vendredi 7 novembre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 11h16, par
3 commentaires
Je ne me sens pas gaulliste pour un sou. Et je ne vais pas vous faire l’affront de citer ce surnom éculé que Mongénéral donnait à l’ONU. Quoique… Ok : De Gaulle en parlait comme d’un « machin inutile » et il faudrait peut-être lui donner raison tant, depuis les années 1990, l’ONU s’acharne à prouver son inefficacité. Mercredi au Congo, les Casques Bleus en ont fourni une nouvelle illustration. Désolant.
Je ne doute pas que vous l’ayez vu.
Ni qu’il vous a fait la même forte impression qu’à moi.
Warrior, téléfilm dur, froid et sanglant de Peter Kosminsky, conte le triste destin de soldats anglais plongés dans la guerre de Yougoslavie, jeunes gens enrôlés sous la bannière de l’ONU à l’automne 1992.
Casques bleus inutiles, se perdant dans un conflit qu’ils ne comprennent pas et dans lequel ils n’ont pas les moyens d’intervenir.
Et militaires devenant fous de n’être que les spectateurs de l’effroyable conflit ethnique qui oppose les minorités serbes, croates et musulmanes et militaires.
Jusqu’à perdre leurs âmes face au ballet des viols et des massacres.
« On ne les envoie pas faire ce qu’ils savent faire : la guerre, ou de l’interposition , mais ce qu’ils ne savent pas faire : de l’humanitaire. Avec un mandat flou, avec une chaîne de commandement trop longue, avec des objectifs politiques imprécis, ce qui se traduit sur le terrain », explique Jean-Christophe Victor, directeur du Laboratoire d’Etudes Politiques et Cartographiques, sur le site de l’émission du Dessous des Cartes. « Leur présence à contre-emploi ne répond pas aux problèmes posés politiques, ou militaires, ni encore moins humains. C’est exactement ce que raconte le film. »
De la trajectoire de ces Casques Bleus, jeunes gens plongés dans un néant sanglant, on retiendra qu’elle consacre surtout l’échec du rêve onusien, idéal qui n’aura jamais été qu’un alibi.
Vaste esbroufe pour donner corps à une pseudo-ingérence qui ne s’en donne pas les moyens.
Et ne servant aux grandes puissances qu’à avancer quelques pions stratégiques et à se donner bonne conscience.
A Srebrenica, nulle fiction ni oeuvre de réalisateur.
Et le massacre n’a pas été conté en images.
Mais plusieurs milliers d’hommes et d’adolescents bosniaques y ont été assassinés le 11 juillet 1995 par les forces serbes du général Ratko Mladic1.
Juste sous le nez de 400 casques bleus néerlandais, qui avaient ordre de ne pas intervenir.
« Quand les miliciens serbes de Bosnie séparent les hommes des femmes, les soldats néerlandais regardent et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. On dénombre environ 8 000 victimes à l’issue de ce massacre, qualifié de « génocide » par la Cour Internationale de Justice et par le TPIY. Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n’a survécu », expliquait récemment la journaliste Julie Lerat sur RFI. Pourtant : « Le mandat de l’ONU en Bosnie prévoyait clairement un recours à la force. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n’a pas été entendu. »
Un « ultime rempart » qui ne servit résolument à rien, donc.
Si ce n’est à mettre en exergue la responsabilité écrasante du général français Bernard Janvier.
Commandant en chef des forces de l’ONU en Bosnie se refusant à faire intervenir ses hommes contre un Madlic pour lequel il nourrissait quelques sympathies :
« Le refus du général français de faire la guerre s’explique mal, sinon par une certaine fascination qu’aurait exercée sur lui son homologue Ratko Mladic, avec lequel il s’entretiendra longuement au téléphone dans l’après-midi du 10 juillet », écrira Le Figaro (cité ICI par Bakchich), avant de constater : « La lâcheté et le dysfonctionnement onusiens étaient ainsi indirectement responsables du pire crime de guerre commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »
Une inefficacité totale contée aussi dans Il faut sauver la Planète.
Un témoignage2 moins sanglant, mais finalement tout aussi accusateur.
Le livre raconte la trajectoire réelle de trois idéalistes, salariés de l’ONU pendant les années 1990, qui vont salement déchanter devant la réalité.
Et qui vont voir, au fil des interventions et des théâtres d’opérations, au Cambodge, en Somalie, à Haïti, au Libéria, en Bosnie ou au Rwanda, leurs belles illusions anéanties par la corruption, le bureaucratisme et l’incompétence crasse dont fait preuve la machine onusienne.
Les trois jeunes gens, Kenneth Cain, Heidi Postlewait, Andrew Thompson, en deviendront peu à peu si amers que seuls l’alcool, le sexe et le cynisme leur permettront de tenir le coup.
Et encore…
Un livre dont personne ne parle.
Et qui constitue pourtant l’un des réquisitoires les plus implacables qui ait jamais été produit envers l’ONU.
Pourquoi je vous parle de ça ?
Sans doute parce que l’histoire se répète.
Et que Le Monde fait état aujourd’hui d’un énième massacre commis sous les yeux de casques bleus.
Au Congo, cette fois :
« Pendant ce temps, la vaste majorité de la population de la ville errait à la recherche d’un abri pour une nouvelle nuit à la belle étoile, sans eau, sans nourriture, sans toilettes, ni aide extérieure, à commencer par celle que les Nations unies auraient pu leur apporter. Dès les premiers combats, les casques bleus se sont claquemurés dans leur base, déployant leurs hommes à l’intérieur, arme en main, prêts à ouvrir le feu sur quiconque, au sein de la population, tenterait de pénétrer dans leur enceinte protégée des barbelés. Les exactions des maï-maï et le ratissage sanglant des soldats du CNDP ont eu lieu à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de leur camp », écrit le journaliste Jean-Philippe Remy.
Quelques dizaines de morts, donc.
Et des casques bleus « claquemurés dans leur base, (…) prêts à ouvrir le feu sur quiconque, au sein de la population, tenterait de pénétrer dans leur enceinte protégée des barbelés ».
C’est beau, l’ONU.
Hein…