ARTICLE11
 
 

mardi 26 janvier 2010

Sur le terrain

posté à 22h22, par JBB
37 commentaires

Pièces et main d’œuvre : « L’homme devient totalement transparent face à un pouvoir opaque »
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La société de contrôle ? Une très ancienne réalité. La société de surveillance ? On est en plein dedans. La société de contrainte ? On y court. Dressé samedi à Amiens par deux activistes de Pièces et main d’œuvre, ce constat paraît déprimant. Mais le propos était si passionnant qu’il invite plutôt à la mobilisation. La résistance a de beaux jours devant elle, voilà tout.

Hier, A11 relayait l’intervention de Rodolphe et Loïc. Place aujourd’hui à deux membres de Pièces et main d’œuvre. Eux ne sont pas salariés en centre d’appel mais savent pourtant de quoi ils parlent quand ils évoquent le « flicage tranquille » - thème de cette conférence organisée à Amiens, par les Amis de Fakir et dans le cadre des « Teufs à babeuf ».

Pièces et main dœuvre, donc. Tu connais sans doute ce collectif grenoblois de lutte contre les nanotechnologies, le flicage généralisé et - plus généralement - toute les perversions technologiques contemporaines1. Constitué d’activistes s’échinant à interroger le pouvoir de nuisance du progrès technologique, Pièces et main d’œuvre fait feu de tous bois, en des bouquins (passionnants) comme dans les luttes. Tout récemment, le collectif peut se targuer d’avoir très largement enrayé - voire saboté - le plan de communication gouvernemental sur les nanotechnologies : en empêchant une bonne part des prétendus débats que le Commission nationale du débat publique organisait ces derniers mois dans une vingtaine de villes françaises, Pièces et main d’œuvre a démontré qu’il était toujours temps de se mobiliser, d’alerter l’opinion, de remuer les médias et - en résumé - de résister. Une jolie réussite.

Samedi, à la tribune, ces deux activistes2 - dont tu sauras juste que l’un est un homme et l’autre une femme - sont revenus sur les racines du mal, sur la mise en place de la société de contrôle et sur le changement de paradigme induit par les nanotechnologies. Une passionnante intervention, dont voici le compte-rendu.

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Lui. « Pour me présenter, je vais utiliser mon numéro de Français. Je suis donc le … [Il lit un long numéro, que je n’ai pas noté], qui correspond à mon numéro d’inscription au répertoire de la carte d’identité. Il a été institué quand la carte d’identité est devenue obligatoire, en octobre 1940.

Quelques définitions, d’abord. Quand on parle de technologie, on parle en fait de la poursuite de la guerre par d’autres moyens, c’est-à-dire de la poursuite de la politique. La technologie n’est rien d’autre que le contrôle de la population, poussé à son maximum. Cette organisation rationnelle de l’ordre politique a toujours présenté un versant bénévole – qui renvoie, si l’on veut retourner très loin en arrière, à ce « bon pasteur » prenant soin de ses ouailles dans la Bible – et un versant répressif – il s’agit d’éliminer les brebis galeuses.

Continuons. Qu’est-ce que le contrôle ? Regardez ceci [Il brandit un livret]. Ce que je tiens à la main est le livret d’ouvrier de l’un de mes aïeux. A chaque fois qu’il changeait de ville ou de lieu de travail, il le présentait à ses employeurs. C’est ça, le contrôle. Le mot renvoie à ce rouleau de parchemin où, à l’époque de la Mésopotamie, le souverain faisait dresser le rôle, c’est à dire la liste de ses biens, de ses esclaves, etc. Le mot resurgit en France au XIVe siècle, avec la gestion de l’armée soldée et des prisons : le rôle sert à faire les comptes, le « contre-rôle » est destiné à les vérifier. C’est ainsi que s’est imposé le mot contrôle.
La pratique du contrôle s’est affinée en plusieurs siècles, en même temps que se perfectionne le suivi des travailleurs itinérants. Elle est passée par le livret de l’ouvrier, le livret anthropométrique pour les populations nomades (institué au XIXe siècle) et les campagnes (peu fructueuses) de l’État appelant au volontariat de la population pour l’inscription à la carte d’identité.

C’est pendant la Deuxième Guerre mondiale que la carte d’identité devient finalement obligatoire, à l’initiative d’un Polytechnicien haut commis de l’État qui souhaitait préparer la revanche et rêvait de recenser, à la barbe de l’occupant allemand, tous les hommes en âge de porter les armes. Pour ce faire, il parvient à faire accepter par les Allemands cette idée que toute la population doit être recensée. L’occupant y met deux conditions : que soit ajouté au numéro de Français un chiffre supplémentaire pour recenser les Juifs et que la carte d’identité soit d’abord instituée dans les zones où la résistance est plus active.

Cette introduction rappelle une évidence : il y a un lien systématique entre la statistique et l’ État. D’où une première conclusion : chaque fois que vous souhaitez faire obstacle au pouvoir de l’État, il convient d’en refuser ses outils statistiques, dont le recensement et la carte d’identité.

Il existe un autre principe du contrôle : le contrôle spatial. Une illustration parfaite en est, pendant la Guerre d’Algérie, la prise de la casbah d’Alger par les militaires français : l’une des premières étapes de leur offensive est de marquer à la peinture le nombre d’occupants de chaque maison sur sa porte ; il s’agit de faciliter le « contre-rôle ». Cela n’a rien de nouveau : Balzac en parlait déjà dans l’un de ses romans, Modeste Mignon, où il détaillait la réaction – pour le moins rétive – des Parisiens à la numérotisation des maisons et leur refus de ce qu’ils percevaient comme une intolérable intrusion de l’État.

Parlons un brin de surveillance, maintenant. Pas très loin d’ici, le département du Nord a un sénateur, Alex Türk, qui se trouve aussi être le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. En tant que tel, il nous met en garde une fois par an contre les conséquences des technologies de contrôle et feint de s’alarmer de notre avancée vers la société de surveillance. C’est une farce ! La réalité, c’est qu’on a dépassé la société de contrôle, qu’on est en plein dans la société de surveillance et qu’on se dirige gaillardement vers la société de contrainte. »

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Elle. « Mon « partenaire » a évoqué le quadrillage, comment on a numéroté les rues pour avoir une vision précise du territoire. Aujourd’hui, grâce aux technologies numériques et aux nanotechnologies, ce quadrillage concerne des parties de plus en plus fines de nos vies, prises dans des filets aux mailles de plus en plus serrées.

De quoi s’agit-il ? Les nanotechnologies permettent la miniaturisation des outils informatiques, lesquels deviennent presque invisibles. Il s’agit de puces permettant de stocker une immense quantité de données et équipées d’une antenne pour les lire à distance. Que ce soit dans les puces des passeports biométriques, dans celles des cartes de transport en commun ou dans celles des objets de consommation (les puces remplaçant les codes-barres), il s’agit à terme d’enregistrer des données sur votre mode de vie, sur vos déplacements, sur vos préférences, sur vos affinités intimes ou politiques… L’idée est que ces puces soient insérées partout, y compris sur le vivant. C’est déjà le cas. On puce des arbres. On puce des paysages – les États-Unis disséminent des puces dans les forêts pour détecter des départs d’incendie. On puce des animaux – pour pouvoir gérer les troupeaux comme un stock de marchandises. Et on puce même les humains : quelques milliers de personnes dans le monde, des employés australiens, des malades américains ou des gens trouvant ça fun, portent en ce moment même une puce.
Derrière cette démarche, il y a l’idée de rationaliser et d’informatiser nos vies. Jusqu’aux soins à la personne et à l’éducation. À Grenoble, des chercheurs ont ainsi mis au point un « habitat intelligent » bardé de puces, soit un appartement à destination des personnes âgées, pour qu’elles restent sous surveillance constante. Au fond, l’idée est de parvenir à se passer de l’humain.

L’idée de nous faire vivre dans un environnement totalement informatisé n’est pas de la science-fiction. Elle est – par exemple – portée par un groupe comme IBM, qui a récemment fait de la publicité dans les journaux pour « une planète intelligente ». Pour ces gens, cette notion d’intelligence est synonyme de communication, c’est-à-dire la capacité d’enregistrer des données et de les diffuser. Tout doit être monitoré, géré par ces puces communicantes. Il s’agit de supprimer tout ce qui fait friction, de tout lisser pour davantage de fluidité. De façon très sérieuse, IBM3 assure que la police sera demain capable d’anticiper les délits en supprimant l’impromptu, la surprise, l’inconnu.

Ces puces RFID sont associées aux nouvelles technologie : il est aujourd’hui possible de fabriquer des capteurs de la taille d’un grain de poussière, de recourir à l’usage de caméras « intelligentes » (capables de reconnaître des visages et détecter des comportements jugés atypiques), d’utiliser des scanners corporels, des systèmes de géolocalisation ou des dispositifs biométriques. Une fois combinées, ces puces et ces technologies dressent un filet sans cesse plus étroit, récoltent un nombre toujours plus important de données destinées à enrichir les statistiques. Des données qu’il s’agit ensuite de traiter ; c’est le travail notamment réalisé par un groupe comme Thalès, qui développe « l’hypervisor », un système informatique pour interpréter et traiter des milliards de données, et générer des alertes automatiques. À Mexico, ville bardée de dispositifs de contrôle, la machine peut désormais décider de faire zoomer des caméras sur des endroits précis, de bloquer les portes du métro si elle l’estime nécessaire, de mettre en lien les données récoltées sur le terrain avec celles collectées par les drones…
Dans ce système, l’homme devient totalement transparent face à un pouvoir opaque. C’est l’exact opposé de l’une des définitions de démocratie, selon laquelle le pouvoir se doit d’être transparent et de ne pas empiéter sur la vie privée des citoyens. Avec les nanotechnologies, on change ainsi de monde, de paradigme.

Tout cela relève de la gestion globale de la société. Mais les nanotechnologies et les technologies convergentes ne s’y limitent pas, intervenant en sus sur ce que l’humain a de plus secret. Ainsi de cette possibilité – par exemple – pour les neurologues de placer des implants dans le cerveau, une technique mise au point pour calmer les tremblements des parkinsoniens. De ce traitement, les chercheurs – notamment ceux de Clinatec, à Grenoble – sont vite passés à une étape supérieure, celle de la modification des comportements : sous des prétextes médicaux, on intervient aujourd’hui sur le traitement des troubles obsessionnels compulsifs, des troubles alimentaires ou de la dépression. Avec ces implants, il s’agit d’influer immédiatement sur le cerveau Et à partir du moment où on dispose d’outils permettant d’agir sur l’humeur et le comportement, on entre dans la société de contrainte. »

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Elle. « Les nanotechnologies représentent un saut qualitatif : à partir du moment où les dispositifs de surveillance deviennent intrusifs et ubiquitaires, on entre forcément dans une autre dimension. Parce qu’on ne négocie pas avec la machine. »

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Lui. « Les hommes sont chosifiés, et on passe de l’administration des hommes à l’administration des choses. Prenons l’exemple de la Seconde Guerre mondiale et de la France : s’il y a eu une résistance sur notre territoire, c’est d’abord parce qu’il était possible de confectionner des faux-papiers. L’un des responsables de la confection de ces faux-papiers, le résistant de toujours Adolpho Kaminsky, explique fort bien – dans un livre récemment publié et aussi dans une interview donnée à CQFD – combien il n’est rien à voir entre falsifier des papiers en carton et falsifier des papiers électroniques. Bien sûr, il va rester possible à l’avenir de confectionner des puces d’identité bidons, mais ce sera réservé à ceux qui en auront les moyens technologiques, les mafias et les gouvernements. C’est cela qui change tout. Ou au moins : qui change beaucoup de choses.

En outre, la technologie n’est pas neutre, elle induit des usages (réputés) bons et des usages mauvais. Avec elle, le monde ancien devient un nouveau monde. Par exemple, le monde de l’électricité devient le monde du nucléaire ; et le monde nucléaire est forcément un monde policier.
Tocqueville expliquait que le progrès technique favorise la société démocratique. Et il prenait l’exemple des armes à feu, en affirmant que celles-ci permettaient enfin aux manants de s’affronter à armes égales avec les puissants. C’est faux. En réalité, la technologie accroit les inégalités dans le rapport de force. Dans le passé, les serfs et manants qui se révoltaient avaient un petit espoir de l’emporter. Aujourd’hui, c’en est terminé : le pouvoir se réserve forcément la victoire. Une société informatisée est une société pilotée : ceux qui s’y opposent ne font pas le poids, ils ont perdu toute chance de peser dans le rapport de forces. »

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Elle. « La question de l’acceptation de la population se pose. Et celle-ci donne le sentiment d’une adhésion de la société toute entière aux nouvelles technologies. Le téléphone portable a ainsi connu le développement technologique le plus rapide de toute l’histoire. Mais en même temps, les industriels ont de plus en plus peur de faire des fours, de connaître l’échec. Parce qu’ils savent que les gens disent quelquefois non. Qu’ils ne sautent pas – au fond – de joie devant ces innovations présentées comme un progrès. Et qu’ils ne se réjouissent pas, se contentant de constater qu’on « n’arrête pas le progrès ».

Puisqu’on parle du monde du travail, il faut parler du Luddisme, un mouvement mal connu voire diffamé. De 1811 à 1813, les luddites, des artisans des comtés centraux de l’Angleterre, ont tout tenté pour rester maître de leur travail, pour préserver la qualité de ce qu’ils produisaient. Ils ont essayé de résister à l’arrivée de la machine textile industrielle, qui apportait avec elle les cadences horaires, le travail en usine, la rationalisation de la production, etc…
Pendant trois ans, les luddites ont ainsi cassé des machines et défendu leur mode de travail artisanal. Ce sont des gens qui refusaient de devenir esclave du monde du travail. »

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Lui. « Résister ? Il ne faut pas perdre espoir. De temps en temps, il se produit quelque chose, on ne perd pas toujours. J’ai ainsi récemment vu passer dans Le Monde une tribune signée de plusieurs chercheurs désolés, qui expliquaient avec des trémolos dans le stylo qu’il n’était désormais plus possible de cultiver des OGM en France.
Et je suis aussi frappé par le mouvement de résistance spontané à la vaccination de masse qui s’est fait jour à l’occasion de H1N1. Comme si les gens attendaient juste qu’on leur en laisse l’occasion pour se venger de tout… C’est d’autant plus curieux que le vaccin a toujours été une vache sacrée en France. »

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Elle. « Le gouvernement a lancé une campagne de communication sur les nanotechnologies, par le bais de la Commission nationale du débat public (CNDP), un organisme dépendant du gouvernement qu’on ressort du chapeau à chaque fois qu’émerge un mouvement de protestation contre une prétendue innovation.
La CNDP avait prévu de s’arrêter dans 17 villes de France. Nous avions appelé au boycott de cet écran de fumée et de cette manipulation. Et nous – mais aussi d’autres personnes – avons saboté quelques-unes de ces réunions. Sur 13 réunions tenues jusqu’à maintenant, nous avons réussi à en chahuter six, par des banderoles, des tracts, des parodies4. Cinq ont été finalement annulées, enfouies dès leur première seconde sous un tonnerre d’applaudissements qui a empêché toute prise de parole.5 »



1 Et si tu ne le connais pas, je te rappelle qu’A11 avait réalisé, l’an passé, un entretien avec Pièces et main d’œuvre. Tu peux le consulter ICI.

2 Edit de 13 h 30 : la réunion étant publique, je m’étais permis d’illustrer ce billet de la photo des deux intervenants, et j’avais aussi fait mention de leurs prénoms. Mais les deux membres de Pièces et main d’œuvre viennent de me faire savoir qu’ils avaient pour principe de ne s’exprimer que de façon anonyme. Je viens donc de supprimer ces deux références. Mes plus plates excuses aux intéressés.

3 À un autre moment de la conférence, cette précision sur IBM : « Je voudrais aussi rappeler que c’est IBM qui, dans les années 1930, a mis au point le fichage rationnel des juifs pour l’Allemagne nazie, concevant notamment le système du tatouage numéroté. »

4 Le site Aujourd’hui le nanomonde relate ce vaste mouvement de protestation et de sabotage du prétendu débat gouvernemental.

5 Une vidéo de la réunion de Lyon, annulée après quelques minutes d’applaudissements, est visible ICI.


COMMENTAIRES

 


  • La technologie n’est rien d’autre que le contrôle de la population

    Je dois dire que là je bloque complet.

    D’après PMO, il me faudrait faire le choix entre technologie et contrôle de la population. Sachant que je ne peux vivre sans technologie, il me faut donc me résoudre au contrôle de la population. Y a pas une 3e voie ?

    • Juste une précision importante : j’ai beau y mettre le plus d’énergie et d’attention possible, je rate forcément des choses - et en simplifie abusivement d’autres - quand je prends en notes le discours d’une personne au micro. Il ne faut pas perdre de vue, donc, que si la formulation de certaines phrases apparaît un brin simplificatrice, c’est d’abord de ma faute (même si, encore une fois, je fais tout pour coller à ce qui se dit).
      Enfin, il s’agit à l’origine d’un discours oral. Donc forcément construit et étayé de façon différente qu’un texte écrit.

      Maintenant, sur le fond de ta remarque, je ne peux répondre à leur place. Sinon objecter que PMO ne dit pas qu’il faut se résoudre à vivre sans technologie (tout au moins pas ici). Mais dresse le constat des perversions que celle-ci permet.

      Je ne crois pas qu’on puisse les accuser de refuser la technologie (sous réserve, encore une fois : je n’ai aucunement la prétention de parler à leur place). Pour te dire, je crois savoir qu’ils ont le téléphone… Et il te suffira de constater l’existence de leur site internet pour prendre acte du fait qu’ils ne refusent pas, a priori, ce que la technologie aussi peut apporter de bon (en l’occurrence, la possibilité de rendre compte d’un combat et de le faire connaître).

      • mercredi 27 janvier 2010 à 14h55, par G.Haldec

        L’un des point intéressant et qui semble être souligner dans cette intervention, c’est notamment l’usage des statistiques dans le contrôle des populations, et c’est vrai que tel que présenté, il semble que ce lien apparaisse ici comme nécessaire (« lien systématique entre la statistique et l’Etat »). Et c’est surement vrai d’un point de vue historique : la notion de gouvernement qui s’est développé de la fin du moyen age à la Renaissance est étroitement lié à émergence de l’Etat moderne, dont le pouvoir cherchera dorénavant à s’étayer sur une connaissance statistique et une gestion administrative du territoire, de la population ... (lire a ce sujet Michel Senllart)
        Pour autant, Je ne pense pas que l’on doive déduire qu’il s’agit là d’un lien consubstantiel : de même que les nouvelles technologies, bien que permettant une surveillance incroyablement accru des individus, permettent aussi de diffuser et d’accéder à de l’information, du savoir, etc., de même on peut penser que l’usage de la statistique n’est pas par principe réservé à l’Etat et au pouvoir en général, et peut être à l’inverse moyen de sa remise en cause...

        Plus encore, la statistique, comme savoir partiel sur la situation et les composantes d’une population, peut et doit certainement être l’un des éléments d’une réflexion politique : le nombre de retraités en dessous du seuil de pauvreté, de chômeurs dans les banlieues, d’enfants de bourges dans les écoles du pouvoir, constituent des informations à partir desquels sont mis en évidence des problèmes économiques, sociaux, et donc politiques. En d’autre termes, si il y a problème dans la possibilité (et le fait) de la production et de l’utilisation d’une connaissance statistique par le pouvoir politique, ce n’est pas tant de par l’existence de ce savoir, ni même, dans l’absolue, du fait de sa prise en compte par le pouvoir politique... Il y a problème en ce que notre pouvoir politique en question, en l’occurrence l’Etat, est en tant qu’Etat un dispositif de domination. Pour le dire encore autrement : c’est parce-que l’Etat, son administration et sa police, nos « représentants » et élus, constitue un pouvoir séparé de la population (du démos), que l’usage « politique » de la statistique représente nécessairement une technique de domination, de « controle » voir de « contrainte ».

        Cela signifie aussi que dans le cadre d’une organisation sociale et politique ou l’Etat, en tant qu’instance décisionnelle séparé du peuple, n’existerait plus, autrement dit dans le cadre d’une véritable démocratie ou le principe de hiérarchisation politique - notamment - serait supprimé, et où donc chacun pourrait se prononcer sur les décisions qui le concerne - où la loi serait directement le fait du peuple, et non de ses « représentants » ou « experts » -, dans une démocratie au sens propre, le savoir statistique ne serait surement pas à abandonner ou à ignorer, mais devrait au contraire, en tant que reflétant certains aspects de la « réalité sociale », faire partie des informations à produire et diffuser en vue de la réflexion, du débat et de la décision politique - et collective.

        • mercredi 27 janvier 2010 à 23h28, par JBB

          Je ne vais rien ajouter d’intéressant.

          Mais j’approuve en partie ce commentaire intelligent : la statistique, encadrée et limitée à des usages qui ne soient pas coercitifs, ne me semble pas forcément devoir être jetée avec l’eau du bain. Avec cette nuance, toutefois : en cette démocratie réelle que tu appelles de tes voeux, et que j’imagine fonctionner en « communes » pour que l’expression du peuple le soit réellement, sera t-il encore utile de disposer de statistiques ? Si le champ du pouvoir disparaît, si nous ne nous exprimons sans intermédiaires ni représentants et sur un territoire logiquement limité, l’intérêt de celles-ci ne disparaîtra t-il pas ?

          • jeudi 28 janvier 2010 à 10h39, par My name is papier à cigarette

            [mode ricanement on]
            Sisi.
            Comme d’ailleurs a disparu l’utilité de l’existence syndicale dans les pays de l’ouvrier heureux.
            [mode ricanement off]

            De manière plus général, une technique n’est bonne ni mauvaise, seul son usage peut être bon ou mauvais. La statistique comme le nucléaire ou le biface préhistorique.
            Le bien /le mal c’est à dire la moralité sont des notions intrinsèquement humaines. Donner une moralité à une technique est un non sens.

            Une autre chose de très génante dans ce discours c’est la description de la technique comme un absolu. C’est la critique de la vision prométhéenne de la technologie, c’est la volonté de controle total de la nature. Et bien cette vision se retrouve en fait dans la critique qu’ils font : l’omniprésence d’une technologie high-tech rendrait la vie humaine totalement transparente aux autorités de controle et permettrait l’établissement d’un genre de « fascisme technologique ».
            Cette critique donne justement à la technologie ce pouvoir de control total,
            Or, et heureusement, c’est faux **.

            Pour finir, ça servait à quoi que Marx (et beaucoup d’autres qui ne sont même pas forcément critique du capitalisme) se décarcasse à décrire la couse à l’innovation technologique comme la conséquence de la baisse des prix permanentes, de la concurence acharnée***.
            si c’est pour écrire en 2010 dans une association militante que La technologie n’est rien d’autre que le contrôle de la population ?

            haaa misère ! misère !
            pourquoi c’est toujours sur les pauv’gens
            que tu t’abats avec acharnement ?

            ** oui je sais je devrais arguementer mais quelques exemples devront suffire
            1/ les bases de données de la police bourrées d’erreur
            2/la stasi avait la passion du fichage, ce qui l’a rendait impuissante n’arrivant pas à gérer toute l’information
            3/ monde diplo du mois dernier, ou comment une chaine de production automatisée au maximum est un vécu comme un problèmesupplémentaire à contourner par rapport à une chaine faiblement automatisée
            4/ les USA ont militairement tout misé sur la puissance technologique de leur quincaillerie et ben on peut pas dire que ça leur réussit...
            etc...

            *** tiens un petit bout deJean Zin
            Qu’est-ce donc que le capitalisme ? Ce n’est pas que tout soit marchandisé, ni leur accumulation, ce qui est un fait, mais que les marchandises soient de moins en moins chères (Le bon marché des marchandises est la grosse artillerie qui abattra toutes les murailles de Chine). Le capitalisme, c’est, en effet, du capital qui utilise du travail salarié pour produire du capital (du profit) grâce au gain de productivité apporté par l’investissement capitaliste permettant de réduire le coût de production (le temps de travail par produit).

            pas le temps de me relire, désolé pour les fautes éventuelles.

            • jeudi 28 janvier 2010 à 10h45, par My name is papier à cigarette

              ah oui et puis je voulais dire aussi,puisque c’est mon premier message, bravo pour ce canard c’est bien et c’est même de mieux en mieux !

              avanti !!

            • jeudi 28 janvier 2010 à 17h57, par Manu

              « De manière plus général, une technique n’est bonne ni mauvaise, seul son usage peut être bon ou mauvais. La statistique comme le nucléaire ou le biface préhistorique. Le bien /le mal c’est à dire la moralité sont des notions intrinsèquement humaines. Donner une moralité à une technique est un non sens. »

              La technologie, au même titre que la notion de moralité, est une création humaine. Donc, je ne vois pas en quoi elle échapperait à cette notion « du bon/mauvais », plutôt d’un jugement ( je suis toujours frileux en ce qui concerne l’absence de moralité ou plutôt d’éthique, de « jugement » en quelque sorte, j’abhorre le nihilisme par exemple :) )
              Enfin, ce que j’ai envie de dire, c’est que je ne vois pas comment pourrait-on utiliser certaines technologies de façon plus raisonnée, plus respectueuse de l’environnement, « plus saine » quoi. Par exemple, et ça reste mon opinion, le nucléaire ( rien que les déchets radioactifs et le danger que représente cette technologie ), ou encore les OGMs, ou bien encore les nécrocarburants, sont des technologies -intrinsèquement- merdiques, dangereuses, aberrantes.

            • jeudi 28 janvier 2010 à 18h17, par nini

              Pardonez si j’intruse, mais je vourais revenir sur quelque chose qui me titille :
              « De manière plus général(e), une technique n’est bonne ni mauvaise, seul son usage peut être bon ou mauvais. »

              Outre que le fait qu’il s’agit sans doute du lieu-commun le plus repandu sur la technique, je pense qu’il faudrait quand meme un jour se poser la question de savoir si cette idee est vraie ou si elle ne merite pas seulement qu’on s’en debarrasse une fois pour toutes si on veut discuter serieusement. Comment se fait-il qu’on entende la meme rengaine chez les scientifiques qui veulent absolument sauver la recherche (ah oui mais attention la recherche fondamentale, Monsieur, celle de l’atome, hein, pas celle de la bombe, bien sur), chez les « ecologistes » convertis des grands groupes energetiques (le salut de la planete passe par la technologie, les eoliennes et panneaux photovoltaiques bourres de nanoparticules) ou chez certains communistes stratifies, voire dans les milieux anarchistes (la technique n’est pas mauvaise, elle est juste entre les mauvaises mains) ?

              Comment est-ce qu’il est possible de faire l’impasse, de facon plus ou moins honnete, sur le fait que le developpement technologique est intrinsequement lie au regne de l’expert, a la specialisation a outrance la ou on devrait rechercher l’autonomie, que la « production du savoir » ne peut que renforcer la production d’un pouvoir, scientifique ou politique, toujours plus isolé du reste de la societe ? Cette perte d’autonomie, de ce qui devrait fonder notre dignite, nous en faisons l’experience tous les jours : fabriquer un piolet pour casser du trotsko, je peux encore le faire ; me fournir en legumes, je peux encore arriver a etablir une relation de confiance avec quelqu’un qui peut m’en procurer. De l’electricite, je commence a avoir du mal, alors un telephone portable...
              On ne peut pas se plaindre que le pouvoir politique soit aussi detache de la population qu’il est cense representer et lui demander en meme temps de gerer des problemes techniques dont il n’a aucune connaissance sans s’en remettre entierement a ceux qui savent.

              L’avantage des analyses de pmo, c’est de penser la technique comme un probleme politique en soi et de ne pas laisser ca dans l’angle mort de l’analyse marxiste traditionnelle, ou dans les oubliettes d’une insurrection qui viendrait (sous reserve). Pour reprendre l’exemple qui est donne dans le texte, le nucleaire c’est forcement encadre par un pouvoir militaire : ca peut etre des militaires gentils, ou des militaires mechants, ca reste des militaires qui doivent eviter que n’importe qui vienne faire n’importe quoi. Meme si on fait beaucoup d’efforts, qu’est-ce qu’on foutra dans nos « communes » avec les dechets nucleaires qu’on aura sur les bras et les centrales qui seront en train de tourner ? Mais je m’egare. Amities.

              • jeudi 28 janvier 2010 à 20h22, par CaptainObvious

                fabriquer un piolet pour casser du trotsko, je peux encore le faire

                Je fait le pari que tu en serais incapable.

                le developpement technologique est intrinsequement lie au regne de l’expert, a la specialisation a outrance la ou on devrait rechercher l’autonomie

                Non sens. Parce que j’écris mille dois moins bien que JBB, je devrais enlever article11 des mes marques pages ? Parce que je serais incapable de réaliser un film, je devrais jeter le cinéma à la poubelle ? Non. Et bien c’est pareil pour la science et la technologie.

                La technologie a commencé avec le premier type qui a délibérément tapé sur 2 cailloux pour les affuter. Et la spécialisation dès qu’un type s’est retrouvé nettement meilleur que les autres pour ce faire. Je vois pas quelle genre d’autonomie on pourrait espérer sans devoir retourner au paléolithique.

                D’autant que moi je me sens bien plus autonome avec les ressources matérielles fournies par la technologie (comme des vêtement chauds et légers) et une « bonne » compréhension du monde (comme le fait de savoir que le ciel ne va pas me tomber sur la tête) que sans. Et si certains essayer un peu plus de comprendre les technologie et les sciences, ils se sentiraient un peu moins dépossédés.

                • jeudi 28 janvier 2010 à 21h24, par JBB

                  @ Tous : félicitation, c’est un débat de grande classe. D’ailleurs, je ne vais pas m’en mêler plus que ça. Sinon pour approuver : il est sans doute des technologies « amorales », en ce que leur poids négatif pour l’humanité à long terme est largement supérieur à leurs éventuels avantages à court terme. Ainsi du nucléaire, des OGM ou des nanotechnologies.

                  @ My name is papier à cigarette (Mazette, quel pseudo !) : merci pour la gentillesse :-)

                  @ Nini et CaptainObvious : c’est marrant, je me reconnais dans vos deux messages. Et je pense que vous vous rejoignez au fond : je crois que Nini ne dit pas que le règne des experts supprime toute liberté ou possibilité d’enrichissement individuel (au sens éthique ou intellectuel), tout au moins pour l’instant ; mais que ce pouvoir sans cesse croissant des experts et cette emprise grandissante des machines sur nos sociétés obèrent déjà toute chance d’une émancipation collective, et portent surtout en germe notre asservissement futur.

                  @ CaptainObvious : si c’était vrai, tu me ferais rougir ; heureusement, il n’en est rien.

                  • jeudi 28 janvier 2010 à 23h39, par CaptainObvious

                    leur poids négatif pour l’humanité à long terme est largement supérieur à leurs éventuels avantages à court terme. Ainsi du nucléaire, des OGM ou des nanotechnologies.

                    Pour le nucléaire je veux bien me laisser convaincre. Pour les OGM : non. Tout le monde à l’air de penser que les OGM ce n’est que les PGMs pleins champs. Il n’en est rien : c’est aussi des bactéries dans des labos qui produisent l’insuline destinée aux diabétiques. Quand aux nanotechnologies, cela couvre un tellement vaste (dont les ogms d’ailleurs) qu’il n’est a mon avis pas possible de les rejeter en bloc.

                    En fait le vrai problème ce n’est pas telle ou telle technologie, c’est : quelle type de société avons nous. Pour reprendre l’exemple des OGM, le plus gros problème ce n’est pas l’effet sur la santé qui n’est pas vraiment prouvé, c’est la privatisation du vivant et la monoculture intensive, 2 choses qui n’ont rien à voir avec avec la science mais tout avec le capitalisme.

                    • vendredi 29 janvier 2010 à 01h52, par Manu

                      Bon, je vais faire le chieur de service.

                      « Pour reprendre l’exemple des OGM, le plus gros problème ce n’est pas l’effet sur la santé qui n’est pas vraiment prouvé [...] »

                      En fait si, mais il y a très peu de scientifiques réellement indépendants qui se penchent sur la question de part le monde. En France, il y a le CRIIGEN par exemple : http://www.criigen.org/
                      Et si tu doutes de la crédibilité du CRIIGEN, celui-ci se veut « un comité apolitique et non-militant d’expertise, de conseil, indépendant des producteurs d’OGM » composé de scientifiques ( Professeur de biologie moléculaire, Docteur en Chimie Analytique, Biostatisticien, etc ... ) donc on est loin des écolos bobos urbains à la sauce Yab et Hulot.
                      De nombreux dossiers sont mis à jour régulièrements ( Roundup, Maïs Monsanto ... ), qui peut-être te convaincront de la dangerosité et de l’aberration que représentent les OGMs.

                  • jeudi 28 janvier 2010 à 23h52, par CaptainObvious

                    cette emprise grandissante des machines sur nos sociétés obèrent déjà toute chance d’une émancipation collective, et portent surtout en germe notre asservissement futur.

                    Quand je veux jouer au prophète à 2 francs, je prédis que dans 50 ans (chiffre arbitraire) notre espèce aura disparue. Soit parce qu’elle se sera exterminée (grâce à la technologie) soit parce que cette même technologie fait qu’elle n’aura plus rien à voir avec ce qu’elle est maintenant.

                    Je ne vois pas de 3e choix : selon la formule consacrée je ne crois pas qu’on puisse « arrêter le progrès », seulement l’orienter dans un sens ou dans l’autre.

                    • vendredi 29 janvier 2010 à 14h15, par nini

                      « Quand je veux jouer au prophète à 2 francs, je prédis que dans 50 ans (chiffre arbitraire) notre espèce aura disparue. Soit parce qu’elle se sera exterminée (grâce à la technologie) soit parce que cette même technologie fait qu’elle n’aura plus rien à voir avec ce qu’elle est maintenant. »

                      C’est malheureusement ce que prevoit un certain nombre de gens, ou tout du moins quelque chose de semblable a la baisse siginficative de l’esperance de vie qui est en train de pointer son nez.
                      Si vous avez cinq minutes (ok, cinq heures), je vous conseille aussi « Un siecle de progres sans merci » de Jean Druon. Attention, ce n’est pas un film qui peche par manque d’intelligence, du coup faut souvent s’accrocher aux rideaux : c’est pas kooyanisqatsi, hein. On se marre, on s’enerve, on discute, bref ca vaut vraiment le coup.

                      Pardon si je vous embete.
                      amities.

                • jeudi 28 janvier 2010 à 23h44, par nini

                  Bien aimables, on se sent un peu en famille ici (le cote penible en moins), vous me remettrez la meme (et merci JBB pour les eclaircissements, j’y vois deja plus clair dans ce que je disais. Enfin de toutes facons j’avais rien invente, tout ca vient d’Ellul).

                  Comme on est certainement d’accord avec CaptainObvious, je vais preciser : ce qui a, a la rigueur, commence « avec le premier type qui a délibérément tapé sur 2 cailloux pour les affuter », c’est la technique, du moins a partir du moment ou un des types s’est dit qu’il le faisait bien (savoir-faire) et qu’il pouvait proposer ses services aux autres. La technologie, elle, concerne un ensemble de techniques realisables a l’echelle industrielle ; la technologie c’est Vaucanson, ses automates et surtout ses metiers a tisser dont la pretention n’est pas de proposer un savoir-faire a ses semblables, mais de rationnaliser un ensemble de pratiques et, au final, de les remplacer par la machine, bien evidemment dans l’optique de proposer des tissus moins chers (y’a un tres bon papier sur le site de pmo a ce sujet, je vous le conseille). La technique c’est le regne de l’artisan ; la technologie, c’est celui des ingenieurs (comme moi). J’ai l’air de chipoter et d’idealiser le bon vieux temps des colonies, mais pas tant.

                  Ce que je voulais dire auparavant, c’est que je serais encore capable de batir ma maison ou de coudre mes groles, je pourrais meme avec un peu d’efforts assurer mon autonomie energetique sans forcement retourner au paolithique (au debut ca serait tout pourri, mais je finirai bien par apprendre), mais obtenir des subventions pour construire un usine, maintenir une guerre dans un obscur pays d’Afrique pour obtenir les matieres premieres, pomper les 1500 litres d’eau nécessaires pour fabriquer une seule tranche de silicium d’un diamètre de 150 mm (etc.), tout ca pour fabriquer mon telephone portatif, c’est totalement impossible, sans meme parler de disposer d’un reseau qui me permette ensuite de m’en servir pour parler à d’autres personnes. Alors quoi ? Il faut cautionner ca chaque fois qu’on passe un coup de fil pour acheter des yaourts ? Et meme si on n’a pas de telephone, on est baise ? tout ca sans savoir comment ca fonctionne reellement (je veux dire sans contrepartie evidente de « savoir » pour moi) ? Ben merde. Si ca c’est pas de la depossession, je m’y connais pas. Je sais pas si je m’esplique.

                  La question fondamentale, c’est justement de se demander, en partant d’un panorama aussi merdique « quel(le) genre d’autonomie on pourrait espérer sans devoir retourner au paléolithique. » Toutes les suggestions sont les bienvenues.
                  Hein ?

      • Je ne pense pas que ça vienne de toi, j’ai toujours trouvé que le discours de PMO (et d’autres orgas du type) étaient très ambiguë.



  • mercredi 27 janvier 2010 à 00h05, par ffoooolalanterrpwet.

    Sur le « livret ouvrier des aïeux » et la centralisation permise par la technologie (ce qui n’implique pas que ce soit la technologie le problème sur cet exemple en particulier - on va as interdire les piolets parce que Mercader en a utilisé un pour faire la peau à Trotsky). :-)
    Bon maintenant je vais lire la suite.

    Voir en ligne : Livret ouvrier



  • « La seule compétence dans une ou plusieurs sciences exactes , même lorsqu’elle est associée à des dons remarquables, n’est en aucune façon le gage d’une disposition à l’humanité ou à l’esprit critique. Les physiciens d’une demi-douzaine de nations qui travaillent tous fébrilement et en secret sur la bombe atomique en sont la démonstration. Mais tout cela signifie-t-il que le grand public ne devrait pas recevoir une meilleure éducation scientifique ? Bien au contraire ! Cela signifie seulement que l’éducation scientifique des masses fera peu de biens, et probablement beaucoup de mal, si elle se réduit à d’avantage de phyiqiue, de chimie ou de biologie, au détriment de la littérature et de l’histoire. Elle aura probablement pour effet sur l’homme ordinaire de restreindre l’envergure de sa réflexion et d’accroître son mépris pour les connaissances qu’il ne possède pas ; et sans doute ses réactions politiques seront-elles plutôt moins intelligentes que celles d’un paysan illettré qui aura conservé quelques souvenirs historiques et un sens esthétique sain. »
    Orwell, 1945

    Pas grand chose à ajouter.

    • C’est quoi un sens esthétique sain ? un rejet de l’art « dégénéré » ?

      • (J’ai cliqué trop vite)

        C’est un truc qui m’a toujours rendu perplexe chez Orwell (avec la common decency d’ailleurs).

        • J’ai également cliqué trop vite !

          Pour Orwell la common decency serait, au contraire de l’idéologie du bien, catéchisme moralisateur cher aux occidentaux, une invitation traditionnelle à la bienveillance, à l’entraide ou à la générosité. Michéa en parle bien mieux que moi dans ses ouvrages .

          • @ Wuwei : très classe citation, merci.
            (Même si j’avoue aussi avoir un peu de mal à saisir ce que vient foutre le « sens esthétique sain » là-dedans)

            @ CaptainObvious et Wuwei (bis) : sans scrupule, je n’hsite pas à faire de la pub pour un billet de ce site. Et vous renvoie, sur la question de « common decency »,à l’entretien que Bruce Bégout à accordé à Lémi.

            • Pourrait-on classer Orwell parmi les pre-situ ? Héhéhé... Non, pour être sérieux deux secondes, il me semble que le texte est clair et sa présence ici parfaitement justifiée puisqu’il dénonce, justement, une dérive non pas seulement de l’art où du milieu urbain (ceux qui pensent « la bite à » sortent), mais aussi une démarche commerciale et uniquement rentabilisante dans l’innovation ! Et effectivement, au delà même de savoir si nous sommes pour où contre le progrès, il convient de déjà s’intéresser à ce qui en est fait...

              Ainsi, ce qui nous est présenté comme « progrès » ne se révèle souvent n’être qu’un moyen mis en place pour générer du profit rapide sans contrôle, quel qu’en soit le coût (humain où écologique). Et ce qui pourrait être un réel progrès est systématiquement dévoyé dans une recherche mercantile capitaliste. Toutes innovation, même si elle œuvre pour la libération de l’homme se retourne contre lui... Ainsi, la mécanisation de l’outil de travail, où le fordisme, pourraient dégager l’homme de ces chaines esclavagiste du travail, où du moins fortement les alléger, mais il n’en est rien puisqu’il aurait fallut, pour ça, changer la conception du monde et du bien être capitaliste forcément rattaché à la valeur travail (trépalum) et que le maintien de cette valeur dans le calcul de la valeur d’une vie (sans travail, tu n’es personne, tu n’existe pas socialement, on vous le rabâche continuellement), renforce finalement la servitude, l’esclavagisme, sur la base d’une valeur absurde puisque morte (le travail pour tous, à une époque automatisée, vous y croyez encore ? Le ridicule de ce postulat ne tiens pas deux secondes face à une réflexion en dehors de toute remise en cause de la valeur travail, ce qui veut dire aussi remise en cause du capitalisme et partage des richesses -où mort d’une grande partie de la population humaine-) !

              De même, le recensement contrôle la population sur une base capitaliste et lissante, portant à elle seule une des plus grande fumisterie de la démocratie : la valeur moyenne ! Ainsi, chaque décision prise, l’est en fonction d’une valeur moyenne ne valant, finalement, pour personne ! Nous sommes tous soit au dessus, soit au dessous de la moyenne, mais très peu, une infime minorité finalement, tiens dans cette moyenne ! La moyenne ne conviens absolument pas à l’énorme majorité, et pourtant, c’est ce qui permet la prise de la totalité des décision de ce système ! La durée de vie moyenne est de 78 ans, la retraite est donc placée à 67 ans, et qu’importe si, finalement, une majorité de la population mourra avant 78 ans et que cette moyenne ne tiens que par une ultra minorité de centenaires, qu’importe même si le postulat tiens du ridicule pari que cette moyenne se maintiendra dans 40 ans sans évoluer, ni dans un sens, ni dans l’autre ! La moyenne, c’est démocratique !

              Et le contrôle, pour en revenir à lui, ne sert pas qu’à vérifier, mais impose cette moyenne à tous ! Nous devons tous entrer dans des cases, être étiquetés, qu’importe si cet étiquetage confine au ridicule, nous sommes, de force, démocratiquement classés ! Et nous nous devons de devenir l’idéal capitaliste : l’homme-outil, la machine servile et docile... C’est là leur progrès !

              Voir en ligne : http://nosotros.incontrolados.over-...

      • J’avoue ne pouvoir faire que des suppositions. Peut être s’agit-il pour lui de dénoncer la perte du beau au profit du fonctionnel ? Ainsi il parle de la ville moderne et de son esthétique « baclée ».

    • Les sciences humaines n’auront bientôt plus la portion congrue qui leur était faite de mauvaise grâce dans l’enseignement d’après ce que j’ai compris des « réformes » en cours, ce n’est pas innocent.



  • En fait on serait un peu comme des tamagoshis à à la fin.

    Des êtres à cultiver, élever.
    ça tu mange, là tu chies.
    ça tu étudies.Des petits animaux, en troupeau.

    Pas étonnant qu’on ai des puces.

    Je ne pense pas que le contrôle des population soit le moteur du progrès technologique.
    Mais peut être de son hallucinante accélération par contre...

    Voir en ligne : elevages ?



  • Empêcher un débat d’avoir lieu, comme ça a été fait... mais je trouve ça complètement idiot ! Au lieu d’en profiter pour dire ce qu’on veut dire... Et puis, qu’est-ce qu’on a à perdre dans un débat public ? Et qu’est que vous avez à gagner à ce qu’il n’ait pas lieu ?

    C’est pas comme couper un champ d’OGM. Où là, c’est une bonne action... avec lequel je suis 100% d’accord.

    C’est facile d’empêcher les gens de s’exprimer... mais c’est pas défendable.

    Ça me donne vraiment l’impression qu’ils n’ont même pas le courage de faire vraiment quelque chose qui a un sens... comme enlever des étiquettes RFID (à la Fnac, je crois qu’il y a des étiquettes RFID sur tous leurs produits, ou ailleurs).

    Non... c’est pas des méthodes, ça. C’est pas défendable...
    Ça me désole, et je trouve que ça dessert la cause que c’est censé défendre !

    • « Le gouvernement a lancé une campagne de communication sur les nanotechnologies, par le bais de la Commission nationale du débat public (CNDP), un organisme dépendant du gouvernement qu’on ressort du chapeau à chaque fois qu’émerge un mouvement de protestation contre une prétendue innovation."

      Voilà pourquoi ces débats sont aux mieux nuisibles...la parole publique y est trahie dans le débat ou son compte rendu ( s’il existe ).

      Quand à comparer le courage des activistes, je préfère essayer de me dévisser les fesses de mon ordi...
      avant juger.

      • @ Anonyme : « Empêcher un débat d’avoir lieu, comme ça a été fait... mais je trouve ça complètement idiot ! Au lieu d’en profiter pour dire ce qu’on veut dire... »

        En l’occurrence, les opposants au débat en ont profité pour dire ce qu’ils avaient à dire, que ce soit à la tribune (lors des certaines des escales de la CNDP) ou en distribuant des tracts et textes d’information. Le truc que tu ne mentionnes pas, c’est que ces opposants ont justement permis à un vrai débat de se faire jour. Alors que les réunions de la CNDP n’étaient et ne sont (puisqu’il en reste trois) que de faux débats destinés à donner l’impression que les gens ont été consultés, des espaces contraints où les prises de parole se font sous le contrôle d’experts autoproclamés et de l’agence de comm qui a décroché le gros (2 M€) budget de cette campagne de promotion des nanotechnologies, l’action des opposants a attiré l’attention d’une (petite) partie de l’opinion et d’une (petite) partie des débats sur l’enjeu essentiel qui se joue là. Ce n’est pas « idiot  », mais au contraire profondément salutaire.

        « C’est facile d’empêcher les gens de s’exprimer... »

        Ben, en l’occurrence, il n’est que les membres de la CNDP à avoir réellement été empêché de s’exprimer. Quand on sait qu’il bénéficie de l’appui du gouvernement et de l’industrie, d’une agence de comm et d’un énorme budget, de la présence de vigiles et d’hommes en arme, c’est un peu poussé de les faire passer pour des victimes.

        Le plus étrange est le distinguo que tu fais entre sabotage des réunions de la CNDP et sabotage des plants d’OGM, alors qu’il s’agit pour moi d’action relevant de la même logique : alerter l’opinion sur une présentation officielle et biaisée d’un prétendu progrès, dénoncer l’absence d’information et de consultation de la population.

        Quant au « manque de courage »… : tu n’as pas dû beaucoup suivre l’énorme travail fourni par les membres de Pièces et main d’oeuvre, ni t’intéresser à leur investissement dans les luttes pour écrire un truc comme ça.

        @ gnark : pas mieux.

        Merci à toi.



  • J’ai acheté des chaussures, costaudes, pas trop chères, (en plus c’était en solde) histoire de mettre des grands coups de lattes dans les portes... pour commencer ...

    C’est pas bien la violence ? ah ben tant pis :-)



  • jeudi 28 janvier 2010 à 16h31, par /jmj

    Salut,

    Un des problèmes qui se pose est celui de la conception de la science, des sciences que nous avons aujourd’hui. La principale critique que j’apporterai à pièces et main d’euvres est de vouloir continuer à voir et à faire croire que les sciences modernes sont considérées de fait comme des sciences finies, parfaitement contrôlables avec des applications que l’on peut parfaitement diriger sans aucun problème dans une démocratie de masse et à l’insue du plein gré de ses mêmes masses et, dès lors, il faut des personnes qui « savent et qui donnent l’alerte » afin de rendre consciente les masses de ce qu’il se passe réellement.

    Ces deux postulats sont un peu outrepassés me semble-t-il :

     × une science finie, parfaitement contrôlable avec des mouvements périodiques, c’est la terre qui tourne autour du soleil. Alors que, aujourd’hui, nous sommes plus dans une révolution des sciences où il n’y a pas de certitude, de mouvements finis et périodique. L’image moderne, c’est la prévision météorologique (univers à trois dimensions, les nuages qui se développent ne sont pas des éléments périodiques).

     × le contrôle dans une démocratie de masse fait, inévitablement, référence à un Edward Bernays, grand manipulateur des masses qui pensait, en s’appuyant sur Freud, qu’il était possible de contrôler les masses en modifiant leur perception du désir, de ce qu’elles voulaient parce qu’il faut fermer, empêcher l’accès à la folie des masses pour faire très court. Aujourd’hui, ce même discours se transforme en discours prométhéen, en quelque sorte, sur l’individu et ses goûts personnalisables à souhait (ma voiture verte, gpl et intérieur bois bio, ou ma voiture 4x4 style hummer pour dire ma puissance, etc)

    Il est vrai que cette tentation de voir le monde ainsi est rassurante et facilite le développement des thèses du contrôle total sauf qu’il ne faut pas oublier que nous quittons lentement mais surement ces paradigmes de la certitude. S’ils sont acquis au niveau des sciences, il ne le sont pas encore au niveau politique qui garde jalousement l’hypothèse de la certitude. D’ailleurs ce n’est pas pour rien qu’il y a de plus en plus de lois qui veulent le contrôle et la surveillance mais tout cela finira par sauter un jour ou l’autre.

    Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet mais impossible de le faire dans un simple commentaire.

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