mercredi 22 octobre 2008
Le Cri du Gonze
posté à 09h11, par
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A force de hanter les bibliothèques, de harceler les bouquinistes, de fouiner partout avec une ténacité jamais démentie, on a fini par dégotter la perle rare, la preuve du désastre à venir. Ce que la finance mondiale subit actuellement, Nostradamus, le plus grand des prophètes, l’avait prédit. Et ce qu’il annonce pour les mois à venir en fera frémir plus d’un : décryptage.
C’est dans une vieille librairie du Plat Pays que j’ai mis la main sur ce trésor inestimable. Poussiéreux, branlant, l’endroit ne payait pas de mine. Une vieille gargouille revêche et moustachue aux faux airs de Ma Dalton surveillait les lieux en grommelant, elle ne prit même pas la peine de me saluer quand j’entrais.
A l’intérieur, je parcourais les rayonnages, sans vraiment y prendre garde, absent. Puis je me dirigeais vers le fond du magasin, immonde entassement de livres pourris. Du pied, dans mon ennui, je faisais tomber une pile de grimoires recouverts de moisissures (raclement de gorge haineux en arrière fond).
C’est en me penchant pour ramasser les vieux débris poussiéreux, que mes yeux tombèrent sur ce parchemin recouvert d’un sceau étrange. En temps normal, je n’y aurais pas prêté attention. Mais là, au milieu des immondices (vieux numéros de Picsou Magazine1, éditions mangées aux mites de la France juive de Drummond, exemplaires antédiluviens du patriotique Tour de France par deux enfants…), cette lettre semblait précieuse, contrastait.
Alors je l’ai parcourue. De manière détachée d’abord, puis, une fois que j’eus reconnu la signature, avec une excitation croissante. Après lecture, fin connaisseur de Nostradamus2, j’en avais la certitude : cette lettre, adressée à une quelconque notable italienne était inédite. Et son contenu explosif. La lettre achetée à un prix dérisoire, je fuyais tel un voleur, ma pépite catastrophiste sous le bras. J’allais enfin faire parler de moi !
Pourquoi une telle excitation ? C’est simple : dans cette lettre, Nostradamus prédit le krach boursier et prophétise ses retombées. Voici le passage qui nous intéresse :
En l’an dey grâce suivant ley joutes de l’Est, les vauctours a leur tour chucteront
Du ciel les mannes soudain taries, la Pescte rien n’ectait en comparaison
Ley nabots chucteront dudit piédestal, poussière sur les courbes cherries
Eclairssie vite emportay, Janus baffoué, passé et present mêlés, vilains ladres chucteront comme pierres
Tectines à sec, les hommes à grandes et feroces bouches tomberont
Gueux courront dans les prais, l’âge des fectins reviendra, moult joy
Moult sang, moult élégants chavaliers mis à bas, moult écoureuils gragnotés
Une fois l’authenticité de la lettre confirmée par des procédés scientifiques ultra-précis, je n’ai pas mis longtemps à décrypter l’ensemble du message. Contrairement à ses habitudes, Nostradamus n’avait pas versé dans l’hermétique imbitable.
Écrivant à une riche rentière florentine dont il est le devin personnel, comme Raspoutine le sera de la tsarine, le prophète laisse ici libre cours à son don terrifiant : pris dans les convulsions de ses transes prophétesses, Michel de Nostrame pressent les derniers soubresauts de notre système, la dégringolade boursière. Et prédit la proche chute du capitalisme. Fausse interprétation ? Impossible, trop de détails concordent. Démonstration, ligne par ligne :
En l’an dey grâce suivant ley joutes de l’Est, les vauctours a leur tour chucteront :
L’allusion aux jeux Olympiques de Pékin est claire et précise : ces « joutes de l’Est » ne peuvent que désigner le grand raout pékinois3 qui vit une illustre Ministre chausser ses sabots roses. Le grand boum est pour 2009, donc.
Le terme de « vautour », désignant le charognard par excellence, laisse déjà augurer de ce qui va suivre. En effet, le charognard désignait déjà dans les temps médiévaux celui qui pour l’argent était prêt à toute les vilenies. Citons Teillard de Chardin (1545) : « dissimulé dans l’ombre, poignard à la main, ce vil charognard s’apprêtait à commettre son larcin. »
Du ciel les mannes soudain taries, la Pescte rien n’ectait en comparaison :
Il n’est pas étonnant que Nostradamus fasse appel à des références religieuses pour désigner le système capitaliste : en son temps, l’église ne mégotait pas forcément sur les pépettes sonnantes et trébuchantes (euphémisme d’envergure).
Ces « vannes taries » n’évoquent évidemment pas le dernier spectacle de Bigard mais le grand assèchement financier à venir. Nul besoin d’expliquer la référence à la peste. Juste de souligner l’ampleur de la chose : Nostradamus a vu sa première femme emportée par la peste avec ses trois enfants, nul doute qu’il sait de quoi il parle. D’où cette certitude : çà va faire mal…
Ley nabots chucteront dudit piédestal, poussière sur les courbes cherries :
Passage plus hermétique. On peut bien sûr y voir une référence à quelques uns des dirigeants mondiaux. Bush, Sarkozy, Berlusconi etc. autant de personnages qui ne brillent pas par leur ampleur physique. Le piédestal ici, pourrait alors très bien désigner les talonnettes du président français. Mais on peut y lire également la chute des banquiers et traders, emportés par le raz de marée financier. Le futur tranchera.
Cette « poussière sur les courbes chéries », je dois l’avouer, me laisse également perplexe. On peut envisager que cela évoque les cours de la bourse, si bas qu’ils n’intéressent plus personne, sont délaissés et lentement reçoivent l’usure du temps.
Il se peut aussi que Nostradamus ici fasse référence aux femmes des traders ne recevant plus leurs quotas de caresse, leurs maris indisponibles pour cause de féroce dépression.
Eclairssie vite emportay, Janus baffoué, passé et present mêlés, vilains ladres chucteront comme pierres :
Le message est clair : la grande « éclaircie » des marchés boursiers ne sera que passagère, emportée par le vent furieux de la crise généralisée.
Le recours à Janus, le Dieu bicéphale (une tête tournée vers le passé, l’autre vers le futur) que le prophète annonce « bafoué », souligne ce fait vérifié : les hommes au pouvoir ne tireront aucun enseignement des erreurs du passé, qu’il soit proche ou lointain.
La référence à 1929, via ces « vilains ladres » chutant comme des pierres est évidente : les gratte-ciels refleuriront.
Tectines à sec, les hommes à grandes et feroces bouches tomberont :
Pas d’ambiguité, ici. Les tectines, terme d’argot du moyen age désignant les portefeuilles des riches marchands (cf. Abélard, 1113 : « Ma tectine étant à sec, j’en fus réduit à un frugal repas en attendant mon Héloïse »), on comprend où Nostradamus veut en venir.
De même, « les hommes à grandes et féroces bouches » sont évidemment les politiciens si prolixes de leurs paroles et de leurs punitions. Ça se précise : les puissants risquent de méchamment trébucher dans la poussière de l’histoire.
Gueux courront dans les prais, l’âge des fectins reviendra, moult joy :
Les gueux étant à cette époque asservis et interdits de vagabondage, cette course dans les prés est pleine de symbole. En équivalent actuel, cela donnerait : « les pauvres viendront souiller les jardins de l’Élysée, pisser dans vos piscines4 et conchier les pelouses de Neuilly. »
Pour le festin, on est en pleine tradition des fêtes de la victoire sur l’oppresseur supérieur en nombre, tradition ancestrale remontant aux gaulois (Cf. Jules César dans La Guerre des Gaules : « chez nos amis les gaulois, tout se finit toujours par un banquet après qu’ils nous aient marave la gueule ».)
La Joie ici serait donc prolétarienne, ça n’étonnera personne, on le voyait venir gros comme une maison.
Moult sang, moult élégants chavaliers mis à bas, moult écoureuils gragnotés :
Nostradamus ici revient sur l’idée que ce ne sera pas une partie de plaisir. Le sang va couler, les affidés du pouvoir payeront. Étonnante précision du prophète qui ici semble avoir deviné l’épisode des 600 millions de la Caisse d’Épargne, cet « écureuil grignoté » laissant place à peu de doutes interprétatifs.
Le reste de la lettre est illisible ou éloigné du sujet. Reste que tous les éléments concordent : les carottes sont archi-cuites. L’évidence même. Sauf à remettre en cause l’authenticité de notre précieux document, ce à quoi, j’en suis sûr, aucun mauvais plaisant ne se hasardera5.
1 Adri, si tu me lis, je ne dis pas que Picsou Magasine est un ramassis immondices, loin de moi cette idée. Juste que ces numéros étaient techniquement moisis, usés par le temps. Je ne voudrais pas subir ton juste courroux…
2 Mon guide existentiel quotidien, à égalité avec Elizabeth Tessier et les horoscopes du Figaro Madame.
3 On peut y voir aussi une allusion au conflit géorgien, c’est vrai. Mais dans ce cas, l’année reste la même. No problemo donc, on reste dans le scientifique.
4 Nostradamaus aurait-il pressenti l’épisode Christian Clavier ? Rhooo, il est fort.
5 Nos avocats sont aussi puissants que retors. A bon entendeur…