jeudi 16 juillet 2009
Le Charançon Libéré
posté à 15h22, par
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Arguant d’un pause dans la prétendue baisse de la la délinquance, Hortefeux a donné de la voix. Et a fait savoir qu’il « n’accepterait pas que des groupes de caïds minables s’en prennent lâchement à la population ». Curieusement, le sinistre de l’Intérieur ne cite pas une seule fois les policiers, lesquels multiplient pourtant les lâches attaques contre la population. Étrange…
La radio libre FPP m’a gentiment proposé de faire une petite chronique hebdomadaire, le jeudi à 12 h 30. Comme je ne recule devant rien, je vous la copie-colle ici.
C’est les vacances, je ne vous apprends rien.
Et je ne vous surprendrai pas non plus en vous confiant que je suis bien décidé à me rouler les pouces et à limiter mes efforts au maximum, juste préoccupé de mener à bien d’harassantes activités telles que profiter du beau temps, prendre l’apéro et regarder les filles en jupe défiler dans les rues en souriant au soleil.
Vous comprendrez donc que ma chronique ne va pas s’étirer en longueur et que je me contente de vous raconter deux petites histoires.
Et puis c’est marre.
Le première histoire, notamment rapportée dans la Voix du Nord, se déroule dans un petit bourg du Nord, Whormut.
Ou plus exactement dans la discothèque de la commune : au cours de la nuit de samedi à dimanche derniers, quatre jeunes s’y sont embrouillés avec huit mecs plutôt baraqués.
Ignorant à l’évidence que ceux-ci, membres des Compagnies Républicaines de Sécurité, appartenaient à notre fière et ardente police nationale, même s’ils n’étaient pas en service.
N’entendant pas se laisser marcher sur les pieds par des danseurs du dimanche, les flics en goguette ont alors décidé de montrer de quel bois ils étaient capables de se chauffer... une fois armés (on est courageux ou on ne l’est pas).
Sont rentrés dans leur casernement pour y attraper tonfas et lacrymos, sont revenus à l’entrée de la discothèque et ont attendu la sortie des impudents avec qui ils s’étaient pris la tête.
Et ?
Quand les quatre jeunes ont quitté la boîte de nuit, les CRS les ont laissés s’installer dans leur voiture avant d’attaquer, brisant une vitre de la voiture, balançant du gaz lacrymo à l’intérieur et passant à tabac ses occupants.
Fin de l’histoire.
La deuxième histoire est contée par le quotidien Libération.
Et concerne une trentaine de jeunes bacheliers, fêtant la fin de leurs examens à Paris et ayant décidé de passer leur fin de soirée au Champs de Mars, tranquillement posés sur la pelouse.
Rien de notable jusqu’à ce qu’un des lycéens se dispute avec sa copine, éveillant l’intérêt de CRS postés non loin.
Par le bruit attiré, les forces de l’ordre se sont radinées.
N’ont pas cherché à comprendre ce qu’il se passait.
Et ont réglé leur compte à deux des bacheliers - coup de poing, coup de matraque, clé dans le dos et immobilisation au sol - avant de lâcher leur chien sur l’un des membres du groupe.
Les CRS ont ensuite embarqués les deux jeunes passés à tabac, relâchant le premier quelques centaines de mètres plus loin et ramenant l’autre au commissariat, où il a passé une douce nuit entrecoupée de joyeuses baffes dans la tronche.
Fin de l’histoire, derechef.
Ces deux petites histoires sont finalement sans grande gravité, tout au moins comparées à que ce qu’il est advenu à Joachim Gatti, jeune homme ayant perdu un œil voilà une dizaine de jours à Montreuil à cause d’un tir de flash-ball en plein visage.
Elles disent pourtant la même chose.
Contant en filigrane ce sentiment d’impunité absolue dont peuvent se prévaloir les forces de l’ordre depuis que l’excité à talonnettes occupe l’Élysée.
Et illustrant parfaitement cette certitude qu’ont désormais les uniformes de n’avoir à rendre compte de rien, ni des bavures, ni de la violence gratuite.
Eux qui sont les nouveaux cow-boys en ville.
Et qui ont toute latitude pour mettre la société au pas, à grands coups de lattes dans la figure si nécessaire.
Il est bien peu de chance que ce scandaleux état de fait s’améliore.
Et il suffit de lire l’interview martiale donnée hier au Figaro par le nouveau sinistre de l’Intérieur, le joyeux et pétulant Brice Hortefeux, pour s’en convaincre1.
L’homme y déclare que la délinquance aurait cessé de baisser au premier semestre 2009 et qu’il convient donc d’en mettre un coup pour que les statistiques repartent dans le bon sens.
Expliquant qu’il a convoqué aujourd’hui les préfets pour leur remonter les bretelles.
Qu’il compte bien exiger d’eux de meilleurs résultats d’ici au mois de septembre.
Et qu’il invite les dits-préfets à « faire preuve d’imagination, d’audace et d’initiative » ainsi que d’une « autorité sans faiblesse ».
Avant de prendre une voix grave et solennelle pour montrer toute sa détermination : « Je n’accepterai pas que des groupes de caïds minables s’en prennent lâchement à la population, à des victimes faciles. »
Un avertissement malvenu tant Brice Hortefeux ne s’est pas rendu compte que les plus « minables » des « caïds », ceux qui ne cessent de s’en prendre à la population au prétexte qu’ils incarnent l’autorité et portent à la ceinture des tonfas, flashball, lacrymos et tasers, sont ceux-là même qu’il a sous ses ordres.
Les vrais voyous portent des uniformes.
Et ça nous permettra au moins de les reconnaître quand il s’agira de renverser ce vieux monde qui n’en finit pas de nous savater la tronche.