ARTICLE11
 
 

samedi 29 septembre 2012

Entretiens

posté à 12h59, par Antimollusques, Julia Zortea
23 commentaires

Agités de tous les pays, fermez vos gueules !

Votre enfant est agité ? Vous vous sentez un peu dépassé ? Pas de problème, on va « gèrer » ces « troubles » à coups de cachetons... Ainsi s’avance le traitement psychiatrique contemporain, à rebours de toute prise en compte de la complexité des sujets. Une approche évoquée par Yann Diener dans « On Agite un enfant ».

Cet entretien a été publié dans le numéro 7 de la version papier d’Article11

***

En arrivant aux États-Unis, Freud aurait dit qu’il apportait la peste aux Américains en glissant la psychanalyse dans ses bagages. En retour, les États-Unis nous amènent aujourd’hui les thérapies cognitivo-comportementales1, avec l’immense marché des « troubles  » et des médicaments qu’elles inventent. Dans le champ médico-social, plus particulièrement dans les Centres médico-psychopédagogiques (CMPP) financés par la Sécurité sociale, les psychanalystes qui accueillent des enfants, des adolescents et leurs parents résistent encore à la tentation de considérer leurs patients comme des « fauteurs de troubles » qu’il faudrait « traiter  », « évaluer  »... « dresser  ». Entretien avec Yann Diener, l’un des « tranquilles ouvriers de la parole » qui « s’activent dans ces joyeuses niches »2 que sont les CMPP, psychanalyste et auteur de l’ouvrage On agite un enfant : l’État, les psychothérapeutes et les psychotropes3.

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Certains textes produits par des psychanalystes peuvent avoir une portée politique. Vous avez fait le choix de publier à La Fabrique, maison d’édition agissant dans le champ de la critique sociale et politique...

J’avais invité l’éditeur de La Fabrique, Éric Hazan, à intervenir lors des journées de la fédération des CMPP suite à la sortie de son livre, LQR4. Nous voulions travailler sur l’apparition et l’imposition d’un nouveau langage médico-social, et j’avais envie que l’on parte de son travail à lui, plus large, sur la langue, pour ne pas rester entre psys à parler de ce sujet. Éric Hazan était justement en train de travailler avec le groupe du Manifeste pour la psychanalyse5 qui propose une analyse critique des conséquences6 du pacte noué par les psychanalystes avec l’État.

Ces deux publications à La fabrique ont lieu à un moment où de plus en plus d’analystes pensent qu’il n’y a pas une opposition si marquée entre l’acte analytique et l’acte politique, si l’on considère que le symptôme est un petit grain de sable dans le système familial ou plus largement dans la sphère sociale. Il serait réducteur de dire que le symptôme est un acte politique, mais la question de la portée insurrectionnelle du symptôme ouvre le débat.

Comment expliquez-vous l’existence d’une certaine forme de défiance vis-à-vis de la psychanalyse dans les milieux militants ?

C’est comme s’il existait une contradiction à la base – pas tellement théorique, mais sur le mode d’action : avec la caricature de la psychanalyse qui se replie sur le sujet (« c’était pour des bourgeois viennois qui avaient des problèmes de riches ») et du marxiste ou du post-marxiste qui n’est qu’un contestataire.

Je pense que la publication à La Fabrique permet d’un peu faire tomber ces oppositions. Ce qu’on voulait faire, c’était adresser ce travail à d’autres lecteurs en portant la critique au niveau du langage. Les instituteurs s’en servent par exemple pour puiser des arguments dans d’autres champs ; je voulais justement que le livre puisse être transposé à d’autres champs de pratique. La psychanalyse, ce n’est pas juste un cabinet et quelqu’un qui a beaucoup d’argent et qui vient se plaindre. La psychanalyse, c’est par exemple ce qui se passe dans les CMPP avec les enfants qui viennent en consultation. Les gamins eux-mêmes disent parfois : « Ah mais c’est ça, alors, tu es psychanalyste ? Je pensais que ça avait une longue barbe, un psychanalyste ! Il y a pas de divan ? On peut pas s’allonger ? »

Pourquoi ce titre, On agite un enfant ?

Il s’agit d’une reprise du titre de Freud Ein kind wird geschlagen, qui a été traduit par On bat un enfant et par Un enfant est battu. L’idée, dans ce livre, est de démonter la logique de l’agitation de l’enfant en montrant qu’on y participe – le on désignant les personnes qui pensent avoir de bonnes solutions pour calmer les enfants. Le premier chapitre parle de ce qui se passe à l’école, où le nombre d’enfants « agités  » augmente. Il s’agit aussi du moment où l’institution scolaire impose une pression croissante sur l’enfant. Il y a toujours eu une pression scolaire (il faut être bon à l’école) mais elle s’exprime aujourd’hui d’une autre manière, par la transposition du langage et des techniques entrepreneuriales dans le milieu scolaire. Les analystes ont pour hypothèse l’idée selon laquelle le contexte familial – et plus largement, institutionnel – participe de l’élaboration du symptôme qui peut être, dans ce cas, l’agitation. L’enfant, en choisissant d’exprimer certains symptômes, réagit à l’emprise de sa famille ou de l’école, refuse la place qui lui est assignée, se fait porte-parole de malaises qui le dépassent (familiaux, par exemple), malaises qu’on lui enjoint de ne surtout pas formuler en lui disant de « tenir en place  ». Plusieurs facteurs participent de ce qu’on appelle « un trouble  » mais que l’on désigne trop rapidement comme quelque chose qui vient de l’enfant uniquement.

Vous citez aussi Freud en exergue de votre livre : « On cède d’abord sur les mots et puis peu à peu aussi sur la chose »...

Un certain nombre d’instituteurs et de pédopsychiatres pensent que la maladie de l’enfant « agité  » (le TDAH, soit trouble déficit de l’attention/hyperactivité) existe et qu’il faut donc trouver le bon médicament pour le soigner. Ou plutôt, le bon circuit neuronal et la molécule qui convient. TDAH est un sigle passé dans le langage médico-social qui apparaît maintenant dans le discours des enfants : eux-mêmes commencent à penser que cela existe. Depuis quelque temps, on reçoit des enfants qui disent « je suis TDAH  » ou «  je suis un petit peu TDAH », comme en psychiatrie on entend des personnes dire « je suis schizophrène  ». L’enfant pense que c’est parce qu’il est agité qu’il y a un malaise dans la famille ou dans la classe, et les parents, de plus ou moins bonne foi, pensent que c’est parce que l’enfant est agité qu’eux-mêmes sont en difficulté, qu’ils ne dorment plus, etc... Or, quand une personne intègre le stigmate, dit qu’elle « est  » cela (plutôt que d’utiliser une phrase plus longue pour se définir : « Je souffre de troubles qui s’apparentent à ...  »), la personne ne parle pas d’elle : elle se cache derrière la désignation, elle répond à l’attente des autres.

Dans la novlangue psychothérapeutique, on ne parle d’ailleurs plus de « symptôme  » mais de « handicap  »...

Il s’est opéré un glissement significatif entre « cet enfant souffre d’un trouble de la concentration » et «  il est agité, il est comme ça  ». Le remplacement de « symptôme  » par « handicap  » revient à nier l’expression et l’autonomie du sujet. Dans ses textes fondamentaux, Freud montre que les symptômes, les actes manqués et les rêves participent de l’expression de l’inconscient. Le symptôme est une solution du sujet pour faire un compromis entre le normal et le pathologique, entre ce qui se dit et ce qui ne se dit pas, entre les désirs et l’interdit. Le symptôme permet de dire et de ne pas dire. Bref, le symptôme est une invention du sujet alors que le handicap est une invention de l’institution. Il s’agit de deux créations, sauf qu’une des deux est imposée à la personne.

Jusqu’à présent, entamer une analyse est une démarche qui relève d’une décision de la personne. Il est vrai que les enfants sont a priori amenés au CMPP à partir du constat que quelque chose ne va pas bien, souvent en tant que fauteurs de trouble. Ils se défont très rapidement de cette assignation en montrant qu’ils ont d’autres plaintes qui ne concernent pas directement le motif pour lequel ils ont été amenés au CMPP. La première demande, le symptôme, cache une autre demande. Et ça ne prend pas tant de temps pour que les choses se déplient, au CMPP, pour retourner les liens de causalité.

Comme vous l’expliquez dans votre livre, l’obtention d’un auxiliaire de vie scolaire (AVS) pour un élève est aujourd’hui conditionnée par la reconnaissance du statut de handicapé.

Jusqu’à présent, les parents pouvaient choisir pour leur enfant. Mais pour des raisons de financement, les demandes d’AVS ne sont désormais acceptées que si un dossier a été constitué auprès de la Maison départementale des personnes handicapées. Certains parents ne demandent donc plus d’AVS alors que ça pourrait être utile à leur gamin.

Dans le même sens, la fédération des CMPP a beaucoup lutté pour que ne soit pas appliquée aux Centres médico-psychopédagogiques une durée maximale de consultation de six mois pour les enfants. Le symptôme doit avoir le temps de se déplier dans toutes ses composantes – ça ne veut pas dire que ça prend dix ans : il faut prendre un minimum de temps avec les gamins. Grâce à notre travail d’explicitation, les gens qui siègent dans les commissions régissant l’action médico-sociale ont compris ceci : si au bout de six mois de consultation en CMPP, un enfant voulait continuer le travail, il fallait qu’il ait le statut de « handicapé  », et ce, quelle que soit sa pathologie. L’idée de handicap était jusqu’alors déterminée par une durée de traitement ; nous avons finalement obtenu que ça ne se passe pas de cette façon.

Vous écrivez que laisser s’exprimer le symptôme, c’est laisser s’exprimer une part de rébellion du sujet...

L’analyste ne s’attache pas à supprimer le symptôme, qui n’est pas uniquement un truc mauvais, qui l’embête ou qui embête les autres, mais une solution de compromis. C’est pour ça que ça tient, un symptôme : tant qu’il « aide  », ça va, jusqu’à ce qu’il devienne insupportable. Dans le symptôme il y a une part de soumission qui fait que l’on n’arrive pas à faire certaines choses et en même temps une part de symbole qui permet de dire, de ruer dans les brancards, d’embêter les autres. Le principe de l’analyse, c’est de modifier son rapport avec ce symptôme-ci, non pas de le faire disparaître d’un coup puisqu’il signifie quelque chose.

L’idée, avec les pratiques médicamenteuse et comportementaliste – c’est-à-dire les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) – est de faire revenir le patient à son état d’avant la maladie. Ce qui est un problème : si l’on revient à l’état d’avant le symptôme, on revient aux conditions qui ont permis l’apparition du symptôme. C’est tout à fait assumé par les labos qui fabriquent les médicaments : « Nous pouvons enlever votre symptôme  », disent-ils. C’est vrai, ça marche. Un conditionnement, une hypnose ou un médicament éradiquent l’expression du symptôme. Sauf que bien souvent, un autre symptôme se forme, ou le symptôme se déplace (dans la famille, un autre enfant se « charge  » d’exprimer le malaise). Disons qu’à court terme, les résultats sont évidents avec ces méthodes-ci, mais je considère qu’à long terme, les conséquences seront plus coûteuses pour le sujet et en terme de lien social.

On a souvent caricaturé la psychanalyse en disant qu’elle ne s’intéresse pas à la souffrance de la personne, qu’elle ne fait que tourner autour ou valoriser le symptôme ou encore qu’il ne s’agit pas d’une thérapie. Bien entendu, c’est faux, on le vérifie tous les jours, au CMPP ou ailleurs, il s’agit de traiter de profondes souffrances, non pas réductibles à des « bobos à l’âme » mais à des questions de vie ou de mort, plus ou moins directement. L’analyse peut viser la levée du symptôme mais dans un deuxième temps. Une fois qu’il a pu se déplier avec ses bénéfices et ses coûts et qu’à ce moment-là, on choisit de le garder ou pas. Certes, cela nécessite du temps. Or le temps est une dimension complètement niée dans l’approche comportementaliste.

Dans tous les cas, il y a un intérêt idéologique et pratique sur le court terme à appréhender le symptôme autrement que comme il l’est fait dans la psychanalyse : si les désirs se réalisaient tous en même temps, ce serait difficile pour le lien social. C’est une entreprise de refoulement qui est en partie salutaire mais qui permet beaucoup de soumission et de domination. La logique d’État va plutôt dans le sens d’une répression de cette rébellion qui est une partie du symptôme. Il est donc logique que la réponse au symptôme soit plutôt de l’ordre de son éradication ; s’il y a de l’insurrection, même si elle se situe au niveau du sujet, il y a toujours une opposition entre une logique répressive et une logique préventive. Et la réponse de l’État, c’est plutôt la répression ou l’évaluation – qui est une autre forme disant « ce qu’on peut faire » et « ce qu’on ne peut pas faire ».

La logique d’évaluation par l’État que vous décrivez dépasse le cadre des CMPP : elle est également à l’œuvre dans le champ de l’éducation spécialisée...

C’est une logique binaire : aucune variation n’est possible. Dans les derniers textes de 2002 qui régissent le médico-social, le terme de « symptôme » n’apparaît plus, pas plus que dans les manuels nosographiques7. Les termes de « sujet  », de « malade  » ou de « patient  » n’apparaissent plus. Ils sont parfois remplacés par le mot « client  » ou par le mot « usager  » quand demeure un vague vernis de service public. C’est comme à la RATP : c’est le même terme. Il y a des « usagers  » qui ont – au mieux – des « troubles  » ou un « handicap  ». Il existe là un renforcement de ce clivage « normal/pathologique  » qui fait que, quand vous devez remplir des cases ou des grilles, vous avez à cocher – d’une certaine façon – « normal  » ou « pathologique  ». Mais attendez, c’est plus compliqué... Ça ne rentre pas dans un logiciel, il y a le contexte...

Le texte de référence des thérapies cognitivo-comportementales s’appelle le DSM8 : en inventant des maladies, il invente de façon concomitante des médicaments...

Le DSM fait disparaître l’idée de symptôme, il prend chaque signe pour une maladie en soi, pour une pathologie. Par exemple, les catégories classiques de « névrose  » ou d’« hystérie  » n’existent plus. Chaque signe – le rituel, le TOC9 : c’est la maladie. On ne traite plus le symptôme, on traite le signe. Effectivement, on peut éradiquer le signe, on l’efface, il s’efface. Si vous continuez avec l’idée de névrose, vous ne pouvez pas : on sait qu’on ne peut pas sucrer la névrose. Cette disparition de la « névrose  » dans la classification est aussi une attaque de cette complexité entre le « normal  » et le « pathologique  ». Il y a des molécules qui font disparaître un délire alors que le délire dit quelque chose du sujet. Le délire est en effet éradiqué par les molécules des antipsychotiques. D’ailleurs, le terme est extraordinaire : avant on disait « neuroleptiques  », là ce n’est plus une molécule anti-délire mais c’est une molécule « anti-psychotique » : contre le psychotique lui-même. Les gens disent : « Je suis psychotique, je prends un antipsychotique. » C’est contenu dans les mots.

À l’invention des «  troubles du comportement » telle que l’ « hyperactivité  » chez l’enfant correspond une réponse médicamenteuse connue sous le nom de Ritaline. L’ État encourage-t-il à l’école la systématisation de cette réponse ?

Le passage ne s’est pas encore fait en France. Dans les formations, les instits sont incités à détecter, à diagnostiquer le TDAH. Là, le mot est utilisé. La conséquence est simple : il faut de la Ritaline. Ce n’est pas écrit mais c’est dit par des directeurs d’établissements scolaires. J’en ai même entendu dire à des parents : « Si vous ne mettez pas votre enfant sous Ritaline, on ne le garde pas à l’école.  » En revanche, en Allemagne, les labos viennent faire la promotion de la Ritaline dans les écoles – qu’ils peuvent subventionner par ailleurs. Là-bas, c’est considéré comme un service, comme un plus.

ll existe pourtant des risques liés à la prise de Ritaline, relevés notamment par la revue médicale indépendante Prescrire.

Il y a des risques cardiovasculaires, sur la croissance et la maturité sexuelle, ainsi que des risques de troubles neurologiques. Les États-Unis commencent d’ailleurs à faire attention à cela parce que des procès sont intentés et que ça va leur coûter de l’argent. Jusqu’à maintenant en France, on ne pouvait pas prendre de Ritaline avant six ans, mais le seuil vient d’être abaissé au moment même où l’AFSSAPS10 fait entrer la Ritaline dans sa liste de médicaments à surveiller. Ça sent le scandale sanitaire. Dans le même temps, un changement a été opéré pour faciliter la prescription de Ritaline : ce n’était avant possible qu’à l’hôpital, car la Ritaline est considérée comme un stupéfiant. Et en ce moment, les labos cherchent un nom pour un médicament destiné à traiter les adultes « agités  ». C’est dans leurs cartons.



1 Thérapies inventant des « troubles  » à « traiter  » à court terme, faisant fi de l’histoire du sujet et des ressorts inconscients du symptôme pour lequel l’individu consulte.

2 Phrase piochée dans le livre de Yann Diener.

3 La Fabrique, 2011.

4 Éric Hazan, LQR, la propagande au quotidien, Raison d’agir, 2006.

5 La Fabrique, 2010.

6 Selon les signataires du Manifeste pour la psychanalyse  : « Les réponses proposées dans le champ de la santé sont préférentiellement orientées vers des solutions techniques standardisées qui se juxtaposent : à la prescription massive de psychotropes, on ajoute désormais la prescription de parole (deuils, traumatismes, viols, harcèlement, etc.). Il s’agit aujourd’hui d’enserrer cette proposition sociale de « psychothérapie » dans les règles bureaucratiques qui déferlent dans le champ médical. »

7 Ce qui a trait à la description et à la classification des troubles et des maladies.

8 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ou Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

9 Trouble obsessionnel compulsif.

10 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.


COMMENTAIRES

 


  • dimanche 30 septembre 2012 à 13h37, par Docteur B.

    « Disons qu’à court terme, les résultats sont évidents avec ces méthodes-ci, mais je considère qu’à long terme, les conséquences seront plus coûteuses pour le sujet et en terme de lien social. »

    J’aime bien ce « je considère ». C’est basé sur quoi ce raisonnement, au doigt mouillé ? Du reste il mélange tout, les TCC n’ont rien à voir avec le traitement médicamenteux, au contraire une TCC essaye d’éviter autant se faire que peut l’usage de médocs. Mais ce bon monsieur veut garder les parts de marché de la psychanalyse, il a sûrement tout intérêt à dénigrer tous ceux qui essaient de soigner réellement et non pas ceux qui comme lui manipulent la souffrance des enfants (c’est un peu leur sujet révolutionnaire comme les intellectuels marxistes ont leurs prolétaires) pour faire briller de beaux discours et se croire à la pointe de la rébellion.

    • dimanche 30 septembre 2012 à 14h40, par Antimollusques

      Cher Docteur B.,

      Je me permets de vous répondre en tant que co-auteur de cette entrevue qui vous a visiblement remué. Je ne parlerai pas au nom de Yann Diener, j’essaierai juste de préciser quelques points.

      « C’est basé sur quoi ce raisonnement, au doigt mouillé ? » Sans trahir la pensée de Diener, il me semble qu’il distingue ici deux moments du « traitement » du patient, tel qu’envisagé par les TCC : le premier, c’est la suppression pure et simple du symptôme (le symptôme étant la « raison » pour laquelle un patient consulte). Diener dit ici qu’en effet, on peut reconnaître aux TCC ceci : elles sont efficaces dans le sens où, très vite (« à court terme »), le symptôme disparaît. Je prends un exemple : un patient se rend chez un psychologue comportementaliste ou un psychiatre qui fonde sa pratique sur l’apport théorique des TCC. Le patient dit : « Je ne supporte plus de sortir de chez moi, je panique dans le métro... ». Imaginons le psy disant : « vous avez une phobie sociale, nous allons traiter cela. Nous allons établir un protocole de traitement : de façon graduée, vous allez passer 1 puis 2 puis 3 minutes dans un espace public, vous respirerez profondément, vous essaierez d’avoir des pensées positives... » Au bout d’un mois, par exemple, en effet le patient peut retourner dans l’espace public, il s’y sent à l’aise.
      Le symptôme a disparu... pour réapparaître quelque temps plus tard sous une autre forme. Imaginons : « je ne suis plus « phobique social » et j’ai maintenant un eczéma sur tout le corps. » (un autre symptôme). C’est ce qu’on appelle, dans la psychanalyse, un « déplacement » de symptôme . C’est-à-dire qu’à long-terme (terme utilisé par Yann Diener), le patient qui ne se sera attaqué qu’à la surface d’un mal-être (pour ne pas dire angoisse) s’enfermera dans une répétition de symptômes aux formes variées.

      La littérature psychanalytique regorge d’exemples cliniques qui étayent cette idée du « déplacement ».

      S’agissant du rapport entre TCC et médicaments, certes des médicaments ne sont pas automatiquement prescrits dans ce cadre. Néanmoins les TCC fonctionnent de pair avec l’ouvrage de référence en la matière qui s’appelle le DSM : comme le dit justement Diener, ce manuel, en inventant de toutes pièces des pathologies particulières inventent, de façon concomitante, de nouveaux médicaments. Exemple (je caricature à peine) : « la peur de tenir une tomate », hop un médicament qui permet de tenir sans crainte une tomate. Je vous rappelle seulement que l’industrie du médicament est un business juteux et que la définition officielle de pathologies officielles ne peut que réjouir cette industrie.

      Ensuite, question centrale, qu’entendez-vous par « soigner réellement » ? Mystère... Pourquoi pensez-vous que les psychanalystes « manipulent la souffrance des enfants » ? De mon point de vue, si manipulation il y a, elle se trouve plutôt du côté des rédacteurs du DSM et des distributeurs de Ritaline par exemple (pour ce qui est de la supposée « hyperactivité » infantile et adolescente)...

      Et, oui, préférer l’approche analytique à l’approche comportementale pour des patients jeunes accueillis dans les centres médico-psychologiques relève d’une forme de rébellion car je vous le rappelle : la théorie psychanalytique ne constitue plus (hélas, selon moi !) le paradigme de prédilection dans les études des futurs psychiatres ou psychologues.

      Et puis, pour les « beaux discours », que dire ? Je parlerai d’un discours où les mots sont soigneusement choisis, soupesés... vous semblez reprocher à un psychanalyste d’accorder de l’importance aux mots. C’est quand même un comble, non ?

      • lundi 1er octobre 2012 à 10h41, par Docteur B.

        Le déplacement de symptômes n’est semble-t-il vu qu’essentiellement par des psychanalystes mais pas par la plupart des publications scientifiques en psychiatrie. Est-ce à dire que les psychanalystes reçoivent des patients particuliers ou bien que ceux-ci publient des cas cliniques bidonnés comme l’a fait leur maître, Freud ?

        Oui les psychanalystes accordent beaucoup trop d’importance aux mots, d’où leur verbiage ridicule qui me fait souvent ricaner (ou pleurer quand on pense que ces gens s’occupent d’autres gens, comme les autistes qui ne disposent pas forcément du langage parlé).

        Mais regardez bien le discours de cet homme, comment il est fait pour plaire au militant « de gauche » (pour aller vite, qui va de l’anar au social-démocrate) de base, qui contrairement à ce qu’affirme M. Diener est plutôt souvent favorable aux psychanalystes et aux pseudo-médecines en général (sinon pourquoi cette tribune complaisante offerte dans un journal comme article 11 ?) :
         × d’abord l’expression d’un anti-américanisme primaire en nous disant que tout le mal vient des États-Unis. Cet homme aurait pu nous dire que tout le mal venait des Pays-Bas où les TCC sont majoritairement appliquées (et où la consommation de médocs psychotropes est l’une des plus faible au monde, l’exact inverse de la France psychanalysée) ou en fait même de quasiment n’importe quel autre pays vu que seule la France maintient encore la psychanalyse au pinacle des thérapies, mais l’effet réthorique aurait malheureusement disparu...
         × ensuite la confusion entre DSM, industrie du médicament et TCC. Trois termes, surtout le deuxième, qui font peur au militant de gauche de base et suscitent en lui une inquiétude. Remarquons qu’un praticien des TCC peut très bien être un psychologue qui n’a absolument pas le droit de prescrire des médocs mais surtout il faut rappeler que le but des TCC est de se passer de médocs et d’en utiliser qu’en cas de besoins précis ou cas sévères. Le DSM lui vise a évaluer la gravité des troubles (ou symptômes, ou signes, ou n’importe quel terme que M. Diener voudra bien nous autoriser). Le DSM allait très bien aux psychanalystes tant qu’il était écrit par des psychanalystes et classait entre autres l’homosexualité (jusque dans les années 70) comme maladie (ou « névrose », pour plaire à M. Diener) à traiter... Le DSM est régulièrement contesté et mis à jour, bref il fait l’objet de débats et de controverses (parfois liées à des conflits d’intérêt) comme dans toute discipline scientifique. L’industrie pharmaceutique de son côté cherche à vendre des médocs hors de tout contrôle médical (via les para-pharmacies ou les rayons de ce genre en pharmacie en France et grâce à la publicité par exemple) en essayant de « créer » des maladies (voir le docu « maladies à vendre », coréalisé par Mikkel Borch-Jacobsen qui ne porte pas la psychanalyse dans son coeur, c’est le moins qu’on puisse dire !). Il n’empêche que certains de ces médocs sont efficaces... Remarquons que les psychiatres prescrivent autant de médocs qu’ils soient d’obédience psychanalyste ou non (je n’ai plus le document statistique sous les yeux mais c’est avéré). Enfin le gros des psychotropes est prescrit par des médecins généralistes qui n’ont pas de formation à la psychologie (et encore moins aux TCC). Le débat médicaments/thérapie n’a pas grand sens en soit, un médicament peut être utile, ce qui n’empêche pas de suivre une thérapie (et ça même les psychanalystes peuvent le reconnaître). Tout dépend quel problème on veut régler. Par exemple le baclofène, qui semble régler le problème de l’alcoolisme et d’autres dépendances, rend inutile a priori (sauf demande) toute thérapie puisqu’il supprime de fait l’addiction. Ce ne sera évidemment pas la même musique en matière de dépression...

        Je persiste donc à voir les propos de M. Diener et de la plupart de ses confrères psychanalystes comme ceux de défenseurs d’une chapelle pseudo-scientifique, toute puissante en France, qui ont peur de perdre de leur prestige et de leur pouvoir... et de leur argent !

        • lundi 1er octobre 2012 à 12h07, par Docteur B.

          J’ai oublié de signaler une chose, à savoir que le DSM « s’applique » normalement aux seuls psy américains et en France il y a les classifications de la CFTMEA qui est une sorte d’aberration scientifique mais qui doit rassurer M. Diener car elle est d’obédience psychanalytique. Il existe également une classification internationale, la CIM-10, qui s’applique également (et officiellement) aux États-Unis (et normalement à la France mais bon... les psy français semblent jouir d’une intelligence supérieure à la moyenne).
          Le débat sur la Ritaline est un vrai débat mais qui ne doit pas être manipulé pour servir d’autre fins (à savoir défendre la chapelle psychanalytique et ses mandarins). Des classifications comme celles du DSM (qui considère d’ailleurs qu’un TDAH n’est PAS un trouble du comportement) visent justement à contrecarrer l’industrie pharmaceutique qui essaie de faire passer pour des TDAH la moindre saute d’humeur. C’est bien là un problème de formation des psy ou des médecins et la manipulation du public par l’industrie pharmaceutique (et l’indépendance des médecins vis à vis d’elle) qui peut poser problème, en aucun cas les classifications du DSM et encore moins les TCC.

          • lundi 1er octobre 2012 à 21h10, par Docteur B.

            « la théorie psychanalytique ne constitue plus (hélas, selon moi !) le paradigme de prédilection dans les études des futurs psychiatres ou psychologues. »

            Je n’avais pas répondu à cela, mais je crois que vos amis psychanalystes vous induisent en erreur (sûrement dans l’optique de passer pour des persécutés qu’il faudrait soutenir, ou alors peut-être finissent-ils par y croire réellement ?), le fait est que la psychanalyse (sous différentes formes, mais les concepts gravitent toujours autour de la même chose) est encore très dominante dans les études universitaires, de même que dans une myriade de métiers qui gravitent autour du soin psychologique notamment les psychomotriciens et les éducateurs spécialisés (pour en connaître quelques uns qui sortent de l’école, je peux vous assurer que c’est toujours d’actualité).



  • dimanche 30 septembre 2012 à 19h30, par Heautontimoroumenos

    Article édifiant…

    « En retour, les États-Unis nous amènent aujourd’hui les thérapies cognitivo-comportementales1, avec l’immense marché des « troubles » et des médicaments qu’elles inventent. »

    Il me semble néanmoins que cette approche anglo-saxonne ne date pas d’aujourd’hui par exemple si on en croit cet exemple donné par Bob Black publiant la Lettre du Dr Harold Lockett au Dr Ben GABER datant de 1959…

    • lundi 1er octobre 2012 à 12h22, par Docteur B.

      Freud, à Vienne, prescrivait bien de la cocaïne au début du 20e siècle... L’histoire de la psychiatrie est jonchée de pratiques plus ou moins dégueulasses.



  • dimanche 30 septembre 2012 à 20h31, par x.demotz

    Pour comprendre ce qui sépare radicalement, d’un point de vue éthique, la psychanalyse des méthodes de rééducation comportementalistes, on peut lire ce texte : « Ce qui échappe au social »

    • lundi 1er octobre 2012 à 11h04, par Docteur B.

      Voilà un texte écrit par quelqu’un qui n’a pas dû ouvrir beaucoup d’ouvrages sociologiques mais un peu trop d’ouvrages verbeux comme ceux de Lacan ou Dolto. Belle confusion entre l’étude de faits sociaux et la rationalité. Car en effet, en quoi le fait d’être soumis à certains déterminismes sociaux et d’admettre l’existence de ces déterminismes (ou contraintes sociales) fait de moi ou tout autre un individu pleinement rationnel ? D’ailleurs l’exemple de l’amour pris au début est typiquement l’exemple d’une certaine dose d’irrationalité imprévisible, seulement j’ai peu de chances de rencontrer des gens de la haute et plus de chances de fréquenter des individus (femmes ou hommes) de conditions sociales plus modestes, vu mon pedigree...
      Du reste, je ne vois pas vraiment le rapport avec le sujet qui nous préoccupe ici.

      • lundi 1er octobre 2012 à 11h39, par B

        le sujet qui nous préoccupe ici, c’est qu’il est hors de question de se laisser embarquer dans TON délire urbain. C’est pour ça que c’est chouette une rencontre avec Yann Diener.

        • lundi 1er octobre 2012 à 12h16, par Docteur B.

          Explique moi donc ce qu’est mon « délire urbain », histoire de pouvoir réellement discuter... À moins que soit juste une expression à l’emporte pièce pour me déconsidérer bassement (mais je suis habitué à ce genre de « rhétorique », il ne manque plus qu’on me dise de droite et réac) et qu’en fait il n’y ait point de discussion possible.

          • lundi 1er octobre 2012 à 13h47, par B

            Je ne discute pas en effet. Il est hors de question de donner des amphétamines aux mômes. Toi, tu voudrais que ça devienne la norme.
            Relis le titre, ça te concerne.

            • lundi 1er octobre 2012 à 16h45, par Docteur B.

              Et j’ai écris ça où ? Je semble être ton ennemi fantasmatique...

              • lundi 1er octobre 2012 à 16h58, par B

                t’as même pas eu le courage de l’écrire.
                et d’abord pourquoi tu bondis comme ça dès ton premier message ? t’as la danse de singuille ?

                • lundi 1er octobre 2012 à 18h56, par Docteur B.

                  Bondir, danse de saint Guy (oui ça s’écrit comme ça, désolé), ma parole vous me voyez comme un parfait excité ! Allez vous me prescrire de la ritaline ?

                  Je n’ai pas le courage d’écrire quelque chose que je ne pense pas, c’est vrai, je dois l’admettre. Je vous laisse donc penser à ma place ce que je suis censé penser ou écrire, ça a l’air plus pratique pour vous.

                  (Et sinon on n’a pas le droit de ne pas être d’accord avec vous ou M. Diener, c’est ça en fait, dites-moi franchement ?)



  • mardi 2 octobre 2012 à 00h19, par plouc

    Psychanalyse, psychiatrie, TCC, thérapies en boites peu importe. La fonction de la médecine (au sens large) est la gestion des pathologies que cette société génère, quand ce n’est pas elle qui les crée directement, lui assurant Autorité, son pouvoir. La médecine se remettre en question, voire, en cause ? Un peu d’autocritique, d’auto-analyse matérialiste en fac de médecine ? On peut en rêver, hélas !



  • mardi 2 octobre 2012 à 11h23, par from

    Pour dépasser de simplistes discours anti-psy (la charge critique de l’anti-psychiatrie est à la fois édulcorée et parfaitement intégré par une politique d’abandon, de rentabilité et de contrôle) en allant voir un article paru dans Article 11 (que je trouve pas sur le site) : Résister à la dérive sécuritaire de la psychiatrie



  • mardi 2 octobre 2012 à 16h24, par plouc

    « (la charge critique de l’anti-psychiatrie est à la fois édulcorée et parfaitement intégré par une politique d’abandon, de rentabilité et de contrôle) »

    Ca mérite un petit développement non ? :)

    • mercredi 3 octobre 2012 à 00h02, par from

      Une volonté d’émancipation du pouvoir médical (théorisée par des psychiatres) d’en finir avec la ségrégation exercée à l’encontre de qui fait l’épreuve de la folie a été détourné, pratiquement renversée. On a certes cassé les lieux clôts, disciplinaire qu’étaient les HP. Mais tout comme ce fut le cas pour la reprise étatique et gestionnaire de la « politique de secteur », ce fut pour détruire la possibilité même d’une psychiatrie, la possibilité de trouver asile. On a supprimé des dizaines de milliers de lits. Aujourd’hui la psychose est soit prise dans les mailles d’un contrôle qui s’exerce hors institution (en ville, à domicile), soit dans la rue, quand elle n’est pas incarcéré. Qui lit l’article (entretien avec P. Bichon) cité plus haut, et va regarder un peu les liens qui y figurent, entrevoit peut-être que c’est la possibilité même de lieux d’ACCUEIL pour qui éprouve la souffrance psychique qui est désormais squeezée par l’emprise d’une logique bureaucratique, qui sait aussi jouer de la peur et contribuer à un gouvernement sécuritaire.
      Du côté des critiques « sincères » de la psychiatrie, le terme anti psychiatrie est pris au pied de la lettre sans voir que ce fut aussi une critique INTERNE à la psychiatrie, c’est à dire une façon d’opérer des distinctions quant à la question du soin (dont la premier principe peut se résumer négativement : ne pas nuire) et pas simplement qu’il suffirait de s’en remettre à une société qui a à « accepter la folie », réconciliée avec elle-même jusqu’à faire place à l’asocialité (une menace) dont la folie témoigne.

      Plutôt qu’un développement qui serait faible, je préfère renvoyer ceux qui pensent que l’anti-psychiatrie fournirait un viatique à la lecture d’un texte de François Tosquelles : Une politique de la folie
      http://cliniquedelaborde.pagesperso...

      • samedi 6 octobre 2012 à 01h35, par plouc

        Mouais, j’ai un avis plutôt hostile sur Tosquelles & cie.
        Soigner l’institution sans toucher aux rapports sociaux qui génèrent tant de maladies c’est carrément hypocrite pour ne pas dire absurde. C’est l’assurance vie même du rab de psychothérapie institutionnelle et de tout un pan de l’industrie pharmaceutique qui la finance. Un des mérites de la variante britannique de l’antipsychiatrie était d’avoir mis en lumière l’horreur qu’est la structure familiale bourgeoise. Quid du secteur sur ce sujet ?
        Puis l’incarcération de la folie ne date pas d’aujourd’hui. La psychiatrie a toujours été un outil de contrôle social, pérennisant le pouvoir médical notamment. Ibidem pour le gouvernement : quel qu’il soit il est toujours imprégné d’idéologie sécuritaire, c’est aussi dans son « code génétique » si l’on peut dire.
        Enfin bref, ceci mériterait de longs développements ;)

        Au passage : Jean-Claude Polack , La Médecine du Capital.
        http://www.persee.fr/web/revues/hom...



  • mardi 2 octobre 2012 à 19h53, par B

    CONCLUSION :

    Le vieux livre de Yann Diener reste un excellent état des lieux.
    Les gens qui ont des enfants vous doivent une fière chandelle.
    Merci Monsieur Diener.



  • lundi 5 novembre 2012 à 19h28, par L Houillon

    Reste le problème que le médicament est accessible, l’analyse non.



  • mardi 4 décembre 2012 à 17h16, par Wroblewski

    "La médecine moderne orthodoxe nous explique que tout symptôme connaît son traitement propre, qu’il n’est pas indispensable de rechercher la cause d’un trouble parce que notre maladie est désormais privée de sens et de racines, à l’image du Bloom qui en souffre ; il suffit donc d’apprendre par cœur, telle une litanie profane, la liste des effets secondaires et, si nous oublions de rendre hommage au biopouvoir qui nous domine de sa présence inquiétante dans nos soins quotidiens, nous recevons la mort comme ces diabétiques qui espéraient parvenir à faire l’amour.
    Texte synthétique dont nous ne savons pas déchiffrer les caractères, notre corps doit s’offrir docilement à l’herméneutique des « spécialistes » : nous ne sommes pas appelés à le lire, mais seulement à le réécrire.
    Le danger que tend à conjurer ce dispositif articulé d’expropriation est que, tout ce que notre cerveau d’esclave parvient à tolérer, notre corps, insuffisamment docile, le rejette, parce qu’en lui quelque ancestral résidu de l’instinct de rébellion se cache encore ; mais où, voilà ce que les conquistadores de l’industrie pharmaceutique auront tôt fait de découvrir."

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