vendredi 23 avril 2010
Le Charançon Libéré
posté à 23h54, par
44 commentaires
Étrange fascination. D’une citation idiote à une envolée pathétique, d’une absurde saillie patriote à une ridicule déclaration martiale, je viens de passer un long moment à scruter les réactions des ténors de l’UMP à cette photo censément outrageante. Effaré, je n’ai pas réussi à en faire un billet. Tu te contenteras donc d’un pot-pourri de ces sorties aussi idiotes qu’inquiétantes. Bon appétit…
Pour rappel : avant 2003 et l’article 433-5-1 du Code pénal, brûler le drapeau tricolore en public n’était pas une infraction. Tu jugeras, à l’aune des citations de quelques exaltés politiques (députés et ministres) recopiées ci-dessous combien nous avons progressé en quelques années…
Tu noteras aussi que l’extrême-droite n’a pour l’instant pas protesté contre cette photo montrant un jeune homme s’essuyant avec le drapeau. Non qu’elle ne désire participer à la curée générale. Juste que la place est prise. Totalement. Déjà distancée sur la burqa, Marine Le Pen ne peut que prendre acte de l’efficacité de l’UMP à lui spolier tous ses thèmes de campagne.
Tu constateras enfin, en parcourant ci-dessous les déclarations relevées1, combien les thèmes et les mots clés semblent être ceux d’une autre époque. On pointe sournoisement les arabes, on rebondit sur le cercueil des soldats morts, on se gorge de grands mots, on pleure l’humiliation nationale, on en fait des tonnes en redressant fièrement le jabot… Oui : comme si la France était en guerre.
De ces très brèves observations et des citations qui suivent, tu peux déduire deux choses. De un, l’UMP se sait au plus mal, enterrée dans les sondages, et les figures du parti sont prêtes à tout pour remonter la pente ; le chant de la patrie et l’exacerbation de l’intolérance ne cesseront plus jusqu’en 2012. De deux, ceux qui ont quelque responsabilité politique sentent monter la crise, pressentent l’arrivée d’un grand effondrement ; ne doute pas une seule seconde qu’ils sont prêts à tout - fascisme ou guerre - pour en détourner ton attention.
Adonques, la preuve :
Papier-cul ?
« « De manière incontestable, le drapeau tricolore est utilisé comme papier toilette. Et que cette photo soit primée par une grande entreprise nationale… On déraille totalement ! » »
Charles-Ange Ginésy, député-maire de Peone-Valberg.
Outrage inacceptable
« Le drapeau français a subi un outrage inacceptable (…). Personne ne peut tolérer, en effet, que soit ainsi bafoué le symbole de notre République (…). Personne ne peut accepter que la liberté d’expression soit détournée au mépris de l’emblème de notre pays. »
Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur.
Immigration agressive
« Les patriotes de notre pays (…) se sentent humiliés, bafoués, trahis comme ils ne l’ont été qu’aux heures les plus sombres de notre Histoire, et à celles précédant les grands conflits. (…) Car nous en sommes là, c’est évident : Un tel abandon, un tel mépris de nos valeurs et de nos symboles les plus nobles et les plus chers entraînent immanquablement - et on ne peut que le comprendre - le désir impérieux de laver ces injures, bientôt suivi de réactions violentes et incontrôlées, aggravant la rupture de la cohésion de notre société déjà mise à mal par une immigration agressive, oisive, de moins en moins choisie et de moins contrôlée. »
Fédération Nationale des Combattants Volontaires.
Les Algériens ?
« Être politiquement incorrect c’est aller dans le sens inverse de ce que pense l’opinion générale. Or, ça fait 40 ans que l’on crache sur le drapeau français : c’est devenu de bon ton de s’en prendre aux symboles français, c’est même devenu politiquement correct ! La prochaine fois, que son auteur fasse la même photo avec un drapeau algérien… »
Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes.
Millions de morts
« C’est une atteinte grave à la mémoire des millions de Français morts pour ce drapeau afin que notre pays vive libre. C’est également une atteinte inadmissible à tout ce que représente ce drapeau, à savoir les valeurs fondamentales de la République. »
Véronique Besse, député de Vendée.
Profondément choqué
« Moi ça me choque profondément qu’on puisse intenter au drapeau républicain, y compris dans une photo (…). Il y a un certain nombre de pays où on ne transige pas avec le drapeau national, c’est-à-dire qu’on n’a pas le droit d’intenter au drapeau national d’une manière ou d’une autre. »
Luc Châtel, porte-parole du gouvernement.
Cercueil de nos soldats
« Moi qui m’incline malheureusement devant le drapeau national qui recouvre le cercueil de nos soldats, moi qui aime profondément notre pays, je suis indigné et je sais que cette indignation est partagée par la communauté que j’ai l’honneur de servir, mais aussi par l’ensemble de nos compatriotes. Je condamne fermement cet acte inadmissible qui porte atteinte aussi bien à la liberté de création qu’à l’honneur de notre drapeau. »
Hervé Morin, ministre de la Défense.
Inadmissible
« Il faut que des poursuites pénales soient engagées contre cet acte inadmissible. (…) Pourquoi ne pas envisager d’introduire rapidement dans notre code pénal une disposition interdisant explicitement le fait de faire la promotion d’images portant outrage aux emblèmes nationaux ? »
Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux.
Impôt du sang
« Le drapeau tricolore que ce monsieur salit, c’est le même qui recouvre les cercueils de nos soldats. Eux ont payé l’impôt du sang, l’impôt le plus élevé qu’on puisse payer à son pays. Il faut défendre les valeurs fondamentales de notre démocratie et ne pas laisser faire n’importe quoi. »
Jean Biancotto-Machari, président de la Fédération des anciens combattants et mutilés de guerre des Alpes-Maritimes.
Humiliation
« Les anciens combattants tout comme les citoyens qui se sont battus pour la France, ou encore les familles des millions de Français qui sont morts pour ce que notre drapeau représente, ont ressenti une profonde offense en voyant une enseigne nationale telle que la Fnac encourager l’idée de bafouer l’image de notre pays à travers son emblème en décernant un prix à cette photographie.
Notre pays subit de plus en plus d’humiliations depuis plusieurs années : drapeau brûlé ou piétiné, hymne hué et sifflé, qui représentent autant d’insultes et d’atteintes aux symboles de la France. »
Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes.
Outrageant
« Comment ne pas être scandalisé par le caractère outrageant de cette photographie ? (…) La loi protège peut-être les créateurs et les artistes et plus généralement toutes les opinions qui s’expriment, mais si je suis très attaché à cette liberté, je suis tout aussi attaché à ce qu’on respecte les emblèmes nationaux. »
Christian Estrosi, ministre de l’Industrie.
Nos soldats
« Ce drapeau est le symbole de notre unité, et c’est pour ce drapeau que nos soldats se battent et se sont battus, sur le territoire national et à travers le monde (…). Quand l’un d’entre eux meurt au combat, c’est ce même drapeau qui recouvre sa dépouille. »
Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement.
1 J’avais la paresse d’en faire un vrai billet et je trouvais qu’elles parlaient suffisamment par elles-mêmes. C’est comme ça.