mardi 6 octobre 2009
Le Charançon Libéré
posté à 15h10, par
19 commentaires
Mais c’est bien sûr ! La voilà, cette solution migratoire en acier blindé que même Le Pen n’aurait osé proposer : il suffit de renvoyer les clandestins là où notre glorieux pays conduit des opérations militaires. Avec un peu de chance, ils auront à peine le temps de descendre de l’avion qu’ils se seront déjà pris leur petite bombe perso sur le coin de la tronche… Hop : problème réglé !
Enfin !
Je ne sais pas vous.
Mais moi, je désespérais un peu.
Je me morfondais, m’inquiétais.
« Qu’est-ce donc que tu fiches, camarade Éric ? », me demandais-je in petto, pensée silencieuse pour ne pas gêner la digestion des mes voisins qui ne cessent de baffrer que pour applaudir la fermeté de ce gouvernement (de combat).
« Qu’est-ce donc que t’attends, frère Brice ? », m’interrogeais-je, questionnement discret pour ne pas déranger ma concierge, précieusement occupée à relire les lettres de dénonciation que son grand-père lui a légué sans même payer de frais de succession.
« Qu’est-ce donc que tu branles, ami Nicolas ? », m’angoissais-je, réflexion à voix basse pour ne pas troubler le vol noir des corbeaux qui font rien tant que croasser sur la ville en ricanant des malheurs d’autrui.
Oui, car enfin : comment que ça se fait que ça n’aille pas plus vite ?
Hein ?
On ne va quand même pas passer 106 ans à expulser quelques miséreux au teint basané, ou alors c’est pas demain la veille qu’on matera enfin ces ignobles Mahométans qui n’arrêtent de nous narguer depuis leur minaret que pour mieux s’introduire des trucs explosifs dans le fondement (Allah n’aurait pas apprécié).
Adonques, je commençais à perdre patience.
Et à mettre en doute la volonté de ce gouvernement (de combat) de mettre un réel coup d’arrêt à l’immigration clandestine.
Las, homme de peu de foi…
Infâme opportuniste prêt à abandonner sitôt que le coq (gaulois) aurait poussé un petit chantonnement de rien du tout…
Traître déjà, ou peu s’en faut !
Mais que je te dise : on ne m’y reprendra plus.
Et je me repens déjà d’avoir ainsi soupçonné les soutiers du régime de mi-mollesse dans l’application de leur programme électoral.
Parce que pardon : si la mise à sac de la jungle de Calais était déjà respectablement infâme, l’expulsion de certains de ses occupants vers l’Afghanistan touche au sublime dans l’ignominie.
Carrément que Mozart, s’il avait fait dans l’export de sans-papiers en gros et demi-gros, n’aurait pas trouvé mieux que cette audacieuse sérénade en trois mouvements.
Acte un, je te choppe par le paletot, « avec humanité et délicatesse » ; acte deux, je t’installe fissa dans un avion, « avec humanité et délicatesse » ; acte trois, je te fais atterrir dans le pays le plus joyeusement en guerre de tout ce putain de monde, « avec humanité et délicatesse ».
Respect !
L’opération est presque parfaite.
Et je ne vois guère qu’un moyen de l’améliorer et de lui donner toute la teinte machiavéliquement efficace que ne saurait manquer d’incarner ce gouvernement (de combat).
Il faudrait que… éventuellement, hein… ce serait le joli point final à une partition exécutée sans fausses notes… il faudrait donc que nos fiers pilotes et combattants français se débrouillent pour que ce soit eux qui balancent une petite bombe ou quelques rafales sur ces gueux fraichement rapatriés.
Et même : on pourrait laisser un petit mot sur la bombe.
Pour bien leur faire comprendre combien on sait être humain et délicat, nous.
Édit 19 h : à en croire le ministère de l’Immigration, le vol serait suspendu, sans qu’on sache s’il est juste reporté ou définitivement annulé. Ce qui, au fond, ne change pas grand chose à l’affaire : ce n’est pas une raison éthique qui a fait plier le gouvernement, mais le bruit médiatique. En clair : ils retenteront le coup.