ARTICLE11
 
 

mardi 22 décembre 2009

Entretiens

posté à 23h58, par Lémi
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Bruce Bégout : « Les exemples de l’indécence sociale sont multiples, quotidiens, gigantesques »
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Toujours, revenir à Orwell. L’écrivain anglais n’a pas seulement livré une œuvre romanesque passionnante. Mais a aussi analysé avec une rare clairvoyance les problèmes politiques de son temps - et du nôtre. Dans De La Décence ordinaire (2008), Bruce Bégout revenait sur la pensée d’Orwell, analysant une part méconnue et très contemporaine de son œuvre. On a voulu en savoir plus.

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Il y a un Orwell que l’on connaît peu, qui est resté dans l’ombre de la figure presque écrasante de 1984. Il est moins facile d’accès, c’est certain. Moins charismatique, aussi : il n’a pas l’attrait prophétique de celui qui - à travers 1984 ou La Ferme des animaux - met à nu les ressorts d’une société totalitaire. Il n’a pas non plus la charge presque mythique de ce combattant de la liberté, volontaire pour rejoindre les Brigades Internationales pendant la Guerre d’Espagne avant d’en livrer un récit magnifique, auréolé de désillusion, Hommage à la Catalogne. Il est plus discret, en quelque sorte.

Il y a deux Orwell, donc. Le premier passé à la postérité historique, le second un brin méconnu. Les deux sont naturellement indissociables : comment comprendre l’Orwell extraordinaire sans connaître son double, homme aux deux pieds solidement planté dans son époque, être assoiffé de simplicité et d’ordinaire ? Tout simplement impossible.

C’est que la majeure partie de l’œuvre de l’écrivain anglais est habitée par une quête de simplicité, de frugalité. Parmi les humbles et les sans-grades, Eric Blair (son nom de naissance) a échafaudé ses réflexions politiques et construit son univers théorique. Question d’affinité - écrivant à Henry Miller, Georges Orwell disait sa préférence pour « une sorte d’attitude terre à terre, solidement ancrée  » et expliquait se sentir « mal à l’aise » dès qu’il quittait « ce monde ordinaire où l’herbe est verte et la pierre dure » - mais aussi de conviction : une pensée politique se détachant du quotidien du plus grand nombre se fourvoierait forcément, élitiste et hors-sujet.

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Cette part méconnue de Georges Orwell a retenu l’attention de Bruce Bégout. L’auteur de La Découverte du quotidien, de Zéropolis (Allia) et (entre autre) de L’Éblouissement des bords de route (Verticales), en a tiré une étude passionnante. Publié en 2008 aux éditions Allia, De La Décence ordinaire s’articule autour de l’idée de « Common decency » (décence ordinaire, principe théorisé par Orwell) et interroge l’approche politique de l’écrivain anglais, ainsi que ses troublantes résonances contemporaines. Une démonstration limpide sur laquelle il a gentiment et longuement accepté de revenir pour Article111.


Il y a quelque chose de fascinant dans la démarche d’Orwell, ce que vous désignez comme une forme de « démarche auto-punitive ». Issu d’un milieu très aisé, destiné à fréquenter l’élite, il choisit d’aller vivre parmi les déclassés et les miséreux pour dénoncer leurs conditions de (sur)vie. Qu’est ce qui l’a poussé dans cette voie ?

Il est difficile de cerner les divers motifs psychologiques, sociaux et politiques qui ont conduit Orwell à devenir socialiste en 1936. Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’il décide d’entrer dans la police impériale britannique juste après sa sortie d’Eton il est sans doute mu par le respect d’une certaine tradition nationale ainsi que par le respect de la volonté parentale. Il ne faut pas oublier qu’Orwell (Eric Arthur Blair) est issu de la moyenne bourgeoisie anglaise, qui est très attachée à l’Empire. Lui-même fait montre d’un goût pour les armes et la discipline militaire, d’un certaine fascination du combat et pour Kipling. Il a su peu à peu transcender ces conditions sociales et ces influences familiales.
Au départ, la critique de ce conditionnement prend la forme brute d’un rejet aveugle et peu réfléchi. Orwell quitte la police impériale et, par une sorte de volonté de mortification, d’auto-châtiment, il s’en va vivre l’existence des gens de peu, des trimards et des vagabonds, ce qui donnera lieu à sa première grande œuvre Down and Out in Paris and London2.

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Cette démarche est loin d’être calculée, de s’inscrire dans une vision du monde articulée. Elle repose sur une aversion affective pour les signes les plus visibles de l’autorité. C’est tout. Déjà à Eton, Orwell avait manifesté un mauvais esprit critique sans objet ni méthode. Il était contre, sans trop savoir quoi ni pourquoi. A la fin des années vingt, il ne savait pas encore donner un objet à son aversion existentielle. Il a donc choisi de vivre en marge de la société, comme s’il savait ce qu’il rejetait mais non encore ce qu’il voulait. Il lui faudra presque huit ans pour franchir le pas du socialisme, pour donner à sa critique affective et littéraire de la société anglaise un certain contenu politique. Jusque-là, Orwell tente de partager la vie des déclassés sans pouvoir totalement la comprendre ni se déprendre, comme il l’a avoué à plusieurs reprises de manière sincère, d’un certain préjugé de classe à leur encontre. Avant 1936, il est contre la société, mais non pour le socialisme. Sa révolte demeure personnelle et littéraire, elle n’a pas encore pris un tour politique marqué.

« Il lui faudra presque huit ans pour franchir le pas du socialisme, pour donner à sa critique affective et littéraire de la société anglaise un certain contenu politique. »

Il semble que la Guerre d’Espagne et ses désillusions aient joué un grand rôle dans l’évolution politique de l’écrivain anglais. Est-ce de ce moment qu’il abandonne définitivement le socialisme classique pour forger sa propre approche ?

Je ne pense pas qu’Orwell ait tout d’abord adhéré au socialisme classique. Il a certainement lu Marx, mais sans l’étudier à fond : la doctrine socialiste lui importe peu. Il n’en retient que les grandes lignes, sans suivre l’orthodoxie en la matière. Je dirais que, dès le début, certains sentiments moraux et sociaux ont prévalu chez lui ; et il a su donner à ces sentiments une certaine orientation pratique et politique. Son socialisme est toujours resté en un sens sentimental (mais pas sentimentaliste), fondé sur un sentiment d’injustice, sur le goût de la décence commune et ordinaire, sur cette manière de prendre soin des autres sans vouloir les exploiter ou les dominer qui - selon moi - constitue une sorte d’éthique minimale de la vie quotidienne. Un peu comme pour William Morris, avec lequel il partage de nombreux points communs, notamment le rejet de la société industrielle.
Le socialisme d’Orwell est ainsi fait d’intuitions plus que d’idées. Pour lui, il signifie l’égalité entre les individus, et le respect de leur liberté. Pour ce faire, il faut nécessairement modifier les institutions sociales et économiques qui créent et accentuent ces inégalités, et entreprendre une réforme profonde de l’état social.
La guerre d’Espagne et les événements de Barcelone en 1937 ont été décisifs à cet égard. Orwell y a fait à la fois l’expérience de la solidarité quasi instinctive entre des combattants venant d’horizons divers - et ce sans grand débat politique entre eux sur l’orientation de l’action révolutionnaire (même si Orwell a débattu au sein du POUM de ces thèmes) - et de la trahison des communistes qui, voulant se débarrasser des vrais révolutionnaires, les ont pourchassés, enfermés, tués et ont sali leur mémoire.

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Si ce moment est important, ce n’est pas tant pour la formation de son socialisme. Mais plutôt pour la révélation soudaine et violente de la mentalité totalitaire et de ses ravages sur des intellectuels bolchéviques toujours prompts à dissimuler le mensonge et le crime pour le simple profit du parti. Orwell a connu le mécanisme du totalitarisme dans sa chair : rappelons qu’il a échappé par miracle à une exécution à Barcelone. Il a tout de suite perçu les ravages de la propagande et du langage dévoyé. Cela ne l’a pas détourné du socialisme, mais renforcé dans l’idée que le vrai socialisme a plus à voir avec le souci ordinaire des vies simples et humiliées qu’avec la construction idéologique toujours complice d’une violence faite au réel, aux hommes réels.

À une époque où il était de bon ton de céder au messianisme et aux sirènes de l’utopie, Orwell conservait une lucidité étonnante. Vous écrivez : « Le socialisme, tel que le conçoit Orwell, ne vise pas à établir une société parfaite, mais une société meilleure. » Est-ce cette humilité politique qui donne tant de prix à sa pensée ?

Orwell ne partage pas la vision d’une révolution sociale fondée uniquement sur l’appropriation des moyens de production de la société industrielle ; en ce sens, il est précieux pour notre époque. S’il voit dans le capitalisme une forme perverse de domination de l’homme par l’homme, il la dénonce encore davantage dans la société industrielle. Il ne peut donc partager le machinisme et le productivisme béats de certains socialistes des années trente, qui ne jurent que par la croissance et la production pourvu qu’elles soient au main des prolétaires.
Bref, Orwell a beaucoup de mal à admettre la mythologie du progrès que le socialisme relaie et renforce. Son socialisme est la synthèse entre la conservation de certaines traditions populaires non inégalitaires (le pub, la fête, le goût simple de la nature, la solidarité des corps de métier, etc.) et une réforme sociale profonde et totale. Son socialisme est - en un mot - pré-marxiste, il trouve ses racines dans les mouvements communistes non marxistes anglais et français du début du XIXe siècle, d’un âge presque pré-industriel. Son conservatisme, si conservatisme il y a, n’est pas politique (sur ce plan, c’est un authentique révolutionnaire), mais porte sur certains aspects sociaux. Il s’agit de conserver des pratiques authentiques de justice et d’entraide. Et de priser la vie quotidienne et ses plaisirs ordinaires.

Orwell pense donc qu’il faut préserver certaines pratiques sociales et populaires et ne pas transformer l’homme ordinaire en un simple esclave de la machine. Pas pour rester telle quelle, dans une sanctification réactionnaire de la tradition. Non, « conserver, c’est développer », dit Orwell. La préservation de certains aspects doux et bons de la vie ordinaire doit servir de base pour une transformation sociale allant dans le sens de l’extension des valeurs telles que l’égalité, le respect, la décence, etc. L’amélioration est donc la recherche d’un équilibre toujours instable entre la préservation de ce qu’il y a de bon dans cette vie-là, même exploitée et humiliée, et la réforme des conditions les plus iniques de la vie sociale.
Dans ce programme, l’utopie n’a pas sa place, laquelle entend faire table rase de la vie donnée, et tout reconstruire sur une base purement idéelle et théorique. Orwell perçoit très souvent dans le révolutionnaire un homme uniquement gouverné par la haine de soi et par l’absence d’ancrage dans la vie quotidienne (dans ce qu’elle peut offrir de simple, de médiocre, mais de tellement humain). C’est pourquoi il se méfie des fanatiques de la perfection, même morale (les « saints », comme Tolstoï ou Gandhi par exemple). Il ne renonce pas pour autant à l’idée de révolution. Seulement, cette révolution n’aura pas pour but de tout chambouler afin d’introduire un ordre nouveau, un homme nouveau. Mais de briser l’ordre établi qui cantonne les pratiques non dominatrices de la vie ordinaire aux replis obscurs de la quotidienneté : ces pratiques doivent servir de matrice à toute action sociale.

«  Orwell se méfie des fanatiques de la perfection, même morale [...]. Mais il ne renonce pas à l’idée de révolution.  »

Vous avez beaucoup travaillé sur le thème du quotidien. En quoi le concept orwellien de « décence ordinaire » rejoint votre approche de la question, notamment formulée dans La Découverte du quotidien ?

Mon intérêt pour Orwell est antérieur à la rédaction de La Découverte du quotidien. Mais dans ce livre, je me suis posé certaines questions qui m’ont obligé à prendre en compte de manière plus sérieuse la thématique orwellienne de la « common decency ». En gros, dans La Découverte du quotidien, je m’interrogeais sur les transformations que la quotidianisation opère sur notre expérience du monde. Je remarquais que l’une de ses transformations majeures consistait dans la production d’une ambiance générale de confiance et de familiarité, qui permettait à son tour des activités sociales supérieures, comme une base solide en vue d’une exploration plus approfondie du monde.
J’étais ainsi à la recherche d’un processus interne à la vie quotidienne en effaçant tous les accidents, les gommant ou les intégrant dans une unité vivante rassurante. La décence ordinaire m’est alors apparue comme une qualité quasi éthique de la vie quotidienne, dans sa faculté de créer passivement des liens de confiance et de solidarité entre les hommes ordinaires. L’idée ? Ce que nous avons de plus commun entre nous réside dans les gestes les plus ordinaires. Le quotidien est donc porteur d’une certaine capacité d’attachement entre les hommes, attachement qui peut aller jusqu’à un respect prélogique et un sens quasi naturel de la mutualité. Si le mal est toujours vécu comme une violence faite à la quotidienneté, rupture soudaine et traumatisante, irruption déchirante, cela veut dire inversement que la continuité en apparence banale de la quotidienneté a le pouvoir d’engendrer une sorte de bien minimal, non le Bien au-delà de l’Être de Platon, le Bien comme valeur absolue, mais une forme pré-morale de bonté, de douceur, de respect.

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C’est justement ce que j’ai reconnu dans la « common decency » d’Orwell. Non pas tant une moralité innée, naturelle, mais une pratique ordinaire de l’entraide, de la confiance mutuelle, des liens sociaux minimaux mais fondamentaux. Cela ne constitue pas une morale en bonne et due forme, mais assure un sens spontané de ce qui doit se faire ou ne doit pas se faire. C’est là, me semble-t-il, la clé de la décence ordinaire. C’est cette faculté même d’être attaché aux autres dans leur caractère ordinaire, qui est aussi le nôtre, qui nous prévient contre toute action violente contre eux, contre toute volonté de domination. Cela ne veut pas dire que les gens ordinaires ne peuvent pas être pervers, mais que cette perversion nécessité la rupture totale avec leur monde de la vie, avec cette assise naturelle de l’existence. C’est d’ailleurs ce que montre l’historien C. Browning dans Des Hommes ordinaires, qui raconte comment des policiers de réserve de Hambourg sont engagés sur le front de l’est pendant la Seconde Guerre mondiale et vont pour la plupart se livrer à des crimes de guerre.
D’une certaine manière, donc, la vie ordinaire dans son déroulement journalier et familier constitue une sorte de tissu existentiel et moral qui fait obstacle à la barbarie. Pas toujours, mais le plus souvent. D’où le caractère totalement absurde et anormal de la vie quotidienne dans un contexte totalitaire, comme l’ont souvent signalé eux-mêmes les habitants concernés et les prisonniers des camps. Cela montre a fortiori que la normalité quotidienne s’oppose en partie, secrètement, à ce tohu-bohu du mal généralisé.
Je crois, de manière naïve peut-être, que le mal ne peut pas se quotidianiser, que s’il devient tout de même quotidien, et s’inscrit en lui durablement, le quotidien lui-même n’est plus alors totalement ordinaire et banal, mais prend un aspect étrange et absurde. Et si le mal ne peut devenir totalement quotidien, et donc banal (ce en quoi je m’oppose à la thèse d’Hannah Arendt, même si elle parle plus du mal infligé que du mal reçu), c’est que la vie ordinaire lui oppose sa bonté pré-réflexive, sa décence commune faite de paroles confiantes, de gestes inconscients d’accord et d’aide, de soins discrets mais essentiels.

Comment fut perçue à son époque l’idée de « décence ordinaire » ? Avec cette approche humaniste valorisant l’homme ordinaire et ses vertus, ne s’exposait-il pas à se voir taxer de populisme ?

Je ne sais pas si les contemporains d’Orwell avaient perçu dans son œuvre l’importance de cette idée de décence ordinaire. D’un autre côté, Orwell indique que le sens de la décence ordinaire, bien qu’en déclin, constitue l’une des bases de la vie anglaise, que l’on retrouve chez des écrivains comme Dickens, Morris, Butler.
La décence n’est pas la dignité. La dignité renvoie à un rang, et donc nécessite la comparaison avilissante. Pour que je sois digne, il faut que d’autres ne le soient pas. La dignité de la personne humaine implique eo ipso l’indignité d’autres créatures vivantes. La décence n’est pas fondée sur une telle valeur glorieuse de discrimination hiérarchique : elle est en soi égalitaire et commune à tous, à tous ceux qui en font preuve. L’humanisme d’Orwell est un humanisme de l’homme ordinaire, qui ne se gargarise pas de grandes valeurs agitées comme des oriflammes.
Enfin, la question du populisme est complexe et souvent biaisée. Le populisme est devenu une sorte d’injure faite à un certain type de revendication politique où le supposé peuple n’est que ressentiment, impossibilité tragique d’agir en son nom propre. On taxe de populiste ce qui apparaît comme l’expression brute d’une populace, pas encore éduquée et dirigée par l’expert éclairé. Ce terme est donc très fréquent chez les experts pour dénoncer la pseudo-valeur de leur propre critique. C’est un argument stratégique qui vise à inculper la parole populaire, à la caricaturer et la manipuler dans des techniques de détournement de pensée que l’on nomme sondages, au profit de son maintien dans l’inaudibilité. Bref, le populisme tel qu’on l’entend de nos jours est le bâillon symbolique des dominants pour faire taire l’expression des dominés.

«  L’humanisme d’Orwell est un humanisme de l’homme ordinaire qui ne se gargarise pas de grandes valeurs agitées comme des oriflammes. »

J’ai toujours considéré que l’essence même de la démocratie c’est le pouvoir des sans-voix, des hommes ordinaires, des n’importe qui comme le dit Rancière. L’expert qui vilipende le populisme pense que le « n’importe qui » équivaut à « n’importe quoi ». La société technocratique et idéocratique des deux siècles passés n’a pourtant pas prouvé sa haute valeur humaine et sociale, sa capacité autocritique à s’amender et se réformer… Le populisme ne me fait donc pas peur, il n’est que l’épouvantail de ceux qui veulent maintenir leur rang au sein du pouvoir en disqualifiant préalablement comme honteuses les fausses opinions qu’ils se font des dominés, quand ils ne les forgent pas eux-mêmes par les organes de presse qu’ils dirigent.

Orwell déplorait l’ « apathie » des hommes ordinaires, tout en plaçant son espoir en eux pour briser les injustices sociales. N’est-ce-pas contradictoire ?

Orwell n’a jamais dépeint l’homme ordinaire comme un homme idéal, porteur d’une vertu morale sans faille. Il s’en prend même à l’idée de la supériorité morale des pauvres, fausse victoire dans un monde où leur défaite sociale est jour après jour confirmée.
Le problème est que la décence commune est davantage un sentiment de ce qui ne se fait pas - même si elle a elle-même une certaine positivité dans la vie quotidienne - que de ce qui doit être fait ; elle n’apparaît donc au niveau politique que comme un simple frein à la domination absolue. La question essentielle est de savoir comment la décence ordinaire, qui est une sorte d’attitude spontanément critique vis-à-vis de la domination et du pouvoir, peut elle-même devenir un élément politique de transformation du pouvoir. Il faut donc imaginer des dispositifs socio-politiques permettant d’exercer le pouvoir, d’organiser la cité, sans sacrifier la décence ordinaire.
Orwell n’a pas vraiment eu le temps, pris par l’urgence de l’histoire, de réfléchir à des dispositifs préservant à la fois cette décence et rendant possible une action politique d’envergure qui ne sacrifierait pas la voix de chacun au profit de l’organisation du tout (ce qui apparaît même dans les organisations démocratiques qui, par des dérives internes de bureaucratisation, confisquent le pouvoir de leurs membres au profit exclusif des représentants). Mais je crois que l’apathie des hommes ordinaires disparaîtra si la décence ordinaire peut s’exprimer en toute franchise dans la vie publique et ne plus être cantonnée à la seule vie quotidienne pré-institutionnelle. A mon avis, cette décence est nécessaire, mais non suffisante. Elle est une base indispensable de l’action sociale, en aucun cas une finalité.

« La question essentielle est de savoir comment la décence ordinaire, qui est une sorte d’attitude spontanément critique vis-à-vis de la domination et du pouvoir, peut elle-même devenir un élément politique de transformation du pouvoir.  »

Son propos n’est-il pas discrédité par une forme de naïveté ? Difficile de ne pas réagir lorsqu’on lit sous sa plume : « Les petites gens ont eu à subir depuis si longtemps les injustices qu’elles éprouvent une aversion quasi instinctive pour toute domination de l’homme sur l’homme  »…

Il n’a pas été si naïf envers les régimes totalitaires puisqu’il a perçu, bien avant d’autres, leur nature profonde, leurs ressorts masqués et leur inversion pathologique de la réalité. Est-il naïf envers la capacité des hommes ordinaires à résister au mal et à ne pas céder à la politique de la domination ? Il s’agit là d’une prise de position qui engage une vision de l’existence. Orwell ne croit pas à la vertu salvatrice des héros ; l’espoir réside non dans la clairvoyance de quelques-uns, mais dans la décence spontanée des hommes ordinaires.
Celle-ci semble - il est vrai - faire défaut aux Russes en 1919-20 et aux Allemands en 1933. Mais on peut toujours considérer que la base d’une politique vraiment démocratique et non dominatrice réside - et résidera toujours - dans la prise en considération directe et sans médiation de la voix de tout un chacun, des voix ordinaires, quand bien même celles-ci ne semblent pas apporter un message clair. C’est à la vie politique de trouver des dispositifs d’expression de ces voix réellement efficaces, et qui ne se satisfassent pas simplement de l’apparence chatoyante de la démocratie participative.

Pour ma part, je suis plus pessimiste qu’Orwell sur ce plan, même si je partage avec lui l’idée que le seul espoir politique viendra de l’expression ordinaire des sans-voix et du boycott ferme des faiseurs d’opinion publique. Je ne crois pas à la vertu salvatrice d’une nouvelle doctrine qui nous expliquerait l’aliénation actuelle et la manière d’en sortir. Nous croulons déjà sous les théories de l’émancipation.

Il semble plus facile à l’écrivain anglais de dénoncer l’indécence que de matérialiser la décence, de la faire entrer dans une sphère politique. Selon vous, « la décence ordinaire est, en tant qu’expression affective et immédiate d’un certain dégoût social, plutôt réactive qu’active, négative que positive.  » Pourquoi n’a-t-il pas réussi à « positiver » son approche politique ?

Disons que le temps lui a manqué. L’urgence de l’époque résidait d’abord dans la guerre contre le nazisme, puis contre la pensée totalitaire. Il s’agissait de combats âpres et violents, qui nécessitaient de démonter et démontrer le caractère monstrueux de ces systèmes de pensée et de gouvernement. Orwell n’a pas vraiment eu l’occasion d’exposer en long et en large ses idées socialistes, même s’il l’a fait à l’occasion dans quelques textes clairs et inspirés, comme Le Lion et la licorne (1940), ou à travers ses chroniques dans Partisan Review ou Tribune. Il était davantage guidé par la défense des hommes ordinaires, de leur liberté élémentaire, de leur mode de vie simple et relativement égalitaire, de leur capacité à diriger leur propre vie sans être tout le temps sous la tutelle du marché ou de la machine, que par le travail positif d’une élaboration intellectuelle du socialisme. Et je pense aussi que l’essentiel pour lui n’était pas là. Il ne s’agissait pas de trouver la théorie la plus à même de nous conduire au grand soir, mais d’éveiller le désir de justice et les inclinations ordinaires à l’égalité.
Enfin, il faut souligner que, tout au long de sa vie (et surtout à partir de 1936), l’activité politique d’Orwell ne s’est jamais arrêtée. On peut considérer que tout est politique dans son œuvre, que toute son expression littéraire - assez diverse entre romans, essais, chroniques et billets - a un sens politique.

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Lorsqu’Orwell parle des intellectuels, « cette catégorie de personnes qui aurait dû, plus que toute autre, faire preuve d’un peu plus de décence dans ses prises de position publiques », il semble d’une actualité brûlante. Pensez-vous que ses analyses sur le sujet soit transposables aux intellectuels médiatiques contemporains ?

Bien sûr. Mais nos intellectuels médiatiques ont depuis longtemps dépassé les bornes de l’indécence. Ils voguent haut dans l’éther du mensonge, de l’hypocrisie totale, de la bassesse la plus crasse. On ne compte plus leurs prises de position tonitruantes qui se sont avérées au mieux fausses, au pire criminelles. Si on passait au crible leurs multiples interventions médiatiques sur tel ou tel sujet de la politique mondiale, on serait effaré par le taux élevé d’inepties qu’ils profèrent jour après jour, dans l’impunité totale.
Ce sont pourtant les mêmes qui chantent aux universitaires, dans les pages de ces grands quotidiens devenus leur tribune matinale, la nécessité de l’évaluation, les bienfaits de l’excellence… Qu’ils commencent par examiner leurs propres dires approximatifs et superficiels, avant de donner des leçons. Le comble est qu’ils pensent, ce faisant, s’opposer au pouvoir, aux puissants, alors qu’ils leur servent quotidiennement la soupe…

«  Nos intellectuels médiatiques ont depuis longtemps dépassé les bornes de l’indécence. »

Ces intellectuels ne sont plus les voix serviles du totalitarisme, comme dans les années 1930, mais celles du marché et du spectacle, du grand barnum des ombres, des fantômes, des zombies. Reste que leur aplomb dans la diffusion de contre-vérités demeure total. Ils ne défendent plus un parti au prix des pires bassesses, mais leur train de vie ou leur cote de popularité. Ils ne s’allient plus avec le Talon de fer de London, mais avec le village global dont ils exploitent la crédulité planétaire et le flux tendu d’informations sans fondement. Pour un énième passage à la télévision, ils seraient prêts à tordre les faits, à trahir une amitié, à écraser ceux qu’ils nomment les médiocres, à savoir ceux qui n’estiment pas la vie bonne aux seuls critères quantitatifs de la réussite sociale.
Mais le fond du problème reste le même : le goût du pouvoir, de la renommée, de la carrière se substitue à la quête de la vérité, à l’éthique de la vocation-profession pour parler comme Weber. Ces intellectuels dévoyés ne sont plus complices de régimes criminels, mais d’un système d’exploitation de l’opinion, d’une marchandisation de la culture, d’une dégradation objective du goût et de l’originalité. Ils sont les produits standardisés de la Kulturindustrie des Idées, des théories, des thèses, le recyclage commercial de vieilles lunes, l’un avec le matérialisme antique à la sauce nietzschéenne, l’autre avec le kantisme juridique, le troisième avec l’antitotalitarisme tendance Eden Rock. Ce ne sont ni plus ni moins que des marques commerciales, avec leur logo simpliste, leur pseudo-valeur ajoutée. Chacun occupe tranquillement un secteur du marché de la pensée, sans se faire concurrence. À toi la défense des droits de l’homme, à toi l’exaltation de la passion, à moi la critique de la technique ; et tous sont unis dans les renvois d’ascenseur, les critiques dithyrambiques, les coups de fils complices.

«  Tous unis dans les renvois d’ascenseur, les critiques dithyrambiques, les coups de fils complices. »

En parcourant votre livre, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec notre époque. L’indécence du pouvoir et de ses représentants semble n’avoir jamais été si forte : c’est ce qui vous a poussé à rédiger cet essai ?

Inconsciemment, sans doute. Le livre est né de la réflexion sur l’éthique ordinaire, et non d’une volonté critique vis-à-vis de l’époque. Mais j’avais écrit une longue préface à l’été 2008 sur la droite décomplexée, et ce avant même la crise financière. Mon éditeur, qui approuvait ce texte, m’a cependant convaincu de le supprimer, chacun comprenant au fond pourquoi un tel livre devait être publié à notre époque : il n’était nul besoin d’en rajouter.
Bien sûr, notre époque est indécente. Et surtout dans la façon qu’elle a de croire qu’elle est au-delà même de l’indécence. C’est cela qui la caractérise : le comble de l’indécence dans la croyance en sa propre respectabilité. Auparavant, les dominants reconnaissaient au moins la domination inique qu’ils exerçaient et ne la drapaient pas dans de fausses vertus. Tandis que, de nos jours, on pratique les expulsions de réfugiés en arguant de sa bonne foi et en promettant à ces personnes désespérées un avenir radieux dans leur pays ravagé.
C’est cela qui est le plus révoltant, quand le pouvoir veut gagner sur les deux tableaux, celui du monopole de la violence légitime et celui de la vertu et de la bonne conscience. Il faut choisir. Certains ministres de l’ancien temps affichaient au moins sans vergogne leur air de tortionnaire et ne jouaient pas les Tartuffe…

« C’est cela qui caractérise notre époque : le comble de l’indécence dans la croyance en sa propre respectabilité. »

Les exemples de l’indécence sociale sont multiples, quotidiens, gigantesques. Mais il ne faut pas rester à la simple indignation morale, il faut exercer une pression forte, constante, sur les dominants. S’ils font preuve d’indécence, c’est que le rapport de force leur est devenu favorable à la fin des années soixante-dix. Lorsque des grèves générales, des actions terroristes, une hostilité et une tension sociale constantes prévalaient, les dominants, tout en continuant à faire fructifier leur capital et leur pouvoir, se faisaient relativement discrets, et n’exhibaient pas de manière obscène leur pouvoir afin d’humilier symboliquement ceux qu’ils exploitaient déjà quotidiennement.
C’est là, à mon avis, l’élément nouveau. L’indécence actuelle a investi le champ honorifique du symbole et de la justification idéologique. Elle s’affiche sans vergogne, et jouit même de la croyance nouvelle en sa propre vertu. Elle n’a plus peur de se montrer telle quelle comme indécence, elle veut elle-même gagner la respectabilité de la sphère publique en se faisant passer pour quelque chose de digne. D’où le réflexe assez incroyable de ces dirigeants de grandes entreprises qui, après avoir mis leur société dans le rouge, s’en vont avec un énorme magot de stock options et s’indignent que l’on trouve cela indigne. Et je crois qu’ils sont sincères au fond, ils ont tellement vécu dans cette décomplexion contemporaine qu’ils ne voient même plus où se situe l’indécence de leur comportement.
Les signes de cette nouvelle indécence sont multiples. Elle apparaît partout où la domination s’affiche en toute bonne foi, sans se dissimuler, afin de s’imposer, à la fois et de manière définitive, comme normale et nécessaire, et de se donner la justification symbolique du statu quo, de ce qui est établi pour toujours et ne changera jamais. Or le rôle de tout penseur critique est de s’en prendre continuellement à l’ordre établi, à ce qui se tient là comme norme absolue, Das Bestehende, comme le dit Adorno.

«  L’indécence actuelle a investi le champ honorifique du symbole et de la justification idéologique. Elle s’affiche sans vergogne, et jouit même de la croyance nouvelle en sa propre vertu. »

Jusqu’à 1995 et la parution de Georges Orwell, Anarchist Tory de Jean Claude Michéa, on ne connaissait pas Orwell pour ses talents d’analyste politique pur. Ses théories sur la « décence ordinaire », par exemple, étaient totalement négligées. Pourquoi cette facette fondamentale d’Orwell a t-elle été négligée si longtemps ?

Il faudrait sans doute dresser l’histoire de la pensée critique depuis la Seconde Guerre mondiale, et voir la divergence entre diverses tendances souvent irréconciliables. Il y a sans doute chez Orwell un côté viril et sévère, une forme d’intransigeance dans le comportement et les idées. Celle-ci ne convient pas à notre époque postmoderne, fluide et liquide qui prétend avoir définitivement dépassé les oppositions traditionnelles du vrai et du faux, du bien et du mal, de l’authentique et de l’inauthentique, et qui ne se demande pas ce qu’il faudrait mettre à la place. Ce qui est, à mon sens, le critère distinctif même du nihilisme : est nihiliste, non pas tant la dévalorisation de toutes les valeurs (chaque penseur critique est nihiliste en ce sens), mais l’incapacité de créer de nouvelles valeurs.
Le post-modernisme est nihiliste dans la mesure où il se complait dans la déconstruction auto-satisfaite de systèmes de valeurs hérités du passé, se gardant de toute réflexion positive sur ce qu’il s’agit à présent d’inventer, d’instituer comme nouvelles formes ou normes de vie. D’où son ironie impuissante et immature dans le démontage des idées passées. Mais lorsqu’il aura tout démonté, tout déconstruit, tout décomposé, comme un enfant capricieux et sans imagination, le nihiliste ne saura plus quoi faire… Ce qui est un peu notre cas. On cherche uniquement à poursuivre le travail de déconstruction, en s’attaquant à de nouveaux domaines désormais très étroits où la domination des valeurs persisterait.

Dans ce contexte, le socialisme relativement austère d’Orwell, son attachement viscéral à des valeurs lui paraissant fondées - comme la décence, la franchise, le goût de la vérité - semble démodé. Il faudra bien pourtant un jour quitter notre confort déconstructionniste et tenter d’imaginer de nouvelles formes possibles de société, de vie commune, d’organisation sociale. Des auteurs comme Orwell, Kosik, Castoriadis, Patocka redeviendront alors indispensables.
Je crains que ce ne soit malheureusement pas encore le cas en France, pays qui n’a pas fait sa cure de désintoxication déconstructionniste et qui poursuit, avec l’allant digne d’un moribond mobilisant ses dernières forces, sa quête de nouvelles valeurs à démonter et de nouveaux symboles à bafouer. Et ce, in fine, afin de laisser libre champ à quoi ? Au flux perpétuel, au devenir liquide, au bombardement atomique de l’insignifiance.

Orwell reste donc indispensable ?

Je ne sais pas. Je n’ai pas la capacité de sonder le cœur des gens et de l’époque. Il est toujours difficile de jouer à ce jeu grisant, mais difficile, de l’anachronisme.
En tout cas, Orwell m’est indispensable. Lorsque j’ai découvert ses écrits, j’ai été ébloui par leur franchise, ce que les anciens nommaient la parrhésia et qui est le fondement interpersonnel de toute polis.
Je crois enfin que le plus important chez Orwell tient dans cette capacité à demeurer fidèle en toutes circonstances à quelques principes essentiels, et à cultiver un sens ordinaire du bonheur nous prévenant contre toute volonté de domination, politique ou académique. Bien sûr, c’est un idéal sévère, un peu romain, mais c’est un idéal qui - contrairement à beaucoup d’autres - a un enracinement dans le réel.
D’autres sont plus intelligents que lui, ou inventifs. Mais Orwell demeure sans égal pour ce qui est de la lucidité critique. Notre époque, du point de vue politique et des idées, est sans doute plus confuse que les années 1930, quand deux ou trois modèles socio-politiques s’affrontaient : nous nous n’en connaissons qu’un aujourd’hui, mais il repose sur des fondements multiples, fragiles et contradictoires. C’est pourquoi la capacité de voir clair dans le brouillard des idéologies doit être plus que jamais cultivée. Sur ce plan-là, Orwell est le meilleur des exemples à suivre.

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Ps : Article11 ferme ses portes jusqu’au lundi 4 janvier, ami lecteur. D’ici là, rien de nouveau à attendre sur le site, sauf crise de manque improbable de JBB. Joyeuses vacances.



1 Entretien réalisé par mail.

2 Dans la dèche à Paris et à Londres, disponible en 10/18.


COMMENTAIRES

 


  • Voilà un entretien qui repose et fait du bien ! Merci.

    Au rayon des références, je suis en train de finir :
    Orwell, George, Écrits politiques (1928-1949), Marseille, Agone, 2009, ISBN 978-2-7489-0084-2

    Un extrait du 4e de couverture :
    « Ce recueil dessine l’itinéraire des engagements d’Orwell et l’évolution de ses idées : témoignages sur l’Espagne de la guerre civile, appels des années 1940-1941 à la révolution en Angleterre pour gagner la guerre contre Hitler, condamnation radicale de l’impérialisme britannique en Inde et en Birmanie, réflexions sur le socialisme et la démocratie, critique des intellectuels et de leur fascination pour le pouvoir, bilan de l’expérience travailliste d’après guerre, etc. Il inclut des essais méconnus, qui furent des jalons importants dans l’élaboration de ses conceptions sur l’individu, l’État et la société, comme »Culture et démocratie« , »Les socialistes peuvent-ils être heureux ?« ou »La révolte intellectuelle".

    • Merci de le signaler. Je l’ai souvent repéré en librairie mais ne l’ai jamais ramené dans mon antre, pour des raisons fort obscures. Ceci dit, cet impair sera forcément réparé un jour ou l’autre et le contenu dudit livre (effectivement fort alléchant) rapatrié en ces pages. Patience...



  • « Orwell demeure sans égal pour ce qui est de la lucidité critique »

    Absolument ! Grand merci pour ce billet en tout cas. Un autre livre important d’Orwell :
    Ecrits politiques (1928-1949) : Sur le socialisme, les intellectuels et la démocratie.



  • « Ps : Article11 ferme ses portes jusqu’au lundi 4 janvier, ami lecteur. D’ici là, rien de nouveau à attendre sur le site, sauf crise de manque improbable de JBB. Joyeuses vacances. »

    Ben alors ? Art. XI s’ococoule dans les stupres bourgeoiso-fêtardeux christiques ? :-)))

    Excellent article pour clore cette année ! Bonnes vacances !



  • Tant qu’on est dans la bibliographie, à noter chez Ivréa deux recueils édités avec l’EdN :

    Orwell, George, Dans le ventre de la baleine et autres essais (1931-1943), Paris, 2005

    Orwell, George, Tels, tels étaient nos plaisirs et autres essais (1944-1949), Paris, 2005

    Sinon j’ai un peu tiqué sur le rapprochement Russie de 1919-20 et Allemagne de 1933.

    Qu’on réfléchisse sur le totalitarisme comme phénomène global, comme expression publique du capitalisme d’Etat qui retiendrait aussi bien l’Allemagne hitlérienne et l’URSS stalinienne, pourquoi pas ; mais comparer les situations russes et allemandes pour en ressortir qu’à chaque fois le manque de « décence ordinaire » de la population (« les russes, »les allemands« ... et non pas »les bolcheviks« - et là encore ça serait très discutable - ou »les nazis") serait, en creux, la cause identique du totalitarisme ça me semble tout à fait simpliste.

    C’est pratique comme raisonnement cela dit : on fait abstraction absolument de l’ensemble du contexte et on rend responsable l’absence dans la population de bonnes dispositions psychologiques dont on nous explique tout au long de l’interview qu’elles sont à peu près simplement négatives, et globalement inconscientes. C’est une théorie à la fois de l’action et de l’histoire qui me semble tout à fait originale ; en tout cas ça va bien nous aider tient ! :-)

    • Sur ce point, je ne peux répondre à la place de Bruce Bégout. Simplement, il me semble que tu simplifies un peu des choses énoncées de manière plus complexes.

      Merci pour les références Ivréa/EdN

    • jeudi 24 décembre 2009 à 13h27, par un-e anonyme

      Orwell voulait simplement dire que l’Angleterre avait depuis plusieurs siècles une tradition démocratique vive et quotidienne, et que c’est sans doute cette assise historique qui l’a empêchée de verser dans le fascisme. De leur côté, la Russie et l’Allemagne n’avaient connu tout au long de leur histoire que des régimes autocratiques, sans avoir pu constituer ce faisaint un tissu démocratique, un éthos démocratique. Mais bien entendu le totalitarisme a d’autres fondements que la simple absence de common decency des peuples qu’il soumet.C’est un phénomène complexe qui tient sans doute au choc de la modernité, à la montée des masses et de la technologie toute puissante, à ce que Jünger nommait la mobilisation générale. Mais on mobilise plus facilement quelqu’un qui n’a jamais su ou pu cultiver l’éthos quotidien de la décence, parce qu’il a toujours vécu dans un système d’humiliation pyramidal, que quelqu’un qui a su ou pu le faire grâce à un contexte historique et quotidien propice.

      • Je suis relativement (relativement, parce que ce ne sont pas non plus des lectures d’hier...) familier de la pensée d’Orwell pour avoir lu l’ensemble des articles (sans parler des bouquins, bien sûr) présents dans les recueils cités au dessus, si j’étais chez moi j’essaierai d’en retrouver des morceaux intéressants. Disons simplement qu’Orwell ne se préoccupe pas de démontrer ce qu’il affirme, il y a un côté mystique dans sa vision du peuple anglais qui me semble n’être qu’un moyen pratique de s’éviter toute démonstration.

        Il se contente d’expliquer que les anglais ne sont pas tombés dans le fascisme parce qu’ils en étaient par nature incapables, et démontre cette incapacité par simple effet de miroir en montrant que les italiens ou les allemands, peuples supposés amoureux de l’autorité, sont tombés, eux, dans le piège fasciste. C’est quand même faire peu de cas des conditions historiques ayant menés aux développements, ou non, de totalitarismes fascistes dans ces pays ... et c’est faire une lecture très flatteuse de l’histoire anglaise (et une lecture tout à fait contestable de l’histoire allemande et de son absence supposée de substrat démocratique, toute l’Allemagne n’est pas la Prusse) et de son « ethos » démocratique.

        Il ne s’agit pas de dire que les conditions psychologiques ne jouent pas, au contraire, elles jouent bel et bien, mais il s’agit de dire que ces caractères ne sont pas intemporelles, elles sont inscrites dans un contexte matériel précis, qui les modulent : Orwell se dit persuadé que le fascisme ne pourrait pas arriver en Angleterre ; pour moi il a tort, il fait juste montre d’un idéalisme excessif et relativement anhistorique.

        Un « petite » image sinon, qui m’amuse, même si la question finale (« C’est Orwell ou Huxley qui a raison ? » ... d’ailleurs Orwell se moque bien du « pape » - ou je ne sais plus quel terme - Huxley dans ses articles) me semble peu pertinente. Disons que ça a le mérite de remettre en question « l’ethos » démocratique des démocraties. (cf. lien en dessous)

        Voir en ligne : http://img94.imageshack.us/img94/33...

    • Merci pour ce commentaire qui réintroduit des nuances entre les idéologies (mot qui fait grimacer d’horreur « les pragmatiques battants »).
      Merci aussi de rappeler que l’amalgame entre nazi et allemand, entre bolchevique, stalinien, communiste et soviétique constitue le genre d’approximation de pensée à l’oeuvre actuellement. Tout étant égal à tout, nul besoin de chercher autre chose que son propre bien-être !!



  • Un livre à lire, quoi. En tout cas, les idées d’Orwell restent cruciales pour comprendre comment ne pas répéter les tragiques erreurs des communistes du XXe siècle. Je ne saurais trop recommander Aldous Huxley à ce titre, qui avec Orwell me semble former le binôme le plus génial du XXe siècle en termes de philosophie politique ; avec des trajectoires bien différentes mais une lucidité quand aux rapports individuels et aux systêmes de masse humains extraordinaire.

    Sinon, désolé de passer par là mais je ne trouve plus votre page de contact : votre flux rss foire sévèrement, il ne cesse de présenter de nouveaux articles par dizaine alors que ceux-ci ont déjà été publiés. C’est un peu gênant quand on a beaucoup de flux. Ca n’empêche pas de vous lire, mais bon, vu que ça dure depuis des semaines maintenant, je me demandais si vous vous en étiez aperçus. Allez, bonne continuation, supprimez mon message quand vous l’aurez lu ;-)

    • Tout d’accord pour Huxley, même si j’ai plus de lacunes en la matière. Sur la question du totalitarisme, je rajouterais aussi Koestler et Victor Serge (entre autres), eux aussi d’une lucidité précieuse à une époque ou c’était rare.

      Pour cette histoire de flux RSS, c’est du chinois pour moi, mais je vais en informer qui de droit, l’éminence geek d’A11.

      • Un petit article sur Victor Serge et le totalitarisme, de Ph. Bourrinet, sur le site de la Fundación Andreu Nin.
        Bon sinon il y a aussi toutes les oeuvres de Victor Serge qui sont relativement faciles à trouver (ce qui est notable ; beaucoup d’auteurs communistes ou anarchistes étant introuvables depuis de trop longues années ... allez trouver Pannekoek en français par exemple - heureusement il reste internet, un peu, et les copains, beaucoup).

        Voir en ligne : http://www.fundanin.org/bourrinet.htm



  • On peut être digne par rapport à soi-même, sans aucune référence à un indigne chez les autres. Pour moi, c’est cela la décence !



  • une bonne blague pour finir l’année !
    « Marx était anarchiste »
    voir
    http://www.legrandsoir.info/Marx-an...
    le solstice d’hiver est passé, le soleil remonte à l’horizon, ce n’est pas parce que les cathos ont récupéré cette fête payenne qu’il faut bouder notre plaisir de voir venir un printemps chaud quand nous sommes « tous égaux mais il y en a qui sont plus égaux que les autres »



  • samedi 26 décembre 2009 à 14h59, par Caleb Irri

    bonjour,

    je voudrais signaler également un ouvrage, toujours chez Ivrea, dans la collection « encyclopédie des nuisances » : 4 tomes des « essais, articles et lettres » d’Orwell (je peux retrouver les références exactes si je prends la peine de monter un étage)

    sinon, à propos de l’article, je voudrais dire que je trouve cette théorie sur la « décence ordinaire » très intéressante, mais j’ai quelques désaccords avec l’auteur sur l’origine de son « socialisme », et sa prétendue « naïveté ».

    à mon avis, l’origine de sa vision politique date de la Birmanie, où le sort des Birmans, la position de l’empire Britannique et sa participation à l’exploitation de cette population l’ont tout simplement touché humainement, et qu’il parlait avec son coeur plus qu’avec sa tête, d’où sa participation à la guerre d’Espagne. toute sa réflexion s’affinera au cours des expériences qu’il tentera, et confirmera peu à peu ce qu’il avait senti dès le début : l’injustice que ce monde fait aux plus faibles.

    mais il n’était pas naïf : les articles assez virulents qu’il écrit contre le pacifisme de Gandhi montrent à eux-seuls combien l’inaction était dangereuse pour lui, comme une sorte d’engagement politique marquant une soumission presque complice (comme votre passage sur les intellectuels).

    et puis surtout le concept de double-pensée prouve à quel point il ne croyait pas au hasard que vous semblez accepter à propos des élites simplement parvenues à un rapport de force favorable. en réalité elles ont réussi à atteindre ce rapport, et ce de manière consciente.

    car il va falloir admettre que l’anticipation d’Orwell est quasiment la réalité d’aujourd’hui : à part au niveau du nombre de télécrans et de vaporisations, il semble que le reste soit assez dramatiquement proche du résultat décrit...

    il ne nous reste qu’internet. enfin pour l’instant

    Caleb Irri

    Voir en ligne : http://calebirri.unblog.fr

    • C’est quand même zarb cet entichement dans le milieu vaseux de la « pensée critique »(zammma comme on dit chez moi) pour cet ecrivain somme toute mineur d’ Orwell. Pire ces assoiffés de nouveauté toujours plus neuves ont fait de la fameuse « common decency » , tarte à la crème jamais théorisée par le monsieur de 1984, un concept efficient ! quel délice de voir le pompeux Debray pontifier autour du pétard mouillé !

      J’ai beau retourner le machin dans tous les sens je ne vois qu’une notion molle et floue .Pas étonnant qu’ils sont légion à s’en réclamer et de tous les cotés : les poseurs mélancoliques de l’Encyclopédie des Nuisances, le petit prof de moral de Montpellier Michéa, l’exalté sioniste de Finkielkraut, le pugiliste mal embouché Soral, les toujours en retard de la Nouvelle Droite ..

      Qu’est-ce qu’ils ont tous avec ce machin qui glisse entre les doigts quand on veut s’en saisir ?

      Ils y mettent toute leur bile dans la common machin : condamnation de la libération des moeurs, contre le juridisme,les lien familiaux, la loyauté,l’honnêteté du bon artisan, la bienvaillance, « les choses qui se font et les choses qui ne se font pas », les humanités, « le sens des limites », le bon sens,l’orthographe, l’art de la table, le savoir-vivre,le bon pain, la vin du temps qu’il existait de bon vignerons... mais oui c’est ça mère grand....va boire ta tisane et fais pas chier..

      Ils ont beau comme la dandy Bégout dénoncer la vie humaine mise en pièce par la logique libérale..la seule question que je me pose après les avoir lus : « et René Guénon c’est pour quand ? »

      Elle en est la critique sociale ? à faire de la déploration ? à se lamenter comme un ennuque chateaubriannesque sur le temps qui n’est plus ? moi j’dis un truc c’est que vous n’avez plus rien à dire et que vous êtes morts. c’est tout.

      Ils ne nous parlent plus de luttes sociales ni n’y participent, ils moquent l’égalité et préfèrent nous entretenir sur le Bon Sens et sur les vertus du Tour De France des Apprentis ! la France d’avant l’industrialisation ,l’urbanisation et ’l’immigration voilà ce à quoi rêvent les rigolos tristounets de la critique pas sociale pour un dinar !

      Ah, il faut lire le dégoût que suscite chez ces raffinés les enfants de l’immigration, tous plus barbares et tous plus in (ou a ?)civilisés(ou ables ?)...les prolos surtout ceux louches ,sales et torves des cités ghettos quoi de plus répugnant pour une âme bien née qui lit Joseph de Maistre dans le texte ?

      Comment en sont-ils arrivés à patauger dans cette merde ? en fait, ils retournent dans le giron duquel ils sont issus, ces trouillards : la petite bourgeoisie conformiste, médiocre et attentiste.

      Voilà le fin mot de la pensée de Debord et de tous ses suceurs à la jaime Semprun,l’affolé du bocal : le Bon Sens près de chez vous ! qu’ils crèvent.

      une petite lecture : http://www.idee-jour.fr/Quand-Jean-...

    • mercredi 30 décembre 2009 à 17h07, par pièce détachée

      @ Caleb Irri :

      Oui, il me semble aussi que c’est en Birmanie — qui faisait alors partie de l’empire anglais des Indes orientales — qu’Orwell, né en Inde avant d’être envoyé à sa grande horreur dans un pensionnat anglais, a aiguisé sa vision politique. Deux textes courts (parmi tant d’autres) en témoignent : « Une pendaison » et « Comment j’ai tué un éléphant », dans G. Orwell, Essais choisis. Dans le ventre de la baleine (1931-1943), Éd. Ivrea / Encyclopédie des Nuisances, 2005.

      Je n’ai jamais vu cette traduction, ne connaissant Orwell qu’en v.o. (j’aime tant son style et ce qu’il raconte qu’un jour, j’aurai les moyens de remplacer mes quelques compilations Penguin par les Complete Works en vingt volumes). J’ai simplement sous les yeux le dernier catalogue de l’EdN, qui a aussi co-édité avec Ivrea les traductions suivantes : Essais choisis. Tels, tels étaient nos plaisirs (2005) ; et Essais, articles, lettres (quatre volumes, 1995-2001).

      On peut s’agacer de l’exclusivisme et des coquetteries éventuelles de l’EdN. Tout de même, je défendrai jusque sur le bûcher l’intelligence et le style de Riesel ou de Semprun — voire des deux à la fois, quand ils s’associent explicitement pour fomenter un même livre.

      • @ Caleb Irri

        J’ai sous la main le catalogue de l’Encyclopédie des nuisances : il y a bien eu 4 tomes d’Essais, Articles, Lettres, le 1er en 95 (période 1920-1940), le second en 96 (1940-43), le troisième en 98 (43-45) et le quatrième en 2001 (45-50). Dès qu’Article11 est côté en bourse, je me les paye...

        Il y a aussi chez le même éditeur George Orwell devant ses calomniateurs (1997), à priori très recommandé itou.

        Sinon, je suis plutôt d’accord avec toi. Pas question de disqualifier Orwell pour ce qui peut sembler parfois - sous notre regard contemporain - un peu naïf. D’ailleurs, Bruce Bégout ne le fait pas non plus, il réfute grandement cette idée de naïveté en réponse à ma question.

        @ Omar

        Jolie logorrhée, on sent une certaine sincérité.
        Pour le reste, c’est un peu facile de mettre tout le monde dans le même piano en s’esclaffant. Personne ne fait ici d’Orwell le Saint à suivre, le guide de temps à venir. De loin. Simplement, l’idée est qu’il y à piocher dans son œuvre, qu’elle garde une certaine actualité, notamment au niveau des luttes sociales (si si). Qu’il y ait un certain succès des théories d’Orwell dans des milieux intellectuels tel que celui de l’EdN ne me semble pas suffire à le discréditer de loin, au contraire. Qu’il inspire vaguement quelques baudruches politiques itou, je m’en fous (et je parie que Bruce Bégout itou).
        Gaffe quand même à l’apoplexie.

        @ Pièce Détachée

        Orwell parle de la Birmanie dans un livre paru en 10/18, Une Histoire birmane. L’ai lu il y a tellement longtemps que je n’en ai plus grand souvenir, je dois bien l’avouer...

        Un jour, j’aurai les moyens de remplacer mes quelques compilations Penguin par les Complete Works en vingt volumes : Malheureuse ! Et le charme indéfinissable des poches Penguin ? Ca compte pour du beurre ?

        • je sais bien l’ironie c’est chouette et tout...l’humour tout ca...c’est hachement cool ! c’est à ca qu’on reconnait les esprits libres et tout le bidule, non ? c’est sûr t’en es un !

          Mais y’a un truc gros qui fait que ta réponse d’aigle m’a un chouia dépassé ( mais chui trop con en plus d’etre super trop sincère )c’est que tu puisses dire sans t’esclaffer qu’il y des trucs à piocher dans l’oeuvrette du bon Blair qui puissent etre utile aux luttes sociales ...ah oui ? et quoi donc ? la common machin ? c’est bien ça que je disais mon brave : vous etes morts .Et j’irais pas cracher sur vos tombes !rien à foutre.

          Après nous avoir chanter les bienfaits de la liberté des moeurs,de la bêtise du religieux, des horreurs du patriotisme, des vertus l’individualisme stirnerien et de l’étouffement familiale...michel Foucault, Baudrillard,Deleuze, les situs et tout ces trucs d’hommes détachés de tous les liens et donc super libres.. les gauchistes et leurs apparentés , devant le désastre (en fait leur succès sur toute la ligne !) de la société qui fabrique des monstres anomiques aujourd’hui nous chantent des larmes plein leurs yeux tout secs, les bienfaits de la Comunnauté !

          Eux qui hier dénonçaient ces liens comme des enfermements ! un retournage de veste en somme ! moi ce qui m’botterait de savoir c’est pourquoi ils en sont arriver à ça ? comment Debord qui part du surréalisme et de l’anarchisme en arrive à la fin de sa vie à chier dans son froc devant les enfants pauvres de l’immigration et à ne plus rien dire sur les fameuses luttes sociales sinon un vague haussement d’épaules en sirotant désabusé un Chianti de 30 ans d’age ?

          Tu te complais à lire les poseurs de l’Edn ? ca m’étonne pas ! c’est quoi au juste qui te faut kiffer chez ces baudruches ? leur style très 17e ? leur dénonciation de la technique ? leur lamentation sur le temps de l’atelier et du bon pain ? leurs défense et illustration de la langue frââââân çaise ? Les punaises de sacristie à la Bernanos ,Bloy et Guénon ,ils font le même effet !

          Ce qui est bien symptomatique de la merde idéologique dans laquelle baigne les gauchistes, libertaires et tout le bazar c’est bien qu’ils ne trouvent rien à redire qu’une idée aussi dérisoire que la common machin puisse etre portée aussi bien par les baveux du parlement que par des défenseurs du colonialisme , par le petit Soral autant que par le fumeux Finikie, par le sinistre Murray autant que par les branleurs raffinés de l’Edn !

          le cadavre bouge encore ? si j’lai vu ouvrir sa bouche édentée pour ironiser.C’est bien connu l’ironie c’est le truc des mecs debout !

          • dimanche 3 janvier 2010 à 11h51, par lémi

            @ Omar

            Je vois pas trop l’intérêt d’une discussion dans ces conditions, tu es tellement au-dessus de la mélée. D’ailleurs, je vois mal ce que tu fous en ces pages. T’es pas en train d’écrire la grande oeuvre qui reléguera tous ces petits cadavres - Debord, Orwell, Jaime Semprun - dans le néant qu’ils n’auraient jamais dû quitter ? Ne gaspille pas ton temps avec des minables couchés. Ahah.
            En tout cas, c’est vraiment un plaisir d’avoir une critique de cet acabit, constructive et tout et tout.
            Prout (et c’est mon dernier mot).



  • Bonjour,
    Je viens de lire cet entretien sur Marianne2, je n’avais rien lu d’Orwell à part 1984, mais je l’ai trouvé très intéressant. Merci.



  • samedi 26 décembre 2009 à 21h12, par cdrc : : :

    ……………… : : : ce cher Eric, malgré toute l’importance de ses textes à mes yeux, ne m’a jamais convaincu sur cette description du peuple anglais / / patriotico-démocratico-populaire \ \ pour reprendre une formule proposée par rezo : « quand la fierté est dans le drapeau, l’intelligence est dans la trompette » : : : il me semble que cette image est vraie quelque soit le drapeau ◊ si les anglais sont espérés comme anti-fascistes, ils ne sont cependant pas contre ses outils & savent parfois offrir un

    Voir en ligne : aigre pieds-de-nez aux préventions d’Orwell :

    • mardi 29 décembre 2009 à 14h10, par Karib

      Mille merci (avec ou sans « s » ?) pour cet article qui nous ouvre bien des pistes de réflexion. Cela dit, je peux comprendre l’agacement d’Omar au sujet de l’idée (le terme de concept semble trop pompeux) de « common decency ». Et s’il fallait surtout en retenir un éloge de la fraternité, de l’entraide ? Quelque chose qui aurait à voir avec le « refus de parvenir » cher aux syndicalistes révolutionnaires de la fin du XIXè et du début du XXè siècle. Non pas l’apologie du « peuple » tel qu’il est aussi, c’est à dire en partie abruti par le capital et son matraquage idéologique, mais tel qu’il peut faire parfois. Tel qu’il peut se révéler dans les luttes quotidiennes. Il me semble qu’Orwell, et c’est tout à son honneur, recherche la clé du socialisme non dans la recherche théorique des intellectuels mais dans la pratique quotidienne, dans les luttes au jour le jour que suscite l’existence même du capitalisme. En bref, dans la pratique de la lutte des classes. Dans les pratiques faudrait-il mieux dire. Et là, comment ne pas le rejoindre ? On peut évidemment, et à juste titre à mon sens, s’agacer des coquetteries de muscadin de l’Encyclopédie des Nuisances, des récupérations diverses que suscite ce terme de « common decency » mais il serait injuste d’y associer le personnage d’Orwell, formidablement attachant malgré ses contradictions (et peut-être aussi grâce à elles.) Comme le souligne justement Lémi, il en va de même pour le magnifique écrivain et le révolutionnaire que fut Victor Serge, qui s’est pourtant souvent emmêlé les pinceaux dans le bolchévisme et le trotskysme le plus confusionniste.

    • samedi 2 janvier 2010 à 04h35, par pièce détachée

      @ ...///...§§§ 111 &&& « cdrc :: :» :

      ,,,,,, un écrivain a-t-il /// le «  »«  » droit d’écrire sans être jugé à l’emporte-------pièce :: : ?

      Pour l’apprécier, ,,,, le juger ..§% , le condamner,,, ne peut-on rien trouver de mieux dans son propre cerveau qu’une « formule proposée par rezo » ???

      Peut-on lire et penser par devers soi sans formules proposées ? En quoi les postures typographiques de petit marquis nous aident-elles à regarder surtout pas là mais n’importe où ailleurs ?

      Rendez votre copie de patchwork à formules quand et où vous voudrez. Caca boudin.

      • samedi 2 janvier 2010 à 12h39, par un-e anonyme

        C’est à la fois hors de propos (ne vaudrait-il mieux pas faire la critique de l’expression incriminée plutôt que de la rejeter bêtement sous prétexte qu’elle viendrait du grand satan rezo ?), et complètement con (depuis quand est-il interdit de reprendre des concepts ou de simples expressions forgés par d’autres, qui croit sérieusement que la réflexion devrait - et pourrait - être un exercice strictement individuel ?).
        Enfin bon.
        La paille, la poutre, tout ça. hein :-)

        • samedi 2 janvier 2010 à 17h47, par Lémi

          @ cdrc : :

          cf. réponse de Karib (ouaip, un peu facile, je sais, mais l’heure tourne)
          et aussi celle de Pièce Détachée (sans la véhémence, ceci dit. Je suis civilisé, moi).

          Ceci dit, la citation est plaisante, même si je ne l’associerais jamais à Orwell. Elle me fait penser à celle qu’Einstein formula dans une lettre à je sais plus qui : « Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement. »

          @ Karib

          Non pas l’apologie du « peuple » tel qu’il est aussi, c’est à dire en partie abruti par le capital et son matraquage idéologique, mais tel qu’il peut faire parfois. Tel qu’il peut se révéler dans les luttes quotidiennes. Il me semble qu’Orwell, et c’est tout à son honneur, recherche la clé du socialisme non dans la recherche théorique des intellectuels mais dans la pratique quotidienne, dans les luttes au jour le jour que suscite l’existence même du capitalisme. En bref, dans la pratique de la lutte des classes. Dans les pratiques faudrait-il mieux dire.

          Bordel, comment tu fais pour résumer ce que je pense (de manière brouillonne) avec une telle clarté ? Tu auscultes mon cerveau télépathiquement afin de séparer le bon grain de l’ivraie ? Merci.

          @ Pièce Détachée

          Eh bin. Cela s’appelle un assassinat dans les règles où je ne m’y connais pas. En tout cas, m’a bien fait rire. Je peux t’embaucher comme garde du corps nettien (qui défend Orwell avec tant d’entrain ne pourra que m’être utile dans ce rôle) ? Tu auras une arme de service (une souris sans fil) et les congés payés un an sur deux. Joyeuse année

        • dimanche 3 janvier 2010 à 16h50, par un-e anonyme

          @ cdrc :

          À me relire, je constate en effet que l’abus de mirabelle conjugué à votre typographie quelque peu vibrionnante m’a fait déraper sur des façons de dire bien verglacées, au point de laisser supposer que je prends Rezo pour un « grand satan » (alors que je le consulte plusieurs fois par jour pour tenter vainement de mourir moins con).

          Je m’en excuse et vous la souhaite bien bonne (sans ironie). Je me permettrai même d’aller faire un tour sur votre blog (gentiment, c’est promis).

          Pièce.

          • dimanche 3 janvier 2010 à 16h55, par pièce détachée (de même que le sessage précédent)

            @ Lémi,

            Non, je ne ferai jamais un bon garde du corps. Qu’on ne le répète à personne : s’il m’arrive d’être une vraie conne, je suis une fausse méchante.

            Bon ! Je réitère mes excuses et cours me confesser avant les vêpres.



  • jeudi 31 décembre 2009 à 09h34, par Guy-Yves Ganier d’Émilion

    A. Margalit propose de définir une « société décente » comme celle où les citoyens ne se sentent pas humiliés par les institutions. Comment définir une société comme la Sarkozie, où le seul obstacle à l’humiliation institutionnalisée semble être (quousque tandem ?) le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire l’institution suprême ?



  • Le titre original de Dans la dèche à Paris et à Londres est Down and Out in Paris and London.



  • Je remarquais que l’une de ses transformations majeures,

    Consistait dans la production d’une ambiance générale de confiance et de familiarité.

    Des activités sociales supérieures.

    Je m’interrogeais sur les transformations que la « christianisation » opère sur notre

    Expérience.

    Du monde ?.

    De douceur, de respect ??.

    Qui fait obstacle à la barbarie. sans en avoir pris conscience !?.

    De... la montée du nazisme avec l’aide de certains juifs... ?.

    Non dans la clairvoyance de quelques-uns, mais dans la décence spontanée des hommes

    Ordinaires.!

    Mais d’éveiller le désir de justice et les inclinations ordinaires à l’égalité, tu as un ipode ??.

    Mais le fond du problème reste le même : le goût du pouvoir, de la renommée, de la

    Carrière.

    Se substitue à la quête de la vérité.

    S’en vont avec un énorme magot de stock options et s’indignent que l’on trouve cela

    Indigne.

    Or le rôle de tout penseur critique est de s’en prendre continuellement à l’ordre établi.??

    La critique estoc cette choses qui nous fais consommer..?

    Le fondement interpersonnel de toute poliCe.

    D’autres sont plus intelligents que lui, ou inventifs, je croie certain que jim morrison lisait

    Autre choses que cette entropie intellectuelle.

    Bonne année article XX1 et merci aux mains « arabes » de nous avoir donner les

    Chiffres ! ?? ...



  • « C’est pourquoi la capacité de voir clair dans le brouillard des idéologies doit être plus que jamais cultivée »

    Laissez l’idéologie et voyez l’esprit.

    Qu’avons-nous en commun ?

    Laissez les concepts.

    Qu’avons-nous en commun ?

     ;-)



  • Bonjour,
    excusez-moi, je suis assez novice en matière d’informatique, mais la mise en page de votre site, avec légère superposition des lignes,
    m’empêche d’en faire une lecture aisée (euphémisme).
    Cela me désole étant donné que les propos sont passionnants..
    Y-a t’il une astuce ou doit-on véritablement « mériter » le contenu en surmontant tant bien que mal la forme ??
    A moins que ce ne soit mon pc qui pose problème ??
    Bref, je serai ravie d’avoir des indications à ce sujet...

    Merci en tout cas d’être là et de contribuer au vent de liberté dont nous avons un besoin vital !



  • D’Orwell je n’ai lu que « 1984 », « la ferme des animaux » et certaines citations, donc j’ai été très intéressée par cet article.
    En réponse à la question posée, qu’Orwell avait plus défini « l’indécence ordinaire » que « la décence ordinaire » ce qui est perçu négativement par l’interviewer, je dirais que ce n’est pas une question de temps, mais une question d’approche ... on ne peut définir ce que l’on ignore, qui relève d’une aspiration, mais l’on peut définir ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle ne peut être, ce qui s’y oppose, de manière à aller vers elle. Vouloir définir ce que l’on ignore c’est faire dans l’idéologie et c’est donc conforme avec l’état d’esprit d’Orwell, tel qu’il est décrit dans cet article.
    Si on prend la démocratie, il est impossible de la définir, car nous n’avons connu que des tyrannies en fait, mais parce que nous ne cherchons pas à comprendre la tyrannie, ses mécanismes, la manière dont elle se perpétue même si elle change de visage, en prétendant définir la démocratie alors qu’elle ne peut être que l’absence de tyrannie, voire plus grave à affirmer que nous vivons en démocratie, c’est la raison pour laquelle non seulement nous avons cessé d’être en chemin vers elle, mais avons regressé sur ce chemin.
    Voir cette approche négativement est lié à une sorte de dogme très présent dans cette société, où se doit de « positiver », d’être positif sans qu’on approfondisse trop ce que l’on signifie par là.
    Cette approche n’est négative que dans ce dogme « positiviste », elle est simplement réaliste, elle part de ce qui est, car si l’on ignore la réalité, on ne peut la changer, on est dans le fantasme, dans le virtuel, et ce qui fait que toute idéologie est totalitaire, même si au départ elle avait les meilleures intentions du monde.
    Ce n’est pas forcément très bien exprimé, mais si je défends cette approche c’est que la mienne est similaire, c’est une question d’éthique et non de morale, de conscience ou sensibilité instinctive à l’injustice, l’asservissement, la barbarie, la cruauté, la manipulation, etc ... si la réflexion s’en nourrit ce n’est pas une posture intellectuelle ou philosophie, c’est quelque chose de vivant, un état d’esprit au quotidien, présent dans sa manière d’être, dans ses relations aux autres, à la vie et au vivant ... mettre en mot ce qui ne relève pas d’une construction de la pensée, mais d’un ressenti est toujours difficile, les mots n’ayant pas de sens en soi.
    Je n’ai pas d’illusion sur la nature humaine ... mais visiblement Orwell n’en avait pas non plus, question de lucidité sur les comportements individuels et collectifs de mes semblables, ce qui n’empêche pas de chercher à comprendre, et pas seulement les autres, mais soi-même dans l’espoir de trouver comment sortir de l’impasse dans laquelle notre société a mis notre espèce et pas seulement elle.
    A la lumière de cette interview, Orwell apparait bien plus visionnaire encore que les 2 livres que j’ai lu de lui, alors que commence à se développer d’une manière assez disparate des mouvements d’objection de croissance et de simplicité volontaire.
    Merci pour cet article ... même si Orwell est mort, ça remonte le moral.
    Amicalement

    PS j’ai trouvé que dire qu’il lui a fallu 8 ans pour passer au socialisme, comme si cela représentait énormément de temps, alors que la grande majorité des êtres humains sont sclérosés, voire fossilisés dans des représentations du monde et croyances figées quasiment dès la sortie de l’adolescence sans évoluer, sans apprendre quoi que ce soit jusqu’à leur mort ... personnellement je trouve que 8 ans c’est finalement peu, ou du moins le temps nécessaire, pour sortir du conditionnement du formatage que l’on a subi, sans en prendre le contre-pied, et développer une réflexion autonome, en dehors des sentiers battus !

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