Par Boadicée, Isolda, Suetone et Prasutagos (militants CGT)
1. L’intervention d’un trentaine de militants de la CGT de Paris pour mettre fin par la force à l’occupation de la Bourse du Travail a ému ou scandalisé beaucoup de personnes dont certains camarades.
Mais elle a reçu aussi le soutien, a posteriori, de bon nombre d’entre nous, pour des raisons qui ne tiennent pas au fait, couramment avancé et d’une simplicité confondante, que tous les adhérents de la CGT seraient « des racistes, des fascistes, des collabos » et on en passe.
Face à l’immédiat déferlement de haine médiatique de la presse bourgeoise, (qui ne s’était jamais intéressée autant aux sans papiers avant mercredi, trop heureuse de pouvoir lyncher du cégétiste à bon compte), ce qui est surprenant, dans une soi disant démocratie comme la notre, c’est le procès à charge qui a été instruit contre la CGT 75, au prix, parfois, d’arguments fantaisistes ou douteux, (voire , de mensonges éhontés, comme le fait que les camarades auraient tabassé femmes et enfants, massacrés la dizaine de personnes qui s’opposait à être délogées, à coups de barres de fer etc...), sans que la parole des premiers concernés soit même tout simplement écoutée et prise en compte...
Un esprit objectif ne pourrait qu’être étonné par le fait que des journalistes, arrivés sans aucun doute après l’intervention (ils n’avaient pas été conviés à une conférence de presse, et pour cause), aient entendu principalement et avant tout la parole de représentants de la CSP 75 et aient retraduit, purement et simplement, leur seule version des faits et donc, des éléments qu’aucun d’eux n’avait pu vérifier...
A peine certains ont il pris, plus de 24 heures après, la précaution de rapporter les propos d’une des responsables de l’UD qui démentait formellement les accusations de « tabassage en règle » à coups de soi disant « barres de fer », ou d’atteintes portées, soi disant, à des femmes et des enfants.
On peut comprendre (même si on ne les partage pas), comme beaucoup d’entre nous, la tonalité principalement morale et sentimentale des reproches adressés à la CGT, lorsqu’ils sont fait de bonne foi et sans arrière pensée politique. On n’est pas des animaux quand même....
Force est de constater cependant que bon nombre de commentaires et d’attaques ne viennent pas de cette « bonne foi humaniste politiquement neutre ».
2. Aussi, nous poserons une question, simple, avant de donner plus largement notre point de vue, une question à laquelle à ce jour il n’y a JAMAIS eu de réponse claire et nette :
Quel était le sens, quel était l’objectif, et quels ont été les résultats de cette occupation de la Bourse du travail POUR LES SANS PAPIERS ?
Suite à cette question, il y en a deux autres, simples également :
× fallait-il laisser continuer cette occupation indéfiniment ? Oui ou Non ?
× si non, quelle méthode fallait-il donc employer pour déloger une occupation dont nous ne voulions plus, et qui n’avait pas l’intention de céder à nos demandes gracieuses ?
3. On peut dire que le « secret », la « surprise », la « force », la « violence » (toute relative si on tient compte de la méthode et du fait que les camarades ne sont pas tombés à bras raccourcis armés jusqu’aux dents sur des agneaux prêts à se laisser égorger...) « c’est mal ».
Très bien. Et puis ensuite ?
Oh, loin de nous l’idée de défendre cette action par la pure revendication de la propriété privée.
Mais voilà.
Que fait-on quand on est confrontés à une action organisée ou récupérée par un groupuscule dans le mouvement (dont les motivations politiques , souvent teintées de cette philosophie particulière et détestable qu’est le négrisme, restent bien troubles)
pour vous faire manifestement suer, vous ridiculiser, vous paralyser, et freiner par divers moyens les actions que vous pouvez mener PAR EXEMPLE sur les sans papiers ?
Que faut-on quand un groupe essaie manifestement, de faire pression sur un autre groupe, auquel il n’appartient pas, pour le contraindre à prendre des décisions qu’il ne veut pas prendre ?
On sait bien que, depuis l’origine, tout le mouvement ouvrier, toutes nos organisations, sont , par nature, traversées par la lutte des classes. Pourquoi la CGT en serait-elle préservée ?
Nous avons couvert et avons participé à pas mal d’occupations pour les régularisations des travailleurs sans papiers depuis le 15 avril 2008 - nous étions là depuis La Grande Armée, il y a eu la Pizza Marzano, Chez Papa, combien d’agences d’intérim ( on ne sait même plus, boulevard de Magenta, dans le 12è ...) le chantier de la rue Xaintrailles, Fabio Lucci et dernièrement, KFC etc.
Nous sommes au regret de dire que nous n’avons plus jamais vu ou presque - les membres de la CSP 75 y participer et apporter leur soutien, à partir du moment où l’occupation de la Bourse a été décidée. Il y a eu un revirement total, et on ne sait toujours pas pourquoi !
Pourtant,comme il était magnifique, ce meeting à la Bourse, comme il était beau, ce cortège du 1er mai...
Il n’y a jamais eu non plus, un frémissement d’intersyndicalité dans la lutte (jusqu’à l’épisode KFC parce que de nombreux salariés « en règle » commençaient à prendre fait et cause pour leurs collègues sans -pap’).
Jamais vu non plus , sauf, là encore, à de très rares occasions, et probablement par erreur - un seul élu des Verts qui nous versent aujourd’hui des seaux de merde sur la gueule (comme à leur habitude d’ailleurs). En tout cas, pas sur les piquets CGT.
Les Verts, dont une des représentantes nationales principales a beaucoup moins d’états d’âme quand il s’agit d’ expulser les Roms de sa ville.
Alors là, que disent les Verts ? Que dit le NPA ( pourtant qui a son siège à Montreuil) ? Et bien rien.
Le PCF, oui, ça on l’a vu. Le NPA, sincèrement, on n’a pas souvenir de l’avoir beaucoup croisé sur les piquets CGT. En même temps, vu ce que ce nouveau parti s’est empressé de balancer à ce syndicat dans son communiqué officiel ( c’est uen récidive vu ce qu’il lui a mis aux Européennes également), on voit bien qu’il y a encore un abîme entre ce syndicat et ce parti.
Jamais vu un seul élu PS (PS = qui signifie, on le rappelle, « Parti SOCIALISTE » pourtant, qui avait bien créé, si notre mémoire est bonne « Touche pas à mon pote » et lancé le « Beur » comme nouveau produit marketing « de gauche » dans les années 80...). Ah bien sûr et conformément à son communiqué de presse, le Maire de Paris a reçu quelques réunions, a apporté un soutien tout administratif aux demandes de régularisation. Oui.
Mais la participation du PS s’arrête là en ce qui concerne notre analyse.
Jamais vu Sud-Solidaires non plus - qui ont fait deux ou trois occupations plusieurs mois après la CGT & « Droits devant », parce qu’il fallait vite « regagner le terrain perdu » dans l’effroyable concurrence que se livrent toutes les organisations syndicales . Sud- Solidaires, les « plus révolutionnaires que moi tu meurs », membres de la CA de la Bourse, qui aujourd’hui jouent les Ponce Pilate et se « désolidarisent » (mais SURTOUT, défoncent la CGT, l’occasion est trop belle - c’est de bonne guerre, mais de grâce pas d’angélisme).
J’espère qu’ils n’auront pas l’outrecuidance d’utiliser ensuite des locaux aussi « honteusement » récupérés ? Qu’attendent-ils, également, pour offrir les leurs ?
De notre point de vue, sans que personne puisse s’en réjouir, les camarades ont pris la décision qu’il fallait prendre - nombreux sont ceux à même regretter qu’ils ne l’aient pas prise de suite - de toute façon, le piège était dressé et nous étions tombés dedans - le fait d’avoir ainsi attendu témoigne aussi justement d’une volonté qui a placé le dialogue et l’action pacifique avant toutes autres considérations .
Sur le fond,nous préférons voir des travailleurs régler leurs comptes entre eux ( on n’est toujours pas dans le monde des « Bisounours » où on s’aime tous et on est tous beaux parce qu’on est tous prolos) que de voir des flics entrer DANS LA BOURSE (la dernière fois c’était en 39/45 et c’était des collabos) .
Les camarades qui ont pris cette décision, contraints et forcés par une occupation stérile et mauvaise, ont choisi la bonne solution donc, dans la mesure où on ne pouvait plus en prendre d’autre et tout était bloqué.
Elle était difficile. Mais elle était nécessaire.
Hélas, face à une mauvaise occupation, il n’y avait pas de bon moyen d’y mettre fin.
Cette action n’apporte à la CGT que des emmerdes (ceux qui y ont vu un moyen de « redorer son blason » ont une drôle de conception du blason ou alors, des travailleurs, qu’ils présupposent donc être tous des racistes congénitaux ?), mais il fallait la prendre ET la mettre en œuvre exactement de cette façon, en préservant femmes et enfants, en faisant en sorte qu’il y ait le moins de monde possible, et en ne faisant pas entrer les condés.
Et c’est pour cette raison justement que l’action a été faite un mercredi à midi.
Pour éviter les enfants. Pour éviter les femmes. Pour éviter le grand nombre.
Il n’a été prétendu nulle part (il a même été dit le contraire, mais après tout, que vaut la parole de la CGT ?) que les camarades qui l’ont fait, l’auraient fait en rigolant, la gaité au cœur !
Ce n’était pas « Orange Mécanique », il faut arrêter de fantasmer et se faire un peu « confiance » de perdre tout recul face à la presse bourgeoise (qui ne s’est jamais autant intéressée au sort des sans papiers que depuis deux jours...) Ou alors, on nage en pleine « haine de soi » là ?
La CGT 75 ne s’est décernée aucun « satisfecit », n’en tire aucune gloire, elle est profondément navrée d’avoir du en arriver là, mais où sont les vrais responsables ?
Qui tout cela a -t -il servi, finalement ? Certainement pas les sans papiers. Par contre, on voit bien à qui cela a porté préjudice.
C’est troublant de constater que ce que reprochent certains camarades, au fond, c’est de ne pas avoir fait les choses « plus discrètement », ou pire, de ne pas avoir fait appel aux forces de l’ordre de l’Etat de Sarkzoy !
Alors Mesdames et Messieurs les zélés contempteurs, qui nous dites : « il fallait faire autrement » - et bien COMMENT fallait-il faire ?
4. Des camarades justifient cette occupation en disant « l’action de l’UD CGT 75 ne respectait pas la résolution votée au 48e congrès de la CGT » (NB : régularisation de TOUS les sans papiers).
D’abord, nous sommes surpris que certains de ces camarades attachent soudainement autant d’importance à des résolutions prises lors d’un Congrès qu’ils ont eux mêmes souvent dénoncé comme étant « truqué » ou « illégitime ».
Et puis surtout, nous sommes surpris qu’on préfère s’attacher, se crisper, de façon stérile, à la conservation intacte d’un principe « absolu » (qui n’est nullement remis en cause et qu’il faudra réitérer au prochain Congrès) qui ne donnait rien de positif en termes de lutte et d’action, rien d’autre que des grands mots et de belles phrases.
Surpris qu’on ne se pose pas la question en termes d’efficacités , de victoires d’étapes. Nécessaires pour le combat plus général.
Surpris qu’on ne tienne pas compte du fait qu’entre 2006 et maintenant, il y a eu un énorme changement qui s’appelle Sarkozy-Hortefeux et cie.
Surpris qu’on balaie d’un revers de main les RÉSULTATS obtenus jusqu’à présent par cette vision plus pragmatique et « opportuniste » qui, selon nous, a ouvert des portes plus qu’elle n’en a fermées.
× D’autres encore avancent le fait que cette occupation était justifiée parce que (soi disant) la CGT ne voulait pas prendre de dossiers de régularisation individuels par le travail.
A ce titre, certains ont soutenu une vision vraiment misérabiliste de la lutte de classe, de ce que pouvait conduire, ou pas, les sans papiers, une vision méprisante, et raciste, au fond, des travailleurs sans papiers (comem quoi, l’enfer est pavé de bonnes intentions). Ils les présentaient comme des handicapés de la lutte, des gens qu’il fallait « materner » : « Ils ne peuvent pas lutter quand ils sont isolés à leur travail ou bien ils se feront virer ».
Donc, la CGT Paris, qui n’a jamais eu vocation à se substituer au GISTI par exemple, devait accepter, avec ses maigres moyens, TOUS les dossiers de travailleurs sans-papiers isolés qui ne voulaient/pouvaient pas monter une lutte dans leur boîte ?
Comme si n’importe quel salarié n’était pas dans ce cas de figure !
Et comment fait donc un salarié du privé, noir, jaune, rouge, ou blanc, en situation régulière, qui n’a aucun syndicat ni aucun appui dans sa boîte pour mener une action ou faire respecter ses droits face à un taulier agressif et sûr de lui ? La CGT accepte-t-elle qu’il délègue son combat à d’autres camarades d’une autre boîte en lutte ? Le droit le permet-il ?
La CGT bien sûr a accepté les dossiers individuels quand le salarié acceptait de se battre et non pas attendait passivement que le syndicat fasse tout pour lui et à sa place.
× D’autres enfin ont tenté de justifier cette occupation par le refus de la CGT de créer (nous citons) « un syndicat de sans papiers » !
Mais encore heureux que la CGT75 a refusé cela !
L’accepter, c’est la porte ouverte au clientèlisme, à l’effacement complet de la lutte des classes et du caractère prolétarien qui nous lie toutes et tous dans ce syndicat quelle que soit notre couleur et quels que soient nos papiers !
× A la lecture de certains textes ou commentaires, il nous apparaît que beaucoup confondent pas mal de choses enfin. La CGT-confédération, l’UD, l’UL, le syndicat, les sections, tout ça allègrement et se saisissent de cette affaire pour exprimer des reproches plus généraux (et sans doute fondés et légitimes) à l’égard de la Confédération et de Bernard Thibault.
Il ne faut pas tout mélanger, même si faire la part des choses est difficile et épuisant, souvent.
A ce titre, nous sommes assez choqués par le mail que fait passer un syndicat CGT actuellement, qui mélange tout, confond revendications des militants pour une CGT de classe, et « affaire de la bourse », comme si tout était lié, comme si nécessairement, celles et ceux qui soutiennent cette opération, y compris a posteriori, étaient toutes et tous des suppôts de Bernard Thibault ou Jean Christophe Le Duigou ! C’est asburde, et par contre, il est sûr que ce type d’attaques produira l’effet inverse de celui qui est manifestement attendu, c’est à dire que probablement, il aboutira à serrer les rangs autour de la direction sortante.
Nous, nous craignons fort que toute cette polémique interne ( pour la polémique externe, on sait ce qui la sous -tend), soit encore une illustration de la lutte des places qui se joue quotidiennement à certains étages de la CGT, où dénonciation de « traîtres », de « stalinistes », de « trotskistes », de « réformistes », de « collaborationnistes » etc appuient des combats non pas politiques, mais partisans, pour des pouvoirs, des postes, des influences, de la part de groupuscules, associations, ou de partis « à la gauche du PS » qui ont perdu leur prestige et leur assise populaire (quand , tout cumulé avec 60 % d’abstention on fait moins de 15 % on doit se poser certaines questions).
En guise de conclusion, nous nous permettons donc de reposer la question posée au début de cette prise de position :
Quel était le sens, quel était l’objectif, et quels ont été les résultats, pour les SANS PAPIERS, de cette occupation de la Bourse du travail ?
La Lutte aux côtés des travailleurs sans papiers continue, contre leur exploitation, pour leur émancipation, sans misérabilisme, angélisme, ni faux semblants.
Les vrais coupables pour nous sont toujours et avant tout la bourgeoisie, Hortefeux, Sarkozy, la vraie droite et la fausse gauche, l’exploitation de l’homme par l’homme, avec ou sans papiers, le patronat.
C’est à eux qu’il faut faire rendre gorge, pas à la CGT.
De : Boadicée, Isolda, Suetone et Prasutagos