mercredi 9 décembre 2009
Le Charançon Libéré
posté à 15h27, par
34 commentaires
La guerre, le drapeau, la guerre, le drapeau, la guerre, le drapeau… Il y a des gens ne rêvant que de ça, faire couler le sang des autres et agiter en tous sens la bannière tricolore. N’avoir que la sueur et les larmes pour horizon : étranges personnes et sombres destins… Tout ça serait juste profondément pathétique si ces nuisibles ne donnaient pas le « la » d’un air du temps rance et belliqueux.
Sais-tu : j’ai raté ma vocation, planté mon destin, égaré mon avenir.
Sort funeste, je ne suis pas à ma place.
Échouant à devenir celui que je m’étais imaginé enfant.
Tu crois que je plaisante ?
Que nenni, Ami !
Adolescent, je ne rêvais que de mer et de vent, de vague et de voile, d’écume et de glisse.
J’enrageais de vivre si loin de l’eau salée, n’ayant que cette fichue ligne bleue des Vosges1 à me mettre sous la dent pour couleur de l’océan.
Et je comptais les jours me séparant de la majorité, âge où je quitterais forêts et montagnes pour - c’était sûr et certain - m’installer en quelque bordure de mer.
Las : je n’en ai rien fait.
Et crois bien que je vivrai toujours en portant ce rêve raté comme un fardeau, courageux marin devenu triste scribouillard faute de mieux.
Je te le disais : destin cruel…
Tu t’interroges, je le sens : que viennent faire ces plates considérations (o)céans ?
J’y viens : de mon avenir maritime avorté, blessure au cœur qui jamais ne guérira, j’ai gardé une grande sensibilité à l’accomplissement d’autrui.
Et rien ne me coûte plus que de voir un frère humain se tromper de vie.
C’est ainsi : il me perle - le croiras-tu ? - des larmes rageuses quand je songe que notre fier ministre de l’Identité nationale eut pu vivre en des temps plus adaptés à son auguste vision de la nation, porter épaulettes carrées, mettre son ambition au service d’une administration germaniquement efficace et faire preuve de son talent inné à marcher au doux son d’une quelconque (mais martiale) musique d’importation allemande.
Tout comme je regrette - chaque matin, à l’heure où blanchit la campagne, alors que ces féroces soldats ne font rien tant qu’y mugir avec ardeur - que Christian Estrosi n’ait eu le destin d’Édouard Daladier2, fier diplomate français qui eut su, à Munich et ailleurs, parler d’identité nationale avec Hitler et ainsi éviter cette Deuxième Guerre mondiale qui - note-le en passant - a tué un paquet de bon Français3.
Triste ?
Non, car tout n’est pas perdu : Christian Estrosi et Éric Besson, comme certains de leurs amis et camarades, se donnent les moyens de leurs ambitions.
Et s’ingénient brillamment à faire revivre cette époque mythique dont ils n’ont ouï dire que lors de repas arrosés, de réunions de comité enflammées et dans quelques rares livres d’image ayant échappé à la stricte épuration pratiquée en 19454.
Pas bête, au fond : si tu ne peux venir aux années 40, fais venir les années 40 à toi…
Tu me l’accorderas, donc : Besson et Estrosi n’ont pas tout perdu.
Et il faut leur reconnaître une certaine intégrité de destin.
Une caractéristique finalement à l’image de la nationalité française : pas donnée à tout le monde.
J’y songeais5, justement, ce matin - à l’heure où blanchit la campagne, alors que ces féroces soldats ne font rien tant qu’y égorger nos fils et nos compagnes - , en parcourant un papier publié sur Causeur, publication ayant cet immense avantage - comparé à Présent - de n’être que très rarement et confidentiellement imprimée sur papier : alors que l’avenir de la planète se joue à Copenhague, c’est à ce genre de petits détails qu’on voit ceusses qui sont décidés à faire de réels efforts pour l’écologie6.
J’y songeais - disais-je - en lisant Afghanistan : si on part, on perd, billet tricolore (bleu, blanc, rouge) publié par un certain Cyril Bennasar.
Un article qui a l’immense avantage de synthétiser le pire du bourbier idéologique français, entre chant de la nation, interventionnisme militaire et haine de ces basanés qui font rien tant que rêver de transformer nos chouettes curés en immams et nos belles églises en mosquées muezzinantes :
« Le champ de bataille est afghan mais la guerre est mondiale. Les djihadistes veulent diviser le monde entre musulmans et infidèles. La fracture qu’ils appellent de leurs prières passe par nos sociétés. En les combattant en Afghanistan, nous résistons à cette tentative de déchirure. Pour les Afghans comme pour tous les peuples, musulmans compris, qui ne veulent pas d’un islam uber alles, nous ne pouvons renoncer à mener cette guerre et nous ne pouvons pas la perdre », jean-marie-le-penise notamment ce Barrès de pacotille, expert à transférer la ligne bleue des Vosges en impie terre d’Asie.
Et celui qui se prétend « menuisier » (« Cyril Bennasar est menuisier », indique le site) de conclure, une main sur le ciseau à bois l’autre sur le Famas : « Voilà pourquoi il me semble que nous devons plus que jamais continuer le combat en Afghanistan. Cette guerre n’est pas seulement celle des Américains, c’est aussi la nôtre, parce que nous avons les mêmes valeurs et les mêmes ennemis. Et puis, dans la paix comme dans la guerre, à quoi servirions-nous, nous les hommes, sinon à permettre aux femmes du monde d’aller chez le coiffeur ? »
C’est vrai, ça : « À quoi servirions-nous, nous les hommes », sinon à porter le fer en des terres étrangères et à parer le sang et la douleur de glorieuses envolées bellicistes ?
Le dénommé Cyril Bennasar ne mérite pas, sans doute, qu’on accorde quelque importance à ces saillies ridiculement patriocardes qu’il commet sur le site étendard des néo-cons français.
Tant cette tendance des hommes de peu à habiller de mots pompeux les horreurs de la guerre - tendance qu’ils abandonnent sitôt confrontés à sa réalité, quand l’un d’entre eux doit se servir d’un fusil-mitrailleur ou en devient cible - est aussi vieille que l’invention du silex.
Mais quand même : il y a quelque chose en Cyril Bennasar qui me touche.
Et je ne voudrais point que lui rate son destin comme j’ai planté le mien.
J’ai donc effectué quelques recherches, pour m’assurer que rien n’empêchait un si digne exalté des choses militaires de servir sous nos beaux drapeaux.
Et je suis très heureux de constater que c’est possible, à en croire le site Armées.com7, qui revient sur les professions recherchées par l’institution :
Militaire avant tout, le volontaire se verra dispenser une formation initiale de 9 semaines lui permettant d’acquérir le rudiment du métier des armes et de développer ses qualités sportives. Ce sont ensuite plus de 300 spécialités qui peuvent être accessibles en fonction du niveau scolaire, des aspirations et des aptitudes personnelles ainsi que des places disponibles.
Agent de prévention incendie, agent de sécurité, magasinier, cuisinier, menuisier, maçon, secrétaire, brancardier secouriste, conducteur de véhicule tactique, mécanicien, combattant, sont autant d’exemples parmi d’autres des emplois disponibles au sein de régiments stationnés dans la région.
Ben, voilà : il suffisait de demander…
Nonobstant, je le sais bien : les sonneurs de trompette militaire, rouleurs de tambours patriotiques et autres agitateurs de drapeau ne se retrouvent pas en première ligne.
Et ceux qui n’ont que le mot « guerre » à la bouche ne la pratiquent jamais autrement que dans leurs rêves, là où les morts et blessés ne risquent pas de se changer en cauchemars pour la vie.
Je le sais, et pourtant l’outrecuidance stupide de ces généraux d’opérette me stupéfie toujours.
Tout autant que cet absurde et pathétique besoin de se donner une patrie et d’agiter une bannière, à l’exclusion de toutes les autres.
Que ces gens se gargarisent sans relâche du mot « nation », applaudissent une absurde expédition militaire en terre musulmane ou se poussent à qui mieux-mieux pour prouver leur amour de l’oriflamme tricolore - avec pour dernier avatar, cette inepte proposition d’interdire « les drapeaux étrangers, notamment algériens, marocains et tunisiens, lors des cérémonies de mariage » - , ils ne sont en fait que les multiples visages repoussants du même personnage.
Imbéciles heureux qui sont nés quelque part, et bien décidés à le faire payer à tous les autres.
Là est bien, aujourd’hui, la seule incarnation de notre identité nationale.
Et c’est mille fois plus triste que mon destin raté.
1 Que veux-tu ? Il faut bien naître quelque part…
2 Et inversement.
3 Je ne doute pas que tu n’as rien raté de la fantastique déclaration de Motodidacte : « Si à la veille du second conflit mondial (…) le peuple allemand avait entrepris de s’interroger sur ce qui fonde l’identité allemande, alors peut-être aurions-nous évité l’atroce et douloureux naufrage de la civilisation européenne. » C’est à ce genre de saillie qu’il faut juger l’actuel gouvernement français pour ce qu’il est : un ignoble ramassis de crétins congénitaux, d’idéologues stupides et de tarés consanguins.
4 Seulement des livres d’images ? Si Éric Besson s’est, à l’évidence, déjà plongé dans un bouquin, un gros doute pèse sur Estrosi : à part lire un destin funeste dans le marc de café-au-lait (musulman), le bougre n’entrave - murmure t-on - que pouick aux choses touchant de près ou de loin à la littérature.
5 Oui, quelquefois je songe. Et alors ?
6 De Causeur, tu noteras que le directeur de la publication est un certain Gil Mihaely. Pas un brave d’opérette, puisque le bonhomme est sous-lieutenant de réserve dans la marine israélienne. Lui n’est pas comme moi, qui ait raté mon destin maritime…
7 Mazette, quel nom de domaine !