ARTICLE11
 
 

samedi 13 juin 2009

Le Charançon Libéré

posté à 11h36, par JBB
35 commentaires

Ami syndicaliste, didou-didon, est-ce que tu ne te foutrais pas (un peu) de notre gueule ?
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Et c’est reparti pour un tour ! Gageons que cette sixième journée de mobilisation - aujourd’hui-même, je précise pour ceusses qui en auraient perdu le compte à force d’arpenter le pavé - sera la bonne : Paris brûlera ce soir, camarade, la fièvre sociale est dans la ville. Vous doutez ? Allons, allons, on peut compter sur les fiers combattants de la CGT pour mener cette lutte à son terme…

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Euh… connaissez-vous Mohamed Oussedik ?

Non ?

C’est un tort.

L’homme est un rouge, 100 % pur jus.

Un syndicaliste de combat, un vrai de vrai.

Un authentique défenseur du droit des salariés et des opprimés, prêt à donner son sang pour la cause.

Même, pour vous dire (et brosser un juste portrait du personnage) : parfois, quand le soleil tombe, que la nuit s’annonce et que les températures chutent, Mohamed Oussedik se tourne vers l’horizon, agite son poing rageur, le lève haut vers le ciel et entonne l’Internationale, voix fière et altière, chant rugissant et vengeur, tableau magnifique de l’homme debout, dressé droit face à des puissances qui le dépassent, ça pète, on se croirait dans un western de Sergio Leone.

Classe, n’est-ce pas ?

Je veux, mon neveu-cégétiste !

Mais il y a mieux : figurez-vous que Le Monde a eu la chance d’interviewer hier ce syndicaliste mythique, et on devine qu’il a répondu aux questions du journaliste entre deux barricades et trois séquestrations, les yeux rouges de ces gaz lacrymogènes que les forces brutales du pouvoir ont balancé sans discontinuer en sa direction, le visage marqué des coups de matraque que les chiens de garde du capital lui assènent depuis des jours, des semaines et des mois, la voix enrouée d’avoir trop crié à l’insurrection et appelé à l’émeute.

Un entretien historique, pour le moins.

Et carrément autre chose que ce petit jeu de questions-réponses complaisantes auxquelles le réformiste Julien Coupat s’est prêté il y a deux semaines.

En clair : ça dépote.

Grave…

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C’est court - bien entendu - tant ce membre de la commission exécutive de la CGT a d’autres chats à fouetter que répondre à quelques questions d’un représentant de la presse bourgeoise « à la veille d’une nouvelle mobilisation syndicale unitaire »1.

Court, mais incisif et sacrément bien balancé.

Et je ne doute guère que le gouvernement doit en trembler sur ses bases, lui qui sent monter le souffle d’une contestation radicale à même de mettre bas les germes du vieux monde ; Paris brûlera t-il ce soir ?, ce n’est pas encore certain mais ça ne m’étonnerait pas plus que ça, hein.

Et je ne doute guère - itou - que le patronat doit en faire d’horribles cauchemars, lui qui sait combien ses privilèges sont précaires et sa situation fragile, Maurice Thorez nous voilà, les 200 familles n’ont qu’à bien se tenir !

Bref, Mohamed Oussedik ne mâche pas ses mots pour évoquer cette sixième journée de mobilisation, en un joli message d’espoir adressé à tous ceux qui souffrent.

Il table - avec une force de conviction qui ne manquera pas d’impressionner ceux qui ne savent pas ce que c’est que de mener un combat vous grandissant - sur « beaucoup de personnes » dans les rues, aujourd’hui.

Annonce - déjà soucieux de l’avenir - « d’autres mobilisations avec d’autres formes »2.

Assure que la CGT entrevoit déjà « une perspective d’action à l’automne »3, chaude promesse de rudes luttes à conduire.

Et finit par conclure sur cette phrase épatante, si juste et pertinente que Brice Hortefeux - ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville pour ceusses qui l’auraient oublié - ne manquera pas - j’en suis sûr - de la faire encadrer pour l’apposer sur son bureau et toujours garder sous les yeux ce vibrant exemple de ce que l’engagement d’un homme au service du peuple peut produire de plus radical : « Toute forme visant à soi-disant généraliser la grève, je crois que c’est plutôt pour l’affaiblir que pour renforcer l’action des salariés. »

En clair : « Généraliser la grève affaiblirait l’action des salariés », résume Le Monde.

Bien vu, Mohamed !

Ça, c’est du syndicalisme de combat…

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Je sais, je sais : vous allez me dire - une fois de plus - que je suis bien naïf.

Vous allez souligner combien les syndicats - à commencer par la CGT - se sont toujours davantage employés à terminer les grèves qu’à lancer des mouvements d’ampleur.

Me rappeler que les illustrations historiques de ce rôle néfaste des centrales syndicales fourmillent, pointer le cas de mai 68, exemple parfait d’un mouvement étudiant et ouvrier que la CGT s’était employée à torpiller avant de se voir débordée par sa base et de se plier - la mort dans l’âme - au mot d’ordre de grève générale, avec ce brave Georges Marchais qui s’en prenait dans L’Humanité du 3 mai à « l’anarchiste allemand Cohn-Bendit » et à ces «  petits groupuscules gauchistes » qu’il convient de « combattre et d’isoler » parce qu’il « s’agit, en général, de fils de grands bourgeois ».

Expliquer qu’il en a toujours été ainsi, avant mai 68 ou après, syndicalistes juste soucieux d’encadrer des mouvements qu’ils répugnent à provoquer et qu’ils rêvent de limiter.

Mentionner ce scandale enterré de l’UIMM, ces millions d’euros en liquide régulièrement versés - depuis des temps immémoriaux - sur les comptes des syndicats par un Medef soucieux de «  fluidifier les relations sociales », histoire d’être sûr que le Grand Soir attendra encore un peu4.

Et peut-être même - parce que vous avez des lettres - me citer l’ouvrage de Benjamin Péret, Les Syndicats contre la révolution, lequel démontre combien il n’est nulle illusion à se faire sur ces centrales n’ayant jamais eu, aussi loin que l’on remonte, d’autre rôle que d’assurer la survivance du système :

Le syndicat, né d’une tendance réformiste au sein de la classe ouvrière, est l’expression la plus pure de cette tendance. Il est impossible de parler de dégénérescence réformiste du syndicat, il est réformiste de naissance. À aucun moment, il ne s’oppose à la société capitaliste et à son État pour détruire l’une ou l’autre, mais uniquement dans le but d’y conquérir une place et de s’y installer. Toute son histoire de 1864 à 1914 est celle de la montée et de la victoire définitive de cette tendance à l’intégration dans l’État capitaliste, si bien qu’à l’éclatement de la première guerre mondiale, les dirigeants syndicaux, dans leur grande majorité, se retrouveront tout naturellement du côté des capitalistes auxquels les unissent des intérêts nouveaux issus de la fonction que les syndicats ont fini par assumer dans la société capitaliste. Ils sont alors contre les syndiqués qui eux, voulaient abattre le système et éviter la guerre et ils le resteront désormais pour toujours.

Ok, ok… vous allez me dire tout ça et vous aurez raison.

Mais quand même : souffrez que je m’enthousiasme un brin, que je m’enflamme un peu et que j’agite sous vos yeux las le drapeau étincelant du syndicalisme de combat.

Vive Mohamed Oussedik, vive la CGT et tous à la manif !

Qu’on rigole…



1 Pour ceusses qui n’auraient pas suivi, je rappelle qu’il y a manif, aujourd’hui. Fou, n’est-ce pas ? Oui, on aurait pas cru…

2 Quoi ? Des pique-niques géants ? Des lâchers de colombes sur tout le territoire ? Une journée spéciale de manifestation en concertation avec le Medef ?

3 Est-ce que ce ne serait pas trop tôt ?

4 Coïncidence, vous noterez, amis, que le cycle de négociations entamé il y a trois jours par le patronat et les syndicats marque, à en croire l’AFP, « le retour en force du patronat de la métallurgie (UIMM) dans le pilotage des négociations sociales ». Et pourquoi en serait-il autrement ?


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