jeudi 3 septembre 2009
Le Charançon Libéré
posté à 09h52, par
19 commentaires
Qu’il est doux d’aborder sereinement la question des rapports entre jeunes et policiers avec ceusses-là même qui sont concernés ! Qu’il est satisfaisant de prêter une oreille compréhensive aux doléances des citoyens, d’écouter cette voix qui monte d’en bas ! Parfait dans ce rôle, soucieux de dissiper le malaise entre uniformes et jeunes, Hortefeux vient de frapper un grand coup. En justice…
Il est couillu, Brice.
Courageux.
Et même intrépide.
Et s’il est de renommé publique que ce mec ne recule jamais devant le danger, il faut reconnaître qu’il vient de frapper un joli coup supplémentaire dans l’audace.
Grimpant haut dans l’échelle de la bravoure.
Si haut, même, qu’il n’est nul doute que son grade de colonel de réserve de l’armée de l’air doit lui être bien utile, tant à ces hauteurs stratosphériques de vaillance il n’est que les professionnels pour conserver tout leur sang-froid et la maîtrise de leurs mouvements.
Bref : Brice a de l’estomac.
C’est dit.
En un communiqué fort bien troussé1, le vaillant ministre de l’Intérieur a fait connaître hier sa décision de poursuivre ceux des habitants de Bagnolet qui s’étaient montrés assez indignes pour affirmer que la police était responsable du décès du jeune Yakou Sanogo2 et assez malchanceux pour être repris par Libération.fr et par l’AFP.
Une plainte en diffamation justifiée par la considération « que ces propos portent atteinte à l’honneur et à la considération de la police nationale ».
Point sur lequel il est difficile de donner tort au sémillant Brice, tant il est vrai que « l’honneur » et « la considération de la police nationale » sont tombés si bas qu’il est bien normal de tenter un geste aussi ridicule que désespéré pour les sauver.
Comme il est malaisé de ne pas applaudir à la stratégie ministérielle, Hortefeux faisant montre d’un véritable sens tactique de sioux en choisissant de ne s’en prendre qu’aux habitants à la langue un peu trop fourchue, isolés et sans relais judiciaires, et non aux puissants et solides médias qui ont choisi de relayer leurs propos ; courageux mais pas téméraire, hein…
Bravo, donc.
Sincèrement.
Certaines mauvaises langues - j’en connais, hein… - persifleront à leur habitude, notant que c’est là une bien étrange façon de renouer le dialogue entre jeunes et policiers ou de dissiper le malaise entre les uniformes et ceux qu’ils matraquent, objectif affiché de la très médiatique table ronde quele ministre a organisé lundi devant les caméras et en la seule présence d’associations amies.
D’autres ne manqueront pas de souligner que Brice Hortefeux tente là, à bon compte et sur le dos de deux-trois habitants de Bagnolet ayant eu la mauvaise idée de l’ouvrir un peu trop, de redorer son blason auprès de fonctionnaires de police qui commencent à en avoir ras-la-matraque de leur ministre.
Je laisse - bien évidemment - à ces indélicats personnages la responsabilité de leur propos.
Et je me contenterai, quant à moi et en un joli acte de civisme, de rappeler au vaillant ministre qu’il est bien d’autres cas où d’infâmes salopards se sont permis d’atteinter à « l’honneur » immaculé et à la très respectable « considération » dûs à la police nationale.
Ainsi de l’ensemble des habitants de la cité de Clichy-sous-Bois, lesquels se sont impudemment permis d’émettre quelques doutes sur la responsabilité des pures et justes forces de l’ordre dans la mort de Ziad Benna et Bouna Traoré, électrocutés en octobre 2005 alors qu’ils tentaient d’échapper aux policiers les poursuivant.
De la famille et de amis du parisien Lamine Dieng, qui ont osé mettre en cause la version officielle du décès du jeune homme, un matin de juin 2007 et dans un fourgon de police.
Ou encore des jeunes de Villiers-le-Bel, qui ont eu l’incroyable culot d’accuser nos très respectables policiers d’avoir quelques chose à voir avec le décès de deux adolescents poursuivis par les uniformes, en novembre 2007.
Je ne doute guère, donc, que ces centaines de personnes seront poursuivies, elles-aussi.
Et par-delà, que les centaines de milliers de Français - voire davantage - qui osent critiquer régulièrement le comportement de nos uniformes auront à répondre de leurs paroles3.
Ne faiblis pas, Brice, arme ton bras vengeur et sois fort.
Il ne manquerait plus que les habitants de ce pays puissent en toute impunité remettre en cause la plus belle de nos institutions.
1 Disponible sur le site du ministère de l’Intérieur qui, il faut bien l’avouer, est sans doute l’un des endroits les plus moches de la toile. Difficile de croire que cela ne signifie pas quelque chose… J’ose espérer, en tout cas, qu’il n’est pas une agence créative quelconque à avoir touché quelques dizaines de milliers d’euros pour produire cette bouse innommable.
2 Lequel a trouvé la mort le 9 août dernier en tentant d’échapper à un contrôle des forces de l’ordre.
3 Oui : à commencer par les satanés salopards qui écrivent sur ce site…