ARTICLE11
 
 

vendredi 18 décembre 2009

Le Charançon Libéré

posté à 17h25, par JBB
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« Nous aussi, nous voulons être comparés au ministre Besson » : une tribune de Jacques Doriot et Marcel Déat
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Cela ressemblait fort à une blague : une missive en provenance directe de l’au-delà ? Diable, c’était dur à croire. Et puis, une fois les vérifications d’usage effectuées, on a bien dû céder à l’évidence : ladite missive n’avait rien d’apocryphe. Nous publions donc cette tribune de Marcel Déat et Jacques Doriot, qui réagissent à la plainte de Besson contre ceux qui le comparent à Laval.

Cher tous, collaborateurs d’aujourd’hui et collaborationnistes de demain,

L’histoire est bonne fille. Mais ceux qui s’y réfèrent - quels qu’ils soient et à quelque bord politique qu’ils appartiennent - peuvent parfois se rendre coupables de bien vilaines omissions. Ces oublis font l’effet d’insupportables taches sur les plastrons maculés de ceux qui ont contribué à la faire, l’histoire.
L’oubli… Aussi étonnant que ça puisse paraître aux yeux de la société bien-pensante, opinion se figurant que nous ne demandons pas mieux que de voir nos noms - censés être marqués du sceau de l’abjection collaborationniste et de la vilénie humaine - disparaître dans les limbes pour les siècles des siècles, c’est l’étrange amnésie entourant nos patronymes que nous voulons dénoncer (oui : nous savons y faire…) par cette tribune commune. Et si nous avons décidé ensemble de prendre la plume, depuis l’au-delà, c’est que l’intolérable omission en laquelle la société française contemporaine tient nos figures et parcours se double d’une scandaleuse iniquité : on nous oublie, tandis que l’un de nos contemporains - pourtant pas plus dégueulasse que nous ne l’étions - ne cesse de faire les grandes titres de l’actualité. C’est plus que nous ne pouvons supporter.

Que le nom de Pierre Laval ressurgisse dans le débat politique français ? Soit ; cela pourrait même être une bonne chose, tant tout projecteur mis sur la période sombre et trouble qui nous est si chère peut être profitable au mouvement collaborationniste dans son ensemble. Mais que Pierre Laval attire à lui toute la gloire ? Qu’il soit le seul cité quand il s’agit de faire référence aux joyeux errements du début des années 40 ? Qu’un ministre du régime aille jusqu’à porter plainte contre un homme politique illustre parce qu’on l’a comparé à lui ? Assez, assez, assez ! N’en jetez plus, la coupe est pleine !

Soyez honnêtes : Laval a t-il été le plus abject ? Même pas : nous avons été au moins aussi dégoûtants, vils et immondes que lui. Laval est-il le seul à être passé de la gauche à l’extrême-droite la plus rance ? Non plus : nos deux itinéraires - du communisme pour l’un, du socialisme pour l’autre, jusqu’à nous vautrer ensemble dans l’antisémitisme absolu et le collaborationnisme le plus radical - sont largement aussi emblématiques et révélateurs que celui de l’ancien chef de gouvernement de Vichy. Alors ? Pourquoi nos noms ne sont-ils jamais exhumés des poussières du passé pour être jetés en pâture à l’opprobre publique ? Pourquoi nous garder confinés dans les limbes quand l’époque est si favorable à nos idées et sympathique à nos parcours ? Pourquoi - enfin - Éric Besson n’a t-il pas l’honneur de nous être comparé ?

Certains diront que nous sommes jaloux. Mais il n’en est rien : nous ne demandons que la juste rétribution de l’histoire, la sanction méritée de la mémoire collective. Alors que notre patrie renoue avec nos valeurs et nos combats, tandis qu’elle se roule dans un débat identitaire du meilleur augure et qu’elle remet à l’honneur ces vieux démons qui sont nos compagnons de route de toujours, il nous est particulièrement intolérable d’être ainsi laissés de côté. Voilà tout.
À ce petit jeu où nous sommes il y a fort longtemps passé maîtres, celui des petites bassesses et des grandes crapuleries, des appels à la haine et des dénonciations, de la douleur, du sang et de l’intolérance, Éric Besson n’a pas encore notre talent. Mais il promet, le petit (que le ministre de l’Immigration nous pardonne cette familiarité et n’y voie que la marque de la douce camaraderie des hommes regardant dans la même direction) et nous suivons son parcours avec autant d’attention que de bienveillance. Comme un grand vin (du Rhin, de préférence), ne demandant qu’à se bonifier, il porte en lui les germes de nos existences passées, de nos espérances et de nos convictions. Son brillant parcours de renégat, sa belle austérité d’exécutant sans scrupules, son lourd désir de vengeance envers ceux de son ancien camp et tout son potentiel de haine font à l’évidence de cet homme l’un de nos rejetons préférés. Nous le reconnaissons pour l’un des nôtres, simplement.

Le temps ne coule pas vite ici-bas. Il n’y est nulle possibilité d’appeler à la haine, nul moyen de déclencher des tueries, nul recours pour notre goût du sang et des larmes. Vous qui savourez ce qui nous manque tant, vous qui vivez ce grand retour des troubles des années 1930, comprenez combien la mention de nos noms dans le débat public pourrait réjouir nos âmes, à défaut de réchauffer nos cœurs.

Nous aussi, nous voulons être comparés à Éric Besson. Il le vaut bien et nous le méritons.

Marcel Déat, ancien ministre du Travail et de la Solidarité nationale dans le gouvernement de Vichy.

Jacques Doriot, fondateur du Parti Populaire Français et ancien combattant sur le front de l’Est.


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