ARTICLE11
 
 

lundi 30 mars 2009

Le Charançon Libéré

posté à 13h20, par JBB
48 commentaires

Des combats que nous menons et de cette insurrection qui ne vient pas…
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Cent fois déjà, ça aurait dû péter, peuple dans la rue pour défendre certains principes essentiels et valeurs immuables. Mille fois, j’ai pensé que Sarkozy était allé trop loin et que les citoyens allaient se lever pour sauvegarder cet héritage républicain dont on nous a rebattu les oreilles à l’école. Et ? Que dalle, bien entendu. Le peuple est morne, la République se meurt et nous braillons dans le désert.

Demeure donc la question, implacable : pourquoi aussi peu d’imagination ? Pourquoi aussi peu de tentatives de lancer de nouveaux projets de société ? Parce qu’on sait à l’avance à quoi mènent les projets collectifs : restriction des libertés, dictature de la collectivité au détriment des individualités ? Parce que notre système, quoi qu’on en dise, plaît et convient, si bien que l’on ne saurait envisager pour autre horizon que son rétablissement, seul gage de jours meilleurs ? Parce que nous sommes collectivement anesthésiés, aveuglés par un certain confort matériel qui nous empêche d’envisager d’autres voies que celle que nous sommes en train de suivre ? Difficile à dire. Le fait est, en tout cas, qu’un système qui déplaît tant, et qui pourtant suscite aussi peu de contestation radicale, a de quoi surprendre...
Chronique de l’historien Gilles Dal dans La Libre Belgique.

On crie, beaucoup.

On proteste, un max.

Et on se démène, tant qu’on peut.

Mais il faut bien le reconnaître : on n’avance pas beaucoup.

Et nos victoires restent très maigrelettes, hors le succès tout relatif de deux massives journées d’action habilement encadrées et récupérées par les syndicats.

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Pourtant, nous avons la raison avec nous.

Et les valeurs que nous défendons - indépendamment de toute étiquette partisane - ont pour elles la légitimité de l’histoire et de cette patiente construction historique qui fit, il y a fort longtemps, de la République française un exemple à suivre pour tous les peuples épris de liberté.

Des principe de justice et d’Etat de droit qui devraient - quasi automatiquement - nous garantir quelques victoires.

Et nous assurer d’occasionnelles avancées, soit autant de reculades d’un pouvoir obligé de se soumettre à nos belles idées et jolies convictions.

Alors que : nada, des nèfles, nichts !

Depuis l’élection de Sarkozy, il n’est pas un point sur lequel nous ayons eu gain de cause.

Et les cris d’orfraies que nous continuons à pousser collectivement - je ne parle pas des blogs ici, mais bien de l’ensemble de la sphère de contestation, partis, associations et mouvements d’opinion - n’ont pas une fois influencé le régime, le poussant à modérer ses ardeurs liberticides ou à remettre en cause sa politique de cadeaux aux privilégiés.

Comme si - finalement - nous ne faisions rien d’autre que nous époumoner dans le désert.

Hurlant, encore et encore, sans jamais trouver le bon levier, celui qui nous permettrait de nous faire entendre.

Il ne servirait à rien de tenir le compte de tout ce que nous avons perdu.

Longue liste qui ne semble jamais devoir finir, depuis la mise en place du paquet (cadeau) fiscal jusqu’à la suppression programmée des juges d’instruction en passant par la mainmise des hommes du président - ceux qui se trémoussaient au soir de l’élection sur la piste de danse du Fouquet’s - sur l’appareil d’Etat et ses faveurs, par l’instrumentalisation de la justice, par la mise au pas des médias et l’instauration d’une nouvelle et insidieuse propagande - ORTF revival - , par la traque inhumaine des sans-papiers, par la sanctification de l’outil policier, par l’instauration d’un pouvoir presque de droit divin - président si protégé lors de ses déplacements qu’il faut faire disparaître toute trace de vie, hors des cohortes de CRS impavides - , par…

Énumération que chacun de vous pourrait poursuivre pendant d’interminables minutes - si ce n’est des heures - et qu’il convient de résumer par ces mots : nous avons perdu la République.

Régime loin d’être celui de nos rêves - puisqu’il y manque le mot « sociale » - mais qui garantissait un minimum nos droits et assurait le respect de certains principes essentiels.

Si nous croisons tous les doigts dans l’attente d’un profond souffle de contestation à même de balayer ce vieux monde branlant qui nous nargue et nous écrase, il faut avouer que cette attente tient davantage de l’espérance et de la ferveur que d’une balance objective des forces en présence.

Variations du « demain, on rase gratis », que nous ne plaisons tous (moi le premier) à entretenir.

Et que Sarkozy lui-même relance régulièrement, feignant de craindre comme la peste l’agitation sociale montante et le retour des beaux jours.

Mais voilà : s’il a peur, il ne le montre pas.

Et il n’est guère de décision qui, pour l’instant, lui ait été dictée par cette prétendue angoisse d’un peuple prenant la rue et s’insurgeant en masse.

Son énième refus - très récemment - de la suppression du bouclier fiscal suffisant à prouver combien il ne s’estime pas réellement menacé.

Deux possibilités, alors.

Ou l’auguste incompétent est aveuglé par sa politique, tellement obnubilé par ce qu’il s’est donné comme objectif - servir les riches et les puissants - qu’il en a perdu toute sagesse politique, décidé à courir à sa perte plutôt que revenir en arrière, fut-ce d’un chouia.

Ou lui voit clair en nos cartes, certain que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions et que lassitude, fatigue et désintérêt général étouffent tellement ce pays qu’il restera à genoux et soumis.

Je préférerais croire en la première alternative, mais la deuxième se pare davantage des atours de la crédibilité.

Tant se multiplient les signes démontrant que le grande majorité des Français n’entendent pas tirer les conséquences politiques de leur rejet - réel pour le coup, les sondages de popularité du président le montrent suffisamment - du sarkozysme.

Et tant - surtout - nous avons été incapable de nous mobiliser avec efficacité pour ceux des nôtres qui ont été victimes du régime.

A cette aune, il faut encore revenir (rapidement) sur le sort fait aux neuf de Tarnac et à leur prétendu meneur1.

Rappeler qu’il est évident pour chacun que les charges pesant contre eux n’existent pas, qu’il est tout aussi patent que le dossier est biaisé et monté de toutes pièces, et qu’il est non moins flagrant que l’emprisonnement perpétuel de Julien Coupat est injustifiable, fait d’un prince et de ses sbires résolus à laisser un innocent dormir en prison autant qu’il leur plaira.

Et reconnaître que de tels attendus devraient constituer un boulevard pour ceux souhaitant prendre sa défense.

Cause offerte sur un plateau, ou peu s’en faut.

Et victoire assurée, tant le droit et la justice plaident en la faveur de l’embastillé.

Il n’est pourtant pas question qu’il quitte son cachot.

Non plus qu’il n’existe un réel mouvement d’opinion pour le soutenir.

Et le ministère de l’Intérieur en a pleinement conscience, se fichant comme d’une guigne de nos rares manifestations et protestations.

D’où - au final - cette question : comment peut-on penser que nous bousculerons le vieux monde, mettant à bas ses racines viciées pour en reconstruire un nouveau, quand nous sommes incapables de faire libérer la plus évidente des victimes de ce régime ?

Je vous demande un peu…



1 L’exemple fonctionne tout aussi bien avec Colonna, victime évidente d’un abus de droit (ou plutôt de son absence) sans que grand monde ne s’en indigne. Et même la Corse fait le dos rond devant cette peine à perpétuité ne reposant sur aucune preuve ni charge réelle. Hormis une petite manifestation sans envergure, l’île se tait, et ce silence aussi est fort révélateur d’une impuissance générale à faire front et à se révolter.


COMMENTAIRES

 


    • Merci pour le lien, c’est passionnant. Des deux côtés de l’Atlantique, une même apathie, même si l’intégration du bien-fondé du système est sans doute beaucoup plus forte aux EU que chez nous.

      J’en copie-colle un passage, mais c’est l’ensemble qui mérite la lecture (beaucoup moins convaincu, par contre, par cette idée en conclusion que :

      Il y a là l’effet d’une éducation, d’une communication absolument orientée vers l’organisation communautaire du bonheur réduit aux acquêts de la seule République, d’une psychologie façonnée à partir des racines religieuses d’obéissance aux impératifs conformistes sociaux et selon les impératifs de l’idéologie courante qui proscrit la politique au profit de l’économie, qui promeut une liberté qui est d’abord économique et réfute l’organisation politique autonome et originale comme contraire aux bonnes mœurs de la vertu. Cela n’implique nullement la soumission à une hiérarchie véritable ni l’absence de désordre. Au contraire, – il n’y a pas de hiérarchie sinon celle de l’argent, et le désordre est latent ou visible, sous une forme rampante ou affichée, permis par l’absence d’ordre régalien qu’impose une transcendance nationale. Mais absence de hiérarchie (d’autorité) et désordre latent, dans ce cas, installent la solitude sociale et la peur des comportements hors-normes, et écartent l’acte suprême de la mise en cause du système. L’individu est rendu impuissant, et donc interdit d’organisation illégale d’une pensée antisystème structurée. Il subit des contraintes et des pressions inouïes, sans même mesurer l’injustice de sa situation, mais au contraire, croyant, le premier, à l’American Dream, – par ailleurs dès l’origine de la formule (en 1931, selon les sociologues du symbole), d’une médiocrité exceptionnelle et à ne pas croire (petite maison “comme-chez-soi”, voiture, crédit, etc.).



  • « Cent fois déjà, ça aurait dû péter, peuple dans la rue pour défendre certains principes essentiels et valeurs immuables. »

    Tant que nous avons quelque chose (je parle du matériel bien sur) à perdre, nous essayons de le conserver et par là même adoubons le système en place si un beau parleur vient à nous dire que non seulement nous pourrons le garder mais en plus l’augmenter. Si les gens qui défilent dans les rues et gueulent après l’Histrion inculte au pouvoir, voulaient vraiment un changement de société, ils ne voteraient plus depuis longtemps pour le PS, PC , Modem, et même l’UMP, qui n’ont fait au mieux que maintenir le statu-quo depuis des décennies. Les gens ont peur, mais pas de Sarkosy et de ce qu’il est en train de mettre peu à peu en place, il sont peur du désordre, de l’anarchie qui serait le seul moyen de se débarrasser de la camarilla régnante. Mais, alors qu’ils vivent sans le savoir dans une anomie patente ils s’effraient d’un changement qui remettrait en cause les quelques miettes que les ogres ventrus du capitalisme veulent bien leur concéder. Je ne crois plus en la révolte des gueux tant qu’ils penseront que le bien privé est au dessus du bien commun et pour marteler ce slogan nous pouvons faire confiance au bateleur en chef et à ses relais médiatiques

    • Cela ne m’étonne pas tout à fait. Mais toi et Pièce Détachée êtes sur la même longueur d’onde. :-)

      (Sinon, c’est un peu chiant : comme je trouve ton commentaire très percutant (surtout sa deuxième partie et cette idée qu’il faut d’abord que disparaisse le soin jaloux de la propriété et l’amour des choses matériels pour que tout change), je n’ai rien d’autre à ajouter. Hormis préciser que je trouve ton commentaire très percutant (surtout sa deuxième partie et cette idée qu’il faut d’abord que disparaisse le soin jaloux de la propriété et l’amour des choses matériels pour que tout change). Arrgghhh…)



  • lundi 30 mars 2009 à 15h04, par pièce détachée

    J’abonde dans le sens de wuwei.

    J’en viens à penser que le changement sera contraint et forcé ou ne sera pas. Contraint par une pénurie soudaine, grave, générale et à grande échelle là où ça fait très mal tout d’un coup : la bouffe, l’essence, le pastaga, l’air.

    Et là, entre solidarité et foire d’empoigne, j’apprendrai, qui sait, à revendre à prix d’or le bois de chauffe et la fourche-bêche auxquels je dois mes muscles dissuasifs et fuselés.

    M’en fous. Ça va faire quarante ans que, grâce à mon sens des affaires archi-nul, je vis et bouffe déjà comme en temps de guerre.

    Rien d’autre à perdre que cet ennui mortifère dont l’air est chaque jour plus saturé. Pfff...

    • « J’en viens à penser que le changement sera contraint et forcé ou ne sera pas. »

      Ce que je pense aussi. Bien loin du grand soir lisse et magnifique, le changement ne pourra naître que de la douleur, des ruines et de la destruction, cette « foire d’empoigne » que tu évoques. Avec ce risque qu’il n’amène qu’à un pis, état autoritaire ou darwinien.

      « Rien d’autre à perdre que cet ennui mortifère dont l’air est chaque jour plus saturé. »

      Joli :-)

      Au fond, c’est ta meilleure arme. Seuls ceux qui n’ont rien à perdre peuvent avoir vraiment envie que naisse une autre façon d’organiser la société.

      • Et si ce changement venait tout doucement, en silence, tandis qu’ils aboient la caravane passe, sous leur nez. ILS, (ceux contre qui nous hurlons) ne sortiront pas de leurs schémas peut-être ici, ailleurs par d’autres biais, pourront nous en sortir, peut-être doucement trop doucement pour certains nous nous en sortons déjà. Comment un politique aujourd’hui pourrait-il envisager une décroissance ? Ce n’est pas d’eux que viendront les changements c’est de nous. Le seul GROS soucis, c’est ceux qu’ils enferment, et les autres, les « riens » qui passent des frontières pour tenter de survivre.
        S’organiser doucement avec eux aussi. Comment...
        Je ne sais pas. Comme disait mon papi enfin à moi en tout cas : l’anarchie ça s’apprend par l’exemple et l’éducation.
        Enfin quelque chose comme ça.
        Peut-^^etre que nous et les autres nous avons besoin de pantins qui nous gouvernent. D’agités pendant que nous nous remuons. Peut-être je ne sais pas bien.
        mh,

        Sinon, pour la révolution, ils faudraient les priver tous de pétrole.
        sinon...

        Voir en ligne : La lettre de mh

        • « l’anarchie ça s’apprend par l’exemple et l’éducation. »

          Je crois aussi que les beaux mots d’anarchie et d’autonomie impliquent une prise de conscience collective, un travail de chacun. Rien d’insurmontable, mais la volonté de réfléchir à une autre façon de concevoir la société, de s’organiser. Même, il me semble que ce n’est pas encore tout à fait pour demain. :-)

          « Sinon, pour la révolution, ils faudraient les priver tous de pétrole. »

          Ça, au moins, c’est en bonne voie…



  • Une nouvelle idéologie communicante à la mords moi l’noeud est apparue et fait des ravages : le pragmatisme - comme si se contenter de gérer le réel au jour le jour faisait avancer quoique ce soit -

    sans utopie aucun moteur

    je me souviens de ce slogan marqué en gros dans un séminaire à la con

     × l’avenir vous n’avez pas à l’imaginer mais à le faire -

    on voit le résultat

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/

    • « sans utopie aucun moteur »

      Tout d’accord. On voit sans doute là le manque de corpus idéologique et de sens de l’imagination de ces générations qui ont aujourd’hui 20 à 35 ans. Obnubilés par la peur du chômage qu’on leur a agité sous le nez toute leur vie et marqués de l’écroulement des idéologies, les moins de quarante ans ont oublié de penser une autre façon de vivre.



  • lundi 30 mars 2009 à 15h43, par un-e anonyme

    Une seule solution : la décollation



  • lundi 30 mars 2009 à 15h58, par Chilam Balam

    Etant assez d’accord sur le constat, on peut dire qu’il va y avoir des bouleversements.

    Tout d’abord pour les « élites » (médias, partis politiques de gouvernement, classes dirigeantes) :
     × la fin de l’histoire est réalisée dans ce sens là : l’histoire se confond dorénavant avec l’histoire du libéralisme et cette question ne fait plus débat.
    Le seul débat peut avoir lieu sur plus ou moins de social, une gestion plus ou moins compétente, des périodes plus ou moins bonnes etc...
     × la (vraie)gauche ou même les « valeurs républicaines » ne sont plus porteurs que de compassion pour le négatif de l’histoire (épidémies, misère, guerre, etc...) et sont dorénavant exclus de devenir un moteur de l’histoire

    MAIS depuis 18 mois, l’économie et le social du nain ont amené le pays dans un tel déclin que l’on voit que dès que le système néo libéral avance de façon décomplexée dans sa direction, il se rapproche de son effondrement.

    On pourrait faire la liste des vrais reculs faits par le nain et son gouvernement d’idiots indispensables, ainsi que des vraies divisions à l’intérieur de l’UMP et des classes dirigeantes, et du P« S » qui n’a aucune envie de revenir au pouvoir : ils savent qu’ils vont dans le mur.

    Parce qu’il coule tout seul,le néo libéralisme est un moment négatif de l’histoire de l’humanité et donc historiquement condamné, La question est de savoir par quoi il va être remplacé : les jeux ne sont pas faits, car rien ne va plus.

    Pardon d’avoir été si long et merci de votre éventuelle attention.

    • « On pourrait faire la liste des vrais reculs faits par le nain et son gouvernement d’idiots indispensables, ainsi que des vraies divisions à l’intérieur de l’UMP et des classes dirigeantes, »

      C’est vrai, il y a en eu quelques-uns. Mais quand même, sur la plupart de ses décisions dites symboliques, je ne vois guère de reculs de Sarkozy. Tout juste des effets d’annonce, lois ou décisions annoncées et qui n’ont finalement pas été mises en application.

      Pour tout le reste, la fin de l’histoire et la réduction de la gauche à son aspect compassionnel, tout à fait convaincu. D’où :

      « Pardon d’avoir été si long »

      bien au contraire, n’hésite pas à recommencer. :-)



  • lundi 30 mars 2009 à 15h59, par Naunaunawak

    C’est la première fois que je commente ici, j’en profite pour simplement te remercier JBB.

    Et si je tiens à te remercier, c’est que sans les blogs comme le tiens (je ne vais pas faire de liste), on croirait à une paranoïa complète de notre part. Je poste en guise de témoignage pessimiste, désolé, j’aimerais beaucoup pouvoir crier mon espoir, mais ce serait manquer de lucidité.

    Je suis étudiant, depuis environ un an en échange de l’autre côté de l’Atlantique. Je m’informe comme je peux de l’actualité française (c’est pratique, ici le 7/10 de France Inter commence aux dernières heures du soir) et je baigne dans la blogosphère que vous entretenez, toi et toute la clique (et là je préfère donner à « clique » la première définition : « ensemble de musiciens, tambours et clairons » ; que la seconde : « groupe de personnes qui se coalisent pour intriguer, nuire à quelqu’un ou quelque chose, par des moyens malhonnêtes »). Mais j’ai l’impression qu’il me manque le contact si précieux avec le quotidien français. Je discute fréquemment -croisant les doigts pour ne pas être sur écoute-, avec des amis restés aux fronts, qui me disent qu’à mon retour (imminent), je vais devoir redescendre sur terre. Redescendre dans un monde où les étudiants bloquent leur université jusqu’à ce que le président de leur université leur mette sous le nez l’annulation du semestre... un monde ou ma famille participe activement des querelles internes du PS... un monde où l’on nous montre bien que les seuls qui se révoltent vraiment contre le pouvoir, ce sont les manifestants éméchés qui restent place de la Nation, mais ça ne compte pas, ils ont bu.

    Le problème, tu le soulignes très bien, c’est la vision à très très court terme imposée par la vitesse à laquelle on avance... un monde où l’université ne confère plus un savoir, mais des « compétences »... Toujours dans mon milieu, je suis complètement affligé par ces étudiants qui se moquent complètement d’acquérir un savoir, ils payent pour des diplômes, pas pour du savoir. Et ce n’est malheureusement pas une minorité abrutie.

    Le système (j’abhorre ce terme mais à force de diaboliser les termes justes on finit par avoir 100 mots de vocabulaire) se charge de dénoncer la réflexion inutile qui nous fait écrire de tels articles, pour aduler ceux qui travaillent plus pour réfléchir moins. Combien de fois ai-je proposé le visionnage de films dénonciateurs, ai-je proposé d’aller à des manifestations, ai-je envoyé des liens vers tes articles à des amis de France, qui alors me répondaient qu’ils n’avaient « pas le temps », et moi de leur dire qu’ils passent des heures sur des consoles de jeu... « Oui mais tu sais, quand je rentre du travail, je n’ai pas envie de réfléchir, je veux juste me détendre », et ceci jusqu’à la prochaine journée de travail. Et encore, je ne vous conte pas les « t’as pas autre chose à faire ? ».

    N’est-ce pas symptomatique ?

    • Eheh, c’est moi qui te remercie. Et j’espère que tu reprendras souvent la plume (le clavier ? ) céant.

      « amis restés aux fronts, qui me disent qu’à mon retour (imminent), je vais devoir redescendre sur terre. »

      Il y a un peu de ça. Je suis un indécrottable optimiste, toujours persuadé que la révolution est pour demain. Mais il faut avouer que les choses ne bougent jamais à la vitesse que j’avais imaginée. Et que toutes les résistances, toutes les contestations sont très loin de faire bannière commune, pour l’instant.

      « ils payent pour des diplômes, pas pour du savoir. »

      J’ai eu le même sentiment pendant mes études. Il me semble que l’évolution date du début des années 90, avec l’arrivée d’une génération menacée et désabusée. Ne croire à rien, sinon au fric.

      « Et encore, je ne vous conte pas les ’t’as pas autre chose à faire ?’. »

      J’y ai eu droit aussi. Et je pense qu’on est une tripotée dans le même cas. C’est un peu déprimant, mais il me semble que ce type de remarques - justement - pourrait bien se raréfier, avec la crise et la prise de conscience que rien ne sert plus d’avoir la tête dans le guidon. Tout d’accord, donc : c’est « symptomatique », mais peut-être plus pour longtemps.



  • lundi 30 mars 2009 à 17h25, par Crapaud Rouge

    « Comme si - finalement - nous ne faisions rien d’autre que nous époumoner dans le désert. » : meuh non, meuh non ! Des tas de gens vous lisent, et vous apprécient ! Hautement !

    L’unique raison de la léthargie est l’absence de pensée neuve et fondamentale. Le capitalisme est désormais encerclé de contestataires, mais comme King Kong au milieu d’une meute de loups. Les critiques sont pertinentes, certes, et c’est une consolation de les entendre, mais aucune image du puzzle n’en ressort. A l’inverse, un rapide coup d’œil sur Wikipedia à l’entrée « Siècle des Lumières » montre que 1789 n’est pas tombé du ciel, et les nuls de mon espèce y découvrent en passant la « Glorieuse Révolution » de 1688/1689 qui vit l’instauration, en Angleterre, d’une « monarchie constitutionnelle et parlementaire à la place du gouvernement autocratique des Stuarts », cad l’ancêtre le plus proche de notre République parlementaire.

    En attendant que les intellos du vingt-et-unième tirent leurs conclusions de ce capitalisme décadent, je suggère de commencer, non par des méga-manifs pour méga-contentement, mais par une méga-fête de trois jours au moins, avec tam-tam et zizique pour se bouger le cul, pas pour la cûltuuuure. Impossible à organiser, me direz-vous, certes, l’idée me laisse sceptique, mais si cette impossibilité était justement le fond commun à tous ces problèmes qui tapissent nos murs du sol au plafond ? (Quoiqu’il en soit, je me suis bien amusé à rédiger ce petit commentaire.)

    • lundi 30 mars 2009 à 17h37, par Crapaud Rouge

      Coquille : je voulais dire « méga-manifs pour méga-MEcontentement », et culture ne prend pas d’accent circonflexe. Son cul m’a sans doute gêné...

      • lundi 30 mars 2009 à 20h22, par JBB

        Alors là, tu ne peux pas savoir comment j’approuve : l’un des grands torts de toute pensée militante depuis la fin des années 1970 a été d’abandonner la fête, la drogue et le sexe, de considérer que la politique était chose trop sérieuse pour se livrer à de tels abandons. Alors que non : il n’est rien de plus unificateur qu’une énorme fête en musique, avec la possibilité de se libérer enfin. Des choses qu’avaient (ou plutôt : ont, même s’ils sont moins présents) des mouvements comme Reclaim The Street, la fraction revendicative de la tekno ou tout groupuscule politique ne se prenant pas trop au sérieux. La révolution, d’accord, mais qu’on rigole au moins. Sinon ça vaut pas la peine.

        Donc oui :

        Il faut « une méga-fête de trois jours au moins, avec tam-tam et zizique pour se bouger le cul ».

        Et oui aussi :

        « Cette impossibilité (est) justement le fond commun à tous ces problèmes qui tapissent nos murs du sol au plafond. »

        (Et je ne dis pas ça pour le mot gentil qui ouvre ton commentaire :-) )



  • Ce serait tristement amusant de relever les multiples contributions du PS dans la plupart des mesures prises par Naboléon.
    Car ne doutons pas que nombreuses sont ces mesures qui ne font que poursuivre la politique menée par notre glorieux parti prétendu socialiste : ainsi, le bouclier fiscal est la continuation de la baisse des impôts sur les revenus élevés entamée par Fabius.

    Alors quand le principal parti d’opposition n’est qu’une annexe du parti au pouvoir ( et c’est normal puisque dans le système actuel, ils sont les représentants de la bourgeoise financière que représente les 1% de Français les plus riches ), c’est difficile de se révolter tant on est convaincu qu’il n’y a pas d’alternative.

    Je relève que tu n’as toujours pas lu Après la Démocratie d’Emmanuel Todd, car il explique très bien comment et pourquoi on en est là.

    • lundi 30 mars 2009 à 19h05, par Crapaud Rouge

      « c’est difficile de se révolter tant on est convaincu qu’il n’y a pas d’alternative » : c’est aussi mon avis. J’ajoute seulement que « l’alternative » à construire est si vaste qu’il ne faudra pas moins d’un bon siècle pour la voir apparaître. De sorte que « la force des choses », (climat, énergie, etc.) sera plus prompte à faire surgir du nouveau que celle de la pensée. Finalement, je me demande si le capitalisme n’a pas réussi à installer son pire ennemi : l’anarchie. Certes, les dominants sont toujours en place, (et pour longtemps), mais on sent bien qu’ils sont dans la panade. L’ultra-libéralisme a été leur dernier projet « cohérent » (selon leur point de vue). Désormais, ils n’ont plus que des bouts de ficelle à offrir aux dominés : c’est en ce sens que la situation est « anarchique ».

      • @ M : « Ce serait tristement amusant de relever les multiples contributions du PS dans la plupart des mesures prises par Naboléon. »

        Plus que triste, pathétique. Et ces bougres qui s’entêtent à se nommer socialistes ne lâchent pas l’affaire, en plus : il y a dans le Marianne ce cette semaine un article du ridiculement ségoléniste Renaud Dely. Lequel dégomme Aubry (rien à dire, c’est pas moi qui vais la défendre) et chante les vertus des Delphine Baltho, Emmanuel Valls et autres Rebsamen. Au menu, glorification de « l’ordre juste », de « la sécurité » comme valeur essentielle ou de la vidéosurveillance.
        Donc, oui, le PS porte une lourde responsabilité, et oui, ce n’est pas fini.

        « Je relève que tu n’as toujours pas lu Après la Démocratie d’Emmanuel Todd »

        Si fait, si fait. Enfin presque : j’en suis à la page 197, en plein coeur du chapitre sept sur la guerre des classes. Le bouquin est plus que passionnant (j’avais pas eu le même enthousiasme pour un livre « politique » depuis De quoi Sarkozy est-il le nom), mais comme j’ai le tort de lire plusieurs livres en même temps, je ne l’ai pas encore terminé.

        @ Crapaud Rouge : « De sorte que »la force des choses« , (climat, énergie, etc.) sera plus prompte à faire surgir du nouveau que celle de la pensée. »

        Tout à fait. Et on tombe sur la thèse d’Hervé Kempf, cette idée que l’urgence écologique et l’urgence sociale vont de paires.

        • lundi 30 mars 2009 à 21h52, par un-e anonyme

          Cher JBB

          je lis quasi-tout sur article11 depuis le début, avec quelques coup de coeur pour les entretiens (gloupier, général situationiste, etc...). C’est une première prise de parole.

          Pour en venir au coeur du sujet, Domota nous a donné une sacrée leçon, le LKP a obtenu 135 points, et pas seulement les 200 euros ; ça met du baume au coeur après ces deux journées de grève pétrifiées avant même d’avoir eu lieu.
          À moyen ou long terme, Kempf semble très juste. D’ailleurs ce qui se passe en ce moment est un décrochage brutal des modes de consommations (Kempf/Théorie de la classe de loisir) dont -on est dedans- on n’a pas encore fait l’analyse historique. Ou plutôt si, en microcosme, dans le Gwada laboratoire, où les producteurs de fruits et légumes sont réapparus directement, en ne passant plus par la case supermarché, par exemple.

          r’joue-moi z’en d’ta musique !

          Jean-Pierre, jeune lecteur du Var

          • lundi 30 mars 2009 à 23h19, par JBB

            « je lis quasi-tout sur article11 depuis le début »

            Tu as très bon goût :-)

            (Pour les entretiens, nous allons relancer la rubrique. D’ici début avril, ce devrait repartir)

            Et en effet, la Guadeloupe est une belle leçon. Preuve que quand on se sert les coudes et qu’on a décidé de « mordre et tenir » (copyright Fontenelle), on finit par décrocher ce qu’on veut. Tu as raison de mettre l’accent dessus : c’est le plus beau des contre-exemples à mon billet, démonstration que certains ont su faire reculer Sarko. A nous de faire de même, maintenant.

            • mardi 31 mars 2009 à 03h09, par Naunaunawak

              Pour l’analyse historique, il va falloir s’accrocher... vous vous souvenez la révolution de Saint Domingue ? Si si, il y a eu une révolution qui a débouché sur le premier « État noir » en 1804. Le propos n’est pas exactement là, mais il s’agissait bien d’une colonie française, et mes études d’histoire me portant sur l’instrumentalisation de l’histoire, de sa falsification, ou, au contraire, de sa « silencification »... Je ne connais pas le terme, et c’est un signe, car pour étudier l’histoire de cette révolution, les seules lectures récentes et pertinentes sont en anglais... Notamment un ouvrage intitulé « An Unthinkable History. The Haitian Revolution as a Non-event » qui a pour sous-titre « Silencing the Past. Power and the Production of History ».

              Cela me fait dire que tant que la Révolution ne sera pas écrite, elle ne se sera pas produite...



  • Excellent article et brillants commentaires...

    Je me rappelle, avril 2002 (un septennat déjà), entre les deux tours des élections, des millions de personnes dans la rue...

    Le soir du deuxième tour : seulement quelques milliers. A Nantes, on était à peine quelques centaines.

    Ouf, le grand méchant JMLP était évincé, les gens ont pu rentrer chez eux, tranquillement devant leur télé, leur console etc...

    Putain, moi ce soir-là, j’étais véner, l’après_midi, j’étais allé voté nul ; un bulletin récupéré à un concert manif :
    « Du possible on étouffe, et vous vous faites quoi dimanche soir ? »

    Mais, les militants en manque d’air n’étaient pas nombreux, quelques anars, quelques rouges ligués entre eux... Puis moi et quelques uns sans drapeaux, ni organisation, juste la rage au coeur !

    Non, c’est clair la société de consommation nous a bien absorbé, on veut bien faire la révolution mais dans son salon, on veut bien manifester, à la limite jeter quelque cannettes sur les flics, mais pour les barricades, pour occuper le pavé, on repassera....

    Une lueur d’espoir ?
    Le 19 mars, fin de manif à Rouen, après quelques feux de broussailles devant le Medef, vite réprimandés par la force lacrymogène, un jeune qui avait rebalancé les grenades vers les keufs discute avec deux « vielles » (20 ans en 68, on peut dire que c’est vieux, non ?) :
     × lui, il faut s’organiser, rester ensemble (les deux femmes étaient comme pas mal de monde restées alors que l’on se faisait gazer), etc...
     × elles : c’est vrai que sans violence, on arrive à rien, l’histoire nous l’a montré"

    A quand des manifestants qui ne reculent pas devant les trois pas en avant des crs...
    A quand une manif qui ne se termine pas...

    see ya !

    Voir en ligne : kprodukt, blog actif et militant (?)

    • Eheh, je trouve aussi les commentaires très « brillants » :-)

      « Ouf, le grand méchant JMLP était évincé, les gens ont pu rentrer chez eux, tranquillement devant leur télé, leur console etc... Putain, moi ce soir-là, j’étais véner. »

      Tout pareil. Ce sentiment d’avoir participé à une contestation prête-à-manif, sans réflexion ni envie d’aller plus loin. J’ai fait comme toi, ce soir-là et ceux d’avant, bouteille de rosé à la main, en quête de ce qui n’adviendrait pas.

      « A quand des manifestants qui ne reculent pas devant les trois pas en avant des crs... »"

      Pour l’instant, les seuls que j’ai vus tenir tête aux CRS étaient des militants aguerris, CGTistes énervés ou anars organisés. Sinon, à chaque mouvement d’orteil des forces de l’ordre, ça a toujours été la débandade.



  • Là tu as fait fort avec le thème de ton billet...
    Tu oses tout ! C’est beau.

    Moi, indécrottable, je mettrai l’accent sur les ravages de l’individualisme et de la perception de l’autre comme simple objet de consommation, donc sur l’appauvrissement du relationnel.

    Récemment j ‘ai lu quelques mots d’un old con ayant connu les seventies… j’ai oublié qui et où… son résumé était : « On se défonçait et on parlait toute la nuit ! » Superbe formule de par sa justesse et sa simplicité. La défonce existe tjrs, pas de problème pour les amateurs… Et le reste ?

    Alors bien sûr d’aucuns diront que passer ses nuits à refaire le monde est le meilleur moyen de ne jamais le changer… OK, il y a du vrai. Mais depuis n’a-t-on pas régressé ? Mon analyse est sans doute parasitée par l’affectif, mais la question reste posée…

    La formule « ne plus rien avoir à perdre » a circulé… elle est très intéressante… now tu parles avec quelqu’un très pauvre (financièrement ) et tu t’aperçois qu’il a peur de perdre le très peu qu’il a… Moi même quand je me regarde ds la glace…

    Et si quelqu’un parvient vraiment – hélas – à cette conscience de n’avoir plus rien à perdre, n’est-il pas plus tenté par l’autodestruction (qui est un des devenirs de l’individualisme) que par… par quoi ? L’alternative n’existe pas, pas même déjà dans l’imaginaire.

    Sorry pour le côté « café du commerce » de ces propos mais c’est écrit en mode expéditif–sommaire !!!

    Voir en ligne : http://www.combatenligne.fr

    • Salut Jean-Luc

      « Mais depuis n’a-t-on pas régressé ? »

      Il est évident que oui. Les longs palabres ne changent pas le monde, mais ils démontrent au moins l’envie collective et la prise de conscience politique. On en est très très loin, aujourd’hui.

      Je pense qu’il y a cette accumulation de raisons que tu cites : fin de l’espoir politique, victoire de l’individualisme, volonté de préserver le peu qu’on a… D’autres encore, parfaitement résumées par le passage que Damien a copié-collé un peu plus bas en commentaires.

      [« Tu oses tout » : eheh… je ne perds pas de vue que c’est aussi à ça qu’on reconnaît les cons… :-) ]

      • mardi 31 mars 2009 à 19h59, par pièce détachée

        @ JLG :

        Vous écrivez : « La formule « ne plus rien avoir à perdre » a circulé… elle est très intéressante… now tu parles avec quelqu’un très pauvre (financièrement ) et tu t’aperçois qu’il a peur de perdre le très peu qu’il a… Moi même quand je me regarde ds la glace… / Et si quelqu’un parvient vraiment – hélas – à cette conscience de n’avoir plus rien à perdre, n’est-il pas plus tenté par l’autodestruction (qui est un des devenirs de l’individualisme) ? ».

        Ça me rend perplexe quant à ce que j’ai écrit ci-dessus : « Rien d’autre à perdre que cet ennui mortifère dont l’air est chaque jour plus saturé ».

        Entre le « rien-à-perdre » qui découle d’un ras-le-bol des accumulations matérielles (« cache-toi, objet ! », lisait-on en mai 68) et qui fait qu’on jette tout pour s’en aller respirer les mains dans les poches, et le « rien-à-perdre » dépressif tenté par l’autodestruction... se pourrait-il que le premier soit parfois une « simple » (!) euphémisation du second ? Le suicide par plongeon dans la mêlée collective ? Je disperse ce qui me reste pour disparaître corps et biens, ou je garde quand même mon imaginaire pour essayer encore une fois de le tisser avec celui d’autrui ?

        Bon ! C’est pas encore l’heure de distribuer les sujets du brevet avec Stendhal et don Quichotte ! Je sors !



  • Je suis convaincu que rien ne bougera tant que le prolétaire pourra se rendre au supermarché. Il pourra s’y rendre tant que les mécaniques de l’exploitation séviront (produit pas cher = main d’oeuvre exploitée).

    Mordage de queue. En ce sens, le libéralisme est victorieux.

    Lorsque le libéralisme triomphait, on (les médiatico-intellectuels) parlait de la fin de l’histoire. Le « sens de l’histoire »... blabla... l’histoire est une étude, ça n’a rien à voir avec le destin, on est pas à l’église. Par contre, le progrès, ça c’est un programme. Le XXe siècle est un laboratoire édifiant, seules les expériences libertaires sont viables pour le peuple.

    L’ennemi de l’individu, c’est l’autorité.

    On manque d’utopie ? L’idée est pourtant sous nos yeux. Les lois scélérates et les manipulations sémantiques ont rendu le peuple frileux.

    Je n’ai aucun espoir. Mais si tu lances l’appel du 18 juin, j’en suis (ça serait pas mal, le 18 juin dans la rue, illimité, dormir sur place, musique et tout le bazar)

    • « Je suis convaincu que rien ne bougera tant que le prolétaire pourra se rendre au supermarché. »

      J’ai ce même sentiment. Même s’il faut avouer que le contre-exemple donné un peu plus haut, celui de la Guadeloupe, montre qu’il n’est pas toujours besoin que tout s’écroule pour que les gens se bougent les fesses. Un parallèle qui a ses limites, tant la société de classes est sans doute encore beaucoup plus crue et flagrante là-bas qu’ici.

      « Mais si tu lances l’appel du 18 juin, j’en suis »

      Je serais plutôt du style à lancer l’appel des 18 bouteilles de rosé. Voilà une cause qui me parle vraiment !



  • Salut JBB,

    J"éprouve un sentiment d’impuissance vis à vis de Julien Coupat, tant j’ai le sentiment que nous sommes investis dans le combat économique et que nous délaissons l’aspect humain, et pourtant c’est sans doute par là que passera la véritable révolution.

    P.S. je crois que les oreilles sont rebattues et non pas rabattues

    • mardi 31 mars 2009 à 12h37, par Luc

      en ce qui concerne les inculpés de Tarnac une large part de responsabilité revient à la gôche-plurielle, qui au pire s’est frottée les mains en voyant la droite faire le travail à sa place, et où en tout état de cause on n’était pas prêts à perdre une seule voix du côté de l’électorat sécuritaire.

      • mardi 31 mars 2009 à 12h42, par JBB

        @ Nonette : le sentiment d’impuissance est bien normal : à part prendre d’assaut sa prison (pas vraiment à l’ordre du jour…), je ne vois pas trop ce qu’il est possible de faire. Si ce n’est garder précieusement à l’esprit combien toute cette affaire est pure machination, et le répéter en chaque occasion.

        PS : merci, je corrige de ce pas.

        @ Luc : le silence de tous les partis de gauche dits réformistes sur la question de Tarnac est en effet aussi abyssal que pathétique. Pour cette raison que tu donnes : ne pas « perdre une seule voix du côté de l’électorat sécuritaire ».

        • mardi 31 mars 2009 à 13h08, par Luc

          à quoi on peut ajouter, JBB, un célèbre et peu glorieux précédent : celui de... l’affaire Dreyfus ! Nul ne conteste qu’elle aît pu apparaître, rétrospectivement, comme une sorte d’événement fondateur de la gôche politique. Mais ici encore la mémoire dite collective aura été très généreuse : car sur le moment le Parti saucialiste avait pété de trouille, jusqu’aux élections de mai 1898, à la perspective de perdre les voix des électeurs antisémites.



  • Salut,

    je cite un passage :

    Dans les pays capitalistes de la « vieille Europe », où les relations sociales étaient fondées sur des compromis datant de la fin de seconde guerre mondiale, on a assisté à une régression sans précédent. Grâce aux politiques « libérales », le chômage est redevenu un chômage de masse, la pauvreté fait une réapparition spectaculaire dans des pays riches et relativement égalitaires comme l’Allemagne. En même temps, tous les moyens de résistance des travailleurs sont réduits, soit par la répression pure et simple – le droit de grève est très encadré en Allemagne ou en Grande-Bretagne – soit par l’intégration des syndicats à l’État et le plus souvent pas une combinaison des deux méthodes. Les niveaux d’activité gréviste sont en baisse constante et tout le « beau monde » considère comme un progrès de la démocratie l’atonie des plus défavorisés. La pulvérisation sociale de la classe ouvrière a été mûrement planifiée, par la destruction des grandes concentrations ouvrières[9], par les nouvelles conditions de travail (multiplication du travail posté, des horaires décalés, etc.), par le logement, par la pression de la société de consommation qui conduit à un endettement massif qui ne laisse plus aucune marge de manœuvre pour faire grève.

    Ce ne sont pas seulement les organisations ouvrières traditionnelles qui sont touchées, vidées de leur substance et marginalisées. Ce n’est pas seulement l’idée de l’émancipation sociale qui est devenue un véritable interdit. C’est l’idée même que la vie sociale, une vie sociale simplement décente, ait, en elle-même, de la valeur. Le nouveau monde « libéral » est monde parfaitement hobbesien dans lequel les individus sont en rivalité permanente, pour l’emploi, pour le logement, pour l’acquisition de biens de consommation qui n’ont aucun usage[10]. On parle souvent du développement de l’individualisme. C’est une expression trop vague. L’individualisme supposerait que les individus cherchent à affirmer leur singularité, à se distinguer de la multitude, par leur action ou par leur savoir, ou par leur genre de vie. Rien de tout cela. Le soi-disant individualisme est un conformisme généralisé que Marcuse (comme d’autres philosophes de l’école de Francfort) avait fort bien analysé. Ainsi on peut lire dans L’homme unidimensionnel[11] :

    Aujourd’hui la réalité technologique a envahi cet espace privé et l’a restreint. L’individu est entièrement pris par la production et la distribution de masse et la psychologie industrielle a depuis longtemps débordé l’usine. Les divers processus d’introjection se sont cristallisés dans des réactions presque mécaniques. Par conséquent il n’y a pas une adaptation mais une mimésis, une identification immédiate de l’individu avec sa société et, à travers elle, avec la société en tant qu’ensemble.

    http://denis-collin.viabloga.com/ne...

    je crois qu’on est mal barré...quand j’entends les « pauvres » employés, ouvriers, etc. qui sont en train de perdre leur boulot, le ton gentillet ... Nous sommes des larves !

    • Je pense que cela viendra dans un truc genre quand des gens se couchent spontanément face aux cars de bleus devant les écoles .
      La bavure, à l’encontre d’un quidam pas spécialement « connoté » éthnique ou gaucho, la bavure qu’il ne fallait pas, un enchainement à la grèque ...

      • @ Damien : citation bienvenue :-)

        (Les larves se changent parfois en papillons, non ?)

        @ Yelrah : l’hypothèse du martyr pourrait clairement, comme souvent par le passé, mettre le feu aux poudres. A tout prendre, je préférerais qu’on saute cette cause et qu’on passe directement au retournage de pavés, mais…



  • mardi 31 mars 2009 à 15h06, par Crapaud Rouge

    Petit extrait d’une interview d’Emmanuel Todd en rapport (non sexuel) avec l’article :

    Peut-on dire que la lutte des classes, sous des formes nouvelles, a de beaux jours devant elle ?

    Il n’y a pas de structuration collective, mais on sent monter une révolte, sans violence mais déterminée, des classes moyennes contre les classes supérieures. L’histoire s’accélère et nous rapproche de cette échéance. Seul le 1 % supérieur de la société profite de la richesse, dans un système économique « auto bloquant » : si tous les gains vont à cette frange, on risque des affrontements désordonnés et des dérives autoritaires et le système s’arrête. C’est cette menace qu’on est en train de vivre.

    Voir ici : http://horizons.typepad.fr/accueil/...



  • mercredi 1er avril 2009 à 15h08, par un-e anonyme

    sur le bouquin d’Après la Démocratie d’Emmanuel Todd, il y a pas quelqu’un qui a un scan, un document numérique, ça a l’air d’avoir fait pschitt dans les têtes

    sur la redécouverte de l’anarchisme par le plus grand nombre, pourquoi pas bien que le grand écart intellectuel, entre la peur du lendemain qui bloque les esprits et l’ouverture vers une conscience de soi la plus large possible, soit très important

    mais il faudra pas que l’anarchisme devienne le parti anarchique de Bretagne, ou de Corrèze, ou de n’importe quelle autre région, que l’individu se relibère et redécouvre sa puissance de vivre, oui
    mais pas en passant par un nouvel asservissement partisan, le grand écart oui mais en ne passant pas par toutes les autres étapes de son ancien moi idéologique (tel les partis)

    et c’est là que je pense qu’il y a un point d’accroche, je vois mal comment ce mouvement d’abandon d’une partie de soi c’est à dire de ses idéos, qui est toujours une chose très violente dans la construction de son être psychique, va pouvoir s’étendre d’un coup à de nombreuses personnes

    et quand bien même la faim, la soif les tirailleraient, l’homme est avant tout un animal psychologique avant d’être un être naturel, et réfléchi
    c’est sûr qu’il doit pour atteindre cette libération vers un état de conscience du soi, intimement lié à l’autre, abandonner son asservissement psychologique, mais pour cela il doit entrevoir quelque chose de mieux, et c’est là que le bas blesse

    à l’horizon il n’y a rien pour lui qui lui donne l’envie de se bouger les deux fesses, il sait que les idéologies modernes sont mortes, et leurs représentations les partis mais il ne voit pas encore bien, et très clairement le nouveau mécanisme de vie qui se profile

    et pour sûr ce nouveau mécanisme existe, mais il faut être très éveillé pour le voir, personnellement je ne le vois pas ou alors je ne veux pas le voir (malgré tous mes efforts pour défoncer tous les mythes constitutifs dans nos sociétés, je suis toujours bloqué, je résiste toujours à ou sur quelque chose, que bien sûr je n’arrive pas à voir)

    toutefois par déduction je pense que ce nouveau système reprendra des idées comme la simplicité dans la vie quotidienne, cette idée au moins je sais qu’elle fera partie du système

    NB : Jean-Guy Vaillancourt dans Mouvement écologiste, énergie et environnement - Essais d’écosociologie - 1982, bouquin que l’on trouve sur http://classiques.uqac.ca/contemporains , analyse très clairement l’évolution des courants politiques écologiques, c’est très riche pour la compréhension et pour les références qu’il apporte

    PS : on trouve un scan Après l’empire d’Emmanuel Todd, sur
    http://depositfiles.com/files/l74fjnmpx

    Enfin pour finir je vais dire quelque chose qui ne va pas plaire, mais je pense que par moment il faut abandonner la radicalité pour avancer, et pour ça je pense qu’on doit donner une porte de sortie au libéralisme, à ses représentants les gouvernements des pays qui le pratiquent, et à tous ceux qui s’en réclament

    les mécanismes tel que perdre la face, bloquent de nombreuses personnes qui ne veulent pas admettre qu’ils ou elles se sont largement plantées intellectuellement

    il faut pour pouvoir passer à l’étape suivante à mon avis encore (je me répète mais je sais que beaucoup qui vont me lire vont se braquer contre cette idée), ouvrir les portes pour les laisser sortir et prendre la place

    pour le dire autrement ces gouvernements mondiaux sont si jusqu’au-boutistes, si extrémistes, à comprendre ils ont tellement allumé de feux, qu’ils leur ai tout bonnement impossible en termes de moyens, c’est à dire de temps nécessaire, de personnes affectées aux tâches gouvernementales de répondre à ces feux

    à l’image de ce qu’avait fait Mandela en Afrique du Sud, qui savait lui, qui comprenait que pour sortir de cette situation inéxtricable, impossible à démêler, il était impossible que les noirs tuent les blancs pour satisfaire des vengeances, que ce serait contraire, à l’opposé d’une construction sociale, c’est toutefois une solution qui doit être approuvée socialement
    (dernier PS j’ai dû piquer la dernière phrase quelque part mais je ne sais plus où, enfin ça ne me semble pas moi être l’auteur c’est pas mon style d’écriture, c’est pas très important)

    Je mets juste avant de poster, ces deux liens sur le Lkp et sur sa franche réussite
    2009 Ils réclamaient, ils revendiquaient - Ils ont obtenu, ils ont acquis

    http://www.file-upload.net/download...

    http://www.file-upload.net/download...



  • mercredi 1er avril 2009 à 22h59, par Pachenka

    Merci pour ce billet, JBB.

    J’avais lu le texte de Gilles Dal qui m’avait fortement interpellée ressassant souvent les questions qu’il soulève.
    L’année passée j’ai fait une « expérience » de terrain en me mobilisant pour une cause qui me paraît importante.
    Je voulais soutenir l’initiative d’Etienne Chouard et j’ai participé à une Manifestation Obstinée Contre le Régime Illégitime Européen (MOCRIE).
    Dans ma ville, ce fut le flop total.
    En discutant avec les gens on apprend beaucoup et j’ai été sidérée par le faible niveau de conscience politique, l’indifférence et l’absence d’information chez la plupart. J’ai entendu des choses du style « moi, je n’ai pas le temps », « ... pas le courage », « ça m’ennuie ».
    La personne rencontrée la mieux informée (et la plus remontée) était un artiste (sur)vivant avec le RMI...
    A chaque fois je suis rentrée chez moi le moral dans les chaussettes. Avec l’horrible impression de prêcher dans le désert :o)
    Hélas, il faut aussi pointer du doigt la paresse intellectuelle mais là encore c’est voulu par ceux qui ont mis en place le système. Rendre les gens les moins combatifs possible par la désinformation, la peur et la politique des loisirs. Et bien sûr, il y a aussi les grosses journées de boulot.
    La visite des bleus sur le lieu de la manif a achevé de me décourager.
    La mobilisation antillaise m’a enfin mis un peu de baume au coeur !

    • jeudi 2 avril 2009 à 01h16, par un-e anonyme

      80% des gens ont comme seule source d’info .....la télévision !!!!
      Alors vous êtes encore étonné ????
      Et les autres s’ils lisent ouest torche ,le daubé et libé ,vous pensez que ça donne quoi dans leur povre tronche ?
      Qu’est vous croyez que les gens qui palpent en ont à foutre de la pauvreté croissante ?
      Les merdes qui changent régulièrement de 4x4 ,qui se payent leur merde de bateau tout neuf et tout pourri d’avance à 90000€ ( ça c’est juste pour un 9 métres) ,qui vont se faire bronzer l’hivers à la montagne et l’été sur la cote ...etc .Allez donc leur parler d’alternative au capitalisme .
      Pour revenir au texte du sieur Dale historien patenté ,l’expression« démocratie saine » .... illustre sa mauvaise fois de collabo.Encre un spécialiste qui niera tout fascisme dans les politiques européennes actuelles.
      Quant à parler des « victoires maigrelettes » pour finir par écrire que depuis l’élection de sarko il n’y a pas un point sur lequel nous ayons eu gain de cause, c’est pratiquer l’« art » du rectificatif !
      Dans le social c’est comme dans l’environnemental :
      Quand on demande aux pollueurs de venir dépolluer et trouver les solutions pour pas polluer ,
      sont trés contents car que de profits en perspective.
      Alors tant que les mécontents marcheront bien sagement encadré par des collabos que de profits en perspective .
      A oui au passage tout envie de foutre mon poing dans la gueule aux collabos qu’aux crétins se revendiquant parfois de l’anarchisme et qui pratiquent l’ostracisme en qualifiant le furher de NAIN . Je me sens tout aussi solidaire de Julien que des nains en ce moment

      • @ Nuitard anonyme :

        Je vous suggère d’envoyer votre élégante volée de bois vert à tous ceux qui n’en fichent pas une.

        Ce sera certainement plus utile.

      • @nuitard anonyme

        « qui pratiquent l’ostracisme en qualifiant le furher de NAIN . Je me sens tout aussi solidaire de Julien que des nains en ce moment »
        Ah ! enfin un retour du politiquement correct , ça manquait. La morale revient, on commençait à douter. Avec un p’tit zeste de leçon de morale démagogique à la fin comme il sied à tout...

        Et pis les gens y font rien qu’a regarder la télé et en plus y sont bêtes, et pis ceux qui palpent y z’en ont rien à fout’ : mais c’est ...la vision pessimiste et réaliste qu’on doit entendre avant les manifs, pour se donner du courage (dans les cars de CRS ?).

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