ARTICLE11
 
 

mercredi 28 mars 2012

Sur le terrain

posté à 10h15, par Lucien
6 commentaires

Embedded à l’UMP / N°1 : « Éléments de langage »

À l’UMP, ils laissent vraiment entrer n’importe qui. Lucien – expert en matière d’entrisme – a adhéré à l’une des sections « jeunes » de la capitale. Raie sur le côté, mocassins et jolie chemise, le courageux envoyé spécial d’Article11 en a profité pour prendre des notes, entre séances de tractage et réunions d’information. Premier épisode d’une série de six chroniques.

Cette chronique a été publiée dans le premier numéro de la version papier d’Article11, en novembre 2010. L’ami Lucien ayant continué son travail d’infiltration un certain temps, il nous a livré 5 autres épisodes1, qui seront mis en lignes dans les semaines à venir.

*

« Sarkozy est une merde et vous nous faites chier !  ». Blam. Comme ça, sans prévenir. En plein tractage ! Je pensais avoir été préparé à toute éventualité, briefé à la perfection. Mais une telle réaction... J’ai beau me creuser les méninges, je suis sûr qu’on ne m’a rien dit sur la manière d’y faire face. Résultat : je reste coi, paralysé. Tant de violence... 

J’avais pourtant eu droit à une formation en béton, surtout niveau rhétorique. Un instructeur spécial « retraite » avait ainsi été envoyé de la maison-mère pour nous alimenter, mes camarades et moi, en munitions sur le sujet chaud du moment. Pour contrer les assertions de nos adversaires – toutes rassemblées par mes collègues militants sous les vocables « droit à la glandouille » ou « prime à la médiocrité  » –, nous avions emmagasiné une kyrielle d’arguments. Dont un à utiliser « sans modération, car celui-là, il est vraiment de bonne foi  ». Et les autres ?

Pour parfaire mon apprentissage, on avait aussi évoqué les Roms. Quelques militants avaient résumé le problème : leur tort est de « confondre liberté de circulation avec liberté d’installation  ». Avant de m’expliquer que les Roms « tirent leurs caravanes en Mercedes et se paient régulièrement des opérations de chirurgie esthétique  ». Les grosses berlines, je savais2 ; le lifting et le botox, j’ignorais. J’avais même assisté à des parties de ping-pong verbal acharnées, disputées contre de véritables militants socialistes rencontrés entre deux distributions de tracts. Ping : « Je n’ai jamais payé aussi peu d’impôts que maintenant et, sincèrement, j’aimerais en payer plus.  » Pong : « On n’a jamais autant gagné à la bourse que sous la gauche.  » Match nul, balle au centre.

Enfin – cerise sur mon éducation UMPiste – j’avais appris de mon président de section qu’il n’y avait pas d’affaire Woerth. « Qu’est-ce que je dis si on m’interroge sur l’affaire Woerth ?  », avais-je demandé. « Tu ne dis rien, il n’y a pas d’affaire Woerth. » Ah bon...

Bref... Joliment motivé par cette intense préparation, je m’estimais plutôt bien armé avant de passer à l’action.

Mais ça : «  Sarkozy est une merde et vous nous faites chier ! »... Ça, c’est vraiment dégueulasse. Déloyal. Je pense à Arnaud, 24 ans, qui – il y a une semaine encore – me confiait n’avoir raté aucun des meetings de la campagne présidentielle de l’actuel chef d’État. Je revois ses yeux scintiller en décrivant la projection conjuguée - lors de l’investiture de son héros - du drapeau bleu-blanc-rouge, de la photo de Nicolas Sarkozy et de son score sur les écrans géants du Parc des exposition . Je pense aux risques pris la nuit par les colleurs d’affiches pour satisfaire leur engagement ; braves camarades m’ayant affectueusement surnommé «  le Rom  » lorsque j’étais monté à l’arrière de leur camionnette – ma coiffure, peut-être ? Et j’ai de la peine pour Samira qui aurait tant voulu partir cet été avec les Jeunes Pop’, parcourir les plages avec la Caravane des idées de l’UMP. Samira qui est de tous les tractages et endure sans doute les mêmes rebuffades, malgré son joli minois,

Dégoûté, je rentre avec mes tracts « J’ai 16 ans et je veux une retraite  » au siège de la section. Je ne dis rien de ce qui s’est passé à Françoise, de permanence aujourd’hui ; ça lui ferait un choc, elle si sensible. Mais alors que je m’apprête à partir, elle cesse de tourner autour du présentoir, se retourne et m’assène d’une voix plate : « J’hésite à enlever la biographie de Sarkozy de l’étagère. Tu comprends, en ce moment, il n’a pas trop la cote. » Oh... même toi, Françoise ?



1 Et il se murmure qu’un autre se prépare pour le numéro 9.

2 Le thème est récurrent à l’UMP. Par exemple chez le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, le 28 juillet 2010 : «  Beaucoup de nos compatriotes sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certains véhicules qui traînent les caravanes.  » Ou dans la bouche de Dominique Paillé, porte-parole du parti : « Je me suis, comme beaucoup de compatriotes, interrogé quand je voyais d’énormes voitures tirer d’énormes caravanes alors même que les ressources des familles qui vivaient à l’intérieur étaient totalement inexistantes. »


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 28 mars 2012 à 10h52, par Laffreux

    Il va falloir prévoir un stage de déconditionnement.

    On imagine pas les ravages mentaux que peuvent provoquer l’obligation de porter la raie sur le côté et des mocassins (à Glands).

    Courage ! ;-D



  • mercredi 28 mars 2012 à 18h56, par wuwei

    Le Lucien il est quand même verni parce que côtoyer des pointures pareilles :

    http://www.youtube.com/watch?v=0Rbg...

    J’espère en plus qu’il n’est pas payé parce que c’est trop cool !



  • mercredi 28 mars 2012 à 20h46, par Greneta

    Outre les étudiants UNI ou les fringants bcbg (comme on disait il y a 30 ans) de la bourse ou des professions libérales, il y a aussi un réel électorat populaire à l’UMP. On retrouve ces adeptes du « travaillons plus » chez les commerçants, les professions indépendantes (PME) ou dans la restauration par exemple. J’en connais qui, endetté jusqu’au cou, cumule 2 boulots (70h/semaine) et qui traite comme il se doit le quidam normal (35h ou chômeur) de « feignant » et de « privilégié ». Ce genre d’individu, pas forcément inculte ou débile par ailleurs, a la particularité de ne pas pouvoir envisager (même symboliquement) un autre monde que celui dans lequel il est né (= croissance-consommation-télé-portable-loto- et surtout le boulot comme signe extérieur de virilité). C’est le réactionnaire bas du front, toujours perdant mais toujours persuadé d’être du côté des fortiches...
    En fait, c’est pas des débiles, c’est des cons !



  • mercredi 28 mars 2012 à 21h00, par B

    c’est vraiment bien le site d’Article 11 !

    sans déconner, avec les renaissants communistes et toute la clique du Grand Soir qui croit que le monde entier leur en veut, on se fait trop chier.
    Ici ça vit !



  • mercredi 28 mars 2012 à 21h19, par sans

    Après l’anonymeA, voici le B
    Bon courage
    Je vous lis toujours avec plaisir, même si je ne commente pas trop



  • jeudi 29 mars 2012 à 08h35, par B

    B comment Bozo., brother !

  • Répondre à cet article