lundi 4 mai 2009
Le Charançon Libéré
posté à 10h45, par
24 commentaires
On n’arrête pas le progrès : les projets d’attentats de la « mouvance anarcho-autonome d’ultra-gauche » se mitonnent désormais par SMS et en toutes lettres. De quoi faciliter largement le travail des fins limiers de l’antiterrorisme, qui n’ont qu’à contrôler les messages envoyés pour savoir quels dangereux activistes il convient d’interpeller. D’ailleurs : j’escompte bien être en bonne place sur la liste…
Je pense qu’ils ne devraient pas tarder.
Et je me suis préparé en conséquence.
Faisant un brin de ménage.
Descendant à la cave les livres interdits.
Supprimant toute trace sur mon ordinateur de connexion à des sites tendancieux.
Et poussant la prévoyance jusqu’à entrouvrir la porte d’entrée, pour qu’ils n’en arrachent pas les gonds quand ils débarqueront en jouant aux cow-boys.
Bref : je suis paré.
Je les attends tranquillement.
Et je me sens même serein et détendu.
Pas d’effet de surprise, donc.
Puisque j’ai tout de suite compris, en recevant ce fichu SMS, que les dés étaient jetés.
Et que la tentative d’humour de mon correspondant téléphonique n’allait pas vraiment être traitée comme telle par les fins limiers - toujours et sans cesse à l’affut - de l’antiterrorisme.
Bref, avec ce message-ci, reçu cette nuit, je suis dedans jusqu’au cou :
Ne t’inkiete pa, tou est prè. La bombe fera boum kan le drapo noir s’alongera sou la brise.
Au fèt, t’avès rèson, l’anarchy c’est mieux ke le salafisme. On rigole plus. Ton nouvô converti,
Ben Laden. »
On peut - on doit - moquerla crétinerie congénitale de ces policiers et membres du Parquet qui ont pris au pied de la lettre le SMS reçu par un Abbevillois de 29 ans - « Pour faire dérailler un train, t’as une solution ? » - et lui ont infligé une très sérieuse et plutôt traumatisante garde-à-vue de 24 heures.
Enquêteurs assez idiots pour penser que les projets d’attentats se mitonnent en toutes lettres et par texto.
Et tellement obnubilés par le pseudo-danger anarchiste qu’ils en viennent à prendre au sérieux la plus anodine des plaisanteries.
On peut rigoler, donc.
Mais on ne manquera pas non plus d’en tirer certaines conséquences évidentes.
A commencer par le peu de preuves et d’indices qui suffisent aujourd’hui à plonger le premier des quidams venus dans le bain judiciaire ; nul doute que si le jeune Abbevillois en question avait été militant politique, son bref passage au commissariat aurait duré beaucoup plus longtemps.
Et par le peu de cas que font aujourd’hui les rouages de l’appareil répressif de l’humour et de l’ironie quand il est question de « train », de « sabotage » ou de « mouvance anarcho-autonome d’ultra-gauche ».
Une affaire qui éclaire aussi - si tant est que tout n’ait pas été déjà dit sur cet évident déni de justice - la construction policière montée autour de l’affaire des « neufs de Tarnac ».
Le « rien » suffisant à motiver l’interpellation, l’emprisonnement et le déni des plus élémentaires des droits théoriquement accordés aux citoyens.
Qu’il s’agisse de la lecture de certains ouvrages, de la participation à quelques manifestations, du soutien aux embastillés ou de la conviction politique qu’il faut changer le système.
Ou désormais de l’envoi et de la réception de SMS ridicules à tonalité humoristique.
Pour être franc, je ne sais même plus s’il faut encore en rire.
Tant ça devient carrément pathétique.