dimanche 28 décembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 12h13, par
11 commentaires
C’est un jour sombre pour tous les néo-conservateurs : leur maître à penser, Samuel Huntington, politologue de supermarché et geo-stratège d’opérette, vient de rendre les armes. Chouette ? Même pas : si l’auteur du « Choc des civilisations » a rejoint le Walhalla des penseurs à deux balles, ses disciples poursuivent son oeuvre, s’ingéniant à donner corps à ses théories simplistes.
Triste, je suis.
Mélancolique même.
Et bouleversé, aussi.
Tant le décès très récent d’un des plus éminents penseurs mondiaux me touche et me concerne.
Bref : je porte le deuil.
Oh : je ne suis pas le seul à regretter ce politologue d’exception.
Et, partout dans le monde, ses disciples ont revêtu le noir habit de la tristesse
Adoptant leur expression la plus affligée.
Et laissant couler une ou deux larmes sur leurs joues burinées de vieux soldats expérimentés.
Histoire de rendre hommage - comme il se doit - à leur maître à penser.
Stratège de pacotille qui avait théorisé le choc des civilisations, fumeuse et simpliste doctrine divisant le monde en sept grandes zones culturelles forcément amenées à s’isoler, à s’opposer et à se combattre.
Penseur de supermarché qui posait la nécessaire confrontation de l’Occident et du monde musulman.
Et rigolo d’élite qui avait compris combien l’époque était à la géo-stratégie du pire.
Oui : on a les politologues que l’on mérite…
__3__
Donc, Samuel Huntington est mort.
Et mon cœur saigne.1
Même si je sais que ses affidés sauront poursuivre son œuvre visionnaire.
Et qu’ils finiront par réaliser ce que lui s’était contenté de penser.
C’est vrai : j’ai totale confiance en quelques grands hommes du monde pour porter haut le flambeau des haines confites et télécommandées.
Et pour conduire le bras guerrier de la lutte contre l’islam partout où les musulmans s’entêtent à faire rien tant qu’égorger des moutons dans les baignoires.
Des noms ?
Oh… je ne veux oublier personne.
Mais il convient de citer le fulgurant Benoît XVI, lui qui remarquait à juste titre que « l’Occident est menacé depuis longtemps par le rejet des questions fondamentales de la raison et ne peut en cela que courir un grand danger », péril qu’il précisait dans le discours de Ratisbonne en opposant christianisme et islam.
De même que notre pétillant président, convaincu - ainsi qu’il l’expliquait dans son discours aux ambassadeurs d’août 2007 - que la menace essentielle pesant sur le monde est celle d’une « confrontation entre l’Islam et l’Occident ».
Ou que son second en chef, François Fillon, lequel s’emballait voici quelques mois en évoquant la question israélo-arabe : « Le conflit va durer, parce que les causes de ce conflit sont très profondes (...) C’est l’opposition entre le monde musulman et une grande partie du reste de la planète, c’est le conflit israélo-palestinien, c’est les déséquilibres économiques et sociaux qui règnent dans le monde. »
Une liste qu’il serait fastidieux de poursuivre.
Tant les noms de ceux qui voient l’avenir au prisme d’un choc annoncé des civilisations sont légions, de Ben Laden à Georges Bush, en passant par l’ensemble des néo-conservateurs américains et par leurs correspondants français, dont les pathétiques André Glucksmann, Ivan Rioufol et Daniel Leconte.
Tous tristes hérauts d’un sombre avenir guerrier.
__3__
Tout ça pour dire : Samuel Huntington est peut-être mort.
Mais il n’a pas pour autant fini de nous les casser.