samedi 13 décembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 09h38, par
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Il fut un temps où l’arbitraire royal organisait les mouvements de prisonnier, punissant les esprits libres d’avoir osé une critique et ne les libérant que selon son bon vouloir. Terminée, l’époque des lettres de cachet ? Pas pour Jean-Charles Marchiani et Jean-Marc Rouillan… La chance de l’un et le malheur de l’autre disent beaucoup sur un régime qui ne se soucie même plus de sauvegarder les apparences.
Il est des petites lâchetés qui disent beaucoup.
Et davantage sur ceux qui les commettent que sur ceux qui les subissent.
Ainsi du Point, hebdomadaire de la sarkozye bêlante, plume de fiel du régime, bourreau médiatique chargé d’en effectuer les célébrations et exécutions, news-magazine sans conscience - hormis celle de savoir qui il sert -, ainsi du Point, disais-je, qui établit chaque semaine un baromètre politique, façon de distribuer en quelques lignes bons et mauvais points.
Et qui a, en celui de cette semaine, classé Jean-Marc Rouillan dans la catégorie « En panne ».
Avec ce petit texte d’accompagnement : « La cour d’appel de Paris a refusé de rendre sa semi-liberté au cofondateur du groupe armé d’extrême gauche Action directe. Ce régime lui avait été retiré en octobre à la suite d’une interview accordée à L’Express. »
Rédactionnel sans aucun intérêt, si ce n’est celui de justifier le qualificatif donné en titre.
Petite ignominie en forme de foutage de gueule d’un homme retrouvant un cachot qu’il venait juste de quitter.
Qui va y rester prostré encore un bon moment, histoire de bien comprendre ce qu’on attend de lui, silence et repentir.
Et qui n’a d’autre espoir que celui de croupir et pourrir.
Oui : en panne…
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Nul doute qu’à ce petit jeu baromètrique, Jean-Charles Marchiani devrait être crédité d’un petit panonceau « En hausse ».
Ancien préfet du Var qu’on annonce un parmi les quarante graciés présidentiels.
Petit cénacle de libérés pour bonne conduite destinés à faire bien pour la galerie.
Et dont peu importe qu’il s’agisse réellement de « détenus hors du commun » ayant fait preuve « d’un courage ou d’une solidarité exemplaire », telle que définie la grâce présidentielle dans le courrier envoyé par Nicolas Sarkozy à Rachida Dati.
Sauf à considérer que Jean-Charles Marchiani, condamné pour recel d’abus de biens sociaux et trafic d’influence (ce qui lui a permis d’amasser la coquette somme de 3 millions d’euros, quand même…), par ailleurs inculpé dans le procès de l’Angolagate (juste un petit trafic d’armes, hein…), s’est montré solidaire envers ceux qu’il n’a pas balancé.
Lui qui, à défaut d’être un détenu « hors du commun », bénéficie en taule d’un régime exceptionnel.
Celui du quartier des VIP de la Santé, lieu très couru où firent escale Maurice Papon, Alfred Sirven, Jean-Christophe Mitterrand, Jacques Crozemarie, Pierre Botton, Olivier Spithakis ou encore Michel Roussin.
Hôte choyé et pensionnaire d’élite dans un cadre carcéral privilégié.
Décrit en partie dans un article du Point - oui : encore lui… - en date de janvier 2007 et faisant mention de petits goûters organisés par les détenus, d’ordinateur en libre accès, de cantinage de grande classe, de cellules individuelles, de petites attentions d’un personnel respectueux et de grands égards d’une direction soucieuse de se montrer douce et affable… bref, de tout un luxe à même de faire rêver le premier détenu de droit commun venu.
« Quel contraste entre l’univers calme et aseptisé de Maurice Papon et les cellules crasseuses et surpeuplées des bâtiments plus anciens, comme le bloc D ! D’un côté, des cellules individuelles d’environ 14 mètres carrés et des douches impeccables accessibles quotidiennement. De l’autre, des cellules d’une même superficie abandonnées aux courants d’air et où s’entassent souvent trois détenus. Les murs sont si écaillés qu’on n’en distingue plus la couleur. Les douches (quatre pour cinquante détenus) et les sanitaires manquent aux normes d’hygiène. Les pannes d’électricité sont monnaie courante. ’A côté des VIP, le bloc D, c’est le Moyen Age’, s’emporte un surveillant membre de l’Ufap, syndicat majoritaire. »
Sans déconner…
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Au petit jeu des lettres de cachot, il n’est guère plus révélateur que ces destins croisés de prisonniers.
Jean-Charles Marchiani qui quitte le petit univers des VIP carcéraux malgré quelques millions prélevés à la collectivité.
Et Jean-Marc Rouillan qui retrouve sa cellule pour quelques paroles jugées malvenues.
Parfait symbole de la morale à géométrie variable d’un régime autocratique.
Qui punit les faibles de leur intégrité et récompense les puissants d’être des truands.
Quoi de plus normal ?