lundi 14 décembre 2009
Le Charançon Libéré
posté à 13h05, par
47 commentaires
Il était temps… L’exemplaire Brice Hortefeux attendait depuis longtemps de recevoir une distinction pour son précieux combat contre tous les racismes. Grâce à l’Union des patrons et professionnels juifs de France, qui organisait hier un colloque sur un thème politiquement neutre - « Les ruses du nouvel antisémitisme contemporain : l’antisionisme » - , c’est désormais chose faite. Ouf…
Tu l’ignores peut-être.
Mais on vit dans un monde merveilleux.
Et je ne me lasse jamais de ces surprises magnifiques - précieuses pépites - que nous accorde parfois l’esprit du temps.
Destin joueur qui se plaît à faire émerger d’ironiques et jouissives contradictions.
Comme autant de sources de triste ravissement et de gras éclats de rire désolés là où ne devraient naître que l’indignation et le scandale.
C’est ainsi : on vit dans un sombre Disneyland idéologique.
Et les manèges à frisson de la pensée rancie sont si étonnants, si surprenants dans leur décomplexion et leur culot, qu’ils soulèvent forcément l’admiration.
Que veux-tu ?
C’est si osé…
Je ne suis qu’un spectateur.
Et je regrette parfois de n’être point passager du vent mauvais.
Non pour y prendre part, mais pour mieux en goûter le piquant sel.
Ainsi, j’eusse aimé être présent à cette journée de « réflexion » qu’a organisée hier l’Union des patrons et professionnels juifs de France à l’espace Pierre Cardin.
Brillant colloque intellectuel sans aucun parti-pris, les intitulés des débats suffisant seuls à prouver l’absence de tout biais idéologique (le programme est ICI).
À l’image de cette table ronde prévue de 13 h 15 à 14 h 15 : Les médias - Peut-on être antisioniste sans être antijuif ?
De celle-ci, de 14 h 30 à 15 h 30 : Les intellectuels - Le discours de la haine, l’une de ses formes : l’antisionisme.
De celle-ci encore, de 17 à 18 h : Les juristes - L’antisionisme est-il un délit ?
Ou enfin de celle-ci, à 18 h 15 : Les politiques - Les ruses du nouvel antisémitisme contemporain : l’antisionisme.
Oui : c’est chouette, un débat neutre et pas orienté…
J’eusse d’autant plus aimé être présent à ce colloque que l’un des plus hauts dignitaires du régime en était l’invité d’honneur.
Et que je ne doute pas que le ministre de l’Intérieur en a profité pour faire un discours brillant.
Prise de parole lors de laquelle il a pareillement condamné toutes les formes de racisme et d’intolérance, salutaire rappel en ces temps de joyeux débat sur l’identité nationale.
Oui : c’est son rôle.
Je ne doute pas - aussi - que le ministre de l’Intérieur se serait identiquement déplacé à un colloque organisé par une quelconque association nationale musulmane.
Et qu’il n’aurait pas hésité à prendre la parole après des tables rondes portant d’autres intitulés, disons (au hasard, hein…) « Les médias - Peut-on être islamophobe sans être raciste ? », « Les juristes - Le racisme anti-musulman est-il un délit ? » ou encore « Les politiques - Les ruses du nouveau racisme contemporain : l’islamophobie ».
Oui, derechef : c’est son rôle.
Je ne doute pas - enfin - que Brice Hortefeux a profité de l’invitation pour rappeler à leur devoir de modération les membres de l’Union des patrons et professionnels juifs de France.
Et qu’il n’a pas manqué de condamner un éventuel discours communautariste soufflant sur les brasiers de la haine et de l’amalgame, tel celui tenu par le président de l’UPJF, Claude Barouch, lors d’un gala, le 30 mars 2006 :
Car ne nous y trompons pas : Nous, les Juifs, ne sommes que la partie émergée de cet iceberg de haine et de rejet de l’autre. Nous savons malheureusement, qu’aujourd’hui, il est tout aussi difficile d’être Chrétien que Juif dans les écoles et les cités de certains quartiers. Ces informations ne sont pas le fruit de notre imagination, mais ressortent de nos échanges avec nos amis chrétiens ainsi que les autorités dirigeantes de notre pays.
Mais si nous, Juifs français avons fait le choix de rester en France et d’essayer encore d’y croire, alors le moins que nous puissions faire c’est de ne pas rester inactifs. A nous seuls, nous ne modifierons pas le cours de l’histoire.
Mais en unissant nos forces, nous pourrons sans doute en modifier certains aspects.
(…)
Ce combat est si fondamental qu’il est aujourd’hui une des conditions de notre survie, un combat vital pour empêcher, une fois de plus d’être relégué au rang de dhimmi1… Ce combat doit être mené sur tous les fronts à la fois, celui de la politique, de la communication et de la pédagogie.
(…)
Aujourd’hui, les antisémites les plus virulents ne sont plus seulement ceux qui veulent un monde de Juifs dhimmi et sans État Juif, mais ce sont ceux qui veulent islamiser le monde et rendre dhimmi l’ensemble du monde judéo-chrétien.
Oui, toujours : c’est son rôle.
Difficile apostolat que celui de ministre de la République.
Et exigeant devoir de neutralité et d’équilibre.
Mais c’est ainsi que la France est grande…
J’eusse d’autant plus - encore une fois - aimé être présent à cette joyeuse manifestation que le ministre de l’Intérieur y a reçu une distinction méritée.
Et je n’aurais pas boudé mon plaisir à la perspective d’applaudir à la remise du grand Prix contre le racisme et l’antisémitisme à Brice Hortefeux.
Homme qui le mérite à l’évidence, ainsi que le souligne Plume de Presse.
Ne serait-ce que parce que « quand il y a un grand prix ça va, c’est quand il y en a plusieurs qu’il y a des problèmes »…
Toutes ces choses posées - les formes les plus élémentaires et essentielles de neutralité étant respectées - je ne m’étonne pas une seconde de la prise de position de Brice Hortefeux, lequel s’est alarmé d’une forte hausse des actes antisémites au cours des neufs premiers mois de 2009.
Non plus que ne me surprend l’annonce, lors de cette manifestation, de la nomination d’un préfet chargé de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Je te dirais même : il faudrait vraiment être très mal disposé pour voir dans cette intervention d’Hortefeux au colloque de l’Union des patrons et professionnels juifs de France une quelconque pierre supplémentaire apportée au boueux débat sur l’identité nationale.
Et pour y déceler une preuve supplémentaire d’un éventuel parti pris - contre les minarets et les burqas exclusivement - dudit débat.
Ça se saurait, quand même…