mercredi 21 janvier 2009
Le Charançon Libéré
posté à 10h48, par
31 commentaires
Décidément très en verve, active sur tous les fronts, la sainte madone des catenaires ambitionne de renforcer « le lien de confiance » entre policiers et citoyens. Une initiative étrange, tant porteurs d’uniformes et quidams anonymes n’ont jamais été aussi proches, eux qui multiplient déjà rencontres amicales et discussions à bâtons rompus. Alliot-Marie se ficherait-elle de nous ?
Ça ne mange pas de pain.
C’est mignon comme tout.
Ça part vraiment d’une bonne intention.
Et pour un peu, j’applaudirais réellement des deux antennes à l’annonce faite par Michèle Alliot-Marie de mettre prochainement en place des rencontres entre policiers (ou gendarmes) et citoyens.
Si je ne pressentais que ces surboums en uniforme, « organisées à l’échelon des cantons, partout en France » pour renforcer le « lien de confiance entre les Français et les responsables de leur sécurité », ne seront qu’un vaste gâchis de temps et d’argent.
Tant les membres des forces de l’ordre chargés d’animer ces rencontres, où il s’agira de « débattre avec les Français, (d’) expliquer leurs méthodes et leurs actions, (de) répondre aux interrogations, (de) lever les incompréhensions, (d’) échanger sur les besoins ressentis par la population » (oui : tout ça…), perdront de précieuses heures en vains palabres.
Créneaux dans leur emploi du temps qui eussent pu être beaucoup mieux employés à faire la chasse aux clandestins, à casser du jeune dans les banlieues ou à monter des dossiers bidons contre les dangereux militants de la mouvance anarcho-autonome qui font rien tant que s’associer les uns les autres en relation avec des entreprises terroristes.
Bref : un coup pour rien.
Et une initiative d’autant plus malvenue qu’Aliot-Marie, sainte madone des catenaires, prend le risque de déplaire au présidentiel manieur de gourdin.
Nicolas Sarkozy préférant les fiers à bras et les flics de choc aux policiers se muant « en travailleurs sociaux ».
Chose qu’il avait aimablement rappelé lors d’une visite au commissariat de Toulouse en février 2003, dézinguant la notion de police de proximité avant de sévèrement remonter les bretelles aux doux policiers présents : « Les citoyens attendent d’abord de vous que vous arrêtiez les délinquants », avait-il asséné.
Compris ?
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Et encore…
Si le lien de proximité entre les membres des forces de l’ordre et la population avait été rompu, je ne dis pas.
Mais reconnaissons-le : policiers et citoyens n’ont jamais été aussi proches.
Eux qui ne cessent de se frotter les uns les autres.
D’entamer d’étranges gigues de frotti-frotta.
Et de multiplier les contacts les plus intimes, presque toujours bras-dessus bras-dessous.
A tel point qu’il faut être clair : plus proche, c’est pas possible !
Hein…
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Vous doutez ?
Pas grave, j’ai quelques exemples en réserve pour les sceptiques de votre acabit.
Heureuses illustrations d’un rapprochement police-population à l’œuvre depuis un moment, n’en déplaise à Michèle Alliot-Marie.
A commencer par ce rapport spécial de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, déniché par Maître Eolas et faisant état de l’amicale discussion - avec forces gestes et attouchements - qu’ont entretenu deux policiers et un ressortissant turc en voie d’expulsion en plein aéroport de Toulouse, vibrante incarnation des efforts permanents des membres des forces de l’ordre pour œuvrer au rapprochement entre les peuples, belle initiative soutenue par la hiérarchie policière face aux persiflages de quelques malfaisants qui avaient cru déceler un non-respect du règlement dans ce chouette et tendre entretien.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité « avait reçu le témoignage d’un voyageur présent lors des faits présumés. Dans sa lettre, ce voyageur – nommé M. P. D. dans le rapport – assure avoir vu ’un homme à terre, immobile (...), en souffrance, (...) qui n’oppose aucune résistance’, recevoir ’des coups de pieds espacés’ de la part d’un policier, à (…) l’aéroport de Toulouse-Blagnac. ’Entravé les mains dans le dos, il n’a pas la possibilité de se protéger’, continue le témoin, selon lequel la scène aurait en tout duré trois minutes, avant qu’un attroupement mette finalement fin aux actes des policiers », rapporte Le Monde, avant de citer les nombreux obstacles que la Commission a trouvé sur sa route quand elle a voulu poursuivre les deux policiers concernés.
Ctions aussi le cas de ces dangereux gauchistes, décidés à en découdre avec la police pour afficher leur soutien aux manifestants grecs et qui ont été si surpris du comportement compréhensif des prétendus matraqueurs des compagnies républicaines de sécurité qu’ils en ont oublié leurs intentions violentes, se contentant d’échanger avec les policiers quelques propos de circonstances, de tomber joyeusement dans leurs bras et de leur envoyer des fleurs.
« Lundi, les magistrats de la 23e chambre ont finalement eu à juger une affaire pour le moins minimaliste, voire surréaliste,raconte Libération, où la jeune femme devait par exemple se défendre d’avoir dessiné un signe ’Peace and love’ sur un bouclier d’un gardien de la paix, tandis qu’il était reproché à l’un de ses co-prévenus une ’rébellion’ pour s’être débattu au moment de son interpellation et détenir 13 grammes de résine de cannabis dans son caleçon. »
Mentionnons enfin cette tendance des policiers à garder trace de toutes les joyeuses rencontres avec des personnes extérieures à leur institution qu’ils ont pu connaître au cours de leur carrière, sentimental attachement à ces gens croisés au détour d’une enquête ou au coin d’une cellule qui justifie la constitution d’un vaste répertoire alimenté quotidiennement, quitte à se jouer de quelques règles administratives inutiles et par trop contraignantes.
La Commission nationale informatique et liberté a dévoilé mardi « les résultats de son premier contrôle d’ampleur du fichier de police Stic (Système de traitement des infractions constatées), constatant des ’dysfonctionnements’. Pour son président, Alex Türk, des observations portant sur trois années montrent qu’un million d’affaires ’ne devraient pas, ou plus, s’y trouver !’ (et font état) ’de nombreux dysfonctionnements, liés à des erreurs ou à des durées de conservation non respectées’ », rapporte Le Nouvel Obs.
Tout ça pour dire : la ministre de l’Intérieur arrive après la bataille.
Et se paye un nouveau coup de communication, en tentant de récupérer à son profit les contacts sans cesse plus étroits noués entre porteurs d’uniformes et quidams en pardessus.
Vous savez quoi ?
Je trouve ça triste…