dans l’interview. Mais que ce conseil est passé à la trappe quand j’ai envoyé mes questions.

      Pour le reste, tout d’accord avec toi : Jourde est de salubrité publique.

      • vendredi 12 septembre 2008 à 12h39, par lémi

        Je confirme. On m’a bien spolié de mes légitimes questions (on est pas loin de la censure...). C’est vrai quoi : quiconque a déjà confronté la lecture de Petit déjeuner chez Tyrannie avec la réalité des interventions médiatiques du Sieur Naulleau sur des plateaux télé décérébrés, ne peut que s’interroger sur sa posture schizo.

        • vendredi 12 septembre 2008 à 15h07, par JBB

          Pauvre petit chou… :-)

        • mardi 16 septembre 2008 à 21h10, par Zgur

          Ca ne va pas s’arranger avec ça :

          « TPS Star - Eric Naulleau ne chôme pas... Eric Naulleau, qui a remis sa cape de polémiste chez Laurent Ruquier dans » On n’est pas couché « , a pris les commandes de la nouvelle équipe de » Star mag « , la quotidienne sur le cinéma et la culture diffusée en clair sur TPS Star (du lundi au vendredi à 19 h 40). » source LeParisien 15/09/08

          Plus une série d’émission avec qui donc ?
          Mazarine Pingeot !

          Je ne sais pas si l’émission prévue s’appellera Pingeot et Naulleau sont dans un bateau.

          Mais la question à Jourde devrait bien être posée.

          Z’avez pas son courriel pour faire un petit complément.

          Arf !

          Zgur

          Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr/

          • mercredi 17 septembre 2008 à 07h42, par JBB

            Ok, ok, je m’exécute et tente le coup, en lui renvoyant une question.

            Après, on dira pas qu’Article11 est pas un média participatif à la pointe du 2.0, hein…

            • mercredi 17 septembre 2008 à 08h39, par Zgur

              C’est le pauvre petit chou qui va être content !

              Et moi aussi.

              Arf !

              Zgur

              Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr/

              • mercredi 17 septembre 2008 à 10h43, par JBB

                Mieux que ça.

                Si tout va bien, vous aurez une réponse développée de Pierre Jourde. Spécialement pour vous.

                A suivre demain.



  • L’exemple du prix Décembre est parfait pour illustrer la dérive des prix littéraires. Tous les grands prix ont été créés au début comme des anti-Goncourt, soit parce qu’un auteur n’était pas récompensé (Renaudot, Interalllié), ou un courant littéraire (Médicis) ou un sexe (Fémina).

    A ses début (89), cela s’appelait le prix Novembre et les jurés changeaient chaque année, ce qui assurait une certaine indépendance, d’autant qu’ils ne devaient pas non plus avoir de fonctions dans une maison d’édition. Le modèle était le Booker Prize qui est toujours cité comme la référence sérieuse. Le prix se voulait un anti-Goncourt et il était richement doté (100 000 francs, l’un des meilleurs prix avec celui de Monaco). Puis, il y a eu des dissensions avec le mécène, car certains jurés se voyaient bien rester là. Pendant un an il y a eu une guéguerre (journalistique et judiciaire). Une partie des jurés est partie fonder le prix Décembre grâce au soutien financier de Pierre Bergé qui siège avec eux. Le jury n’est plus tournant. On a même embauché Sollers et Beigbeder alors que les clauses de départ étaient l’absence de responsabilités éditoriales.

    Ce qui est cocasse aussi dans ce jury, c’est que l’on y trouve Jérôme Garcin. Or, il y a vingt ans et plus Garcin écrivait son inévitable marronnier sur la corruption des prix et proposait chaque année de faire des jurys tounants comme le Booker Prize. C’était un de ses leitmotivs aux Nouvelles littéraires et dans l’Evénement du jeudi. Maintenant, il n’en parle plus dans le Nouvel Obs... Il est au milieu d’un petit monde qu’il connaît fort bien puisqu’il le reçoit régulièrement dans le Masque et la Plume : Patricia Martin, Arnaud Viviant, Beigbeder. Cela crée des liens. La posture anti-Goncourt a été un marchepied pour Garcin tant qu’il était dans l’orbite de JFK (pour qui toute dénonciation est bonne à prendre et tient lieu de pensée).

    On peut en tirer une loi : tout jury créé pour s’opposer finit par ressembler à ce qu’il ne voulait pas être.

    Au sujet des prix littéraires plus généralement, je recommande les Bêtes à Goncourt (livre daté, car rassemblant des anecdotes antérieures aux années 70) et puis les Mémoires de Jacques Brenner sur les coulisses du Renaudot, ou comment un écrivain de troisième rang, pauvre, avec un statut de petit employé dans une maison d’édition et de critique dans quelques revues, se trouve obligé de suivre l’avis de son employeur. Il y a l’influence de quelques-uns très connus, très bons vendeurs (Sollers ou Beigbeder sont typiques de cet état) et puis il y a la coercition pour des jurés aux revenus plus aléatoires (André Stil, Roger Ikor, Roger Vrigny ou Jacques Boulanger ont été littéralement subventionnés par leurs éditeurs pour des préfaces qui ne paraissaisnt pas ou des romans, des nouvelles qui ne se vendaient pas). C’est ce que Lucien Descaves nommait « le pain des vieux jours ».

    • vendredi 12 septembre 2008 à 12h11, par JBB

      Merci pour toutes ces précision, vous maîtrisez le domaine.

      Je peux le répéter ? Total respect.



  • J’ai adoré lire « La littérature sans estomac » ; mais je crois que je suis revenu de Pierre Jourde. D’une part, maintenant il est bien intégré dans le système de l’édition littéraire ( Magazine littéraire dirigé par Macé Scaron ), et d’autres Pierre Jourde a apporté sa signature à des pétitions aux fréquentation plus que douteuses. Depuis l’affaire des caricatures, il est devenu un adepte du « il est impossible de critiquer l’islam » . Exit donc Pierre Jourde de mes lectures.

    • vendredi 12 septembre 2008 à 12h14, par JBB

      Politiquement, je ne sais où se situe Pierre Jourde et je dois avouer que je m’en fiche un peu.

      Littérairement, je trouve que ce vent frais de liberté et d’honnêteté qu’il fait souffler est plus que souhaitable. Ça me suffit. :-)

      • vendredi 12 septembre 2008 à 12h48, par Pescade

        Disons que lorsque Jourde se met en tête d’écrire sur « la banlieue » ou de chroniquer, par exemple, Jonquet sur la banlieue, il devient beaucoup, beaucoup, beaucoup moins convaincant. Et ne fait que reproduire les fièvres obsidionales qui agitent sporadiquement le 6e arrondissement. Un empilement de stéréotypes et de clichés racistes, sous l’éternelle complainte du « on ne peut pas chier sur l’islam en paix » . Du coup, l’on se demande si sa (juste) charge contre les notables de l’édition française ne tient pas, finalement, à sa seule amertume de ne pas y occuper une place au premier rang.

        Exemple :
        « Au moment où l’on menace de mort un professeur qui critique l’islam*, Thierry Jonquet prend des risques. Le moindre étant de se faire traiter de raciste ou de réactionnaire par les professionnels du prêt-à-penser, par ceux qui préfèrent l’idéologie à la réalité. Ils auront leur responsabilité dans les désastres à venir. Jonquet montre, sans manichéisme, la naissance d’un nouveau fascisme. Car il ne faut pas s’y tromper : c’est bien un fascisme, sous une forme inédite, qui se fabrique dans nos banlieues. Un fascisme sauce islamiste. Certes, ce fascisme-là diffère de l’ancien dans la mesure où il recrute dans les populations issues de l’immigration. Mais tous deux ont en commun la barbarie, la politique de la terreur, la haine des femmes et des minorités sexuelles, la haine de la science, la haine de la République et de la démocratie, le racisme, l’antisémitisme, le négationnisme. L’un passe à l’autre les “Protocoles des sages de Sion” »

        C’est frais et goûtu, non ? Et d’une folle originalité.

        (*) Redeker, bien sûr

        Voir en ligne : Quand Jourde dit tout haut ce que BHL dit tout haut

        • vendredi 12 septembre 2008 à 18h31, par Rouletabille

          Je souscris à vos propos.
          Comme quoi, il ne faut jamais mythifier qui que ce soit.

          Rouletabille

          • lundi 15 décembre 2008 à 19h00, par Eizy

            Et si plutôt que de baisser votre appréciation du personnage pour des propos sur un autre sujet qui heurte votre appréhension de la réalité, vous en profitiez plutôt pour revisiter celle-ci ?

            Quand Jourde dénonce ce qui vous « gratte », vous le vénérez,
            quand Jourde dénonce votre vision de ce qui se passe dans les banlieues, alors c’est donc qu’il se trompe ?

            Pas d’accord. et d’accord avec Jourde sur toute la ligne.

            EE

      • dimanche 14 décembre 2008 à 14h50, par Yenayer

        Pierre Jourde me donne l’occasion de préciser les choses :

        Voir en ligne : Pierre Jourde bientôt adoubé par BHL



  • Bonjour,
    je trouve amusant d’écrire dans le texte de présentation « pamphlet jubilatoire » qui est l’expression tarte à la crème que l’on nous inflige constamment.

    Voilà ;voilà...

    • vendredi 12 septembre 2008 à 15h09, par JBB

      Bonjour

      Pas de problème, j’assume.
      Voilà ; voilà…

    • Jourde a fait un travail de désencombrement absolument nécessaire - tout en ayant plus d’échos que ces milliers d’auteurs et de lecteurs qui disent tpout ça depuis longtemps. Les artistes de cours ont toujours existé, aujourd’hui la Cour est médiatique, voilà tout. Un récit qui ne pose pas chaque fois la question de savoir, ici et maintenant, ce qu’est un récit, se voue à une écume éphémère - qui parlera des ouevres de BHL ou d’Angot dans 50 ans ???

      Voir en ligne : La Cour médiatique



  • petit message personnel : tu es tjrs aussi bon jbb... avec toute mon admiration !

    • jeudi 9 octobre 2008 à 12h35, par JBB

      [HS

      Coucou Matthieu :-)

      Content de voir que tu passes de temps en temps par ici. C’est un plaisir que d’avoir de tes (succintes) nouvelles.

      Pour le compliment, c’est gentil, mais sur ce coup je n’ai aucun mérite : c’est Pierre Jourde qu’il faut féliciter.

      (La prochaine fois que tu passes sur paname, appelle-moi. J’aimerais bien te croiser)

      HS]



  • samedi 20 décembre 2008 à 00h40, par Pescade

    Eh bien ce brave monsieur Jourde nous livre enfin ce qu’il a sur le cœur. Tout un empilement de poncifs plus dégueulasses et plus racistes les uns que les autres. Fantasmes, extrapolations délirantes et haine de la plèbe par l’élite fin de race. Le tout déballé sur ce site de la gauche d’extrême droite qui encense Zemmour. Gageons que Jourde aura bientôt droit à son rond de serviette au « Meilleur des mondes ».

    Voir en ligne : Le prêt-à-penser de la droite extrême

    • samedi 20 décembre 2008 à 12h38, par JBB

      Je ne sais pas trop quoi dire. Le texte est désolant, en effet.

      Dommage, vraiment.

      • mercredi 21 janvier 2009 à 22h48, par Pescade

        Oh ben zut, Pierre Jourde a encore fait un gros caca. Dans le fond comme dans la forme.

        Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/opinions/arti...

        • jeudi 22 janvier 2009 à 10h06, par JBB

          C’est très triste de bêtise et de parti-pris, en effet. Et j’aurais clairement préféré n’en rien savoir, tant je portais d’admiration à la plume sanguinaire et salutaire de Pierre Jourde en matière de littérature. Je lui garde cette admiration-ci, bien limitée à cette sphère-là, et je regrette très fortement ces saillies inutiles sur le conflit israélo-arabe, façon Zemmour ou BHL. Dommage, vraiment.

          • jeudi 22 janvier 2009 à 20h53, par Pescade

            Vois-tu, c’est pour cela que si je lui fais crédit de sa critique d’un milieu qu’il connaît de l’intérieur (en l’occurrence, le salon germano-pratin), en revanche je lui décerne le golden trophée du fantasme godwinien sur une réalité qu’il ignore. Ou alors il est dans le pur travestissement, pour plaire à la cour (c’est un pur procès d’intention, je l’admets).

            Et je trouve qu’il n’y a pas de meilleure réponse à cette abjecte bouillie (littéraire ???) que le texte de Juan Goytisolo publié, le même jour, sur la page d’en face :

            Voir en ligne : Sentir la douleur de l’autre camp

            • vendredi 23 janvier 2009 à 12h24, par JBB

              Je ne peux qu’approuve totalement. Et particulièrement : « le golden trophée du fantasme godwinien sur une réalité qu’il ignore ». C’est tout à fait ça. :-)

              Pour Goytisolo, c’est plutôt une très bonne idée. Je vais tenter le coup.

          • jeudi 22 janvier 2009 à 20h54, par Pescade

            Et d’ailleurs, un entretien avec Goytisolo ça aurait de la gueule sur article 11. Non ?



  • mercredi 4 février 2009 à 13h31, par quelqu’une

    Pierre Jourde ou le racisme sans estomac
    http://bougnoulosophe.blogspot.com/...

    On pouvait lire, il y a quelques jours, dans les pages Opinions du quotidien de référence français, un texte qui ferait passer Glucksmann pour la Princesse de Clèves. En voici un extrait : « Depuis l’entrée de Tsahal dans la bande de Gaza, les médias parlent benoîtement d’ ’importation du conflit’, de ‘violences intercommunautaires’. Elles sont tout de même un peu à sens unique, les violences ‘intercommunautaires’. Cela consiste, en gros, à ce que des jeunes gens d’origine arabo-musulmane s’en prennent à des juifs, manifestant par là leur soutien à leurs « frères » palestiniens opprimés. » Remarquez tout d’abord le doux euphémisme de « l’entrée » de Tsahal, on entre en religion, Jésus entre à Jérusalem et bien Tsahal « entre » à Gaza, c’est entendu, tant pis pour les bruits de bottes, alléluia ! Mais là n’est pas l’essentiel. Le problème avec le rimailleur Jourde, c’est que chez lui tout est « en gros »... Qu’il nous gratifie de la propagande de guerre israélienne disponible dans tous les forums du net, hasbara oblige, cela s’est déjà vu, et cela ne nous étonne plus guère. Mais que ce soit fait avec des moyens aussi grossiers, c’est une insulte au lecteur… On y trouve par ordre d’apparition : la nazification du Hamas, la lâche tactique des « boucliers humains », l’émergence d’un nouvel antisémitisme et la persistance de l’ancien tout à la fois, la focalisation trouble sur Israël, la figure du juif comme bouc émissaire universel et transhistorique… Que du subtil ! Que du mille fois ressassé. Que du passé repassé en boucle dans la petite lucarne - quand Jourde écrivait la machine à abrutir, c’était une auto-biographie ! Et, clou du spectacle, pour conclure sa mauvaise dissertation : « Une poignée de juifs qui transforment un désert en pays prospère et démocratique, au milieu d’un océan de dictatures arabes sanglantes… » Nous ressortir le coup du désert fleuri à coup d’engrais sioniste (le sang de Deir Yassin n’est-il pas le meilleur des fertilisants ?), il fallait oser, et Jourde la fait ! Car Jourde, il ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît... Pourquoi pas nous vanter la beauté et les mœurs légères des filles du Kibboutz ? Ex-fan des sixties où sont tes années folles ? Pour la méthode, Jourde, le petit télégraphiste de Tel-Aviv, nous mitraille de poncifs, nous bombarde de clichés, nous canonne de stéréotypes, c’est un peu son effort de guerre à lui, nous rappelant cet invariant, depuis Camus au moins, derrière la plume des hommes de lettre français se cache un casque colonial ! Car, quoi qu’on en dise, ils ne sont pas bien nombreux les Jean Genet en France... Son texte torché à la hâte, « en gros », fourmille d’illustrations des temps bénis, tant par ce qui est affirmé que par ce qui est occulté. Colonialisme old school : il n’est qu’à voir son apologie grotesque d’Israël tout droit sortie d’un prospectus du chargé de communication de Tsahal. Néo-colonialisme : « En quoi un Français est-il impliqué dans un conflit international, sinon au nom de la justice universelle ? » s’interroge Jourde naïvement, sait-il seulement ce qu’est la Françafrique ? C’est sans doute par nostalgie, si il y a tant de soldats français sur ce continent… Postcolonialisme : le pauvre Jourde ne peut concevoir l’identité en terme complexes, en tous cas pas pour « les jeunes gens d’origine arabo-musulmane », puisqu’il leur faut être Français c’est-à-dire universel (sic) ou Arabe ou Musulman… Par contre, pour ce qui est de l’occultation, le portrait du soldat franco-israélien Shalit qui se trouve sur le fronton de nombreuses Mairies de France, Jourde n’y trouve rien à redire, Jourde ne connaît pas plus ce genre littéraire qu’est l’Eurabia, un genre dystopique qui est né en Israël et qui sent si bon le racisme anti-Arabe et la conspiration… Finalement, le texte de Jourde est un symptôme, celui d’une élite française qui cache derrière sa dénonciation de l’antisémitisme, derrière un philosémitisme ambigu et de façade, dont Israël n’en est que l’opérateur, un racisme postcolonial qui, lui, s’assume en toute quiétude. Pour ce qui est de la littérature, qu’est que nous propose l’écrivaillon Jourde ? Un racisme « en gros » sans « petite musique », sans estomac, rien qu’y fasse danser la langue, même dans le pire n’est pas Céline qui veut. Les paysans du Cantal qui avaient botté les fesses de Jourde il y a quelques années l’avaient bien compris. Car son Pays perdu n’était ni le leur ni celui des Palestiniens...

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