jeudi 12 février 2009
Le Charançon Libéré
posté à 15h32, par
23 commentaires
On critique tant le président qu’on finit par oublier que sous la carapace de son ego boursouflé bat un petit coeur amoureux. Heureusement, le fils de pub Séguéla est là pour le rappeler, lui qui décrit dans un récent ouvrage la rencontre de Nicolas et de Carla. Si beau qu’on en perd de vue l’essentiel : en matière d’amour, Sarkozy ne connaît que le baiser de la mort.
La radio libre FPP m’a gentiment proposé de faire une petite chronique hebdomadaire, le jeudi à 12 h 30. Comme je ne recule devant rien, je vous la copie-colle ici. Hop !
Proximité de la Saint-Valentin oblige, je vais aujourd’hui vous parler d’amour : de petites fleurs, d’un coin de ciel bleu, d’une jolie ritournelle, de mélodie sentimentale, des oiseaux qui chantent au vent de l’espoir, d’une ballade romantique…
De tout ça et… de Nicolas Sarkozy.
Je sais : en apparence ça pourrait paraître contradictoire.
Tant pour beaucoup - j’en faisais encore partie récemment - Nicolas Sarkozy est autant capable d’aimer - je veux dire d’aimer quelqu’un d’autre que lui-même - qu’un chien de lire La Critique de la Raison Pure de Kant.
Dur…
Je croyais donc le président si desséché de l’intérieur et boursouflé de l’égo que je le pensais inaccessible aux émois amoureux.
Mais c’était avant de tomber sur un extrait du dernier livre - c’est un grand mot, mais soyons fous - du publicitaire Jacques Séguéla.
Lequel vient de publier un truc qui s’appelle Autobiographie non autorisée.
Avec cette précision sur la quatrième de couverture : « Il était temps d’écrire non mes Mémoires mais les Mémoires des autres, tous ceux qui m’ont tracé le chemin à suivre, le chemin à vivre. Ma vie est un film au casting de rêve : Lazareff, Dali, Prévert, Gainsbourg, Tapie, Pompidou, Mitterrand, Jospin, Ockrent, Kouchner, César, tant d’autres encore »
Dis comme ça, Prévert et Tapie dans le même sac, ça fait déjà rêver.
Mais ça devient réellement mirifique avec la fin du petit paragraphe de présentation : « et en happy end, la rencontre en live de Carla et Nicolas. »
Oui : on sent tout de suite que ça va être du lourd.
Et je ne doute pas que vous allez tous vous précipiter chez votre charcutier pour acheter l’ouvrage.
J’ai été gentil, j’ai pensé à tous ceux qui n’auraient pas tellement envie de filer 20 € au roi des vendeurs de soupe.
Et je vous ai dégotté un petit extrait croustillant du livre, ce qu’on nomme en théorie les bonnes feuilles - même si là, l’appellation paraît un brin usurpée… - , publiées par un quotidien suisse.
Pour situer le contexte, ça se passe grosso-merdo il y a un an et demi, dans l’appartement de Séguéla qui a organisé une petite surboum pour l’élite.
Avec pour invités Luc Ferry, Carla Bruni, le bichon du couple Séguéla (que des intellectuels de haut vol, donc) et le président.
C’est là Carla et Nicolas - qui sont amenés à copuler ensemble dans les lits de l’Elysée mais ne le savent pas encore - se rencontrent pour la première fois.
Et c’est, à en croire Séguéla, un coup de foudre magnifique, avec Zebulon qui tire à flux tendu ses flèches depuis un coin de l’appartement et Shakespeare qui tisse le fil des dialogues.
Minimum…
Je vous sens sceptique.
Alors je vous livre un petit extrait du machin : « Entre eux le courant passe. (…) Soudain, Sarkozy se tourne vers Carla Bruni, comme aimanté. Ils étaient seuls au monde, et nous, nous étions Au théâtre ce soir. On jouait Marivaux, où humour se fait amour. »
« Ou l’humour se fait amour… » : oui, ça claque sa mère.
Et pour être franc, ma vie amoureuse ressemble en comparaison à un sketch de Fernandel mis en musique par Bézu.
Je dois être jaloux…
Séguéla raconte donc le dîner, les dialogues de l’élite, avec Luc Ferry et Nicolas on imagine que ça fuse dans tous les coins, les bons mots et les grandes références, ça rigole et ça drague sec, bref un vrai festival.
Et le publicitaire d’écrire : « Carla chante une chanson. L’irréversible se fit à cet instant de grâce. Je compris ce qui m’avait fait provoquer cette rencontre. Ils étaient programmés l’un pour l’autre »
Là, William Shakespeare peut aller se rhabiller, il a trouvé son maître : s’il était né 450 ans plus tôt, c’est Séguéla qui aurait écrit Roméo et Juliette.
Enfin…
L’extrait se termine sur ces mots : « Le président envoûté va alors chuchoter une phrase à l’oreille de la chanteuse. Il n’en confiera que le lendemain le contenu à son hôte : ’Carla, es-tu cap à cet instant, devant tout le monde, de m’embrasser sur la bouche ?’ »
On ne sait pas si elle a été « cap » ou pas : ça s’arrête là.
Mais s’il ne faudrait pas accorder trop de foi au récit du fils de pub Séguela, qui a quand même fait fortune en racontant n’importe quoi pour vendre la même chose, on pressent que cette dernière réplique est vraie, tant elle fleure bon le sale gosse pressé d’afficher son bonheur dans la cour de récréation, celui qui continue aujourd’hui de croire que c’est parce qu’il exhibe la montre la plus chère ou embrasse un top modèle qu’il a la plus grosse.
Mais… il y a aussi autre chose.
Et ce « t’es cap ou t’es pas cap » renvoie à un autre étape de l’histoire d’amour présidentielle.
A quelque chose de moins glorieux, que Séguéla ne raconte évidemment pas.
Je vais le faire pour lui.
Donc : quelques mois après cette rencontre, quelques jours après son mariage express avec Carla Bruni, Nicolas Sarkozy s’était rendu en Moselle, à Gandrange, pour faire le beau devant les ouvriers de l’aciérie Arcelor-Mittal.
Il avait promis monts et merveilles, assurant que l’Etat péréniserait les emplois menacés par une restructuration annoncée.
Avait posé pour la photo avec des ouvriers rassurés.
Avait promis de revenir très vite.
Et avait terminé son discours par une remarque qui se voulait humoristique : « Gandrange comme voyage de noces, y a pas mieux… »
Fin de l’histoire ?
Pas tout à fait : un an après ce déplacement à grand spectacle, les promesses de Sarkozy sont apparues pour ce qu’elles étaient.
Du vent.
Du bidon.
Un gros baratin.
Et aujourd’hui, alors que 575 emplois vont disparaître, il apparaît évident que Nicolas Sarkozy n’a strictement rien fait pour éviter ça.
Non plus, d’ailleurs, qu’il n’a remis les pieds à Gandrange.
Les ouvriers l’ont logiquement mauvaise.
Et ils ont fait savoir par la bouche de leur député, Aurélie Filippetti, qu’ils attendent le président - je vous préviens c’est plus du Séguéla, c’est beaucoup plus viril et moins romantique - « non plus avec des grains de riz, comme l’année dernière pour son voyage de noces, mais (…) avec des boulons. »
Honnêtement, je comprends Sarkozy : des sidérurgistes m’attendraient avec des boulons, je n’irais pas non plus.
Tant cela ne relève plus des promesses de l’idylle amoureuse mais du baiser de la mort.
Ça calme…
Au final, c’est une évidence pour tout le monde : il y a le mythe Sarkozy, que tente encore de vendre un guignol comme Séguéla, et la triste réalité, celle d’un président médiocre juste préoccupé des effets d’annonce et qui se fiche comme d’une guigne de ceux qu’il serait censé défendre.
Mais quelquefois, le mythe et la réalité peuvent se rencontrer.
A Gandrange, par exemple, pour peu que le président ose y remettre les pieds.
Alors Nico : t’es cap ou t’es pas cap ?