ARTICLE11
 
 

vendredi 29 juillet 2011

Entretiens

posté à 14h54, par ZeroS et JBB
64 commentaires

Benjamin Bayart : « Il est désormais possible de relocaliser le monde »
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Dans « Internet libre ou Minitel 2.0 », conférence donnée en 2007, il disait brillamment sa crainte d’une verticalisation du Net. Quatre ans plus tard, rien n’a changé, sinon que les sombres nuages menaçant la neutralité des réseaux s’accumulent de plus en plus. Benjamin Bayart en parle ici, évoquant aussi - entre autres - la question de la propriété intellectuelle ou la menace représentée par Google. Entretien numérique.

La neutralité du réseau - soit la garantie que tous les flux seront traités à égalité sur le Net - est peu à peu, et sans doute parce qu’elle est de plus en plus menacée1, devenue une question politique et médiatique. Il n’y a plus grand monde pour ne pas savoir ce dont il s’agit, et chacun a compris l’absolue nécessité de la préserver.
Il n’en allait pas tout-à-fait - voire : pas du tout - de même il y a quatre ans : la neutralité du réseau était alors l’affaire de quelques geeks politiques, peinant à se faire entendre du grand public. Parmi ces précoces sonneurs d’alerte : Benjamin Bayart. Avec une conférence donnée en juillet 2007 à Amiens, intitulée « Internet libre ou Minitel 2.0 » et abondamment visionnée sur le Net (elle est notamment consultable ICI), l’homme a largement contribué à faire comprendre l’importance de l’enjeu.
Le président de FDN, plus ancien fournisseur d’accès encore en exercice en France, s’est aussi battu contre Hadopi et pour les logiciels libres. Disons, pour résumer, qu’il milite pour un Internet libre. Il nous en parlait il y a deux mois, voici l’entretien qui en résulte.

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Comprendre Internet : c’est un vrai enjeu ?

Je suis retombé hier soir sur le livre Confessions d’un voleur, de Laurent Chemla, l’un des cofondateurs de Gandi2 ; le titre de l’ouvrage vient d’une chronique publiée dans Le Monde, où il expliquait être un voleur parce qu’il vendait des courants d’air. C’est-à-dire des noms de domaine. Son livre - librement consultable en ligne - date de 2002 mais ses analyses n’ont pas pris une ride. L’auteur pose parfaitement ce qu’est Internet, l’effet que le réseau a sur la société, comment il la restructure et quels profonds bouleversements vont en découler. Et il explique que les politiques sont outrés de voir débarquer des gueux dans leur salon doré et se mêler de leurs affaires – ni plus ni moins que la définition de Wikileaks.

Cette très fine compréhension d’Internet n’est pas partagée de tous. De loin. D’abord parce qu’il y a une évidente fracture générationnelle : chez les plus de 50 ans, il n’y a pas grand monde pour comprendre ce qu’est Internet – quelques personnes tout au plus. S’y ajoute un problème de compréhension instinctive de ce qu’est le réseau – je ne parle pas de savoir envoyer un mail, mais d’avoir tellement intégré les pratiques du réseau qu’elles deviennent normales : c’est le cas aujourd’hui d’à peu près tous les moins de 25 ans. À l’inverse, les politiques n’y comprennent rien. Et c’est le cas à droite comme à gauche, extrême-gauche comprise.

D’ailleurs : avez-vous déjà lu les positions du NPA sur le réseau ? Elles sont à peu près aussi brillantes que celles de l’UMP... Ce que propose le NPA, c’est de fermer toutes les boîtes privées, de nationaliser France Telecom et de faire un Internet d’État. Leur niveau de réflexion ne va pas plus loin que cette idée : c’est une industrie, il faut la nationaliser. Point. J’ai pas mal de copains au NPA qui essaient de pousser pour que le programme intègre deux-trois fondamentaux. Quelques petites choses sur les logiciels libres versus les brevets, par exemple, ce ne serait pas idiot.
Le seul parti politique de France, à ma connaissance, qui ait réellement quelque chose d’intéressant sur le réseau dans son programme est le PCF. Soit une ligne assez claire, votée il y a près de dix ans, qui prenait position contre les brevets logiciels. Ils ont une avance considérable sur le sujet. Hors cela : morne plaine.

Tu mentionnais deux-trois fondamentaux pour comprendre le réseau. Quels sont-ils ?

En fait, il ne s’agit pas de comprendre le réseau, mais la société qui vient. Et parmi ces fondamentaux, il y a d’abord la nécessité de comprendre la modification du tissus social. C’est assez facile à expliquer. Posons qu’une société se définit par les interactions entre les gens : le média structure la société. Il n’y a là rien de neuf. C’est-à-dire qu’il y a eu la société de l’écriture manuscrite, puis la société que l’imprimerie a formé – qui est l’un des facteur-clés dans le passage du Moyen-Âge à la Renaissance. Il y a ensuite la société que la télévision a formé, qui est encore différente. Et enfin, il y a Internet, qui change beaucoup plus profondément les choses que la télévision.
Ces évolutions techniques portent des modèles profonds. L’imprimerie, c’est un éditeur qui juge que l’écrit est suffisamment important pour être publié et qui le diffuse vers des lecteurs n’ayant pas eu leur mot à dire dans cette décision. C’est un monde vertical. Alors qu’avec Internet, tout le monde publie, et lit qui veut bien lire. Le modèle – je parle bien du réseau, pas de services à la Google ou Facebook – est ainsi totalement horizontal.

Premier point, donc : le changement de structure de la société. Dans le monde de l’écrit, vous êtes en contact avec quelques dizaines de personnes – tout au plus. Dans le monde d’Internet, le plus crétin des ados boutonneux a deux cents amis sur sa page Facebook. Le changement de structure est intéressant. Mes parents ou mes grands-parents ne correspondaient pas par écrit avec une cinquantaine personnes. Correspondaient-ils plus profondément, plus véritablement ? Peut-être... Mais ce n’est pas la question.

Deuxième point : comprendre les enjeux de la question de la propriété intellectuelle. Toute cette société dont on parle est la société du savoir. Les savoirs sont les seules choses y existant réellement ; dans cette société-là, le monde lui-même est une construction intellectuelle. Par conséquent, la notion de propriété intellectuelle est à revoir totalement. Relisez les textes de Louis Blanc sur la question de ce qui était à l’époque appelé propriété littéraire. Il posait parfaitement le problème : comment voulez-vous être propriétaire d’une idée ? Soit vous la gardez dans le fond de votre tête, vous ne l’énoncez jamais et – simplement – elle n’existe pas. Soit vous l’énoncez, et sitôt qu’elle est entendue, elle se répand ; comment voulez-vous la retenir, l’attraper ?

La question de la propriété intellectuelle n’a pas de sens ?

Bien sûr que non. Parce qu’une idée ne peut pas être à vous. Si vous étiez né dans une grotte d’ermite, abandonné par vos parents et élevé par des loups, et qu’il vous vienne une idée géniale, on pourrait légitimement supposer qu’elle est un peu à vous ; elle serait à 90 % aux loups, mais un peu à vous. La véritable quantité d’innovation dans une œuvre de l’esprit est toujours marginale. À preuve, si une œuvre de l’esprit est trop innovante, elle devient incompréhensible : si vous inventez la langue dans laquelle votre texte est écrit, il ne sera jamais lu.

La très grande majorité d’une œuvre appartient donc de facto à la société. L’apport de l’auteur est extrêmement faible – ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de valeur. C’est l’une des raisons pour laquelle, dans les débats sur le droit d’auteur au début du XIXe, un grand principe s’est imposé, celui du domaine public. Par principe, toute œuvre appartient au domaine public ; par exception et pendant un temps donné, une exclusivité est accordée à l’auteur. C’était alors une exception de très courte durée ; de mémoire, ce devait être neuf ans renouvelables une fois. Aujourd’hui, cette durée est devenue délirante : on parle de rémunérer les petits-enfants pour le travail effectué par le grand-père... Tout se joue – en fait – à l’aune de Disney : à chaque fois qu’on va atteindre la date de fin des droits d’auteur pour papa Disney, les Américains font le forcing pour qu’on rallonge cette durée. Ça fait déjà un moment qu’on est passé à cinquante ans après la mort de l’auteur, puis c’est devenu soixante-dix quand on a atteint les cinquante ans après la mort de Disney. Et là, ils essayent de pousser pour qu’on passe à 90 ans parce qu’on va bientôt atteindre les 70 ans après la mort de Disney. Pour eux, pas question que Mickey entre dans le domaine public.
Le paradoxe, c’est qu’en fait Mickey est dans le domaine public depuis des dizaines d’années. Tout le monde le connaît, il est même devenu un mot de la langue courante. Mieux : le personnage est en train de tomber dans l’oubli. Cherchez dans votre entourage combien d’enfants ont vu un dessin animé avec Mickey : assez peu. Le mot est donc devenu courant, le personnage tombe dans l’oubli, mais il n’est pas encore entré dans le domaine public. Délirant.

Il faudrait revenir à ce qu’était le droit d’auteur à l’origine : l’auteur d’une œuvre était associé à une exclusivité temporaire dans le cadre d’une exploitation commerciale. Le droit d’auteur protégeait alors les artistes contre les marchands. Il s’agissait d’empêcher que ces derniers ne s’enrichissent indûment sans rémunérer les auteurs. Il faudrait que ça redevienne le cas. Empêcher, par exemple, qu’Apple ne s’enrichisse indûment de la musique des gens avec sa plate-forme iTunes. Pour rappel, il y a quelque chose comme 50 % des revenus d’iTunes qui tombent directement dans les poches d’Apple, le reste partant vers les maisons de disque, où est opéré le partage habituel : au final, seuls 6 ou 7 % de ces 50 % finissent dans les poches de l’auteur. Quand il était encore question de support matériel, ça pouvait – à la limite - se justifier : la fabrication du support coûtait cher, comme la gestion du stock. Mais une fois que le support matériel n’est plus, il en va tout autrement.

Que le support matériel disparaisse : n’est-ce pas un autre de ces fondamentaux que vous évoquiez ?

Tout-à-fait : la dématérialisation est un pilier de cette société qui vient. Une quantité phénoménale de choses n’ont désormais plus besoin de support matériel – musiques, films, écrits. Sur ce point, nombre de gens s’emmêlent les pinceaux : ils disent « virtuel » là où il faut dire « immatériel ». La discussion que vous avez sur Facebook, par mail ou par IRC est immatérielle, et non virtuelle ; ce ne sont pas des êtres imaginaires qui parlent. Le monde de la société du savoir, qui se développe autour d’Internet, n’est pas un monde irréel. La distinction est essentielle.

Le réseau est l’espace physique dans lequel s’inscrit le monde immatériel. Et on ne peut pas accepter que la physique ne soit pas neutre, que la physique du monde dans lequel on vit soit différente selon que vous soyez riche ou pauvre. S’il y a une chose qui touche les riches comme les pauvres, c’est bien la mort, la maladie ou le fait de voir apparaître une bosse quand on se cogne. Il en va de même sur le réseau. C’est fondamental : il n’est pas possible que le substrat de la société à venir soit non-neutre. Attenter à la neutralité des réseaux devrait donc être considéré comme un crime assez grave.

De quoi s’agit-il ?

Le modèle de développement d’Internet est d’être totalement acentré. Il n’y a pas de centre, pas de partie plus importante ou par principe plus grosse que les autres, afin de rendre l’ensemble indestructible. Les échanges y sont normalisés de manière à préserver une grande hétérogénéité ; Internet a été conçu pour que deux ordinateurs de marque et de constructeur différents puissent discuter entre eux, pour peu qu’ils respectent un tout petit bout de norme.

Ce réseau acentré existe, même s’il est en même temps un optimal qu’on n’atteint par définition jamais. Et ce réseau a de grandes vertus, dont celle de garantir les libertés sur Internet. Je prends un exemple : s’il n’y avait plus que des plateformes centralisées de blogs, vous y publieriez ce qu’on voudrait bien vous laisser publier – nous serions revenus au modèle de la télévision. Mais pour l’instant, aucune plateforme ne peut se permettre de trop censurer, parce qu’il suffit de dix jours pour lancer une nouvelle plateforme. C’est cette capacité d’acentrer qui garantit les libertés dans les systèmes centralisés.

Cela évoque autre chose : il y a finalement une notion de biodiversité sur Internet. C’est-à-dire qu’il y a une diversité strictement nécessaire. Par exemple, s’il n’y a plus qu’un seul système d’exploitation, le réseau change très vite, pouvant dériver vers autre chose. On l’a vu quand Internet Explorer était ultra-hégémonique : le web était paralysé, il n’a à peu près pas évolué pendant dix ans.

Tout cela renvoie – enfin – à l’existence d’une masse critique. S’il n’y a plus assez de partie acentrée, très vite le système dégénère et s’effondre. C’est pour ça que j’ai lancé le sujet sur le minitel 2.0 ; je redoutais et je redoute encore qu’on descende en-dessous de la masse critique. Par exemple, le jour où le service mail sera trop centralisé, ceux qui n’utiliseront pas de grosses messageries se retrouveront le bec dans l’eau. Pour rappel : il y a à peu près 150 fournisseurs de mail sur la planète, dont des très importants (Gmail, Hotmail, Facebook...), des importants (qui sont les gros FAI en général, dont Orange et Free) et enfin, autour, des moucherons. Que les très importants et les importants décident de ne plus parler qu’entre eux, c’est-à-dire de bloquer les mails des moucherons, et ces derniers disparaîtront. C’est en cours. Il y a des périodes où les mails sortant de telle ou telle micro-structure ne sont pas acceptés par Hotmail, d’autres périodes où ils se retrouvent d’office classés par les spams.
Mais tant qu’il reste une masse critique, en l’espèce 1 % du trafic mail géré par les moucherons, les géants ne peuvent pas les ignorer totalement ; ils sont obligés de faire un tout petit peu attention à eux. Au risque, sinon, de provoquer trop de remous : 1 % de la population, ça peut faire du bruit...

C’est étonnant de vous entendre parler – un peu au-dessus – de biodiversité : ça semble incongru s’agissant d’Internet...

Et pourtant... Une illustration très parlante : les écolos sont en train de se saisir de cette idée de réseau acentré, et tout ce qu’ils construisent autour de la notion de développement durable ressemble énormément à Internet. Exemple : les travaux se penchant sur la meilleure façon de gérer l’électricité dégagent deux gros modèles. Soit on a recours à d’énormes centres, qui diffusent des puissances électriques monumentales sur des réseaux gigantesques et où on utilise à peu près 30 % de l’énergie pour chauffer le réseau (c’est-à-dire qu’on la perd en ligne). Soit on est sur des modèles totalement acentrés, où chacun produit un petit peu d’électricité servant à se chauffer (si nécessaire), ou à chauffer les voisins (si superflu). Les écolos se rendent compte, aujourd’hui, que ce second modèle est beaucoup plus efficace.

Ce modèle ressemble d’ailleurs beaucoup à d’antiques modèles de société, qui sont des sociétés beaucoup plus résilientes. Au XVIe siècle, la peste avait besoin d’un bon bout de temps pour aller d’une partie du pays à l’autre ; aujourd’hui, elle ne mettrait pas quinze jours... La résilience de ces réseaux, on la connait donc depuis très longtemps.
Le grand intérêt des systèmes ultra-centralisés qu’on a commencé à construire au Moyen-Âge était de gagner en communication, en vitesse, de permettre à la civilisation de progresser beaucoup plus vite. Mais quand on arrive à l’extrême de ces modèles-là, on débouche sur le monde de la fin du XXe siècle. Soit des sociétés folles, qui sont devenues très fragiles – presque rien suffit à les faire vaciller. Des systèmes dangereux – à l’image des centrales nucléaires. Le problème est là.

Il en va de même en ce qui concerne les serveurs. Si vous avez chez vous un petit bout de serveur qui correspond parfaitement à la puissance dont vous avez besoin (soit moins de puissance qu’un iPhone pour la majorité des gens, c’est-à-dire une quantité d’énergie très limitée) : parfait. Pas besoin d’alimenter des bandes passantes énormes vers des serveurs qui sont à l’autre bout de la planète, stockés par centaines de milliers dans un data-center de 30 000 mètres carrés qu’il faut refroidir en permanence – pour peu que ce soit dans les déserts de Californie, il faut les climatiser.... L’efficacité énergétique est bien meilleure quand le réseau est décentralisé, il est même possible de l’alimenter avec un petit peu de photovoltaïque. Essayez un petit peu d’alimenter un data-center avec du photovoltaïque, on va doucement rigoler...
Pour résumer : tel qu’il existe aujourd’hui, le coût énergétique du réseau est négligeable par rapport aux gains qu’il permet ; mais il est très important par rapport à ce qu’il pourrait être. Par contre, le coût énergétique des machines de Google – qui ne participe pas du réseau, mais des services – est tout simplement énorme. Vous saviez que Google, qui doit faire tourner peu ou prou dix millions de machines, était le deuxième ou troisième plus gros fabricant d’ordinateur au monde ? Juste pour ses propres besoins... C’est du délire.

D’autant qu’il s’agit d’un service dangereux et intrusif...

Bien sûr. Les atteintes à la vie privée opérées par Google sont inacceptables. Le côté monopolistique de la chose est épouvantablement dangereux. Pour le moment, Google se comporte relativement bien en terme de respect des libertés, mais il n’y a aucune raison que ça dure – donc ça ne durera pas. Google, c’est à deux doigts d’être Big Brother : il sait tout sur tout le monde, tout le temps.

C’est une vraie question : on a là un machin qui indexe la totalité de la connaissance en ligne, plus que n’importe quelle bibliothèque dans le monde. Qui indexe la totalité des échanges en public, comme s’il indexait toutes les conversations de tous les bistrots du monde. Qui indexe – pour peu que vous utilisez Gmail - votre messagerie personnelle, qu’il met en relation ou non, comme bon lui chante, avec la messagerie personnelle des gens qui vous ont écrit ou à qui vous avez écrit. Qui est capable de vous présenter des publicités ciblées, puisqu’il connaît toutes les recherches que vous avez effectuées et quels sont les liens que vous avez sélectionnés dans les résultats de cette recherche. C’est affolant...
Il y a une différence entre la vie du village, où tout le monde surveille tout le monde, et la société de Google, où Google surveille tout le monde. Une différence évidente. Dans la société du village, je suis tout le monde, je surveille mes voisins presque sans le faire exprès. Ok. Mais si un point – en l’espèce Google – surveille tout, et l’homme qui le contrôle bénéficie d’un pouvoir sidérant. C’est un vrai problème, beaucoup plus sérieux que tout le reste.

Il ne s’agit pas que de Google. Tout cela, ce que j’évoque ici, renvoie à un phénomène que je détaillais largement dans ma conférence sur le Minitel 2.0 : la verticalisation du Net. Celui qui tient le point d’émission décide de ce qu’on a la droit d’émettre. Un exemple super simple, dont je suis supris qu’il n’ait pas fait davantage hurler : l’iPhone ou l’iPad, sur lesquels il est impossible de visionner du contenu pornographique. Les petites moeurs de Steve Jobs définissent ce qu’on a le droit de faire ou non sur un de ses appareils3... C’est un objet que j’ai acheté, sur lequel je peux lire des contenus, regarder des images, visionner des vidéos, et je n’ai pas la liberté de choisir les vidéos en question ? C’est surnaturel ! Et tout ça parce que le patron de la boîte qui me l’a vendu trouve que « touche-zizi » c’est mal...
Nous sommes en plein dans le délire de la centralisation. Steve Jobs n’a pas encore imposé ses idées politiques, mais ça viendra. Et les gens ne réagissent pas, achètent quand même Apple ou choisissent Gmail pour messagerie. Le pire, c’est que ce sont parfois les mêmes qui prétendent défendre les libertés...

Comment renverser la vapeur ?

Il faut d’abord expliquer, faire des efforts de pédagogie ; les gens doivent par exemple comprendre combien Google est dangereux et apprendre à s’en passer. Il faut aussi se débrouiller pour que les outils deviennent plus simples d’usage.

Quand j’ai débuté sur le réseau, les gens considéraient compliqué d’envoyer un mail ; ce n’est plus le cas. Il faut espérer que cette évolution se poursuive. Par exemple : si dans un avenir proche, chacun pouvait s’héberger à domicile - c’est-à-dire posséder un petit serveur personnel -, une bonne partie du problème serait résolu. Il n’y a là rien de difficile : n’importe quel accès Internet fixe permet en France d’héberger un serveur, il manque juste des outils simples d’utilisation. Si les gens comprenaient en sus pourquoi il est essentiel de s’auto-héberger, l’autre partie du problème serait réglé.

Nous n’y sommes évidemment pas. Mais cela progresse. Les geeks ont désormais compris qu’il fallait permettre la compréhension du plus grand nombre. Et ils ont aussi compris qu’il y avait effectivement un danger. Que Youtube est utile, mais dangereux. Que Facebook est ultra-dangereux. Que toutes ces plate-formes centralisées sont à éviter. Encore une fois, un bon moyen de les éviter tient à l’existence d’une masse critique acentrée.

C’est finalement étrange que ce combat pour un modèle acentré ne soit pas davantage porté par les sphères radicales...

C’est un problème : dans l’effort de sensibilisation actuellement mené, nous constatons qu’il existe certains publics que nous n’arrivons pas à atteindre. Pour moi, la question du réseau acentré devrait intéresser les gens de la sphère altermondialiste, écolo, libertaire, etc.

Toute la frange écolo ou altermondialiste devrait pourtant comprendre que le sujet est absolument central, que leurs débats perdent tout sens sans le réseau. Internet est l’un des outils majeurs de la gestion de la fin du pétrole, parce qu’il réduit très largement les déplacements. Si tu veux revenir dans une société où tu consommes local, ça signifie que tu ne passes pas ton temps à faire 200 bornes en voiture. Mais comment faire pour que ça ne corresponde pas à un déclin de l’humanité, c’est-à-dire à une baisse des connaissances scientifiques ou des savoirs techniques ? Comment feras-tu pour suivre des études universitaires en physique quantique si tu ne peux pas sortir de ton village de province ? Comment feras-tu pour que ta petite université de province ait accès à la totalité des savoirs scientifiques ? Sans le réseau, c’est impossible.

En centralisant, on avait appris à faire des choses qui n’étaient pas possibles avant : les grandes bibliothèques universitaires permettaient de stocker beaucoup plus de savoirs. Aujourd’hui, c’est l’inverse : impossible de réunir tous les savoirs tant les choses vont vite et tant les publications, en France comme à l’étranger, se sont multipliées. Et il n’y a plus que le réseau pour permettre un libre accès à toutes les publications scientifiques du monde, qu’elles traitent de physique, de mathématiques ou de chimie, qu’elles soient rédigées en hindou ou en italien. Il faut comprendre que le réseau sert à ça, à décentraliser, à t’offrir tout le savoir de l’humanité sans que tu n’aies besoin de te déplacer... Il est désormais possible de relocaliser le monde parce que ce qui avait été obtenu par centralisation – à savoir la réunion d’une grande masse de connaissances à un endroit, d’une grande masse de production à un autre – peut désormais être obtenu de manière acentrée avec le réseau.



1 Ainsi des très récentes propositions de quelques grands patrons des télécoms, réunis à Bruxelles, de mettre en place un Internet à plusieurs vitesses. Le site Numérama écrit : « Prenant l’objectif européen comme une aubaine pour prétendre que le déploiement du très haut-débit à court terme ne peut se faire sur les mêmes bases que précédemment, le groupe conclut que l’Europe « doit encourager la différenciation en matière de gestion du trafic pour promouvoir l’innovation et les nouveaux services, et répondre à la demande de niveaux de qualité différents ». Il s’agit donc de faire payer plus cher ceux qui souhaitent accéder sans bridage à certains services qui demandent davantage de bande passante. »

2 Hébergeur alternatif lancé en 2000, marqué de l’idée d’un Internet citoyen.

3 Steve Jobs a notamment déclaré : « Nous pensons sincèrement que nous avons une responsabilité morale d’écarter la pornographie de l’iPhone. Les gens qui veulent du porno peuvent acheter un téléphone Android. »


COMMENTAIRES

 


  • Merci encore pour cet excellent billet !

    Article.11 à la charge numérique de ré-enchanter le journalisme !

    Au passage, le numéro 6 est simplement impeccable, continuez ainsi, vous tenez le bon bout < ;



  • vendredi 29 juillet 2011 à 18h50, par un-e anonyme

    Si seulement tout le monde écoutait Benjamin Bayart...



  • Super billet à quatre mains qui parle d’internet et d’informatique dans une langue que je comprend !

    Je ne connaissait pas tout ce travail d’information de Benjamin Bayart. C’est bête, mais je n’ai pas assisté à la convention du logiciel libre à Stras il y a quinze jours. Je ne suis pas un geek, j’ai à chaque fois un peu de mal à comprendre les interventions de gens passionnés qui discutent de ça... quand tu es largué, c’est difficile de participer.

    On reste tributaire de ce qu’on ne maîtrise pas, c’est certain. D’autant qu’avec les blogs, les liens se tissent au-fur et à mesure (les indiens de la toile ;-) ! Alors il serait dommage que tout nous pète à al figure et qu’on ne puissent plus communiquer... alors que les possibilités de devenir indépendant, ou du moins auto-suffisant paraissent assez simple (à la lecture de l’article).

    il manque juste des outils simples d’utilisation. Si les gens comprenaient en sus pourquoi il est essentiel de s’auto-héberger, l’autre partie du problème serait réglé.

    Quels sont ces « outils » ?

    ce combat pour un modèle acentré ne soit pas davantage porté par les sphères radicales

    Le problème se pose une fois qu’un site est mis sous le coup de la justice (ex le JL avec des photos de tag qui ont permis de remonter aux personnes)... idem avec les blogs, quand tu utilises un truc tout fait, tu n’as pas à te prendre la tête pour poster, c’est assez simple, voir ludique (blogspot - tumblr), mais tu reste prisonnier de l’hébergeur. L’utilisation du site alternatif avec serveur alternatif pour la legalteam c’est par contre assez laborieux... mais tu es « libre ».

    Comment feras-tu pour suivre des études universitaires en physique quantique

    La fracture numérique. Dans mon pôv patelin de l’Est, c’est la misère niveau débit... donc quasi impossible de suivre quelque chose de type visioconférence : Débit descendant : 770 kbps (96.3 Ko/s) - Débit montant : 311 kbps (38.9 Ko/s) - Ping : 76 ms
    - ven. 29 juil. 2011 20:56:41

    Skype fonctionne assez bien par contre.

    Et à très bientôt pour une rencontre matérialisé !

    amitiés



  • vendredi 29 juillet 2011 à 22h53, par un-e anonyme

    C’est pas pour faire du mauvais esprit, m’enfin, il est pas en train de chanter les louanges de la concurrence contre les vilains monopoles, là ? Nonobstant que lesdits monopoles résultent directement de la concurrence, c’est une fatalité du capitalisme.
    Ça fait un peu parallèle à un discours sur les vertus du petit commerce contre le méchant grrrrrand capital. Comme si le petit était meilleur, ou qu’il n’avait pas de tendance monopolistique naturelle...

    J’entends bien l’attrait, mais est-ce que c’est vraiment sérieux ? Est-ce que l’union des ’petits’, c’est chacun son petit serveur/ferme/éolienne ? Est-ce que c’est vraiment ce qu’on peut espérer de meilleur ? Ou même : est-ce que c’est un espoir qui un sens ?

    Chacun pour soi et la main invisible du réseau décentralisé pour tous ?

    Ça paraît un fort de café quand même...

    Ps : Je vais citer parce que ça me paraît vraiment typique d’un discours qui confond « révolution » technique et révolution sociale.
    « On l’a vu quand Internet Explorer était ultra-hégémonique : le web était paralysé, il n’a à peu près pas évolué pendant dix ans. »
    Pendant ce temps-là, on n’avait pas de bulles de start-up, ni de bulles de la sécurité électronique - qui a suivi de très près. Ni de boursicoteurs à tous les coins de rues, d’ailleurs. La masse critique a éclaté, la concurrence a apporté sa destruction créatrice, mécanisme standard du capitalisme. Bon.

    Le monopole de Grosoft, oui, c’était pas innovant, et la saine émulation de la concurrence libre et non faussée, ça marche pas en situation hégémonique. De là à trouver libératrice une utopie du crash des monopoles...

    Pps : Spécifiquement pour Internet et l’électricité, qui va fabriquer les cellules voltaïques, les câblages, les ordinateurs, sans centralisation minimale ? Et qui va faire à bouffer pendant ce temps ?

    Voir en ligne : kaos

    • De « vilains monopoles » : parfois oui, peut-être pas « vilains » car porteurs d’intentions néfastes ou destructrices mais « vilains » car créateurs de conditions auxquelles ils n’airaient peut-être pas pensé et qui peuvent être fort dommageable pour chacun, ou pour un très grand nombre, finalement pour l’humanité.

      Dès lors que l’on a détecté de nettes possibilités de dérives par rapport aux intentions initiales il importe de les signaler et de lutter contre.

      Par exemple pour ce qui concerne l’avènement de Google+, notamment du point de vue de la clôture impromptue de comptes, de la pérennité des données personnelles et de la politique des « noms véritables » les problèmes à venir ne sont pas minces...

      Voir en ligne : Campagne mondiale pour la liberté et la démocratie sur les réseaux « sociaux »

      • samedi 30 juillet 2011 à 13h35, par un-e anonyme

        Franchement, qui t’oblige à t’inscrire sur Facebook ou Google ?

        • Je ne pense pas que ce soit la bonne question, car ce que JE fais n’est qu’une fraction de goutte d’eau dans l’ensemble des océans, à vrai dire !

          Personne ne m’oblige donc à m’inscrire mais lorsque je détecte des phénomènes problématiques je pense juste qu’il est de mon devoir de les signaler et de tenter de faire en sorte qu’ils soient réglés.

          Et si nous étions très nombreux à réagir dans bien des cas, peut-être certaines erreurs ne seraient pas commises : la face de notre monde pourrait un peu dépendre de la façon dont chacun participe à la peindre...

        • Je suis d’accord, la question n’est pas là.

          Mais si parler des pratiques de Google ou autre, c’est de l’information politiquement pertinente, prétendre les faire plier par je ne sais quelle campagne d’association de consommateurs contrariés, c’est déjà beaucoup plus comique.
          Par contre, faire l’apologie de la concurrence libre et non faussée contre les dangereux monopoles, ça, c’est politiquement nuisible, surtout sous des airs d’humaniste résistant... Libéral-libertaire, la boucherie politique du siècle...
          Peut-être que j’ai mal compris le propos, mais il me semble bien qu’on en est là.

          • samedi 30 juillet 2011 à 23h39, par Benjamin Bayart

            Si tu veux diviser le monde en deux, avec d’un côté les monopoles d’état, et de l’autre côté l’ultra-libéralisme financier, alors je ne veux pas faire partie de ton monde.

            Ce que je défend lors de cet entretiens c’est le fait que la centralisation du réseau, et des services sur le réseau, que ce soit aux mains d’un état, ou que ce soit aux mains d’un groupe privé, c’est néfaste. Tout comme est néfaste un manque de diversité dans la presse ou dans les opinions.

            En matière de liberté d’expression aussi, tu trouves que la concurrence libre est dangereuse, et que donc on ne devrait avoir que des opinions consensuelles, voire monopolistiques ? Je suppose que non.

            Tu mélanges deux concepts. L’un qui est la crainte de la centralisation de l’expression (ma position), et donc la crainte des monopoles, et donc l’impérieuse nécessité d’avoir un jeu ouvert et des acteurs multiples. L’autre qui est la concurrence libre et non faussée que les politiques nous vendents pour défendre la financiarisation du monde.

            Ca montre, pour moi, que leur message est bien passé, si tu confonds la défense des libertés avec la défense de l’idéologie libérale-financière.

            • « Si tu veux diviser le monde en deux, avec d’un côté les monopoles d’état, et de l’autre côté l’ultra-libéralisme financier, alors je ne veux pas faire partie de ton monde. »

              A aucun moment je ne parle de « monopoles d’état », qui est un belle expression libérale, soit dit en passant, forgée pour signifier que l’Etat est un acteur économique comme les autres. Ce qui est fondamentalement faux.

              De plus, comme je le signale dans un commentaire plus bas « ultra-libéralisme financier », ça ne veut rien dire, sinon qu’on ne comprend rien à la nature du capitalisme, qui est un système politique et social.

              « Tu mélanges deux concepts. L’un qui est la crainte de la centralisation de l’expression (ma position), et donc la crainte des monopoles [...] »

              « centralisation de l’expression » = « centralisation des moyens d’expression » ce qui est un moyen de production comme un autre. Mon problème est dans la propriété privée des moyens de production, pas dans leurs ’monopolisations’. Ça n’est qu’une conséquence, une modalité. Et qui dit propriété privée des moyens de production dit concurrence commerciale. Je ne mélange rien qui ne soit intimement lié dans la réalité.

              Et non, soit dit en passant, je ne crois pas aux vertus du débat, ni à la pertinence politique de la défense « des libertés ». La formulation elle-même implique une opposition dictature/démocratie qui n’est pas ma lecture du monde.

          • samedi 30 juillet 2011 à 23h44, par un-e anonyme

            Il n’a jamais été question dans mon propos de « concurrence libre et non faussée » par contre oui certains monopoles peuvent être dangereux car très réducteurs à bien des points de vue.

            « association de consommateurs contrariés » : s’il vous plait de le voir ainsi... mais ce n’est pas non plus l’abord que j’en ai.

            Les libertés dont nous profitons aujourd’hui, vous, moi et d’autres, ne sont pas tombées du ciel et bien des gens se sont battus pour que maintenant nous puissions en jouir.

            Des esprits prompts à une critique lapidaire auraient peut-être pu les qualifier d’« association de consommateurs contrariés » ou quoi que ce soit de plus ou moins équivalent, peut-être... ?

            Aujourd’hui lorsqu’il apparaît que ces libertés pourraient être fortement ébréchées il serait peut-être de notre devoir à tous de trouver les moyens qu’il n’en soit rien ?

            Ceux que je propose ne sont peut-être pas les meilleurs : que suggérez-vous ?

            • « Les libertés dont nous profitons aujourd’hui, vous, moi et d’autres, ne sont pas tombées du ciel et bien des gens se sont battus pour que maintenant nous puissions en jouir. »

              Je vais passer sur le fait qu’on en jouit que très moyennement.

              Par contre, je vais insister sur ce qui me semble l’essentiel : ces gens qui se sont battus, se sont battus contre un gouvernement, un système social, pas contre une entreprise qui propose un produit avarié. C’est la différence fondamentale entre une association de consommateurs en colère et un mouvement de contestation politique.

              Encore une fois, critiquer les pratiques de Google est une chose qui a son intérêt, défendre le logiciel libre et abattre les brevets propriétaires également. Par contre, prétendre que critiquer les monopoles, c’est lutter contre ’le système’, là, non, je laisse pas passer.

              Je soupçonne très sérieusement que ce qui nous sépare réellement n’est pas notre approche du web, mais de la politique. « L’ultra-libéralisme financier », ça n’a pas de sens par exemple. Le capitalisme ne se résume pas à la bourse, c’est un système social. Et un mal en soi. Et le combattre ne se résume pas à combattre « les dictatures » qui en veulent à nos belles libertés...
              La conscience anarcho-libérale très XVIIIe qui règne chez pas mal de libristes a une furieuse tendance à me grignoter les neurones. Pas qu’ils soient méchants, mais pour une critique sérieuse du capitalisme, on repassera.

    • samedi 30 juillet 2011 à 23h31, par Benjamin Bayart

      Il y a là une erreur historique sérieuse. C’est précisément pendant la bulle Internet qu’Internet Explorer s’est imposé comme unique navigateur de référence. C’est donc bien précisément l’emballement spéculatif qui à imposé cette solution unique, et donc stérile à moyen terme.

      C’est bien parce que la mécanique capitaliste crée des monopoles qu’il faut des contre-poids pour assurer que le système d’ensemble reste ouvert. En matière de réseaux (pour le reste je ne m’y connais pas assez), si l’ensemble devient centralisé (oligopolistique ou monopolistique), alors l’innovation s’effondre, la liberté d’expression disparaît, etc.

      Par ailleurs, ce dont je parle, ce n’est pas d’une société utopique où il n’y a que des petits. Ce dont je parle c’est du fait que d’une part, on conserve suffisament de petits pour qu’ils représentent une garantie, un contre-pouvoir (que j’évalue à 1 ou 2% de l’ensemble). Et du fait que d’autre part les gens prennent conscience de l’enjeu que représentent leurs données personnelles, et du contrôle qu’ils doivent avoir dessus.

      Benjamin.

      • dimanche 31 juillet 2011 à 01h33, par jcm

        Vous écrivez « un contre-pouvoir (que j’évalue à 1 ou 2% de l’ensemble) ».

        Mais quelle est la composition de « l’ensemble » ?

        Est-il fait de plusieurs acteurs de taille comparable, aux propositions semblables et en identique « bonne santé », c’est à dire que cet équilibre pourrait avoir une certaine durabilité... à l’issue de laquelle il n’y aurait peut-être qu’un « vainqueur » ?

        Ou est-il fait d’un très grand acteur aux offres des plus variées, qu’il est à peu près le seul à proposer avec un tel choix et dont on peut supposer qu’il deviendra vite quasi prépondérant ?

        Dans ce dernier cas il est fort à craindre que cet acteur devienne LA grande référence et de ce fait qu’il puisse imposer sa « loi ».

        Cette loi, pour ce qui concerne les réseaux sociaux, pourrait devenir la « loi Google », c’est à dire ses « terms of service », et je ne pense pas qu’il soit acceptable qu’un tel texte puisse « régir le monde » de quelque façon que ce soit.

        Il faut noter que la politique des « noms véritables » de Google et Facebook pourrait être considérée comme illégale dans un certain nombre de pays, notamment les USA, où la loi admet que des personnes puissent faire usage de pseudonymes dans toutes leurs activités quasiment sans aucune exception.

        Par ailleurs le premier amendement de la constitution US ne limite en aucun cas la liberté de parole à la condition que cette parole serait prise par des personnes désignées par leur nom d’état civil (ou de naissance).

        Il me semble donc que le critère de rapport de taille entre les grands pouvoirs et les contre pouvoirs ne suffit pas à déterminer un équilibre satisfaisant.

        En d’autres termes il paraît que des règles applicables par des entreprises ayant un emprise minime sur le monde peuvent être très contraignantes et tout à fait acceptables mais ne le seront plus dès lors qu’un certain seuil, difficile à déterminer mais dont la caractéristique serait une emprise forte sur le monde, sera atteint.

        Car le monde (et l’humanité en fait) ne doit pas être soumis à des contraintes qui pourraient le rendre beaucoup plus difficile à vivre, à faire évoluer et qui le diviseraient en personnes « acceptables » ou « certifiées » et... les autres...

        C’est bien ce que fera la politique des « noms véritables ».

        Régler cette question pourra prendre deux voies, si les grandes entreprises concernées ne réagissent pas à temps : un intervention du législateur ou une protestation forte des usagers.

        Mais elle ne se trouvera dans aucun équilibre économique.

      • « C’est bien parce que la mécanique capitaliste crée des monopoles qu’il faut des contre-poids pour assurer que le système d’ensemble reste ouvert. »

        En fait, c’est là qu’on n’est pas d’accord. Aménager le capitalisme ne m’intéresse pas, surtout de façon aussi minimale. Et le système d’ensemble kézako, sinon le capitalisme ? Le maintenir ouvert, WTF ?

        Je me suis sans doute gouré pour la chronologie de ces évènements en particulier, mais les mécanismes sont toujours les mêmes :
         × La concurrence encourage l’innovation
         × Il y a un vainqueur qui ramasse le pognon et se trouve en situation dominante
         × La bulle éclate (crise de surproduction en langage marxiste)
         × La concurrence repart, d’où nouvelle bulle.

        Ce que tu proposes c’est un capitalisme qui fait l’économie de ses crises, alors que c’est son moteur. Et c’est bien ça qui me dérange.



  • Excellent !

    Voir aussi comment Google pourrait réduire une portion de l’humanité à l’usage du tam tam...

    Voir en ligne : Google+ refuse un anonymat pourtant salutaire



  • Très bon interview de la part d’Article 11 ! Chapeau !

    Mais je voudrais revenir sur ce qui me semble être une erreur importante de Mr Bayart concernant les réseaux électriques.
    Son analogie ne tient pas car il oublie deux choses importantes : la densité d’énergie, qui fait que par exemple le solaire pour être réellement performante pour les applications industrielles nécessites des infrastructures énormes, source de multiples problèmes logistique. Cette notion pousse à la concentration des sources d’énergie et à l’usage des hautes tension et de réseaux optimisées pour réduire les pertes, et la stabilité des sources d’énergie, qui dans le cas du solaire, de l’éolien nécessitent des centres de régulations du courant, afin d’assurer la stabilité du réseau électrique.

    Empiriquement, on n’a une marge que de 5% sur les variations de fréquences et de puissances admissibles : en dehors de cette marge, on a un effondrement du réseau électrique, ce qui se traduit par des black out en avalanche qui provoque des pannes électriques de plus en plus grandes. Les solutions les plus simples pour cela sont l’usage de bassins de rétention d’eau, sur des collines par exemple, dont l’eau est pompé lors des périodes de fortes activités et dont on récupère l’énergie potentielle par des turbines. Ce type de bassins occupent une grande surfaces et doit être placé près des centrales que l’on utilise.

    Tout ceci contribue à une centralisation des sources d’énergie.

    Par ailleurs, à ces problèmes vient se rajouter la variabilité saisonnière des sources d’énergie renouvelables qui posent d’autres problèmes non encore résolue de façon satisfaisante.

    Enfin, l’usage de réseaux électriques intelligents, les fameuses « smart grids », n’est pas aussi simple que semble le croire Mr Bayart : la dynamique propre de ces système est loin d’être comprise, car il existe nombre de comportements fortement contre-intuitifs se développant en leur sein. Disons le tout de suite, on est au limite de ce que l’on comprends et à la pointe de la physique statistique actuelle : il faut faire usage de techniques provenant de la théorie de la percolation, des graphes aléatoires, et des systèmes invariants d’échelle...

    Il reste un immense travail à faire pour obtenir quelque chose de satisfaisant.

    Un autre aspect à comprendre est que l’industrie utilise de plus en plus l’électricité, car c’est la forme d’énergie permettant les conversions avec le meilleurs rendement.
    Or une masse immense de notre industrie dépends d’une production importante et stable, notamment dans la métallurgie.
    Et l’on ne peut pas revenir facilement en arrière : par exemple 30% de la production d’acier actuelle ne sert qu’à remplacer des pièces métalliques rouillées...

    • samedi 30 juillet 2011 à 23h43, par Benjamin Bayart

      Ok.. Je veux bien admettre ne connaître le sujet que très superficiellement. Il n’en demeure pas moins que ce qu’on cherche à obtenir en matière d’énergie avec les smarts grids, c’est que nous avons déjà obtenu en matière de réseaux avec Internet.

      Je ne dis pas que dans les réseaux de distribution d’énergie il n’y a pas des problèmes conceptuels à résoudre. De la même manière, il y avait des problèmes conceptuels à résoudre dans les réseaux télé-informatiques pour parvenir à ce résultat. Ces problèmes ont été résolus à la fin des années 60 et durant les années 70, par exemple par les travaux de Louis Pouzin en France (sur la commutation par paquets), ou par les travaux d’équipes universitaires américaines (l’adressage IP, la gestion de connexion sur un réseau à commutation de paquets, etc).

    • @bidibulle

      On retrouve ici une collection d’idees recues fausses :

      La consommation electrique est tout sauf stable : on a des moments calmes et des pics de consommation, on a donc pas besoin de production stable mais de production assez souple pour suivre les variation de consommation. De meme sur internet on a des pics de traffic quand un truc a la mode sort sur youtube et que tout le monde se precipite pour le voir, le peer to peer serait bien plus efficace pour diffuser ce truc a la mode sans saturer des bouts du reseau.

      Il est vrai qu’il y a des points de forte consommation, essentiellement des industries, mais ca fait quel pourcentage de la consommation ? Globalement la consomation electrique est repartie sur le territoire. Pour etre plus precis la consommation est repartie sur les villes du territoire. Avoir une production repartie elle aussi diminuerait le transport du courant. La production hyper centralisee qu’on a actuellement est celle qui necessite le plus de transport, en km de lignes a haute tension (100 000 km en france) comme en chemin moyen parcouru par le courant (entre 80 et 100 km en france). De meme sur internet le fait d’avoir des gros services d’hebergement centralises sur quelques datacenters et des milions de consommateurs de contenu repartis maximise le trafic sur le reseau et provoque l’engorgement de quelques gros liens clefs. Si l’hebergement etait plus reparti, soit avec des serveurs personnels chez les particuliers, soit meme si les gens regroupaient leurs hebergement sur le serveur personnel d’un ami qui s’y connait, la diffusion de ce contenu serait bien mieux faite et ca eviterait que le reseau ait l’architecture qu’il a actuellement ou une connexion entre marseille et montpellier passe par paris. Dans tous les cas il subsistera toujours des points de concentration : les industries pour le courant, le site de la SNCF pour les horaires de trains, ce n’est pas une raison pour oublier que tout le reste fonctionne mieux en etant reparti.

      Les panneaux solaires ont une faible densite energetique. C’est vrai, et en quoi est-ce un probleme ? Calculez la quantite de courant qu’on produirait en mettant des panneaux solaires sur tous les toits de maisons orientes au sud, vous allez etre surpris du resultat ! Il est vrai que quand il y a une industrie qui consomme beaucoup de courant a un meme endroit le solaire est inadapte, mais personne n’a parle de faire une production 100 % solaire : il existe d’autres energies renouvelables plus a meme de repondre a ces cas. De meme un serveur personnel directement chez le particulier serait une bonne solution pour heberger le blog et les photos de vacances de monsieur tout le monde, et serait totalement inadapte pour heberger le site web ou la SNCF met ses horaires. Il faut de la diversite.

      Sur le fait que les energies renouvelables sont variables, c’est vrai pour le solaire et l’eolien, par contre l’hydraulique et la biomasse sont stockables et donc a la demande. Il faut utiliser un melage des 4 et on arrive alors a compenser les defauts des unes par les avantages des autres. Sur ce point je n’ai pas trouve de parallele avec internet, etc-ce que quelqu’un en voit un ?

      Le rendement de conversion de l’electricite est tres bon du cote de la consommation, par contre il est assez mediocre du cote de la production (environ 30 % pour les centrales nucleaires). L’electricite est largement utilise en france (et pas que dans l’industrie : le plus caricatural est le chauffage electrique domestique) principalement parce qu’on a un tarif reglemente qui ne reflete pas la realite des couts de production : beaucoup d’argent public dans la recherche, pas d’assurance, provisions pour le demantelement ridiculement faibles, etc... Pourtant d’une facon ou d’une autre nous payons ces couts et nos enfants continueront a les payer pendant des decennies, mais ca se voit pas sur nos factures. De meme beaucoup de choses sur internet marchent grace a l’argent de la pub, mais il ne faut pas se leurrer : d’ou viens l’argent de la pub ? A un moment ou a un autre c’est toujours notre porte monnaie qui trinque. Passer par la pub a l’avantage qu’on ne voit pas directement qu’on paye, mais si il fallait payer pour poster une video sur youtube, avoir un mail chez yahoo, se faire une page facebook ou meme faire une recherche sur google, il y a fort a parier que ces services auraient beaucoup moins de succes et mecaniquement que d’autres solutions se developperaient plus vite. Parmi ces autres solutions on peut evidamment penser a un serveur personnel chez le particulier.

      En conclusion je persiste a penser que la comparaison entre internet et l’electricite n’est pas parfaite mais quand meme interessante.

    • Mmmhhhh, comment dire, la réthorique me froisse.

      le solaire pour être réellement performante pour les applications industrielles nécessites des infrastructures énormes, source de multiples problèmes logistique.

      Quelles sont les parts de la consommation industrielle et domestique ? L’industrie consomme un tier de l’électricité contre deux tiers pour le secteur tertiaire et les menages. Une grande part de la production est décentralisable, mais :

      1- ce n’est certes pas immédiat

      2- il faut une volonté politique

      Cette notion pousse à la concentration des sources d’énergie et à l’usage des hautes tension et de réseaux optimisées pour réduire les pertes, et la stabilité des sources d’énergie, qui dans le cas du solaire, de l’éolien nécessitent des centres de régulations du courant, afin d’assurer la stabilité du réseau électrique.

      C’est le serpent qui se mord la queue. Plus vous centralisez le réseau, plus vous avez de mal à gérer la répartition des consommations. Un réseau éolien/solaire CENTRALISÉ DE LA MEME MANIÈRE est encore plus difficile à gérer. En quelque sorte, vous appliquez la conception actuelle à un objet qui ne lui correspond pas.

      ...
      Tout ceci contribue à une centralisation des sources d’énergie.

      Enfin, l’usage de réseaux électriques intelligents,...
      ... Il reste un immense travail à faire pour obtenir quelque chose de satisfaisant.

      Oui dans l’hypothèse sous jacente d’une gestion centralisée. C’est à dire que plutôt que de décentraliser tout ce qui peut l’être, on continue d’investir force moyens dans un réseau en postulant que sa constitution et son mode de fonctionnement est le seul possible.

      Un autre aspect à comprendre est que l’industrie utilise de plus en plus l’électricité, car c’est la forme d’énergie permettant les conversions avec le meilleurs rendement.

      Ouch ! Rendement de la chaine globale de production ? En comptant le transport ? Ou simple rendement local ? C’est un peu le coup de la tomate bio made in « un pays très loin »
      et qui se prend une bonne dose de CO2 en transport !!

      Or une masse immense de notre industrie dépends d’une production importante et stable, notamment dans la métallurgie.

      Alors justement, la métallurgie. Produire de l’acier ou de l’alu en transportant l’énergie, fusse par des lignes HT, c’est une hérésie thermodynamique. Pour ces quelques cas où l’on a besoin de quelques gigawatts, il faut produire l’énergie sur place ! Par ailleurs la consommation est importante mais assez prédictible. Ce qui rend la gestion compliquée c’est justement qu’on essaye de tout faire globalement en mélangeant les différents types de consommation.

      Évidemment là encore ça bouscule des habitudes... ...et des intérêts.

      Et l’on ne peut pas revenir facilement en arrière : par exemple 30% de la production d’acier actuelle ne sert qu’à remplacer des pièces métalliques rouillées...

      Bel exemple d’obsolescence incorporée acceptée comme une fatalité. Cela montre simplement que les gens ne mettent pas le bon matériau au bon endroit. La vraie question c’est « pourquoi on fait des pièces qui rouillent alors qu’on sait faire autrement ? »

      Z.

      • >zarkass

        Merci de votre réponse, j’ai plusieurs choses à relever toutefois.

        Vous dites :

        C’est le serpent qui se mord la queue. Plus vous centralisez le réseau, plus vous avez de mal à gérer la répartition des consommations. Un réseau éolien/solaire CENTRALISÉ DE LA MEME MANIÈRE est encore plus difficile à gérer. En quelque sorte, vous appliquez la conception actuelle à un objet qui ne lui correspond pas.

        en m’objectant que 2/3 des besoins en énergie sont utilisés par le tertiaire et les particuliers. Il y a cependant un problème dans votre raisonnement : admettons que l’on décentralise, on construit donc des bâtiments à énergie positif et des petits parc locaux d’énergie renouvelables. Du fait de l’intermittence journalière de ces sources, il faudra alors équilibrer votre consommation, ou votre production, en passant à l’échelle n+1 de votre réseau, pour la simple raison que vos électrons ne disparaissent pas de la nature. Comme la consommation à l’échelle locale n’est pas totalement flexible (vos serveur informatique ne peuvent pas se geler toute les 5 minutes, vous ne pouvez pas interrompre toute les tâches que vous réaliser comme vous voulez), il y aura un problème de coordination locale de la production. Cela vous oblige à passer à un cran supérieur pour assurer cet équilibre des puissances consommées et produites.

        Un autre problème, qui n’est pas résolu actuellement est l’intermittence saisonnière : en général il y a plus de vent l’hiver, par bouffées, et plus de soleil l’été, ce qui ne corresponds pas toujours à ce que l’on demande en terme de production et qui a souvent des tendances procycliques. Si l’on commence à savoir lisser l’intermittence journalière, ou à l’échelle d’une semaine, ce n’est pas le cas à l’échelle de la saison. Du coup, il faut lisser par du thermique ( par combustion de produit organique comme le charbon, ou le gaz, ou nucléaire).

        Un autre détail qui a son importance est le type de courant produit : l’éolien produit facilement de l’alternatif, et donc peut être transporté sur de grande distance, le solaire lui produit du continue (sauf si l’on utilise du solaire thermique) qui ne peut pas être facilement abaissé ou augmenté, et donc ne peut être transporté sur une grande distance comme l’alternatif. Dans ce dernier cas, vous avez un problème de stabilisation de vos réseaux, qui deviennent sensibles aux conditions locales de production.
        Un autre soucis vient des tensions utilisés : si vous avez un réseau très maillé, car très régionalisé, vous aurez des centres de production avec de faibles puissances et donc des tension peu importante, or les pertes par effets joule sont inversement proportionnel au carré de la tension électrique. Vous aurez donc proportionnellement plus de perte pour un réseau très maillé que pour un réseau arborescent.

        Enfin l’autre aspect est celui de la production industrielle : là, les puissances demandé sont énormes et surtout il est nécessaire d’avoir une grande stabilité, en fréquence et en tension efficace. La raison essentielle en est tout simplement les économies d’échelles qui sont à la base de tout procédé industriel : il est économiquement plus rentable d’avoir un grand centre, dont les procédé de fabrication sont optimisés et simplifié que d’avoir plusieurs centres servant à faire la même chose et gaspillant tous de la même façon.

        C’est ainsi qu’en Chine j’ai pu visiter l’un des plus grands centre de production de cellules photovoltaiques qui centralise une fraction non négligeable de la production mondiale de panneau solaire... Il n’y a pas de mystère : même dans l’industrie verte, les « vieilles » techniques d’organisation continuent de s’appliquer.

        Par ailleurs, par exemple en métallurgie, la fabrication de l’aluminium n’est possible que par un procédé électrolytique. De même la fabrication des aciers spéciaux à forte valeur ajouté, dans lequel les européens se sont spécialisés, utilise énormément d’électricité, notamment pour réaliser un brassage continu des coulés par la force de Lorentz.

        Je vous ferais d’ailleurs remarqeré qu’en général ces grands centres industrielles sont disposés au voisinage de grands site de production électrique, comme des barrages, des centrales nucléaire ou de grandes centrales thermique.

        Par ailleurs votre argument sur l’obsolescence programmé tombe un peu à coté de la plaque : j’imagine mal que l’on puisse faire des cargos ou des ponts en matériaux composites ou en plastique par exemple, ou alors en inox, sauf à admettre que leur coût de fabrication soit énormément multiplié...

        Je voudrais aussi répondre à hamster :

        La consommation electrique est tout sauf stable : on a des moments calmes et des pics de consommation, on a donc pas besoin de production stable mais de production assez souple pour suivre les variation de consommation. De meme sur internet on a des pics de traffic quand un truc a la mode sort sur youtube et que tout le monde se precipite pour le voir, le peer to peer serait bien plus efficace pour diffuser ce truc a la mode sans saturer des bouts du reseau.

        Vous commettez une erreur classique : celle de confondre la puissance instantanée, qui est lissée par le démarrage ou l’arrêt de centrales et l’accélération ou le ralentissement d’alternateur, et la puissance moyenne. Pour qu’un réseau électrique soit stable, il faut que la puissance instantanée consommée soit égale à la puissance instantanée produite : or on le sait bien, une centrale nucléaire ou thermique ont des temps de réactions très différentes et donc ne peuvent pas répondre instantanément à la demande. Il faut donc passer par des dispositions intermédiaire, typiquement des barrages mais aussi des centrales thermiques à turbine, qui ont un excellent rendement et un temps de réponse rapide. Tout ceci fait que l’on doit assurer en permanence, minute après minutes la stabilité en fréquence (afin de ne pas générer des harmoniques supplémentaires source de pertes de puissance du courant électrique dans le réseau). Du coup, la production électrique et sa consommation ne sont donc pas uniformément répartie sur le territoire, contrairement à ce que vous affirmez : les barrages sont plutôt du côté des montagnes...

        Et il est donc plus simple d’avoir une production centralisée que d’avoir une production diffuse afin d’assurer cette coordination (qui devient internationale par ailleurs.)

        Par ailleurs, quand vous indiquez que le rendement des centrales nucléaires est faible de l’ordre de 30%, vous semblez oublier que c’est le cas de tout dispositif thermique (sauf par contre les systèmes à turbine qui ont un excellent rendement de l’ordre 40%) : c’est là la thermodynamique qui fixe ce rendement, puisque l’on utilise un cycle de Rankine, que l’on retrouve d’ailleurs dans les dispositif utilisant le solaire thermique.

        Je ne prétends pas ici vouloir prouver que l’on ne doit pas avoir recours à du renouvelable pour produire de l’énergie. Je pense même que c’est une très bonne chose : gagner 30% de marge, c’est toujours bon à prendre, et par nature, ce type de production génère des emplois industriels intéressants du fait des contraintes logistiques de son fonctionnement.

        Il faut donc le développer.

        Mais il ne faut pas rêver non plus : la physique est ainsi faite, mais aussi l’histoire des procédés industriels qui a orientée nos choix, que nous n’avons pas l’espace nécessaire pour changer radicalement notre marche.

        Je comprends que cela puisse être pénible et bien plus exaltant, mais l’électrotechnique est ainsi faite, et paradoxalement, si en physique, cela semble être une branche rebutante au possible (du moins si j’en crois mes étudiants), c’est visiblement en train de redevenir un sujet important à comprendre et à enseigner...

        Si vous voulez approfondir ces questions, je vous conseille la lecture de l’excellent poly de Luc Lasne : Electotechnique
        Sur les réseaux électriques, un autre bon poly est ici :
        Réseau électrique

        • en m’objectant que 2/3 des besoins en énergie sont utilisés par le tertiaire et les particuliers. Il y a cependant un problème dans votre raisonnement : admettons que l’on décentralise, on construit donc des bâtiments à énergie positif et des petits parc locaux d’énergie renouvelables. Du fait de l’intermittence journalière de ces sources, il faudra alors équilibrer votre consommation, ou votre production, en passant à l’échelle n+1 de votre réseau, pour la simple raison que vos électrons ne disparaissent pas de la nature. Comme la consommation à l’échelle locale n’est pas totalement flexible (vos serveur informatique ne peuvent pas se geler toute les 5 minutes, vous ne pouvez pas interrompre toute les tâches que vous réaliser comme vous voulez), il y aura un problème de coordination locale de la production. Cela vous oblige à passer à un cran supérieur pour assurer cet équilibre des puissances consommées et produites.

          Je suis en partie d’accord avec vous dans la configuration de consommateur non producteur, et de réseau monolithique. Or l’idée est justement de développer toute la production possible en locale, c’est à dire chez soit. Mon serveur informatique tourne H24 et est alimenté en solaire + batterie. Tout mon éclairage aussi.

          Je sais que ce n’est pas optimal car je n’exploite pas toujours l’énergie disponible, mais ce défaut d’exploitation est peu sensible car il me concerne moi. Par ailleurs la production se fait sans transport et avec peu d’adaptation de niveau. Or, vous savez qu’il s’agit là de facteur dissipatifs, même si grâce à cette merveilleuse science qu’est la thermodynamique, on limite les dégats.

          Par ailleurs, vous mettez sur le même plan la construction et l’énergie. Or, il y a préséance du bâti qui, bien mené, économise l’énergie de manière drastique. Le problème n’est pas scientifique (on sait faire depuis bien longtemps), mais politique en ce sens qu’on a permis durant de trop nombreuse années la construction de logements mal voir peu isolé. On sait établir des normes pour beaucoup de choses, mais imposer une isolation maximale par réglementation semble impossible.

          Pour vous rendre votre politesse, je ne dis pas que tout est décentralisable. Je dis (et j’essaye de le faire) qu’il faut faire le maximum.

          Un autre détail qui a son importance est le type de courant produit ...

          Ben oui,... toujours dans le cadre d’un producteur qui distribue pour des consommateurs.

          Enfin l’autre aspect est celui de la production industrielle : là, les puissances demandé sont énormes et surtout il est nécessaire d’avoir une grande stabilité, en fréquence et en tension efficace. La raison essentielle en est tout simplement les économies d’échelles qui sont à la base de tout procédé industriel : il est économiquement plus rentable d’avoir un grand centre, dont les procédé de fabrication sont optimisés et simplifié que d’avoir plusieurs centres servant à faire la même chose et gaspillant tous de la même façon.

          Oui bien sur pour l’industrie. Pas pour les 66 % restant ...

          C’est ainsi qu’en Chine j’ai pu visiter l’un des plus grands centre de production de cellules photovoltaiques qui centralise une fraction non négligeable de la production mondiale de panneau solaire... Il n’y a pas de mystère : même dans l’industrie verte, les « vieilles » techniques d’organisation continuent de s’appliquer.

          La relation de cause à effet est spécieuse. Les conditions d’organisation et de production efficientes sont maîtrisées de part le monde, aussi bien en Chine qu’ailleurs. Si la production est importante en Chine, les raisons en sont moins reluisantes. Mais enfin le problème n’est pas là.

          Je vous ferais d’ailleurs remarqeré qu’en général ces grands centres industrielles sont disposés au voisinage de grands site de production électrique, comme des barrages, des centrales nucléaire ou de grandes centrales thermique.

          Justement c’est le en général qui me chiffonne, ce devrait être toujours.

          Par ailleurs votre argument sur l’obsolescence programmé tombe un peu à coté de la plaque : j’imagine mal que l’on puisse faire des cargos ou des ponts en matériaux composites ou en plastique par exemple, ou alors en inox, sauf à admettre que leur coût de fabrication soit énormément multiplié...

          Là encore vous donnez dans la généralisation abusive. Tout dépend du produit.
          Je vous suggère de lire les travaux de Mike Ashby sur le choix des matériaux. Contruire un cargo en inox est inapproprié car le coût d’entretien modulo la durée de vie du bateau (vous avez dit obsolescence ?) est inférieure au surcoût d’une construction inox.
          A contrario, une ligne d’échappement inox sur ma voiture me revient moins chère que les 2 changement de pots que je ferai en moyenne sur sa durée de vie programmée (et un urbanisme bien pensé qui me dispense de prendre une voiture allonge encore sa durée de vie, mais c’est là une autre histoire). Pour ce qui est du pont, la construction inox ne serait pas énormément multiplié car le surcoût d’investissement est amorti par un entretien quasi nul sur une durée de vie très importante. En outre, le réemploi de l’inox est envisageable en cas de désaffectation de l’ouvrage.

          Tout comme pour l’électricité, il ne faut pas disqualifier les gains que l’on peut faire au motif que la perfection n’existe pas et savoir reconsidérer ce que la solution adoptée actuellement à d’implicite.

          L’analogie entre les réseaux électriques et les réseaux de données me semble prégnante dans la mesure où il faut gratter un peu la structure pour voir ce qu’elle recelle de présupposés.

          Dans les deux cas, la capacité d’action du citoyen est découragée pour mieux le cantonner dans son seul rôle consummériste, et l’organisation technique des deux réseaux, aussi efficace soit-elle, révèle cet état de fait.

          Z.

        • « en m’objectant que 2/3 des besoins en énergie sont utilisés par le tertiaire et les particuliers »

          Vous melangez energie et electricite, zarkass parlait de 2/3 des besoins en electricite.

          « Du coup, il faut lisser par du thermique ( par combustion de produit organique comme le charbon, ou le gaz, ou nucléaire) »

          On ne lisse certainement pas par du nucleaire qui est bien trop lent a reagir, par contre on peut tres bien lisser par de l’hydraulique, ou par de la biomasse (bois et gaz de fermentation des dechets), j’ai deja dit ca dans mon precedent post. De plus il n’est pas interdit de lisser en demarrant et arretant des eoliennes et des panneaux solaires, c’est tres rapide et ca a deja ete fait une fois en espagne.

          « le solaire lui produit du continue »

          On dirait que vous n’avez jamais entendu parler d’onduleurs ? C’est pourtant employe de facon presque systematique avec le solaire.

          « Vous aurez donc proportionnellement plus de perte pour un réseau très maillé que pour un réseau arborescent »

          Ah ben elle est belle celle la !!! Donc entre les 2 options suivantes :
           × produire de facon centralisee en moyenne tension, transformer en haute tension, transporter sur 80 km, transformer en moyenne tension, transporter sur quelques km, transformer en basse tension, transporter sur quelques centaines de metres
           × produire au plus pres de la consommation en moyenne tension, transporter sur quelques km, transformer en basse tension, transporter sur quelques centaines de metres

          pour vous c’est la premiere qui fait le moins de pertes ?
          C’est bien beau d’utiliser une formule mathematique juste, encore faut il savoir l’utiliser correctement.

          Je ne releverai pas les autres erreurs et contre-verites qui me herissent le poil dans ce que vous dites (vous avez deja vu un hamster qui se met en boule ?) : ce n’est pas le sujet de cet article et j’ai mieux a faire que de corriger une fois de plus des arguments qui ressemblent comment deux gouttes d’eau a ceux qui sont dans la propagande a laquelle on est que trop habitues.

          Par contre vous soulevez tres justement le sujet de economies qui n’avait pas ete aborde jusqu’ici.

          Nous avons pendant quelques decennies consomme du courant de facon tres debridee, et puis on arrive a une limite ou ce n’est plus tenable. On va bientot etres obliges d’apprendre a reduire notre consommation au lieu de tout le temps l’augmenter. Ca va nous demander de savoir nous organiser autrement, de defaire des choses que l’on avait faites en les basant sur cette consommation de courant, il est meme tres probable qu’il n’y en aura plus assez pour tout le monde et qu’il va falloir gerer la peinurie en se rationnant et se privant (mon regard se tourne vers le Japon... ).

          En ce moment on consomme du reseau de facon tres debridee, mais il faudrait etre fou pour croire qu’on pourra indefiniment augmenter notre consommation de reseau sans cesse. Pour le reseau ce n’est pas du futur immediat comme pour le courant, mais ca ne m’empeche pas de me poser la question : ou sera la limite ? Qu’est-ce qui un jour nous empechera de faire encore plus de reseau ?

          Quel est le morceau qui va coincer en premier ? Est-ce le manque de courant pour faire tourner les ordinateurs ? Est-ce le manque d’ordinateurs eux memes, parce qu’ils demandent beaucoup de ressources naturelles pour etres fabriques ? Est-ce le manque de capacite a entretenir l’infrastructure, fibres cassees aux fond des oceans, faux contacts dans les fils telephoniques, etc... ? Est-ce tout simplement le probleme economique, la part de la population qui a du mal a boucler les fins de mois augmentant ?

          • >Hamster

            Vous répétez à peu de choses près les arguments classiques des écologistes, sans cependant totalement les comprendre : il y a du vrai dedans bien évidemment mais aussi énormément d’erreurs et de paralogisme.

            Par exemple vous dites dans votre alternative :

            produire au plus pres de la consommation en moyenne tension, transporter sur quelques km, transformer en basse tension, transporter sur quelques centaines de metres

            Est en pratique faisable ? Pouvez vous mettre partout où vous en avez besoin des centrales nécessaire à votre production délocalisé ? Je ne parle pas évidemment de systèmes permettant de recharger quelques batteries ou d’assurer l’éclairage d’une maison par exemple, mais de la puissance nécessaire à une industrie un peu développé (genre plusieurs PME)

            Et la question de l’équilibrage de votre réseau, elle, se pose encore.

            Par contre ce que vous dite sur l’intérêt du continu sur des distances faibles est très vrai. Il y a d’ailleurs pas mal de choses intéressantes faites, sur le sujet sur les hautes puissances, via les développements de l’électronique de puissance par Areva notamment.

            Par ailleurs, il me semble que lorsque l’on discute avec quelqu’un, le minimum de la courtoisie consiste à ne pas manipuler ces propos. C’est d’ailleurs d’autant plus grotesque que mon post est juste au dessus du votre et que son contenu est visible par tous...

            Je reposte donc ce que j’écrivais, et ce que vous me faite dire, à titre de comparaison.

            Pour qu’un réseau électrique soit stable, il faut que la puissance instantanée consommée soit égale à la puissance instantanée produite : or on le sait bien, une centrale nucléaire ou thermique ont des temps de réactions très différentes et donc ne peuvent pas répondre instantanément à la demande. Il faut donc passer par des dispositions intermédiaire, typiquement des barrages mais aussi des centrales thermiques à turbine, qui ont un excellent rendement et un temps de réponse rapide. Tout ceci fait que l’on doit assurer en permanence, minute après minutes la stabilité en fréquence (afin de ne pas générer des harmoniques supplémentaires source de pertes de puissance du courant électrique dans le réseau). Du coup, la production électrique et sa consommation ne sont donc pas uniformément répartie sur le territoire, contrairement à ce que vous affirmez : les barrages sont plutôt du côté des montagnes...

            Et vous me faite dire :
            « 

            Du coup, il faut lisser par du thermique ( par combustion de produit organique comme le charbon, ou le gaz, ou nucléaire) »

            On ne lisse certainement pas par du nucleaire qui est bien trop lent a reagir, par contre on peut tres bien lisser par de l’hydraulique, ou par de la biomasse (bois et gaz de fermentation des dechets), j’ai deja dit ca dans mon precedent post.

            A voir des nucléophiles partout, vous devenez aveugle.



  • Il y a quelques fondamentaux qui finissent par émerger. Le principal étant la neutralité du réseau, i.e l’intelligence est dans l’ordinateur de l’utilisateur, pas dans le câble qui transporte l’information. A cela il faut ajouter les opérations fondamentales auxquelles doivent avoir accès chaque ordinateur : écriture, lecture, conservation, destruction, démarrage, arrêt. (voirici pour une explication plus détaillée de ces concepts). Ce que certains outils à la mode ne respectent pas et transforment ces objets fondamentaux en quelque chose de différent.

    De là vient la plus grande confusion et le fait que de nombreuses personnes du monde militant mais pas uniquement utilisent des services qui donnent l’illusion d’avoir accès à ces fondamentaux. De ce fait windows, facebook, gmail, hotmail mais aussi des services comme no-log participent plus ou moins fortement de cette confusion et n’incitent pas, fort malheureusement, à une réflexion plus vaste. Si un service me garantit un niveau de sécurité pourquoi devrais-je m’en occuper sur mon ordinateur ? Disposer d’un windows, de quelques logiciels piratés (crackés), d’un pare-feu, d’un antivirus, d’une adresse hotmail/gmzail pour mes amis, d’une adresse no-log pour le militant, voilà les outils de base que l’on pense être les fondamentaux de l’Internet.

    Il y a donc une pédagogie qui n’est pas encore faite, qui reste à faire mais tant que la réflexion sur les fondements même d’Internet ne sera pas totalement aboutie, rien ne pourra se faire. Toutefois, je profite de l’occasion pour remercier M. Bayart pour son travail essentiel de débroussaillage sur le sujet.



  • Un bien joli moment de radio : “Article 11”, libre et libertaire

    http://www.telerama.fr/idees/passag...,71503.php



  • dimanche 31 juillet 2011 à 01h03, par Bonjour la France

    Comme souvent monsieur Bayart donne à réfléchir. S’auto héberger j’ai essayé, etsi techniquement ça reste assez simple, le problème pour moi fut de trouver une machine pas chère et assez puissante. Je me suis finalement tourné vers ovh, 15eur par an pour nom de domaine et hébergement, le tout prêt à l’emploi. Onattrape pas les mouches avec du vinaigre, alors l’installation d’un serveur sur le pc de la maison qui doit tourner en permanence pour du 100 ko en up ça va bien 2 minutes mais faut pas s’étonner si y a que des utilisateurs de bsd ou de arch Linux qui insistent dans le masochisme.



  • « Ce que propose le NPA, c’est de fermer toutes les boîtes privées, de nationaliser France Telecom et de faire un Internet d’État. Leur niveau de réflexion ne va pas plus loin que cette idée : c’est une industrie, il faut la nationaliser. Point. »

    sur le sujet de la nationalisation un bout de debat a aussi eu lieu la : http://blog.fdn.fr/?post/2011/06/21...;!

    Voir en ligne : Il-ne-faut-pas-nationaliser-les-FAI- !



  • dimanche 31 juillet 2011 à 18h23, par binarydigit

    Bonjour,

    @Benjamin Bayart,

    Quand tu cherches à expliquer virtuel et immatériel ici : « Sur ce point, nombre de gens s’emmêlent les pinceaux : ils disent « virtuel » là où il faut dire « immatériel ». La discussion que vous avez sur Facebook, par mail ou par IRC est immatérielle, et non virtuelle ; ce ne sont pas des êtres imaginaires qui parlent. Le monde de la société du savoir, qui se développe autour d’Internet, n’est pas un monde irréel. La distinction est essentielle. »

    Malheureusement, tu te trompes quand tu définis le virtuel comme quelque chose d’irréel.
    C’est complétement faux dans le contexte des communications électroniques.
    Ce n’est pas parce que dans nos communications électroniques nous n’avons pas un contact physique avec notre interlocuteur qu’elles sont fictives, irréelles ou imaginaires. Au contraire, nos communications électroniques sont présentes, réelles car elles existent et ne sont pas le fruit de notre imagination.
    Donc une discussion sur Facebook ou par mail ou par IRC est immétarielle et virtuelle.
    Les communications électroniques sont virtuelles.
    Tout comme l’information sur le Web est dématérialisée et virtuelle.

    • mercredi 3 août 2011 à 10h46, par Benjamin Bayart

      Virtuel : qui n’est qu’en puissance ; qui est à l’état de simple possibilité dans un être réel ; qui a en soi toutes les conditions essentielles à sa réalisation.

      Ta conversation sur Facebook n’est pas « qu’en puissance ». Elle est. Donc elle n’est pas virtuelle.



  • dimanche 31 juillet 2011 à 18h57, par binarydigit

    Re,

    @Benjamin Bayart,

    Un autre point m’interpelle dans cet entretien, notamment le raisonnement qui tu tiens ici : « Le réseau est l’espace physique dans lequel s’inscrit le monde immatériel. Et on ne peut pas accepter que la physique ne soit pas neutre, que la physique du monde dans lequel on vit soit différente selon que vous soyez riche ou pauvre. S’il y a une chose qui touche les riches comme les pauvres, c’est bien la mort, la maladie ou le fait de voir apparaître une bosse quand on se cogne. Il en va de même sur le réseau. C’est fondamental : il n’est pas possible que le substrat de la société à venir soit non-neutre. Attenter à la neutralité des réseaux devrait donc être considéré comme un crime assez grave. »

    Ton raisonnement est ici surprenant et les arguments qui te mènent à ta conclusion sont plus que confus. C’est un peu court jeune homme ! ;)
    Mais c’est surtout ta dernière assertion qui me fait bondir : « Attenter à la neutralité des réseaux devrait donc être considéré comme un crime assez grave. »
    Franchement énoncé comme ça, je ne suis pas du tout d’accord parce que tu omets de préciser dans quels cas/contextes/situations certaines actions sur le trafic sont criminelles.
    Donc pour alimenter notre échange ici je te propose de déterminer dans quels cas certaines actions sur le trafic sont hostiles :

    1) dans quels cas peut-on écouter/sniffer le trafic ? parce qu’écouter/sniffer le trafic sans motifs légitimes c’est hostile ;

    2) dans quels cas peut-on altérer le trafic ? parce qu’altérer le trafic sans motifs légitimes c’est hostile ;

    3) dans quels cas peut-on censurer le trafic ? parce que censurer le trafic sans motifs légitimes c’est hostile ;

    4) dans quels cas peut-on vendre les données du trafic ? parce que vendre les données du trafic sans autorisation c’est hostile.

    Qu’en penses-tu ?

    • mercredi 3 août 2011 à 10h42, par Benjamin Bayart

      J’en pense qu’on ne va pas mener un débat aussi vaste dans des commentaires.

      Mais, sur le principe, c’est bien de ça que je parle, savoir quelles formes d’intervention sont acceptables, avec quel encadrement, et quelles règles de contrôle. Les excès sont très simples à lister.

      Le débat purement abstrait et théorique, dans le fond, ne m’intéresse pas. Ce que je regarde, c’est très pragmatiquement ce que les opérateurs essayent d’obtenir comme blanc seing de l’Europe ou du Parlement français. Et, sur ces réclamations, lesquelles sont légitimes et lesquelles ne le sont pas. Les longues dissertations sur le sexe des anges, ça fait longtemps que ça ne m’amuse plus (pourquoi pas, pour occuper une soirée au troquet).

      Pour moi, chercher à apporter une atteinte disproportionnée, et donc pas là-même illégitime, à la neutralité du réseau est, de la part d’un opérateur, une affaire très sérieuse. Un peu comme un médecin décidant de nuire au patient. Ça n’interdit pas de débattre sur les cas potentiellement légitimes (pour filer la métaphore, les possibilités de soins paliatifs ou d’euthanasie), mais il me semble utile de poser que la position de principe, c’est la neutralité.



  • Excellent article, merci.

    J’aime beaucoup le mot d’immatériel, en remplaçant de virtuel. C’est un mot que je cherche depuis plusieurs années, marre d’entendre les gens qualifier une partie de ma vie de virtuelle alors que le dictionnaire dit le contraire. Et bien sûr, les mots les plus simples sont les meilleurs.



  • lundi 1er août 2011 à 15h05, par un-e anonyme

    attention à ne pas tomber dans le piège de la diabolisation, exprimé dans cette phrase
    « les gens doivent par exemple comprendre combien Google est dangereux et apprendre à s’en passer. »
    Hors, si google représente 90% des parts de marché des moteurs de recherche, c’est qu’il a été adopté par tous les geeks des années 99/2000 (que j’étais) alors que yahoo dominait et qu’altavisata et all the web arrivait...et s’il a cette place aujourd’hui, c’est pour le fait qu’il est le seul à trouver une aiguille dans une botte de foin en quelques secondes...donc se méfier, oui mais mieux connaitre pour mieux utiliser et non « se passer » de google...car on peut ne pas se connecter, surfer anonymement...et savoir comment sont présentés les résultats (en les affinant par la recherche avancée)...donc de la pédagogie, oui, du rejet pur et simple, non (idem pour les réseaux sociaux...)

    • mercredi 3 août 2011 à 10h35, par Benjamin Bayart

      C’est bien ce que j’entend par « apprendre à s’en passer ». Non pas un rejet dogmatique, mais le fait d’apprendre à utiliser judicieusement l’outil, ce qui inclus de ne pas s’en servir quand ce n’est pas utile.

      Je suis toujours très surpris par le fait que beaucoup de gens croient qu’il faut taper les noms des sites web dans la barre de recherche de Google, par exemple.

      Et, là, où il existe des alternatives simples (par exemple pour le mail), il me semble tout à fait souhaitable d’utiliser les alternatives. C’est l’existence même de ces alternatives qui force les géants du mail (Gmail, Hotmail, etc) à s’interconnecter avec tout le monde. Le simple fait d’utiliser comme adresse principale une adresse qui n’est pas issue de ces géants est un acte très fort qui impose de garder au mail un fonctionnement ouvert.

      À ce titre, par exemple, la tentation de fermer le petit serveur de mail d’une association ou d’une PME pour le remplacer par les services de Google Apps est objectivement néfaste au devenir du réseau.



  • Très intéressant comme article. Google, Facebook et autres continuent de centraliser l’information. Notre culture est en passe à se résumer aux trois premiers résultats des moteurs de recherche sur un moteur de recherche.

    Voir en ligne : Autofloraion



  • Tout comme le PCF, Europe Ecologie-Les Verts défend les LL et le droit d’auteur.



  • mardi 2 août 2011 à 08h13, par Jean-Michel Masson

    C’est une analyse très fine et juste. Développer l’autonomie locale en gardant des liens est à notre portée. C’est précisément une de mes pistes de réflexion, sur http://jmmasson.wordpress.com (Le Triptyque Economique)En écrivant le chemin qui mène à mon blog...je comprends que je devrais m’appliquer cette autonomie. Il me faudrait qqs conseils techniques...
    Cordialement

    Voir en ligne : Le Triptyque Economique



  • Je trouve cette réflexion très intéressante. Vraiment. En revanche, certains points me paraissent moins convaincants que d’autres. La question de la propriété intellectuelle, par exemple. Je peste souvent contre l’abus qui est ici dénoncé. 70 ans, 90 ! c’est démesuré (et ça me pose bien des problèmes pour mon site dans lequel j’utilise de nombreux textes). Cependant, le coup de la propriété de l’idée, je trouve… l’idée un peu cavalière ! Ça a des relents proudhonien-rabelaisiens. Cela dit, ça m’a plu, et amusé, mais on ne peut pas vraiment y croire. La propriété intellectuelle, si elle ne correspond plus véritablement à notre époque dans sa définition, a quand même permis à des individus de se débarrasser de la tutelle, du mécénat. Les auteurs ont pu être auteurs à plein temps, et gagner une liberté d’esprit évidente. Sans compter la nécessité de bouffer ! Évidemment, je me fais l’avocat du diable ! :)



  • mardi 2 août 2011 à 12h49, par Mathieu Stumpf

    Je n’aime pas le terme de dématérialisation. D’abord il me semble erroné, les données sont bien stockés sur des supports matériels tout ce qu’il y a de plus tangible.

    Cela sonne un brin mystique à mes oreilles, et il me semble que cela pourrait conduire le public à voir l’informatique comme un mystère insondable. Si l’on veut encourager les gens à comprendre comment tout cela fonctionne, il me semble judicieux de ne pas les décourager avec ce genre de vocabulaire. Il n’y a qu’à écouter une récente pub d’apple qui abonde en ce sens : « c’est magique ».

    Les données ne sont pas dématérialisées, elles sont électronisées. Cela offre les avantages de :
    – la miniaturisation, et de son faible coût de stockage ;
    – la vitesse de diffusion, qui cumule le débit du réseau et le passage de la cession à la duplication.

    En effet quand je cède un livre papier, je ne peux plus en avoir l’usage pour moi même. Quand j’envoie un livre électronique, j’en garde l’usage et mon destinataire peut également l’utiliser.

    Je pense qu’il est même opportun de faire comprendre la matérialité de ce phénomène de copie. L’un des arguments souvent avancé par les partisans des privilèges intellectuelles (la mal nommée propriété intellectuelle), est une analogie avec le « vol » d’un objet quelconques. Or en mettant en avant le fait qu’on duplique des objets et non qu’on les soustraits, on met en place un solide argumentaire morale.

    On peut en fait retourner l’argument si demain une machine à dupliquer les pains aussi accessible que l’ordinateur, trouverait-on tolérable d’ériger des lois interdisant les gens de partager et de se nourrir des pains ainsi obtenus ?

    • mardi 2 août 2011 à 13h37, par Yann

      C’est très vrai. Ça me fait d’ailleurs penser à cette chanson, The copyright song.

    • mercredi 3 août 2011 à 01h07, par Benjamin Bayart

      Il y a une confusion, et donc une erreur dans le raisonnement que tu mènes.

      Tu insistes sur l’existence d’un support matériel. Ok. Ensuite, tu indiques que lors d’un téléchargement, un nouvel exemplaire est créé. Matériellement, c’est faux. Puisque si tu t’attaches au support matériel, il n’a changé ni d’un côté, ni de l’autre.

      C’est bien l’information (i.e. immatérielle) que tu as dupliqué. Le fait que cette nouvelle copie soit stockée sur un support matériel n’a pas tellement d’importance.

      Le fond de mon propos à ce sujet, était d’ailleurs de bien rappeler qu’immatériel, ce n’est pas virtuel. Les informations, pour immatérielles qu’elles soient, sont réelles.

      Voir en ligne : http://blog.fdn.fr

      • mercredi 3 août 2011 à 01h08, par Benjamin Bayart

        Grrr.... Rempli trop vite les champs du formulaire de commentaire. Rien à voir sur ce sujet sur le blog de FDN.

      • mercredi 3 août 2011 à 03h30, par Mathieu Stumpf

        Je dirait que si, le support récepteur à changé sous l’influence de l’émetteur. Il n’est plus dans la même configuration matérielle. Bien sûr, les électrons ne sont pas visible et donc le support nous paraît inchangé, mais il bien été modifié, c’est tout le but de l’opération.

        De la même façon qu’on peut diffuser les données qui permettent d’agencer les électrons pour faire afficher De l’être-humain mâle et femelle à un écran, on peut imaginer diffuser les données qui insérées dans une machine à agencer des particules quelconques, peut transformer du sable en du pain. Si l’on doit considérer qu’un téléchargement n’opère pas de changement matériel, alors la transformation du sable en pain par réagencement particulaire non plus.

        C’est la vision « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Mais il me semble qu’elle est erroné : l’information se perd et se crée. Par exemple dans La Symphonie des nombres premiers, Marcus du Sautoy se lamente que la ménagère zélé de Riemann est, après son décès, mis au feu une grande partie de ses notes inédites. On ne sera jamais ce qui était écrit sur ces notes (bien qu’on puisse espérer retrouver les raisonnements mathématiques qu’elles exposaient). Ce sont des informations perdus à jamais. Pourtant, les particules qui formaient ces feuilles et l’encre qui les noircissait existe encore certainement éparpillés aux quatre vents.

        Sans aller jusque là, on peut considérer que le présent message est entrain de modifier quiconque le lit, à un niveau matériel (sauf à penser que l’esprit du lecteur n’émerge pas de la matière).

        Et pour en remettre encore une couche, dire du « support matériel, [qu’]il n’a changé ni d’un côté, ni de l’autre », c’est dire qu’il existe des matériaux susceptibles de ne pas changer. Je pense pour ma part que tout change constamment. Qu’il n’y a d’existence que dans l’espace-temps, le mouvement, le changement. Les objets statiques qu’on se figure ne sont que des vues de l’esprit ; fort pratique au demeurant pour établir des projections ; mais qui, àmha ne correspondent à aucune réalité.

        Voir en ligne : De l’être-humain mâle et femelle

        • mercredi 3 août 2011 à 10h28, par Benjamin Bayart

          Oh, tu veux dire que t’es juste en train de te tirer sur la nouille ?

          Fais donc :)

          Moi, avant de télécharger, j’avais un disque dur. Après avoir téléchargé, j’ai un disque dur. Il ne s’est pas changé en dragon.

          Tu veux considérer qu’il est irrémédiablement diffèrent, parce que métaphysiquement ça te pose moins de complexe ? Pourquoi pas. Moi je considère qu’il n’est pas matériellement diffèrent (il a la même capacité de stockage, par exemple), et que la seule différence porte sur l’information qu’il contient, qui est par essence immatérielle. Sinon, tu tâcheras de me montrer un atome de musique, qu’on regarde comment le transformer en atome de roman.

          • mercredi 3 août 2011 à 11h47, par Mathieu Stumpf

            Je vais travailler sur un script pour faire ça. ;)

            En attendant, voilà de quoi simuler un singe savant, qui pourra également écrire la démonstration sus-demandée (laisser tourner assez longtemps) :

            #!/bin/sh
            cat /dev/urandom > /dev/mouse
            cat /dev/urandom > /dev/keyboard

            Voir en ligne : Paradoxe du singe savant



  • « Mes parents ou mes grands-parents ne correspondaient pas par écrit avec une cinquantaine personnes. Correspondaient-ils plus profondément, plus véritablement ? Peut-être... Mais ce n’est pas la question. »
    C’en est pourtant une qui mériterait discussion - en tout cas, certainement pas d’être aussi vite écartée. En dehors des relations que nous entretenons les uns avec les autres, je ne vois pas vraiment en quoi peut consister « l’humanité ». Il se pourrait donc bien que la façon dont les humains correspondent soit une question importante.

    Certes, internet est là, quantité de mes semblables en font usage, et je m’en sers aussi.
    J’y vois une raison de plus pour me poser non seulement la question de l’emploi que nous pouvons en avoir ensemble, mais aussi quelques autres.
    Qu’un discours éludant aussi brutalement et visiblement que le vôtre l’évolution qualitative des échanges humains et ses conséquences, au profit du simple constat enthousiaste de leur augmentation quantitative (et des perspectives libératrices inouïes dont vous n’hésitez pas à l’investir, entravées hélas par la mainmise de quelques grosses sociétés sur ce marché) n’ait suscité aucune réaction parmi les lecteurs comme la rédaction d’Article 11 me paraît des plus consternant.

    Par ailleurs, s’il me semble partager en partie vos remarques sur la vieille idéologie rétrograde de la « propriété intellectuelle », une simple mise à jour de celle-ci me paraît cependant une mesure des plus inintéressantes. Le fait de voir l’humanité en venir à une apparence de raison sur la question de la production intellectuelle pour une simple question de soumission à un progrès technologique dont les implications qualitatives fondamentales et les conditions matérielles de production (pour employer des gros mots) sont par ailleurs écartées me paraîtrait un genre de progrès des plus douteux – plus clairement, un simple aménagement des conditions de domination et de domestication de l’humanité.
    Plutôt qu’à un progrès de la raison, il me semble que vous en appelez ici à un simple ajustement de la soumission aux conditions technologiques présentes, que je laisserai volontiers à qui se soucie d’aménager et de faire durer l’organisation sociale. Pour ma part, je refuse d’appuyer ma critique de l’idéologie de la propriété, ne serait-ce qu’intellectuelle, trop lourdement à des considérations sur les vertus des derniers aboutissements technologiques du capitalisme mondialisé.
    Certes, les possibilités de communication en « réseaux acentrés » sont une chose : mais les illusions que les hommes entretiennent sur l’origine « individuelle » de leurs idées en sont une autre, et je ne pense pas que les premières soient de nature à déciller les yeux sur les secondes, mais plutôt propre à permettre le remplacement de vieilles illusion par le dernier cri de la complaisance intellectuelle.

    Quant au fond même des discours – et ici, du vôtre - sur la prétendue « disparition des supports matériels » il me paraît des plus fallacieux – et consistant idéologiquement avec les limites étroites de cette première remarque.

    A l’évidence, le support matériel d’une importante partie des échanges humains a considérablement évolué : ce support n’est plus saisissable par les mêmes moyens. Nos sens sont désarmés face à leur matérialité actuelle – et en effet, les gens s’emmêlent les pinceaux. Les plus grossiers disent « virtuel » - les plus raffinés préfèrent certes « immatériel » -, parce qu’ils n’ont plus besoin de copier ou prêter leurs disques ou cassettes (souvenez vous) pour faire connaître un film ou de la musique, ni d’imprimer du papier pour partager des textes écrits, encore moins d’en encombrer rayonnages et bibliothèques (j’ai quelques livres chez moi, je confirme : ça tient de la place, on voit bien que c’est matériel) : une connexion téléphonique, une alimentation électrique, et un ordinateur en état de marche, dont le disque dur occupe un volume physique considérablement plus réduit leurs permettent aujourd’hui de le faire.
    Ils ne voient plus l’information passer de leurs yeux (j’ai beau m’équarquiller devant ma Wi-fi je ne vois rien, je confirme ; et devant mon cable ethernet, je ne voyais rien non plus, même en téléchargeant tout ce que je pouvais), ils n’en éprouvent plus le poids : il est donc tentant d’imaginer qu’elle n’est plus de ce monde, et c’est ce qu’ils font, et vous aussi.

    Mieux, vous vous efforcez d’expliquer comment partager vous-même des données immatérielles indépendamment de la tutelle des quelques sociétés qui se sont accaparés l’essentiel de ce marché. Fort bien. A ceci, en soi, il n’y aurait pas grand-chose à redire ...
    fors l’emploi du terme « immatériel » : et quant aux illusions, au grossier idéalisme qu’il est de nature à encourager et entretenir. De même à propos de l’idée si sympathique d’une chimérique « neutralité des réseaux » pour ce qui est du genre de relations qu’ils rendent possibles : d’ailleurs, vous l’avez écrit, « là n’est pas la question ».

    C’est qu’il semblerait en effet qu’aux dernières nouvelles, les réseaux électriques et téléphoniques, les UC, les cartes, les processeurs, etc ., et les flux de données eux-mêmes soient non seulement très matériels, mais plus encore des productions humaines – et pas une simple manifestation de lois physiques « neutres ». (Par ailleurs, si par un quelconque miracle nous avions accès à une information vraiment dématérialisée, personne n’aurait l’idée de s’en servir pour apprendre du fond de son village une physique quantique aussi manifestement obsolète) Et en tant que telles, il est des plus probables que leur apport en terme de liberté ou de dépendance pour ceux qui les emploient soit lourdement entaché par les conditions dans lesquelles ils sont produits ; qu’en appeler à leur neutralité soit au mieux un vœu pieu, et plus probablement un reflet de l’idéologie répandue aujourd’hui chez ceux qui s’en servent.

    Essayez donc de faire abstraction de la matière par laquelle passent les échanges « dématérialisés » et de l’énergie qu’ils consomment (oups : c’est exactement ce que fait le recours à la notion d’immatérialité – laissons donc ce vocabulaire à l’idéalisme, s’il vous plaît) pour voir ce qu’ils deviennent...
    Ce discours sur l’immatérialité des échanges par le net me semble à la fois très naïf et brutalement rétrograde - et l’exact pendant idéologique d’une approche superficielle qui néglige le plus hard du hardware : l’industrie nécessaire pour produire aussi bien le câblage que les cartes, processeurs, etc., qui n’a rien d’immatérielle, le travail des plus brutal et polluant sur lequel cette production repose - l’extraction de terres rares, les processus de transformation, la production en fin de course de déchets non recyclables et j’en passe... dessine la tache aveugle fondamentale qui caractérise l’ensemble des discours sur la « liberté du net ». De ce prix là il n’est jamais dit un mot - pour faire écho à une remarque vieille de près de trois siècles sur le prix du sucre en Europe.
    Et l’obscénité de la métaphore de la « biodiversité » au sein du réseau devient écoeurante.

    Pour dire les choses brutalement, où en sont donc les projets de décentralisation et de relocalisation de cette industrie ? C’est assurément très bien pour les internautes d’envisager de ne plus dépendre du bon vouloir de google ou de microsoft, mais êtes vous bien certains qu’ils ne dépendent que de cela, que c’est là le plus fondamental, le coeur de leur dépendance ?
    Et quid de la production des machines, qui de l’extraction et de la commercialisation de la matière première nécessaire à la production des supports très matériels d’échanges que vous présentez si joliment comme « dématérialisés » ? (Sans parler de la question de la quantité d’électricité nécessaire à faire tourner tout ça, et des mêmes matériaux requis massivement pour réaliser la délocalisation de l’actuelle production d’électricité) La pérennité de ces productions massives est-elle compatible avec ne serait-ce qu’un minimum d’émancipation pour ceux qu’elle emploie aujourd’hui ?
    Parler de « liberté du net », de « neutralité du réseau » en écartant d’emblée les conditions qualitatives inhérentes son emploi, en niant sa matérialité la plus terre à terre et leurs conséquences sur les hommes qui la produisent et vivent dans son monde, c’est parler avec des cadavres plein la bouche.
    Je ne sais pas ce que pensent de cela les « écolos », les altermondialistes ou les « sphères radicales » (et je m’en fiche un peu, n’attendant rien d’aussi confortables mouvements), mais pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser que les discours sur l’immatérialité des échanges humains tenus par les défenseurs de la liberté numérique ne trahissent avant tout la banalité de leur éblouissement face à la technologie et ne cantonne leur propos – quelles que puissent être leurs intentions et ce qu’ils croient défendre – aux côtés, pour ne pas dire au sein de la propagande libérale-libertaire la plus crasse.

    A quel prix ce qui est hâtivement qualifié ici de « tout le savoir de l’humanité » peut-il être potentiellement acheminé jusqu’à tout un chacun par réseau, en quoi consiste vraiment ce savoir, et quel emploi est-il possible, concrètement, d’en avoir ? Sur quelle organisation sociale, surs quels présupposés repose l’idéologie qui fantasme ce pays de Cocagne où les Bienfaits de l’Humanisme seraient à la fois omniprésents et affranchis des sordides contingences matérielles ?
    Voilà des questions qui méritent d’être posées, et qui valent à assurément mes yeux bien plus que les illusions convenues sur lui-même au nom desquelles l’internaute est invité ici à se défendre de l’emprise de quelques sociétés.



  • Quelle vision technocratique voire techniciste.
    « Une quantité phénoménale de choses n’ont désormais plus besoin de support matériel – musiques, films, écrits »
    C’est oublier la perte de qualité que représente le passage au numérique et la dépense énergétique induite.

    Voir en ligne : http://c.lab.over-blog.com/



  • « la dématérialisation est un pilier de cette société »
    En fait de pilier, c’est une tarte à la crème. Savez vous la quantité de matériel mobilisé par l’Internet. Êtes-vous capable de visualiser un pdf ou un e-book sans matériel ?

    Voir en ligne : http://c.lab.over-blog.com/



  • lundi 29 août 2011 à 18h46, par michel ou (forum michelo)

    Benjamin,
    Depuis seulement quelques années, j’ai acheter un Packard Bell équipé en Windows. Quelques temps après, Ubuntu 11.04. C’est extra et cela correspond à mes principes d’autonomie et de liberté. J’ai 76 ans, et je ne connaissais rien en Internet avant 2006. Il m’a fallu combattre, contre Microsoft, j’en suis sorti, mais l’hégémonie de Microsoft reste présente et je crois bien qu’il me pourchasse, je ne cache pas mes idées.
    Tu vois, après Hotmail que j’ai quitté, Microsoft s’en étant accaparé. Ensuite ce fut Yahoo « idem », maintenant Gmail, que je conseille à d’autres. Je n’ai pas encore pu installer une messagerie spécifique Ubuntu. Evolution merdait avec les adresses mail et je n’avais pas de connaissance en Anglais.
    Pourtant, je me retrouve bien dans ce que tu dénonce avec une grande simplicité. Le réseau, je n’ai pas encore trouvé, comment fonctionne le réseau, Tout est très compliqué, pour les personnes âgés, je sais, ce n’est pas de ta faute. L’installation d’un serveur, j’aimerais bien, mais comment s’y prendre. J’étais à Firefox, je l’ai quitté avec regret pour Google, plus efficace en langage et autres.
    Je suis bien d’accord sur ton exposé. J’y retrouve à peu près toutes les valeurs qui sont mienne. Comment les mettre en application constructives. Je reconnais la portée d’Internet, et aussi comme toi je sens le danger de tout ce que tu dénonce. Ou l’échange survivra, ou bien tout sera englobé dans le ventre des multinationales, et le monde sera de la monnaie sonnante et trébuchante, qui ne servira pas l’humanité, mais la détruira.
    Je me procure des journaux sur Ubuntu dans les kiosques, Je cherche sans succès un journal qui me donnerais des bases qui me manque.
    Merci pour ton exposé extrêmement réaliste.
    nuaud

    • (désolée double post, j’ai posté plus haut par erreur, si quelqu’un pouvait supprimer mon message plus haut svp, je reprends ici :)


      Tout d’abord merci pour ce billet très intéressant et merci mille fois à Benjamin Bayart pour ses interventions et conférences (une grande découverte pour moi datant de dimanche soir \°/), car :

       × j’arrive à comprendre a peu près ce qu’il dit
       × ses développements sur la structure acentrée d’un réseau (concernant l’internet) est un apport supplémentaire dans le fil de mes réflexions personnelle à propos de la structure ( structure sociale, structure interne psychique, structure physique et j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une démarche perso qui me tient à coeur).
      - parce que même si j’ai été informée au cours de mes années d’échanges avec d’autres internautes des dangers de ce que je me permets d’appeler les « fast-food » d’internet, je n’avais pas réalisé à quel point o_o
      ... et je me vois moi-même (triste spectacle) comme consommatrice de fast-food du net alors que dans le principe, je suis contre.

      Néanmoins je me demande moi aussi comment faire, mais je vais m’y prendre par petits bouts, pas à pas, faut bien commencer par un morceau, tenter d’y parvenir par moi-même (en demandant conseil à des amis informaticiens).

      Google ben c’est simple déjà je vais changer de boite mail.
      Par contre j’adore vagabonder dans la boite de recherche de google, moitié zombie, je cherche quelque chose et puis je n’y pense plus, je me laisse dériver de fil en fil et je tombe sur des infos hyper passionnantes que je n’aurais jamais trouvées en cherchant de manière ciblée, utile et productive comme quand je suis au boulot (je bosse dans le médical : j’ai donc contact surtout avec des patients, mais parfois j’ai parfois besoin d’infos sur le net).
      Ca peut paraitre paradoxal mais c’est en errant de façon inutile et ludique pendant mes loisirs que je découvre des choses qui me sont très utiles.

      Ensuite (désolée pour le pavé qui va suivre), je suis ravie de la correction qu’il a apporté à «  virtuel  ».

      J’associais « virtuel » à fantasme ou fantasque, c’est à dire « pas encore réalisé » ou « en gestation ».
      Ce terme me semble plus adapté pour définir « ce qui pourrait exister », avec ou sans internet, alors pourquoi il est autant utilisé pour définir ce qui compose la toile ?

      Peut-être que l’amalgame vient du fait que, puisque ce qui est virtuel n’est pas encore manifesté physiquement, donc sans matière, du coup on a inversé en considérant que ce qui était immatériel était virtuel.

      Bref.
      Pendant des années j’ai beaucoup pratiqué les échanges « in-live » avec des partenaires de jeu dans le domaine d’un mmorpg (avec pour support un plateau de jeu illustrant un univers virtuel -fantastique- , où l’on « incarne » un personnage imaginaire).
      Et en effet je confirme qu’il y a bien une différence entre l’imaginaire (nous on appelle cela le « RP », le role play c’est à dire l’interaction imaginaire entre personnages imaginaires) et les écahnges réels (on appelle ça l’irl) via les chans lorsqu’entre joueurs on se concerte pour taper ensemble sur un personnage ennemi.
      Souvent des balises spécifiques sont utilisées pour démarquer la différence entre l’internaute (réel) qui s’exprime et le personnage (animé par le joueur). Même s’il n’est pas toujours évident, dans la pratique, de bien déterminer le jeu du comédien et les aspirations réelles du joueur, par principe, il y a des règles bases claires énonçant la différence.
      Ce qui signifie dès le départ qu’on sait qu’il y a derrière, une personne réelle, et non virtuelle, dans l’échange via Internet.
      En fait, il y a une personne physique (et faite de matière) qui utilise des outils matériels pour projeter une info, à une autre personne physique qui reçoit cela avec un outil physique.
      Ce qui est immatériel, c’est la projection.

      Grosso modo, c’est un peu comme lorsqu’on projette une diapo sur un écran. Le faisceau qui projette, on passe à travers, c’est rigolo, on fait de l’ombre, il est bel et bien immatériel même si ce qui sert à le projeter est matériel, et ce quelques soient les projections fantasmagoriques qu’on créera à propos de ce que le projecteur a renvoyé, (mais ça, c’est de l’ordre du virtuel).

      Pour faire plus simple voici une image :
      Elle représente deux personnes réelles.
      L’ombre projetée est immatérielle.
      L’interprétation imaginaire qui en est faite est du virtuel (c’est à dire, aussi une projection mais c’est du fantasme -en voie de se réaliser)
      http://i75.servimg.com/u/f75/10/05/12/45/ombres10.png

      Je cherche désespérément une conférence à propos de l’histoire de l’écriture (tombée dessus en vagabondant sur le net, malheureusement je n’avais pas mis e côté cette page et je me souviens juste que le conférencier était barbu,Toulousain et bossait au CNRS).
      Après avoir expliqué l’évolution des premiers écrits (tablettes etc) et comment ils furent déformés (les scribes pigeaient pas forcément ce que dictaient les orateurs), censurés, ré-interprétés, cachés, beaucoup, volontairement saccagés, et leur impact sur l’évolution de la société, il conclut sur une question (de mémoire hein, je la rapporte) :
      Si nous pouvions avoir une vague idée des moyens d’échanges d’écriture à une époque passée, et des connaissances de civilisations anciennes, parce que les supports qui avaient réchappé à la destruction furent assez solides pour laisser une trace, quelles traces de nos écrits laisserons nous ?



  • samedi 26 novembre 2011 à 06h47, par un-e anonyme

    Un peu par hasard j’ai revu hier la conférence Internet Libre ou Minitel 2.O, et maintenant que j’ai un peu plus de bases pour comprendre les aspects techniques il m’est devenu impossible de ne pas voir que Benjamin Bayart y décrit (avec intelligence et pédagogie) tout simplement un processus de concentration capitalistique en cours.
    Et après avoir exposé ça, il dit que cela ne va pas en faveur de la liberté ou de l’innovation.

    Alors c’est pas faux certes, mais enfin c’est peut-être un peu léger !
    Quand à penser possible une économie de marché sans concentration du capital, simplement parce que l’innovation a au départ bousculé massivement les hiérarchies et structures en place, disons que c’est tout de même bien naïf.



  • lundi 6 février 2012 à 11h59, par l’inculte qui s’instrui

    je suis un utilisateur lambda d’internet qui vient de lire votre article,je suis ému de voir des résistent qui se battent pour des grandes valeurs comme la libérté.je pense que chaque personne á une part dans la protection de cette liberté sans laquelle le bout du chemin nous mène á des atrocité comme on en a vue dans le passé, cela commence toujours par des restrictions de libérté petit á petit sa prend la forme d’une oppression de plus en plus lourde puis des menaces et enfin des execution,vous me direz que de nos jours sa ne peut plus arriver mais mois je vous dit que du moment que la majorité trouve une chose fesable et normal sa peut arriver, n’oubliez pas qu’on fait entrer dans nos moeurs petit á petit tout ce qu’ils veulent faire si c’est eux qui choisissent ce dont on accede comme visuel et sonore et surtout ne me dite pas que on á tous un esprit critique et qu’on choisie ce qu’on croi ou pas , c’est unpeu comme ce que l’on absorbe par la bouche si c’est du poison qui entre même si on le recrache sa produit un effet sur nous et justement si on a de moins en moins de choix il ne restera plus que le poison et á force de le prendre dans la bouche même si on le recrache sa va nous empoisoné si c’est pas nous sa sera notre gosse.je pense que la meilleure chose est de faire comprendre l’internet libre aux geunes en commencent par nos enfants car les présidents les ministres les juges les soldats les décideurs de demain ce sont eux c’est pareil pour la guerre même si vous avez les armes les plus dengeureuses si les geunes d’aujourd’hui qui serons les utilisateurs de ces armes demain on compris la bonne voie il n’y aura pas de guerre.je n’y connais pas grand choses en internet informatique mais je sensibilise mon enfant bien sur par des méthodes distrayantes qui les attires et non que j’impose comme le font une grandes partie des adultes et qui ne tente pas de changer leurs méthode mais qui jettent la faute sur l’enfant,cest normal si les geunes ne suivent pas des instructions qui sont crus moche d’apparence et dur á receptioner alors que les distraction et sources d’info sont facile d’acces est telement gravé dans l’habitude même un adulte qui est mur choisi la facilité plutot que le bon sens en général comment reprocher á un minot immature de pas apprendre avec des méthodes pédagogiques archaique.je voulai par mon texte essayer de dire à ceux qui son utilisateur lambda d’internet comme moi qu’il peuvent faire quelque chose car il y á des personnes comme ce monsieur benjamin bayart qui fait tent d’effort pour la liberté d’internet , liberté qui si vous arrivez á comprendre est celle qui si elle existe est protectrice et guarante de toutes autres formes de liberté, d’écologie, d’économie car les acteurs d’un internet libre se sont nous et si une chose est mal pour nous á par si nous sommes en majorité tous des schysophrene nous n’agirons pas dans ce sens et comme l’union fait la force et que la plus grande des unions qui á la capacité de pouvoir réunir le monde entier c’est internet la plus grande force c’est internet mais si la plus grande des force n’est pas tenu par tous ceux qui la composents mais par quelques entité hommes entreprise ou autres alors cette force sera utilisé á l’avantage de cela même si sa nous tue nous réprime nous appovris.je me lance pour ubuntu et je pense faire un pas de plus pour moi même, un petit pas pour l’homme mais un grand pas quand même car je chausse du 45



  • vendredi 22 juin 2012 à 12h21, par Corinne Defarme

    Superbe texte, je vous lirai dorénavant avec attention.

    Corinne de hamac avec support

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