lundi 26 juillet 2010
Le Charançon Libéré
posté à 23h53, par
10 commentaires
Fini de rire ! Interdiction de déconner, désormais, avec le fier drapeau français, qu’il s’agisse de le brûler en place publique ou de le ridiculiser en photo. Il en va de l’honneur national - quand même… Ceux qui tenteraient de passer outre, détestables personnages prêts à violer la loi, n’ont qu’à bien se tenir : le châtiment sera à la hauteur de l’outrance… euh, pardon : de l’outrage.
En l’un de ces emballements sémantiques dont les ténors de la droite régimaire se sont donnés le mot, Fredé(nic le langage) Lefebvre a livré son sentiment (mesuré) quant aux révélations quotidiennes accablant chaque jour davantage son compagnon de parti, Éric Woerth.
En l’espèce ?
Il s’agit, affirmait le porte-parole en une ridicule tribune publiée il y a quinze jours sur France Soir, d’un « viol collectif de nos principes » - rien de moins.
Et le même de réitérer, il y a quatre jours lors d’un meeting d’été des jeunes UMP, qualifiant « de « viol collectif » ce que les médias font subir aux Woerth », rapporte Libération, qui précise : « La salle est comblée. »
Voilà : comblée…
« Il ne faut pas avoir peur du mot », expliquait Frédéric Lefèbvre face au reproche fait à ceux de son parti d’user trop facilement du terme « guerre ».
Et tu devineras sans peine que la phrase peut s’appliquer à l’ensemble de son œuvre : ne jamais avoir peur des mots, c’est le secret.
Quitte à les forcer, un soir au coin d’une ruelle sombre, pour mieux leur faire perdre tout sens et toute réalité.
De l’outrance à l’outrage, il n’y a qu’un pas - et deux lettres.
Et tu me pardonneras de lier cette (aussi incroyable qu’indéfendable) formulation - Éric Woerth et Madame en pleine tournante, sauvagement pénétrés jusqu’à ce que mort médiatique s’ensuive - à cette loi passée comme un drapeau à La Poste, qui punit désormais d’un juste châtiment ceusses qui oseraient manquer de respect au national étendard.
Un rapprochement malvenu ?
C’est pourtant là chose semblable : tu n’attenteras pas à l’image de nos augustes personnalités politiques, pas plus qu’à celle de notre tricolore drapeau.
Et je suis sûr - pour rester dans le registre sexuel - que tu as noté que le prétendu outrage au drapeau ayant provoqué le vote de cette loi indigne - photo où un jeune homme se torchait avec la bannière nationale - était d’abord une histoire de fesses.
Lui mettait notre drapeau dans son cul.
C’est inacceptable.
En ce régime aussi martial que corrompu, il ne faudra sans doute pas attendre longtemps pour qu’il en aille des figures des hommes du pouvoir comme il en va désormais de la bannière tricolore : pas touche !
Et je ne doute pas qu’une même barrière légale les protégera tous semblablement, drapeau et époux Woerth, bout de tissu et élus corrompus.
La logique est la même, qui préfère s’arc-bouter aux symboles de la fonction plutôt que s’interroger sur la fonction des symboles.
Et il ne s’agit de rien d’autre que de faire taire (un peu plus) le peuple, lui déniant le droit à la critique et au blasphème.
Ce que souligne l’historienne Sophie Wahnich en une percutante tribune publiée dans Le Monde, citant des propos de Robespierre (datant d’août 1791) : « Dans tout État le seul frein efficace des abus de l’autorité c’est l’opinion publique, et par une suite nécessaire la liberté de manifester son opinion individuelle sur la conduite des fonctionnaires publics. (…) Leur permettre de poursuivre comme calomniateurs quiconque oserait accuser leur conduite, c’est abolir tout principe de liberté, abolir le citoyen comme sentinelle vigilante. Qui serait assez courageux pour exercer ce droit s’il s’expose à toutes les poursuites ? »
Si viol il y a, il est nôtre : c’est nous qui en subissons les effets et en payons le prix.
En un billet publié vendredi, quelques heures avant que le décret « relatif à l’incrimination de l’outrage au drapeau tricolore » n’entre en application, Maître Eolas invitait à profiter de notre liberté avant qu’elle n’expire.
Et il proposait à ses lecteurs d’outrager un drapeau et d’en publier la photo avant minuit.
Une bonne idée, évidemment.
Sauf que Maître Eolas est un juriste, et à ce titre n’entend logiquement la dénonciation d’une loi inique que dans les limites fixées par celle-ci.
Une limite à sa critique, l’enjeu de la liberté imposant de s’en prendre aussi à la loi une fois celle-là en application.
Pour modeste illustration, je te propose ce cliché, parfait symbole de la valeur à accorder à tout drapeau - le nôtre comme les autres.
Et je gage que la photo rentre dans les critères définis par le décret d’application1.
Je ne peux que t’inciter à faire de même - et si tu n’as nulle part où publier tes clichés, envoie-les nous, on s’en chargera.
Ensemble, tout devient possible : l’outrage au drapeau pourrait devenir un joli viol collectif de la loi.
C’est Frédéric qui va être content…
Nb : pour de très bourgeoises raisons de migration estivale, je ne répondrai pas aux éventuels commentaires ; ou alors, avec grand retard. Toutes mes confuses - mais ni le soleil ni le rosé n’attendent…
1 À savoir : Le fait, lorsqu’il est commis dans des conditions de nature à troubler l’ordre public et dans l’intention d’outrager le drapeau tricolore : 1° De détruire celui-ci, le détériorer ou l’utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou ouvert au public ; 2° Pour l’auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, de diffuser ou faire diffuser l’enregistrement d’images relatives à leur commission.