mercredi 29 octobre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 11h52, par
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Un joli camouflet ! En refusant l’offre de Clearstream - l’arrêt des poursuites contre un engagement à ne plus lui nuire -, Denis Robert fait coup double, énième preuve de panache et habile renversement de perspective. Avec ce doigt d’honneur à la multinationale, comme un rappel de ce que ses confères n’osent pas, le journaliste remet morale et engagement à l’honneur. Salutaire.
Non.
Juste : non.
Remballez votre proposition.
Oubliez votre coup de communication.
C’est mort…
Clearstream avait pourtant bien fait les choses, ficelé comme il faut son prétendu cadeau.
Mettant dans la balance l’abandon des poursuites et la non-exécution des décisions déjà rendues.
Et proposant, à grand renfort de publicité et de communiqué de presse, de « mettre un terme aux procédures judiciaires engagées contre lui pour diffamation » si Denis Robert acceptait de renoncer à la poursuivre.
Une offre faite sur le ton d’un grand seigneur condescendant, tellement sûr d’avoir épuisé et pressuré son adversaire que celui-ci ne pouvait se permettre de refuser.
La multinationale se la jouant bon prince, humaine, compréhensive, alors même qu’elle n’avait cessé de prouver ces six dernières années combien elle était comme toutes les multinationales du monde : ni bon prince, ni humaine, ni compréhensive, mais froide, dangereuse et sans pitié.
Et ?
Et en face, Denis Robert : non.
Un brillant refus, annoncé dans Libération en même temps que le pourvoi en cassation du journaliste1
Et une contre-offensive qui marque la victoire de Denis Robert.
Ce dernier renversant la perspective, reprenant l’avantage, envoyant promener la chambre de compensation.
Justiciable aux abois et acculés par les procès qui se paye le luxe de dire non, jouissif et joli doigt d’honneur balancé à la face de la multinationale.
Autant qu’il est destiné à ceux de sa profession, gens qui ne l’ont que peu soutenu, quand ils ne lui ont pas savonné la planche.
Hommes de presse dénonçant l’inexactitude ou la posture de ses écrits pour ne plus voir ce miroir inverse que le journaliste leur renvoyait.
Triste image d’une corporation par trop soumise aux ordres, pressions et compromissions.
Et ne jouant plus depuis longtemps cette fonction de pugnace et indépendant redresseur de torts qu’elle se complait encore à croire sienne.
Bref : dans une profession où morale et engagements ont perdu beaucoup de leur sens, l’exemple de Denis Robert est à saluer sans retenue.
Illustration, romantique s’il en est, qu’on a toujours le pouvoir de dire « non ».
Et qu’il y a des propositions qui ne grandissent pas plus ceux qui les acceptent que ceux qui les formulent.
Pour finir, juste cette belle conclusion du journaliste : « Thoreau disait qu’un homme seul et déterminé est plus fort qu’un gouvernement. Je suis de moins en moins seul, de plus en plus déterminé. Et ils ne sont qu’une multinationale dont le siège est à Luxembourg. »
Phrase qui sonne comme un écho à l’écroulement de tout un système financier.
Hier inattaquable et invincible, aujourd’hui colosse aux pieds d’argile, pleurant misère à force de sentir sa fin venir.
Et fantoche dont tout le monde sait désormais que sa prétendue puissance ne repose que sur du vent et le mensonge.
Dans les jours, les mois à venir, il faudra se souvenir de cette phrase de Denis Robert : « Je suis de moins en moins seul, de plus en plus déterminé. Et ils ne sont qu’une multinationale dont le siège est à Luxembourg. »
Ça claque !
1 Pour rappel, l’AFP précise : Le 16 octobre, la cour d’appel de Paris avait triplement condamné le journaliste pour diffamation au titre de ses ouvrages « Révélations » et « La Boîte Noire », parus en 2001 et 2002 aux Arènes, ainsi que pour un documentaire diffusé sur Canal + dans lesquels il accusait notamment la société financière luxembourgeoise d’avoir blanchi de l’argent sale. L’auteur, qui a annoncé mercredi dans son mail qu’il se pourvoyait en cassation, a été condamné en appel à payer un total de 4.500 euros de dommages et intérêts ainsi que plusieurs milliers d’euros de frais de justice.