dimanche 26 juin 2011
Le Cri du Gonze
posté à 13h03, par
30 commentaires
Rares les dates joyeuses dans l’histoire des guerres indiennes, litanie de massacres coloniaux. Le 25 juin 1876 fait exception à la règle : ce jour-là, un certain Général Custer se fait ratiboiser avec ses troupes à Little Big Horn. Jour sombre pour la bannière étoilée et répit de courte durée pour les Indiens. Une date qui inspira le grand Johnny Cash, entre sarcasme et country limpide.
« Pour certains, c’était un héros. Pour moi c’était un zéro1 ». Pas fan du Général Custer, Johnny Cash. Et peu enclin à la compassion malgré le décès violent du susdit à Little Big Horn, le 25 juin 1876 – « Douze milliers de guerriers l’attendaient, c’était imprévu / Et le général, il ne galope plus très bien désormais2. » Oui, on entend presque Johnny se poiler à l’évocation de sa mort. Logique. Pleurer la disparition du massacreur de Washita, du « grand pacificateur » des contrées indiennes ? Faut pas charrier.
Même si l’historiographie a récemment déchargé Custer de certains immondices (Ce n’est pas lui qui aurait dit « Un bon indien est un indien mort » et l’ampleur du massacre de Washita a été un brin revue à la baisse3), le général à la longue chevelure blondasse comme les blés de son Ohio natal – « Oh oui, les cheveux blonds du Général Georges A. Custer avaient un certain lustre / Mais il ne galope plus très bien désormais »4, ricane Cash – reste un symbole de l’extermination du peuple indien, « sport » qu’il pratiquait avec autant d’enthousiasme que Buffalo Bill envers le peuple bison. Un des grands salopards de l’histoire, tué alors qu’il ambitionnait de se présenter aux présidentielles – il lui manquait juste une dernière victoire sur les Indiens pour lancer sa campagne sous de bons auspices. Fail.
Comme de juste, Johnny Cash se marre, répétant en boucle « he don’t ride well anymore », épitaphe rigolarde. La chanson est tirée de l’album Bitter Tears – Ballads of the american indian (1964), pépite country méconnue. Cash y chante les malheurs des amérindiens, leurs larmes amères (Bitter Tears), les promesses jamais tenues des envahisseurs5 et les massacres à répétition. Le chanteur a toujours revendiqué une ascendance indienne, affirmant que du sang Cherokee coulait dans ses veines6. Outre la légitime haine inspirée à tout homme de bien par Custer et ses semblables, il se peut que cela ait aiguisé son fiel. Amers Indiens.
Custer apparaît aussi dans le film Little Big Man (1970), d’Arthur Penn, qui le ridiculise dans les grandes largeurs. Vaniteux, stupide, mégalo, le héros de la guerre de Sécession se dégonfle pour laisser place à un personnage aussi glorieux qu’une flaque de boue. Pffft. Dans un autre registre, moins frontal, « Please M. Custer » (ci-dessus), hit de Larry Verne dans les années 1960, dévoile le quotidien du troufion moyen sur le sentier de la guerre. Pas la joie de servir sous les ordres de Custer ; l’attente avant la bataille, les cris de l’ennemi, les flèches qui fusent, avec cette supplique comme seul remède : « S’il vous plaît, Monsieur Custer, je veux pas y aller. » Et plus loin, en aparté : « Je me demande comment on dit « ami » en peau rouge ? Voyons voir... « ami »... ah oui, « Kemo sabe », c’est ça. KEMO SABE ! Eh, là-bas, j’ai dit KEMO SABE ! » Too late, les flèches crépitent, la « nuit apache » (copyright Bérus) s’abat sur le malheureux... Fallait pas s’engager, eh, banane.
Mais assez parlé de Custer. Comme son homologue ès massacres indiens John Chivington, le général glapit en enfer – et c’est tant mieux. Pour élargir l’approche, votre serviteur conseille de se tourner vers Richard Desjardins, fringant Québécois qui, avec « Les Yankees » (ci-dessus), a su résumer la question indienne de la plus belle des manières. Pas de référent historique précis, pas de noms ni de dates, simplement la chronique d’un Empire « yankee » fou qui pose sa patte de fer sur les derniers humains de la terre. Aux menaces de l’envahisseur – « Nous venons de la part du Big Control, son laser vibre dans le pôle, nous avons tout tout tout conquis jusqu’à la glace des galaxies. Le président m’a commandé de pacifier le monde entier. [...] . Maint’nant assez de discussion et signez-moi la reddition » –, les Indiens rétorquent par des paroles pleines de sagesses : « Gringo ! T’auras rien de nous. De ma mémoire de titan, mémoire de ’tit enfant, ça fait longtemps que je t’attends. Gringo ! Va-t-en ! Va-t-en ! Allez Gringo ! Que Dieu te blesse ! ».
Que Dieu te blesse ? Pour Custer, au moins, c’est chose faite. Petite consolation...
1 To some he was a hero but to me his score was zero
2 Twelve thousand warriors waited they were unanticipated / And the General he don’t ride well anymore
3 La proportion de femmes et enfants massacrée serait moindre que ça n’a été longtemps dit. Ceci dit, la pseudo bataille de Washita reste, avec Wounded Knee et Sand Creek, l’un des épisodes les plus noirs d’une histoire pas glorieuse.
4 General George A.Custer oh his yellow hair had lustre / But the General he don’t ride well anymore.
5 La magnifique « As Long as the grass shall grow » fait ainsi référence à l’engagement (aussitôt violé) de laisser une tribu iroquoise en paix pour l’éternité (« Tant que l’herbe poussera ») si elle acceptait de déménager en des terres éloignées.
6 Il revint sur cette affirmation dans les années 1990, quand il découvrit, ô malheur, que son arbre généalogique plantait ses racines en Écosse.