mercredi 1er avril 2009
Littérature
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Quoi de commun entre le renversement d’Allende au Chili en 1973 et l’invasion de l’Irak trente ans plus tard ? Entre le Tsunami asiatique et les chars de la place Tiananmen ? Pas grand chose, à première vue, et pourtant... En replaçant l’histoire récente dans une perspective économique, Naomi Klein montre comment les « Jihadistes » néolibéraux ont su profiter du « Choc et de l’Effroi » pour imposer leurs vues destructrices. Un livre essentiel, voire plus.
« Les théories de Milton Friedman lui ont valu le prix Nobel ; pour les Chiliens ça a été Pinochet. »
« Seule une crise – réelle ou perçue comme telle – produit un vrai changement. Quand cette crise survient, les actions qui sont prises dépendent des idées qui traînent. C’est, je crois, notre fonction de base : développer des alternatives aux politiques existantes, les maintenir en vie et disponibles jusqu’à ce que ce qui était politiquement impossible devienne politiquement inévitable. »
A la question « quel livre emporteriez-vous dans un bunker anti atomique après que l’humanité se soit entre-déchirée férocement et qu’il ne reste plus que des hommes zombies sur terre, afin de comprendre ce qui s’est passé ? », j’ai enfin trouvé la réponse définitive. « La Stratégie du Choc », ouvrage de la journaliste canadienne Naomi Klein. Et ce n’est pas négociable.
Naomi Klein est sans conteste la journaliste majeure de cette époque chaotique. Elle creuse là où les autres ne vont pas. Elle l’avait fait avec « No Logo », enquête impressionnante sur les nouveaux visages du capitalisme made in 21th century, elle replonge avec « La Stratégie du Choc ». Et elle ne se contente pas de petits trous en surface, non, elle approfondit jusqu’à toucher le cœur du problème, le mettre à nu froidement. Elle n’avance pas des théories, elle les rend indiscutables. Avec ceci de remarquable qu’elle reste généralement en retrait de son travail. Elle avance des faits, documente, et laisse le lecteur seul juge.
Dans « La Stratégie du Choc », fruit d’un très long travail de recherche (avec toute une équipe pour la seconder) et d’enquêtes qui la menèrent de l’Irak envahi aux plages d’Indonésie dévastées par le Tsunami, elle développe une idée terrible : le néolibéralisme globalisé tel qu’il s’est construit à partir des années 1970 sous l’impulsion de Milton Friedman et de l’École de Chicago, tel qu’il domine désormais la quasi-totalité de la planète, est indissociable des périodes de crises violentes. Pire, il a tout fait, du Chili de Pinochet à la Nouvelle-Orléans sous les eaux, pour profiter de chaque parcelle de catastrophe, naturelle ou économique, guerrière ou financière. Le but ? Imposer ses modalités économiques destructrices à des pays affaiblis. « Le choc et l’effroi » sont les meilleurs alliés du libéralisme mondial.
Naomi Klein commence par se pencher sur la torture telle qu’elle fut expérimentée par la CIA dans les années 1960, puis telle qu’elle se généralisa jusqu’à nos jours. L’agence américaine finança les travaux d’un certain Ewen Cameron, un psychiatre morbide qui a élevé la torture au rang de véritable science. Et qui a prouvé, via force expériences sur des patients non consentants que si on parvient à détruire la personnalité d’un patient (par électrochocs à hautes doses, mixtures pharmacologiques monstrueuses, privations sensorielles en tous genres…), on peut le remodeler de la manière souhaitée. Infiniment utile dans les guerres modernes pour faire parler les opposants (le tristement célèbre manuel Kubark de la CIA, un genre de « La Torture pour les nuls », s’inspire largement de ces expériences). Mais également instructif à un niveau global : ce qui marche avec une personne marche avec des sociétés. Par le choc, l’effroi, l’horreur, on peut remodeler des populations entières. Les néolibéraux s’y attelèrent. Notre monde contemporain en est le fruit.
Premières banderilles
Cette alliance monstrueuse entre rationalisation du recours à la torture et théorie économique fut le fer de lance des théories d’un certain Milton Friedman, gourou économique des puissants qui remplaça Keynes au centre des politiques économiques après que la croissance de l’après Seconde Guerre mondiale se fut brutalement enrayée. Projeté au premier rang, Friedman ne tarda pas à avoir une influence aussi considérable que néfaste, non seulement aux États-Unis, mais également dans le monde entier. Avec cette idée simple : l’économie parfaite est celle qui congédie l’État, dérèglemente à tout va et laisse le marché prendre ses aises. Un capitalisme sauvage à mille lieues des théories keynésiennes en vogue jusque là.
Pour imposer ce point de vue, lui et ses acolytes (l’École de Chicago) se transformèrent en vampires, sautant sur la moindre faiblesse d’un pays pour le forcer à bouleverser son système économique.
Cameron utilisait l’électricité pour provoquer des chocs ; constate Klein, Friedman, lui, préconisait la stratégie politique – le traitement de choc qu’il prescrivait aux politiciens audacieux pour remettre sur pied des pays mal en point.
Le premier pays à subir le parachutage du néo-libéralisme sauce Friedman fut le Chili. En 1973, avec l’aide de la CIA, Pinochet renverse Allende, dont les visions trop sociales ne convenaient pas aux États-Unis. Immédiatement, l’École de Chicago est sur les rangs, moult envoyés spéciaux se transformant en conseillers présidentiels. Et Pinochet fait ce qu’on lui conseille : plonger la population dans l’état de choc susceptible de briser toute opposition (torture, rafles…). Il s’agit de faire du Chili une page blanche sur laquelle les économistes néolibéraux réécriront l’histoire.
Le coup d’État chilien s’assortit de trois types de chocs distincts, recette qui allait être suivie dans les pays suivants avant de ressurgir trois décennies plus tard en Irak, explique Klein. La secousse imprimée par le coup d’État lui-même fut immédiatement suivie de deux types de choc différents. Le premier fut le « traitement de choc » capitaliste de Milton Friedman, méthode à laquelle des centaines d’économistes avaient été initiés à l’université de Chicago et dans ses diverses franchises. L’autre fut la recherche d’Ewen Cameron sur les électrochocs, les drogues et la privation sensorielle, source des techniques de torture codifiées dans le manuel Kubark et, par le truchement des programmes de formation de la CIA, enseignées aux policiers et aux militaires d’Amérique latine. Ces trois formes de choc convergèrent sur les corps des Latino-américains et sur le « corps » politique de la région. […] Le choc provoqué par le coup d’Etat pava la voie à la thérapie de choc économique. De ce laboratoire du réel émergea le premier État administré par la l’école de Chicago.
Le résultat ? 3 200 personnes exécutées, 80 000 emprisonnées (souvent torturées), 200 000 exilées, la mise en place du plan Condor (concertation entre dictature sud-américaines pour traquer les opposants en dehors de leur frontières)...
Une paille. Pour Friedman, tout ceci est nécessaire (il n’approuve pas ouvertement la répression, mais bon, il faut bien en passer par là…) à la mise en place de son modèle économique. Et quand Pinochet semble moins convaincu du besoin de tout privatiser et dérèglementer, il s’envole en 1975 pour une tournée triomphale au Chili. Il explique ainsi à la télévision chilienne que l’essor économique nécessite un « traitement de choc ». Pinochet est convaincu, il restera sur la même voie.
Si l’on abrasait des tablettes de l’histoire l’ignominie absolue de la répression de Pinochet, la politique économique menée ne suffirait pas à convaincre, loin s’en faut, de son bien-fondé. Que l’ on continue à parler du « miracle chilien » au niveau économique en dit assez long sur les erreurs de perception sur la question. A titre d’exemple :
En 2007, le Chili demeurait une des nations les moins égalitaires du monde. Sur 123 pays où les NU mesurent les inégalités, il se plaçait au 116e rang, rappelle Klein. […] Si de l’avis des économistes de l’École de Chicago, un tel rendement fait du Chili un miracle, c’est peut être que le traitement de choc ne visait pas le redressement économique. Peut être avait-il pour but de faire exactement ce qu’il a accompli – aspirer la richesse vers le haut, et, à force de chocs, refouler la classe moyenne dans le néant.
Ce schéma atterrant, on le retrouve dans quasiment toute l’Amérique du Sud de l’époque : la sanglante junte militaire arrivée au pouvoir en 1976 en Argentine et responsable d’au moins 30 000 morts fut soutenue par la communauté internationale, et surtout par les États-Unis. Au Brésil et en Uruguay, des formateurs américains expliquaient les joies du manuel Kubark aux futurs bourreaux amenés à torturer les opposants. Au final :
Il est impossible d’établir le nombre exact de personnes qui passèrent par les salles torture du cône Sud, mais il se situe vraisemblablement entre 100 et 150 000. Des dizaines de milliers d’entre elles sont mortes.
Difficile de mettre ça uniquement sur le dos de l’École de Chicago et des adeptes du libéralisme à tout crin. Par contre, ils jouèrent un rôle de tout premier plan dans la mise en place des régimes et encouragèrent ouvertement des situations visant à plonger le peuple dans l’effroi. L’extase économique – qui jamais ne vint – était à ce prix…
Perfectionnement des techniques : les Institutions mondiales mettent leur grain de sable
La litanie des pays concernés par le processus que décrit Naomi Klein est atterrante. Pas une catastrophe, pas une répression, pas une crise dans laquelle les théoriciens de l’École de Chicago, ou leurs apparentés, ne jouent un rôle de tout premier plan. Un pays s’écroule ? Ils rappliquent, le font crouler une deuxième fois, avec l’appui des grandes institutions financières. Car le FMI et la Banque Mondiale sont également infestés de friedmaniens convaincus. Les politiques conseillées sont toujours les mêmes : rigueur, licenciements massifs, privatisations, ouverture aux capitaux étrangers... Avec toujours le même résultat : quelques-uns se goinfrent, l’immense majorité pleure.
L’ensemble rappelant furieusement l’injonction de Nixon au directeur de la CIA Richard Helms lorsqu’il apprend l’élection d’Allende (1970) : « Faites crier l’économie ! »
Très vite, une multitude d’économies se mirent donc à « crier » :
× La Russie post-Gorbatchev, à qui l’on imposa un régime économique la mettant implacablement à genou, Eltsine envoyant de surcroit les chars bombarder le parlement avec l’appui des puissances occidentales. Résumé, ça donne : quelques oligarques s’engraissent, la population crève.
× L’Afrique du Sud post-apartheid dans laquelle les dirigeants de l’ANC (formation de Mandela qui remporta les élections) étaient tellement occupés à parler politique que leur programme économique à forte connotation sociale leur fila sous le nez. Avec pour résultat un programme néolibéral rigide qu’on pourrait ramener à une forme d’« apartheid économique ».
× La Bolivie d’Hugo Banzer, président abruti conseillé par l’élève le plus prometteur de Friedman, Jeffrey Sachs, qui imposa des réformes néolibérales d’une ampleur rarement atteintes et réprima avec violence les grèves qui en résultèrent.
× La Pologne de Walesa et Solidarnosc, à qui il arriva à peu près la même chose qu’à l’Afrique du Sud : l’euphorie de la victoire et puis la redescente sur terre, le programme économique adopté ne ressemblant en rien à ce qui était prévu. Là aussi, le petit Jeffrey Sachs, à la persuasion démoniaque, avait mis son grain de sable.
× La côté asiatique (Indonésie, Sri Lanka, Malaisie...) après le passage du Tsunami. Six mois après la catastrophe, Naomi Klein parcourut les côtes du Sri Lanka et de l’Indonésie. Elle y croisa partout la même situation : des populations de pêcheurs qui auparavant avaient su défendre leurs terres des ardeurs des promoteurs immobiliers, et désormais parqués dans d’immondes camps, crevant de faim pendant que leurs anciens villages reconfigurés en Club-Med clinquants accueillaient désormais des touristes huppés. A la faveur de la colère de l’océan, les gouvernements de ces pays en profitèrent (chopant au passage l’aide humanitaire) pour exproprier les anciens et gênants habitants des lieux.
× ...
Tous, à des degrés divers, sont des exemples probants de la démonstration de Naomi Klein. Un choc s’abat sur le pays, et le temps qu’il s’en remette, contre l’avis de sa population (les politiques néolibérales préconisées par Friedman ne purent jamais supporter l’épreuve de la démocratie, pour une raison simple : l’immense majorité des gens n’y a aucun intérêt), le système économique a été changé, les règles modifiées, et il n’y a plus rien à faire.
En cas de rébellion, les institutions financières disposent de leviers d’une puissance absolue pour punir les récalcitrants. Souvent d’ailleurs, le FMI et la Banque Mondiale jouèrent de leurs politiques pour mettre un pays à genoux, condition propice à l’instauration de nouvelles règles : la crise asiatique de 1998 en est un très bon exemple, les aides n’étant débloquées qu’à la seule condition d’un changement draconien des règles économiques (le célèbre « Package », lui même apparenté à la doctrine de « l’ajustement structurel » (on taille tout ce qui dépasse, on ne laisse que le marché)).
A qui profite le crime ?
L’ouvrage de Naomi Klein montre très bien une chose : dans des conditions normales, aucun peuple ne votera jamais pour l’application de théories néolibérales radicales. Les exemples des États-Unis de Reagan et de l’Angleterre de Thatcher s’expliquent par des raisons externes. Reagan bénéficia d’un contexte de guerre froide qui faisait passer l’économie au second plan. Et Thatcher, une fois qu’elle mit en place ses politiques, atteint de tels pics d’impopularité qu’il fallut le recours à la guerre (le conflit des Malouines, monté de toutes pièces – tout le monde se battait l’œil de ce rocher, mais Thatcher, comme la junte argentine, voyait bien l’avantage politique d’un tel conflit) pour qu’elle regagne une partie de son électorat.
Dans les autres cas, ces politiques ont toujours été appliquées contre l’avis de la population, à la faveur d’une crise profonde. La liste est longue, j’en ai déjà tracé les contours.
Quelques exemples plus contemporains montrent que les décideurs et profiteurs ont pleinement conscience de leurs démarches. Il s’agit d’imposer à des populations récalcitrantes des politiques impopulaires en profitant d’une crise.
Ça a été le cas avec Katrina à la Nouvelle-Orléans (Déclaration très représentative d’un certain Joseph Canizaro, l’un des promoteurs immobiliers les plus riches de la ville : « Nous disposons maintenant d’une page blanche pour tout recommencer depuis le début. De superbes occasions se présentent à nous. ») où l’absence criante de l’État dans les secours, la détresse de populations jetées à la rue, se solda par des décisions encore plus libérales (trop d’argent avait été investi dans des conneries tout juste bonnes à plomber les budgets de la ville…).
Et surtout, cela s’est passé en Irak, l’exemple parfait de la théorie du choc poussée à son maximum : recours à la torture, déni de la démocratie (Paul Bremmer mit un terme à toute idée de démocratie irakienne, les basanés ne sachant pas voter pour les bons candidats), population considérée comme secondaire…
Pour beaucoup de gens, l’Irak fut un échec de l’administration Bush. Naomi Klein montre le contraire : pour les entreprises proches du gouvernement telles qu’Halliburton, Lehmann Brothers ou Blackwater, ça a été une source de revenus énorme, inimaginable. Et pour l’armée américaine, transformée selon les souhaits de Rumsfeld en entreprise quasi-privée, ce fut l’occasion d’un relooking d’importance.
Désormais, quelques géants de la sécurité se sont emparés d’un marché à faire glapir d’envie le baron Seillères : la logistique d’une armée en guerre. La « reconstruction » de l’Irak, dans le même temps, fut une vaste plaisanterie. Quelques écoles branlantes, une poignée d’hôpitaux, et des marchés de milliardaires décrochés par des entreprises ricaines qui s’enfuient avec les thunes (c’est résumé)…
Théorie du complot ?
Je m’étais promis de limiter les exemples pour ne pas alourdir mon billet, c’est un peu raté… Ce qui importe, finalement, dans cette profusion, c’est de comprendre à quel point la stratégie du choc a été utilisée de manière systématique. Ce ne fut jamais un accident de parcours, mais toujours quelque chose de planifié, de prévu. Le luxe de détails et la multitude de documents cités par la journaliste canadienne permet (outre qu’elle ne laisse aucun doute sur la fiabilité de la théorie avancée) de mieux comprendre l’enchainement des circonstances. Comment l’ANC sud-africain perdit-il une bataille gagnée d’avance, plongeant le pays dans une mare d’inégalités sociales en lieu et place de son programme résolument social ? Comment les néolibéraux profitèrent-ils pleinement du massacre de la place Tiananmen pour configurer la Chine à leur convenance (Friedman, toujours dans les bons coups, rendant plusieurs visites à Deng Xiaoping pour le conseiller après le massacre) ?
Les situations historiques s’enchaînent, avec toujours les mêmes schémas, toujours les mêmes profiteurs, et toujours le même résultat : le peuple trinque.
Si bien qu’une lecture en diagonale pourrait laisser penser que Naomi Klein verse dans la théorie du complot. Ce qui est totalement faux. Pour prendre l’exemple du 11 septembre, la journaliste ne verse absolument pas dans les théories conspirationnistes, se bornant à démontrer méthodiquement comment de la catastrophe est née un énorme marché de la sécurité intérieure qu’il faut désormais alimenter par tous les moyens, un « capitalisme du désastre » glouton qui frappe également Israël.
Elle revient sur cette notion de complot (devinant sans doute qu’on l’attend au tournant) dans un passage convaincant titré « Pas besoin de complot ». Montrant comment cette tentation de voir des complots partout, phénomène mondial exponentiel, peut s’expliquer par la multiplication des catastrophes de toutes formes, elle explique ensuite :
La vérité est à la fois moins sinistre et plus dangereuse. Car un système économique qui exige une croissance constante tout en refusant presque toutes les tentatives de réglementation environnementale génère de lui-même un flot ininterrompu de désastres militaires, écologiques ou financiers.
Interrogée par Daniel Mermet sur France Inter en octobre 2008 (Pour écouter l’émission, c’est ici), elle explique ainsi sa position : « Je ne vois pas ça comme un complot, car ce que je décris se fait au vu et au su de tous. […] Dans les documents que j’utilise, les technocrates néolibéraux eux-mêmes montrent le lien entre l’application de ces théories et les moments de crise rencontrés. »
C’est bien là l’horrible ironie de la chose : les théoriciens néolibéraux ne se cachent même pas de leurs objectifs. Plus de trente ans de désastres divers n’ont rien changé à leurs convictions. Pour Friedman, tel qu’il l’écrivit en 2005, Katrina ne devait pas être vu comme une catastrophe mais plutôt comme une « occasion ». Désespérant. Comme le dit Naomi Klein : « Lorsque les mêmes erreurs sont répétées systématiquement, le moment est venu de se dire qu’il ne s’agit peut-être pas d’erreurs du tout. »
Et maintenant ?
Étrangement, Naomi Klein termine son ouvrage sur une note positive. Après avoir décrit en long et en large, avec une acuité terrible, la mise à sac de la planète par une idéologie toute-puissante, la généralisation des inégalités face au désastre (reprenant la répartition de bagdad entre « zone verte » – QG américain hyper confort – et « zone rouge » – le reste, hyper craignos – elle applique cette division à d’autres régions frappées par des désastres, la Nouvelle Orléans post-Katrina par exemple), la tentation de « guerre mondiale à perpétuité » qui s’est emparée de Washington ou Tel Aviv, elle décrit les années à venir comme potentiellement différentes.
Ce n’est pas parce que Friedman est mort (champagne !) en 2006 qu’elle parvient à cette conclusion. Cela a plutôt trait à certaines formes de refus par la population des politiques néolibérales. C’est d’ailleurs surtout en Amérique du Sud qu’elle voit le prélude à un renversement de valeurs planétaires : les manifestations de 2001 à Buenos-Aires qui, en quelques semaines, poussèrent à la démission cinq présidents successifs, l’élection de Chavez, de Morales, de Bachelet, de Correa ou de Lula, marquent pour elle la fin de l’État de choc. Le poison de la terreur ne coule plus dans les veines de ces populations, il existe donc un contre-poison.
Mieux, ces pays développent progressivement des institutions financières continentales pour ne plus dépendre du FMI, suprêmement discrédité, en Argentine (que le FMI ruina) mais aussi ailleurs. Dans ces pays qui ont servi de laboratoires au néolibéralisme sauvage, le symbole est frappant. A nous de suivre le mouvement…