ARTICLE11
 
 

jeudi 19 avril 2012

Sur le terrain

posté à 21h20, par Lucien
2 commentaires

Embedded à l’UMP / N°3 : « La reconquête ! »

À l’UMP, ils laissent vraiment entrer n’importe qui. Lucien – expert en matière d’entrisme – a adhéré à l’une des sections « jeunes » de la capitale. Raie sur le côté, mocassins et jolie chemise, le courageux envoyé spécial d’Article11 en a profité pour prendre des notes, entre séances de tractage et réunions d’information. Troisième épisode.

Cette chronique a été publiée dans le troisième numéro de la version papier d’Article11, en mars 2011. L’ami Lucien ayant continué son travail d’infiltration un certain temps, il nous a livré d’autres épisodes qui seront mis en lignes dans les semaines à venir.

*

Dix-huit heures, moins un degré. Frisquet. Pris entre le trottoir et la neige, nous sommes trois. Il y a Catherine, qui se consacre à l’UMP depuis que ses enfants sont partis étudier loin du domicile familial ; Danièle, ancienne adjointe au maire à l’époque bénie où le RPR était au pouvoir ; et il y a moi.

Danièle a convié l’ensemble de notre groupe à une visite « double face  » de notre circonscription. Pile, il s’agit de se faire plaisir en apprenant plein de choses sur la ville où nous vivons ; face, nous en profiterons pour comprendre les enjeux électoraux. C’est qu’il ne faut pas s’y tromper : nous sommes en pleine reconquête ! Et la victoire passera nécessairement par une meilleure connaissance du terrain et des électeurs.

Autre facteur clé du succès : souder les liens entre militants, avancer en rangs serrés. Du « team building », en quelque sorte. Sauf que ce soir, c’est plutôt raté : Danièle attendait une quinzaine de personnes et nous ne sommes que trois à compter les minutes qui s’égrènent, l’heure du rendez-vous désormais bien dépassée. La lose... Plus personne ? Ah si : voila quand même Benoît, l’un des nouveaux membres de notre comité de direction. Que l’on soit si peu à nous être déplacés ne l’étonne guère : « Il y en a beaucoup qui parlent, mais on en voit peu agir. Les belles paroles, ça va un moment…  » Apparemment, depuis leur élection au comité de direction, certains membres ont fait montre d’une belle aisance dans l’art de l’absentéisme.

La visite commence. Au menu : détails historiques et bonnes adresses. Entre les deux, une grêle de commentaires. Florilège. Danièle : « Ici, c’est la rue des prostituées. À l’époque, nous avions mené toute une série d’actions pour les déloger. Nous y étions presque arrivés quand la gauche a repris le pouvoir et a laissé la situation se dégrader.  » Catherine : « Si la mairie installait un beau jardin public sur cette place, les clochards ne pourraient plus squatter.  » Danièle encore : « Ce serait bien d’avoir plus de diversification dans les commerces. Des boutiques un peu plus ’luxe’, je suis sûre que ça pourrait marcher.  » Je les trouvais plutôt diversifiés nos commerces, pourtant : coiffeurs algériens, salons de beauté chinois, réparateurs en tout genre, épiceries exotiques…

Pendant ce temps, Benoît continue de maugréer. Que les gens ne soient pas venus alors qu’ils étaient inscrits l’énerve. Il faut l’excuser : il est nouveau. Il ne sait pas encore que - chez nous – les disciples ont tendance à se calquer sur le comportement de notre président de comité, une vraie star en devenir. Lui absent, pourquoi s’embêter à suivre une visite de quartier quand le thermomètre flirte gaiement avec le négatif ? C’est bien plus sympa de se pointer à un collage d’affiches organisé en catastrophe pour que Chef puisse surjouer son activisme aux yeux des médias : quelques caméras de télévisions en train de le filmer en pleine action suffisent à donner l’impression que le papier adhère mieux aux murs en béton… Je n’ai pas osé le dire à Danièle mais, une fois, avec Samira, nous avons annulé un tractage parce que nous n’étions que cinq et que Chef ne venait pas. Ce jour-là, il faisait pourtant bien douze degrés !

Nous finissons la visite vers vingt heures et rejoignons les autres militants – cette fois bien présents – dans un café. La réunion commence, Chef arrive avec quarante minutes de retard. Il s’excuse : il a été retenu par une interview donnée à France Info. France Info ! Des sourires béats envahissent l’assemblée, Chef est applaudi. À la fois par la jeune génération, toujours à son service, et par la vieille garde, jamais avare d’un bon conseil. Mélange d’admiration sincère et d’opportunisme. Qui sait ? Peut-être pourra-t-il un jour nous offrir une place au soleil.


COMMENTAIRES