vendredi 17 octobre 2008
Le Charançon Libéré
posté à 10h46, par
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Il n’est guère de meilleur indice de la bêtise d’un pays que son rapport au sport. A ce petit jeu, la France fait de plus en plus fort : après la lecture l’an passé de la lettre de Guy Moquet peu avant le coup d’envoi d’un match de rugby, voici l’obligation faite aux footballeurs de chanter l’hymne national à pleins poumons. Un refrain patriotique imposé, ô combien révélateur.
Il fallait voir ces quinze solides gaillards.
En short et muscles à l’air, tous rassemblés autour de Bernard Laporte.
Cercle attentif ou faisant semblant de l’être.
Sans autre choix que d’écouter la lecture imposée de cette lettre.
Fantôme d’un jeune résistant convié à souder l’équipe de France.
Et figure symbolique que certains avaient décidé d’agiter en tous sens pour donner du sens patriotique et de la valeur dramatique à un simple match de rugby.
Initiative ridicule.
Et manipulation honteuse.
Tant l’exemple d’un jeune résistant martyr ne saurait servir de dopant à des acharnés de la balle.
Non plus que sa mort sous les balles ne devrait être récupérée par un ministre aussi abruti que magouilleur.
Il faudra voir, aussi, ces onze autres gaillards, non moins solides même si plus élancés.
En short et alignés comme à la parade.
Ligne attentive ou faisant semblant de l’être.
Sans autre choix de chanter à pleins poumons cet hymne national.
Chorale patriotique obligatoire, au risque de sanctions.
Imaginée par ce communiquant quelconque, Frank Tapiro.
Publicitaire sans envergure se croyant autorisé à donner des leçons d’amour du drapeau par la grâce d’une amitié élyséenne et d’un contrat obtenu par copinage.
Et ancien chargé de communication de Sarkozy prenant sa plus grosse voix nationaliste pour prévenir les récalcitrants de la récitation imposée : « Il y a des choses qui ne sont pas encore acquises, mais qui vont le devenir. »
On pourrait obliger les rugbymens et autres footballeurs à courir en rond en faisant la poule avant un match, à le disputer à poil, les mains et le sexe revêtus de bandelettes tricolores, ou à rendre grâce à la mère patrie après chaque but ou essai marqué, génuflexion obligée en direction de l’Elysée et dédicace obligatoire à nos ancêtres les gaulois, on pourrait faire tout cela, disais-je, que ça ne m’empêcherait pas de dormir.
Tant le sort des sportifs, sauf si c’est l’ami Pierre qui en parle , m’indiffère largement.
Sauf que…
Il n’est guère de meilleur exemple de récupération politique que ces manifestations patriotiques devenues obligatoires.
Manipulations sentimentales et lacrymales surfant sur le sport pour être plus facilement imposées.
Comme si l’amour du drapeau devait nous commander en toute chose.
Et ne jamais nous abandonner.
A ces moments de communion obligatoires, parole imposée et dirigée, on opposera avec profit, même si c’est là parallèle un brin tiré par les cheveux, le traitement fait à ceux qui ne jouent pas le jeu.
Et n’acceptent pas de se plier aux règles ou de rendre les armes.
Ainsi de ce perdant d’un match disputé il y a plus de vingt ans.
Homme ayant très durement payé une défaite qu’en un ultime sursaut de fierté il refuse de reconnaître tout à fait.
Et qu’on va remettre en prison pour prix de son insoumission.
Rouillan retrouve un sombre cachot.
Homme puni pour ne pas dire ce qu’on attend de lui.
Et il faut se méfier que bientôt d’autres ne connaissent ces mêmes barreaux.
Condamnés parce qu’ils n’auront pas chanté assez fort les gloires de la nations ou les charmes de la patrie.
Il n’est pas si loin de la parole reniée à celle qui est imposée.