vendredi 3 octobre 2008
Le Cri du Gonze
posté à 12h23, par
4 commentaires
Finie, enterrée, l’extrême-droite ? Pas sûr. Si en France, le régime de droite très dure de Sarkozy l’a réduite à peau de chagrin, il est des pays où elle se porte très bien. En Autriche, les nazillons viennent de récolter près de 29 % des suffrages. Un vrai plébiscite, surtout chez les jeunes. D’où question : la bête ne pourrait-elle pas repointer ses naseaux puants dans nos vertes contrées à nous ?
La jeunesse adore tous les nazis…
Les partis d’extrême droite de Haider (BZÖ, 11 %) et de Strache (FPÖ, 18%), les nazillons autrichiens, viennent de récolter près de 30 % des suffrages aux dernières élections. Un vote sur trois. Avec l’abaissement de l’âge pour le droit de vote à 16 ans, ce sont 40 % des 16-18 ans qui ont voté pour ces partis.
J’ai même cru entendre que le Parti socialiste français se réjouissait des scores obtenus et de la victoire du parti social-démocrate qui a fait 29,7 % et nique les conservateurs (25,6 %). Longue vie au Parti socialiste !
L’Autriche n’a jamais tiré un trait sur le troisième Reich, comme le soulignait Thomas Bernhard dans son testament en exigeant que ses pièces n’y soient plus jouées pendant les 50 années suivant sa mort (en 1989). Dans un pays comme l’Autriche, qui n’a jamais cessé d’être un terrier de nostalgiques du troisième Reich, ce score n’est pas étonnant. D’autant que les partis sociaux-démocrates et conservateurs s’étant alliés, ils ont ouvert un boulevard au populisme d’extrême droite, qui s’est vu consacrée principale force d’opposition.
Si par le plus grand des hasards une crise économique touchait l’Autriche, la dépouille de la démocratie vaudrait pas un kopek.
Maréchalle, te voilà...
Quand j’ai entendu cette information sur France Culture ce matin, j’étais en train de lire l’excellente biographie d’Hitler par Ian Kershaw (2000 pages quand même les enfants, c’est pour ça que je fais pas trop de chroniques…). En passant, je signale que l’auteur privilégie une approche structuraliste et non psycho-graveleuse, c’est donc un travail sérieux et intéressant.
Pour revenir à nos moutons à moustaches : je suis donc en train d’apprendre plein de choses sur le putsch raté de 1923, la reconstruction du NSDAP et la crise de 1929, et voilà que l’on me parle de l’extrême droite néo-nazie Autrichienne (qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit, toute l’extrême droite n’est pas néo-nazie, il y a aussi ces couillons de monarchistes et ces demeurés de nationalistes, mais Strache et Haider, tous deux mis en cause pour avoir évoqué le troisième Reich avec « nostalgie » et pour avoir suivi des formations paramilitaires, le sont sans le moindre doute) (Par ailleurs, très bon papier sur l’histoire de l’extrême droite autrichienne après 45 sur le site de Reflex). Non pas que je fasse un rapprochement facile sur le fait qu’Hitler était Autrichien et pangermaniste comme eux, oh non. Ce serait caricatural et injuste… Non pas que je me dise qu’en période de crise économique internationale il faut se méfier de la bêtise humaine non plus…
En fait : si !
J’ai souvent dit, au détour de conversations maltées, que l’extrême droite n’était plus le vrai danger, que c’était s’attaquer à l’épouvantail borgne et bancal plutôt que de concentrer ses forces sur le fascisme rampant de nos sociétés industrielles, sur l’idéologie sécuritaire et les nécros-technologies (voir le site Pièces et mains d’oeuvres). Et bien, je me demande si je ne me suis pas gouré. Finalement, le putsch d’Hitler de 1923 aurait très bien pu réussir s’il avait été mieux organisé. Le soutien populaire était là. Mais la situation économique s’est redressée tout au long des années vingt et l’extrême-droite est redevenue un groupuscule d’excités ; en plus Hitler « croupissait » en prison (il y était très bien traité ; y a pas à chier, ils ont du coeur dans l’institution carcérale). Vint la crise de 29 et le NSDAP a remporté 37,3 % des voix aux élections législatives de Juillet 1932, s’imposant comme le premier parti d’Allemagne. Suite à des intrigues de (basse) cour, Hitler a finalement été nommé chancelier en 1933.
La conclusion, si on m’a bien suivi, c’est qu’il faut quand même rester sur les dents. Surtout en période de crise économique. Une dizaine de fois avant son accession au pouvoir, des personnalités ont proclamé la mort politique d’Hitler. Quant au Front National dont on a souvent annoncé l’écroulement, l’arrivée de la photogénique Marine pour succéder à son bouledogue de père peut faire craindre le pire en cas de crise. Le Strache autrichien se trémousse sur les pistes de danse et ramasse les voix des ados, attention à ce que Marine Le Pen déballe pas ses gros lolos tricolores...
Un réel danger ?
Pas de doute : dans le contexte immédiat, le risque de montée de l’extrême droite en France est nul et non avenu. Mais si, du jour au lendemain, c’est la bérézina économique et le chômage de masse, je vois mal le péquin moyen résister aux sirènes à moustaches qui accuseraient les immigrés, la social démocratie et le judéo-bolchévisme de nous avoir plongé dans le caca. Pourquoi ? Parce-que le parti socialiste est une grosse baderne puante… Et personnellement, je ne sais pas trop quoi penser du Nouveau Parti Anticapitaliste. J’ai de toute façon du mal avec un parti qui se revendique de masse. Et puis, ce n’est pas la présence d’un fort SPD « révolutionnaire » qui a empêché Hitler d’arriver au pouvoir.
Dans notre beau pays tricolore où le front national réussissait à faire 20 % sans réelle crise. Où la violence policière rentre dans les mœurs à grands coups de matraques. Où la violence envers les étrangers est depuis longtemps institutionnalisée. Où les caméras de surveillance se font légions, comme les flics et les CRS. Où la capitale est la ville du monde où il y a le plus de flics par habitant, tout en étant loin d’être la plus dangereuse. Où on relève l’ADN des militants. Bah, on se dit que finalement l’évolution sera pas si brutale.
Ps : Faute de logistique adéquate, Le Cri du Gonze accueille sur son territoire les réjouissantes divagations de l’ami Adri (le bien nommé Herr Grimaud) qui désormais ne se pique plus seulement de littérature et de confiture. Nous tâcherons de nous montrer digne de l’immense honneur qui nous échoit. Lémi.