samedi 19 septembre 2009
Littérature
posté à 14h51, par
23 commentaires
Tu n’ignores pas, Camarade, que ce site a toujours attaché une égale importance à la politique et à la littérature, considérant qu’une vraie révolution ne saurait faire l’impasse sur le chant des mots et du style. Logiquement - donc - on ne pouvait ignorer ce qui s’annonce comme un grand événement littéraire : Frédéric Lefèbvre sort un livre ! (Si, si : il sait écrire…) En exclu pour toi, les pires feuilles.
Pour te dire : au début, on s’est pincé, tous stupéfaits, désarçonnés et - même - un brin épatés.
On a relu quinze fois la brève, d’abord avec scepticisme puis enthousiasme.
Et on a fini par se rendre avec l’évidence : c’est donc vrai puisque Le Figaro - dont on ne saurait douter de la fiabilité des infos quand il est question de son petit chouchou et protégé, l’inénarrable Frédéric Lefèbvre -l’écrit noir sur blanc.
Immobilisé par un méchant claquage, le porte-parole de l’UMP occupe son temps libre à l’écriture d’un livre. « C’est un recueil de propositions pour moderniser le pays,à l’instar de celles que j’ai pu faire quand j’étais député », explique-t-il. Des propositions sur le travail, la santé, la culture, agrémentées d’anecdotes pour « expliquer comment ces idées me sont venues », ajoute-t-il. Publication cet hiver ou au printemps prochain.
Le porte-parole de l’UMP va sortir un livre…
Le choc…
Tu t’en doutes, notre petite conférence de rédaction hebdomadaire a vite tourné au délire.
On a débouché une de ces bouteilles de rosé qu’on réserve aux grandes occasions - Cabernet d’Anjou millésimé 2006, une année exceptionnelle.
On s’est levé debout sur nos chaises.
Et on a porté un énorme toast à cette nouvelle qui bousculait, piétinait, renversait - même - pas mal de nos certitudes : Frédéric Lefèbvre, que tout le monde pensait complètement analphabète, sait écrire !
Mieux : son nom va être associé à un livre, un vrai, un de ces trucs dont on tourne les pages, peut-être plus d’une centaine de feuillets remplis avec des mots, des fautes d’orthographe et des tournures de phrase incroyables !
Magnifique…
Passés les premiers verres, on a commencé à réfléchir.
On s’est dit que, peut-être - avec nos relations si hauts placées dans le monde de l’édition, nos accointances avec les cadors de l’UMP, nos entrées dans certains cercles confidentiels où se retrouvent grands éditeurs et personnages en vue de la majorité - , il y avait moyen d’en savoir un peu plus.
Et on a passé quelques coups de fil, remonté l’info, déniché l’heureux éditeur ayant passé le contrat avec le porte-parole de l’UMP et…
… on a même réussi à obtenir un double du manuscrit, presque totalement achevé.
Oui : ça claque !
On va donc faire comme nos illustres et prestigieux camarades des médias dominants, les Nouvel Obs, Point ou Express.
Et publier - ici, tout de suite, séance tenante - quelques-unes des bonnes feuilles (façon de parler, hein…) du joyeux opus que prépare Frédéric.
Sache juste que, par respect pour l’auteur, on a décidé de ne rien modifier à l’orthographe ou au style - conformes à ce qu’en laisse voir le porte-parole de l’UMP dans ses innombrables communiqués - pour le premier extrait ; et que par égard pour toi, on s’est permis de remettre un peu d’ordre orthographiques dans les deux extraits suivants.
Constate aussi que la brève du Figaro disait juste : chacune des anecdotes personnelles de l’auteur est suivie d’une proposition de réforme, c’est très clair et bien structuré.
Et note enfin que Lefèbvre ne s’est pas fait chier pour le titre, puisqu’il a à l’évidence plagié celui queLoana avait donné à son autobiographie, Elle m’appelait miette.
Chapitre I (morceau choisi)
L’école :
« L’école, je n’aie pas aimer. Pas spécialement à cause de mes kamarades cammarades kammarades… (je n’ai jamais réussi à écrire ce mot, sans doute parce qu’il renvoie a l’imaginaire historique des kommunisses staliniens)… pas à cause des autres enfants, donc, même si ceux-ci n’appréciaient pas toujours mon refus de l’entraide - à l’époque déjà, je considérais la dénonciation comme « un devoir républicain » et je ne me privais pas de balancer tous ceux qui tentaient de tricher. Pas à cause de l’environnement social non plus, puisque j’aie passer mon enfance à Neuilly et que l’endroit a toujours été - grasse en soit rendu au RPR - une réserve protégé où les Auvergnats (quand il y en a un, ça va ; c’est quand il y en a beaucoup qu’on est obliger de mangé de la potée à tous les repas…) et autres étrangers malintentionnés ne sont pas les bienvenus. Alors, pourquoi ?
C’est un poing essentiel de mon parcours que je vous livre ici : mon instituteur était marssisse. Un vrai. Un pur. Un dur, qui se levait le matin au son des orgues de Staline et se couchait en récitant du Georges Marchais dans le texte. Il ne faisait pas mystère de son engagement kommunissse, toujours à nous causer de progrès social, de lutte des classes et de réveil du prolétariat. Et il nous parlait de ceux qui souffrent et ont faim, comme si on en avait eu quelque chose à faire.
Pis : quand il n’était pas occupé à faire de la propagande, il était toujours sur mon dos. Sans arrêt (maladie). Il me surnommait Piètre, à cause de ma façon d’écrire : « Tu as une si piètre orthographe qu’il n’est pas de meilleur qualificatif pour toi », disait-il toujours en agitant son point levé. Et puis, il me renvoyait chez moi avec des centaines de ligne du Kapital à copier.
Ça a été un enfer. Un véritable goulag ! Cet instituteur a gâché ma vie et, encore aujourd’hui, je ne peux rien voir-entendre-lire qui se rattache à la gauche sans me mettre à trembler comme une feuille, sueurs froides et remontées gastriques. Certains de mes amis ou membres de famille pensent que cela a pu jouer un rôle dans mon engagement politique. Qui sait ? »
Proposition de réforme :
- Interdire le komunissme, le socialissme et tous les mots en -isme qui ont fait tant de mal à la France en mettant en avant l’assistanat, le métissage et le laxisme.
- Supprimer l’orthographe du tronc commun du primaire et du secondaire.
Chapitre VIII (morceau choisi)
Les nouvelles technologies :
« Certains de mes adversaires en ont fait des gorges chaudes, prétendant que je n’y connaissais rien. Ils peuvent toujours rigoler et se moquer, ces gens de peu. Savent-ils que « j’ai commencé à communiquer sur Internet avant même la création de Wanadoo, parce que mon frère qui vit aux États-Unis en est l’un des pionniers » ? Savent-ils - aussi - qu’il « y a plus de dix ans, j’ai passé quelques bouts de nuits à ses côtés dans certaines caves du 18e arrondissement pour mettre en route des serveurs »1 ? Savent-ils - enfin - qu’il n’est guère de meilleur connaisseur du net que moi ?
J’ai farfouillé dans les câbles, moi ! J’en ai bricolé des modems et des unités centrales ! J’ai discuté avec Steve Jobs et Bill Gates quand ils n’étaient encore de petits entrepreneurs et qu’ils cherchaient des capitaux pour lancer leur boîte ! J’ai arpenté tous les coins et recoins du réseau, jusqu’à en maîtriser toutes les arcanes et alors que la plupart des Français ne savaient même pas qu’internet existait ! Alors, faites-moi confiance quand je vous explique que « les trafiquants d’armes, de médicaments ou d’objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge sur Internet, et les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid ». Je sais de quoi je parle…
Je n’ai finalement pas eu ce poste de secrétaire d’Etat à l’économie numérique qui m’était promis, sans doute à cause de la pernicieuse influence communisse qui étreint encore la France dans son gant d’acier trempé sur les forges de Vladivostok. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot, un jour ou l’autre je mettrai le net au pas ! »
Proposition de réforme :
- Me nommer secrétaire d’Etat à l’économie numérique.
- Instituer Hadopi III : tout mail, billet ou message publié sur le net se révélant contraire à l’intérêt national ou néfaste au prestige de la majorité est interdit.
Dernier chapitre (morceau choisi)
« Vous ne pouvez pas le savoir, ô mes concitoyens. Mais les deux cent cinquante pages brillantes que vous avez dans la main et qui forment ce livre, suc de ma pensée et sel de mon cerveau, je les ai rédigées depuis ma chambre d’hôpital. Ou tout comme…
Victime d’un « violent claquage au mollet » (on ne rit pas !), je suis alité depuis deux semaines. Auparavant, déjà, et comme l’avait raconté Paris Match en un très sympathique article, j’avais fait un malaise vagal lors de mon jogging bihebdomadaire ; oui : tout comme le président. En somme, vous le constatez, j’ai une santé fragile et ne cesse d’endurer les pathologies les plus graves, les plus aigües. Est-ce que cela m’empêche d’écrire ? Non ! Est-ce que cela m’empêche d’aboyer comme à l’accoutumé, de m’en prendre avec ma violence habituelle aux gauchisses qui font rien tant que mettre la France à genoux ? Non plus ! Est-ce que cela m’empêche - enfin - de remplir la tâche qui m’a été fixée à la naissance, servir le pays et mon président ? Bien sûr que non ; d’ailleurs, je ne l’ai jamais mieux fait qu’en prenant la plume.
Certains mauvais esprits ne manqueront pas d’objecter que c’est là œuvre sans réelles difficultés et prétendront que - politique stipendié depuis mes dix-huit ans - je n’ai jamais travaillé de ma vie. Qu’ils objectent, qu’ils prétendent, je n’en ai cure : si je le fais, c’est que c’est possible. Compris ? »
Proposition de réforme :
- Supprimer les arrêts-maladies, sauf pour les pathologies les plus lourdes (malaise vagal, claquage…).
- Généraliser le télétravail en usant des procédés technologiques brillamment mis au point par mon frère et moi, en 1999 dans « certaines caves du 18e arrondissement » (voir chapitre VIII).
- Instituer un fichier des médecins communisses (si, si, ça existe !), un peu trop compatissants envers les salariés.
1 De ces deux citations, largement médiatisées il y a quelques mois, vous trouverez tracesur cette page de l’Assemblée nationale.